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Cette BD manga en trois tomes parus en 2007, 2008 et 2013 raconte l’histoire personnelle de son auteur, Jun Jung-Sik, Coréen adopté (une expression qui revient sans cesse dans ses pages) en 1970 par une famille belge. Trouvé dans la rue par un policier, conduit dans un orphelinat américain, il est examiné sous toutes les coutures avant d’être proposé à l’adoption comme 200 000 enfants coréens au cours des années 1970. Jung n’a aucun souvenir de ses parents biologiques, sinon une image idéalisée de sa mère. Le premier tome retrace donc l’histoire de Jung jusqu’à son arrivée en Belgique et son adaptation dans sa famille adoptée, où les sentiments ne s’expriment pas vraiment avec tendresse et où il trouvera un frère et trois soeurs, plus une petite soeur coréenne adoptée elle aussi. 

Le deuxième numéro raconte l’adolescence de Jung : période souvent délicate, elle se révèle difficile pour le jeune Belgo-Coréen (si je puis me permettre cette expression) écartelé entre deux cultures éloignées. Le garçon timide a un penchant à l’auto-destruction, comme pour évacuer ces questions qui le taraudent sur ses origines, sa véritable identité, l’abandon… Heureusement il a un véritable don pour le dessin et sa créativité lui ouvre de belles portes.

En 2013 seulement cinq ans après le tome 2, Jung boucle la boucle en narrant son émouvant voyage en Corée, sur la piste de ses origines. Il a la quarantaine mais dialogue toujours dans sa tête et dans son coeur avec le petit garçon qu’il était à cinq ans, quand il a été adopté…

C’est une histoire à la fois belle et douloureuse que nous conte Jung, une histoire authentique pleine d’attente, de soif de reconnaissance, de tendresse… Il nous dit avec simplicité les questions (souvent sans réponses), le mal être mais aussi les petits et grands bonheurs des enfants adoptés, tout en ne cachant pas l’issue tragique que choisissent beaucoup de jeunes qui n’ont pas été suffisamment ou bien accompagnés dans leur « inculturation ».

J’ai trouvé très touchants ces dialogues constants entre le garçon, l’ado, l’homme, qui restera toujours un adopté dans sa tête, et le petit garçon de cinq ans trouvé dans la rue. Un « dédoublement » de personnalité qui aide à vivre, à comprendre, à accepter. Très émouvants aussi les motifs et thèmes graphiques qui reviennent régulièrement dans les trois tomes : la silhouette imaginée de la maman coréenne avec son ombrelle, l’arbre et ses racines tellement symboliques, les épis de blé qui marquent toujours le retour au pays d’origine de Jung. Le dessin, en noir et blanc et la mise en page sont assez simples, accessibles comme le souhaitait l’auteur, dont on peut lire des interviews à la fin de chaque album. Si les sujets abordés sont graves, il n’a pas oublié l’humour, l’auto-dérision, autres moyens de rendre son histoire plus facile à aborder. La simplicité n’empêche pas la beauté du trait et des ambiances, des paysages, des frimousses d’enfants toutes rondes.

Une belle découverte, j’y ai appris plein de choses sur la Corée et sur cette politique qui a mené à laisser partir des milliers d’enfants à l’étranger. L’histoire particulière de Jung prend des dimensions universelles.

JUNG, Couleur de peau : miel, Editions Quadrants, collection Astrolabe, 2007, 2008 et 2013

L’avis tout récent de Cuné sur les tomes 1 et 2 et celui de Noukette (avec plein d’autres liens !)

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