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Quatrième de couverture :
1919. Nord de l’Ontario. Niska, une vieille Indienne, attend sur un quai de gare le retour d’Elijah, un soldat qui a survécu à la guerre. À sa grande surprise, l’homme qui descend du train est son neveu Xavier qu’elle croyait mort, ou plutôt son ombre, méconnaissable. Pendant trois jours, à bord du canoë qui les ramène chez eux, et tandis que sa tante essaie de le maintenir en vie, Xavier revit les heures sombres de son passé : l’engagement dans l’armée canadienne avec Elijah, son meilleur ami, et l’enfer des champs de bataille en France…
Voilà un livre dont j’avais certes lu la quatrième de couverture (eh oui, je suis atteinte de cette pratique honteuse…) mais je ne m’attendais pas du tout à tout ce que j’ai trouvé dans ce roman (preuve que la quatrième est bien faite !) Je savais qu’il serait question de la Première guerre mondiale, du retour d’un soldat canadien au pays. Et j’ai découvert l’histoire des Canadiens partis combattre en Europe sous le commandement britannique (pays du Commonwealth oblige). J’ai découvert en particulier le destin singulier de deux Indiens parmi d’autres qui se sont enrôlés dans cette armée : l’un s’appelle Elijah, l’autre Xavier. Tous deux ont été élevés au pensionnat, par des religieuses trop contentes de casser du païen à travers des enfants indiens innocents, mais ils ont fini par rejoindre Niska, la tante de Xavier, pour mener la vie traditionnelle des Indiens Cree, dans la forêt. Bien plus tard, ils ont rejoint Toronto, se sont entraînés, ont traversé l’Atlantique et sont arrivés au front, où ils ont connu les batailles les plus terribles de la guerre 14-18.
Quand le livre commence, Xavier rentre seul au pays. Il a perdu une jambe, il est devenu dépendant de la morphine et ne tient plus guère à la vie. Niska va le ramener chez eux en canoé et durant les trois jours que dure le voyage, tandis que Xavier se souvient et revit la guerre, la vieille Indienne lui raconte les histoires de sa propre enfance, comment elle a hérité du don de magie de son père, pourquoi elle a choisi de continuer à vivre la vie traditionnelle des Cree plutôt que de sédentariser dans une réserve comme la majorité de ses congénères. Les souvenirs de l’un et les récits de l’autre se croisent, pour tisser une sorte d’opéra où les forces de la nature, les passions humaines, les horreurs de la guerre se conjuguent, se déchaînent jusqu’au paroxysme et finissent par s’apaiser dans un exorcisme salvateur.
J’ai aimé cette évocation de la vie indienne, pour guérir le soldat perdu, et j’ai retrouvé avec beaucoup d’intérêt les lieux chargés d’histoire où Elijah et Xavier ont combattu : le saillant d’Ypres, la Somme, la crête de Vimy, Passchendaele. Ils n’étaient pas sans me rappeler des livres lus il y a longtemps et très aimés : Derrière la colline, de Xavier Hanotte, Les amants de pierre, de Jane Urquhart. Le premier se passe dans la Somme, du côté de Thiepval, lors de la fameuse bataille de juillet 1916 (et le dénouement du Chemin des âmes m’a rappelé avec bonheur l’élément pivot du roman de Hanotte) ; le second raconte notamment la construction du Mémorial de Vimy, où les Canadiens se sont particulièrement distingués en 1917.
Mais dans le roman qui nous intéresse ici, cette guerre d’abord européenne est vue à travers les yeux innocents de Xavier, qui ne maîtrise pas la langue anglaise et doit donc suivre en tout son ami d’enfance, Elijah. Tous deux mènent les raids, les reconnaissances de terrain, comme des chasseurs dans la forêt, et deviennent petit à petit des tireurs d’élite, capables de « dégommer les Fritz » à grande échelle. Mais les Canadiens, et en particulier les Indiens, ne sont pas traités à l’égal des autres soldats au sein de l’armée britannique. Et Xaver voit Elijah s’éloigner de lui petit à petit et sombrer dans la folie de la guerre. Le jeune Indien observe les combats, les ordres absurdes, les exactions des militaires, les boucheries répétées auxquelles il va survivre comme par miracle. Il voit ce que les hommes – et lui-même – deviennent dans la guerre. « Chacun se bat sur deux fronts à la fois, l’un contre l’ennemi, l’autre contre ce que nous faisons à l’ennemi. » (p. 407)
Je ne suis pas encore lassée de lire des romans sur cette première guerre mondiale, et je dois dire que le roman de Joseph Boyden a réussi à me passionner de bout en bout, grâce à ce personnage tellement attachant qu’est Xavier, et à son double fascinant, Elijah, grâce à sa vieille tante Niska qui tente de le ramener à la vie malgré tout. Ce Chemin des âmes, pour les Indiens, ce sont les trois jours que met l’âme d’un mort à rejoindre le royaume des morts. Trois jours de canoé qui se terminent par une scène très forte et tellement étrange à mes yeux d’Européenne cérébrale du 21e siècle…
Un livre magnifique, prenant, un coup de maître pour un premier roman, un coup de coeur qui appelle à grands cris la lecture du deuxième roman de Boyden, Les saisons de la solitude.
