Jours d'enfance

  Décembre 1968. Au Wesley College à Bloemfontein (dans l’Eat libre d’Orange en Afrique du Sud), les élèves se préparent à affronter au tennis les Clefs-à-Molette, obscurs étudiants d’un collège technique afrikaner des environs. Quand les visiteurs descendent du car, Simon reconnaît parmi eux Fanie van den Bergh,  qu’il a connu sur les bancs de l’école à Verkeerdespruit, un gros village afrikaner.

Simon est lui-même fils d’un magistrat anglais et d’une Afrikaner, qui semblent vouloir dépasser le fossé entre ces deux nationalités. Mais la ligue des dames patronesses, la position du pasteur maître à penser sont souvent difficiles à combattre. Tous ceux qui ne sont pas dans la « norme » sont « écartés » : Steve et sa moto, Trevor et sa chemise rose. Et les instituteurs se succèdent rapidement à l’école, car ils ne souhaitent pas moisir dans ce trou.

Dans ce village, les enfants reproduisent presque inconsciemment les comportements racistes des adultes : ainsi, Fanie est un garçon épileptique et donc considéré comme un demi-idiot, d’autant plus peut-être que sa mère semble rétive aux tentatives d’aide proposées par les dames de la paroisse.

Quand Simon réussit à sortir du patelin pour entrer à Wesley, un collège très moyen qui correspond aux idées relativement libérales de ses parents, il peine à être pleinement intégré à cause de sa double origine. Lors dumatch de tennis qui l’oppose à Fanie, les souvenirs d’enfance remontent à la surface, et avec eux les divisions et les préjugés.

C’est grâce à Elodie Fondacci (Radio Classique) que j’ai entendu parler de ce livre et il était justement à la bibliothèque. Il ne s’agit pas d’un livre sur l’apartheid à proprement parler car l’auteur a choisi de montrer le fossé entre Anglais et Afrikaners mais on sent bien que les deux peuples partagent la même crainte des Bantous, il ne faut surtout pas que le village devienne un « bantoustan ». Tous ces préjugés sont vus à travers le regard innocent, spontané d’un enfant dans les années 1960, et dans son innocence, Simon provoque presque des catastrophes pour certains adultes quand il ne subit pas lui-même les préventions de ces mêmes adultes, à propos de son chien Dumbo par exemple. Dans son village d’abord, au collège ensuite, il apprend la vie, l’amitié, la jalousie, les expériences sexuelles, et sa naïveté nous vaut quelques scènes pas piquées des vers. J’ai souvent souri et parfois frémi devant certaines situations. Au bout du compte, dans la scène entre le directeur du collège et Simon, l’auteur nous livre finalement un message capital, on l’espère, pour l’apprentissage de Simon (malgré une conclusion hilarante).

Le poème de Robert Graves cité en exergue du roman, que je vous ai proposé pour le dimanche poétique, donne une des clés de lecture de ce roman : les gens qui se sentent protégés derrière leur rideau de paroles, d’a priori, « mourront glauques, saumâtres et volubiles ». Sauf s’ils acceptent de se laisser provoquer par « la lumière éclatante des jours d’enfance », celle qui interroge leurs choix d’adultes.

Michiel HEYNS, Jours d’enfance, Philippe Rey, 2010

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