« Il était le dernier grand conteur de notre clan. Mon père contait à voix basse : il fallait venir tout près pour entendre, si bien que l’on sentait, dans ses cheveux, l’odeur fumée des lacets avec lesquels ma mère lui nouait ses nattes. L’odeur de son cou était comme le vent qui souffle au large de la Grande Baie Salée. Moi, j’imaginais qu’il tressait des histoires tout l’été, formant avec ses mots d’invisibles filets qu’il jetterait sur nous les longues nuits d’hiver, pour nous attraper, nous rassembler au fond de cette nasse où l’on se tiendrait chaud. Et parfois, il n’y avait que ses histoires pour nous rattacher à la vie. » (p. 53)
« Je rêve du pays. On dort mal par ici, mais j’ai appris à rêver les yeux ouverts. Là où j’habite, la rivière est aussi vaste qu’un lac et c’est à ce moment de l’année, le printemps, que la pêche est la meilleure. C’est aussi l’époque où nous quittons tous nos campements d’hiver pour nous rassembler et, l’espace de quelques semaines, partager la bonne vie. On chasse l’oie sur la baie : on bâtit des caches et l’on pose les appelants. Le soir, on plume les prises que l’ont met à boucaner jusque tard dans la nuit, tout en mangeant à satiété. Ce serait intéressant d’y emmener Gilberto, Zyeux gris, Sean Patrick et Graves. Je me demande ce qu’ils penseraient d’un tel endroit : la grande forêt, la grande eau et si peu de gens, à la différence des lieux que j’ai connus depuis. Avec son corps velu et son drôle d’accent, Gilberto épaterait les gosses. Les filles trouveraient sûrement Sean Patrick très joli garçon. Graves impressionnerait nos anciens par le récit de toutes ces guerres où il a combattu. Zyeux gris volerait sûrement quelque chose. » (p. 108-109)
A écouter en lisant : Le War Requiem, de Benjamin Britten (surdes poèmes de Wilfred Owen)
Joseph BOYDEN, Le Chemin des âmes, traduit de l’anglais (Canada) par Hugues Leroy, Albin Michel, 2006 – et au Livre de Poche
Les avis de Aifelle, Kathel, Cynthia, Mango (plus mitigée) : elles citent chacune d’autres liens encore !
J’ai choisi ce titre pour le challenge de Calypso (je n’avais que celui-là avec le mot « âme » dans la PAL – et quel bonheur !), et je me suis rendu compte que c’était un premier roman et qu’il parlait des Indiens Cree (et Ojibwés) du Canada. C’est donc ainsi que j’inaugure (enfin) le challenge de Folfaerie.
J’apprécie les romans sur les Amérindiens d’habitude mais celui-ci m’a terriblement ennuyée : je ne l’ai pas terminé…
Tout le contraire chez moi… j’avoue que je ne comprends pas qu’on s’enniue à cette lecture, tu n’es pas la première à me le dire…
je l’ai lu il y a quelques années, il était terrible ce roman ! conseillé par un libraire, il a été dévoré en un rien de temps…je dois toujours me tourner vers le suivant…mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le prendre !
Je ne tarderai pas à l’acquérir !! Si j’ai bien compris, c’est le même genre de narration à deux voix, dans un contexte différent. Et toujours les Indiens…
Comme Ys, les passages de guerre m’ont terriblement ennuyée, or ils sont très nombreux et longs! En revanche j’ai aimé les liens entres les deux jeunes Indiens et j’ai trouvé la fin particulièrement réussie. Une déception cependant par rapport au plaisir de lecture auquel je m’attendais.
Ah cela ne m’a pas paru long, mais si terrible, si réaliste… et une fin assez bluffante pour moi !
Un de mes abandons, je file le long des murs…
Va, je ne te hais point 🙂
les 100 premières pages m’ont ennuyée, et surtout anesthésiée… J’avais , à sa sortie tenté de lire « les saisons de la solitude » avec le même ennui.
C’est définitivement le genre de roman que j’aime, je crois !
Je vais relever un peu les commentaires précédents ! J’ai adoré ce roman et les scènes de guerre ne m’ont pas paru longues, mais indispensables et captivantes. Que je sois allée à Verdun quelque temps avant n’y est peut-être pas étranger. Et la partie améridienne est tout aussi intéressante, une grande réussite à mes yeux.
C’est vrai que j’ai visité aussi Ypres (le musée du Flanders Fields, magnifique musée intéractif sur la première guerre mondiale) et les vestiges de la bataille de la Somme, du côté de Péronne (l’Historiale de la Grande Guerre) et d’Albert (et Thiepval !!) Ces événements me touchent beaucoup. C’est un très grand livre, je suis d’accord avc toi !
Je suis ravie que tu aies découvert et aimé un de mes auteurs chouchous ! Ce Chemin des âmes est une lecture inoubliable, un coup de coeur…
J’ai hâte de découvrir ses autres écrits !
Et bien, quelle billet ! Ce titre est toujours sur ma LAL mais tu me donnes bien envie de l’acheter sans tarder. Moi aussi, j’aime les récits liés à la première ou seconde guerre mondiale pour peu que ne ce soit pas trop terrible à lire. L’un des livres qui m’a le plus marquée parce que je l’ai lu jeune c’est A l’ouest rien de nouveau. Bref, j’espère que le roman de Boyden me plaira autant.
C’est un classique « A l’Ouest… » Je te conseille aussi « Derrière la colline » mais je ne sais pas si on le trouve encore facilement.
J’aime aussi lire des récits qui se déroulent pendant la première guerre mondiale mais je n’arrive pas à me décider pour celui-ci.
Qu’est-ce qui te retient ?
Toujours pas lu cet auteur, pourtant persuadée qu’il va me convaincre. Pfff…
Tu y serais sans doute sensible, en effet…
Ton billet est très beau et donne envie mais en ce qui me concerne j’en ai un peu soupé avec la première guerre mondiale, donc il attendra… même si l’histoire des indiens canadiens me tente ! 😉
Alors lis le suivant, il n’est pas de la même période 😉
Pfff, pas bien réveillée on dirait.. quEl billet et non pas quelle !
Pas grave… au début, je n’avais même pas remarqué, tellement j’étai contente que tu viennes si vite me rendre visite !
Les avis parfois positifs, parfois négatifs (cf Ys, Keisha, …)
Il faudra « tranchée » toi-même 😉
J’ai peur de ne pas aimer ce roman… et pourtant je sais qu’il a donné lieu à quelques coups de coeur. Merci pour ce billet ! (et moi aussi je lis les quatrièmes de couverture)
C’est chouette de lier challenge et coup de coeur ! Merci à toi aussi.
De l’auteur, j’ai beaucoup aimé les nouvelles de « Là-haut vers le Nord ». Pas osé acheté celui-ci, mais je tenterai, c’est sûr !
Ce sont des nouvelles, ce titre-là ! Tu m’apprends quelque chose !
Dire qu’il traine encore dans ma PAL !!!
Eh oui, beaucoup de bouquins attendent ainsi patiemment… mais il aura son heure !
Voila un titre qui va rejoindre ma liste d’envies de lectures (je ne lis pas que des livres d’Albanie, Hongrie, Pologne etc)! car il me semble présenter un point de vue tres intéressant sur la premiere guerre mondiale et je ne connais presque rien des Indiens. En voyant le billet sur Wilfred Owen, et comme je sais que vous mettez souvent une suggestion de musique, j’allais justement suggérer le War Requiem. La mise en musique de ses poemes est vraiment merveilleuse.
Poèmes forts, rythmés, et grand compositeur. Un fameux Requiem !
Comme tu le dis, heureusement que la 4e de couverture n’en dit pas trop.
Le Livre de poche est assez bon pour cela…
Mouarf!!!
Repéré depuis un moment déjà, j’hésite encore à franchir le pas n’étant pas forcément fan de cette époque mais ce que tu dis de ce roman m’a l’air bien différent de l’idée que je m’en étais faite… Je jetterai un oeil dessus lors de ma prochaine incursion en librairie. 😉
Les combats, l’horreur de la guerre y sont bien là mais le regard de l’Indien renouvelle le genre !
Joli billet. J’ai lu très peu de romans sur la première guerre mondiale, je le note!
Je le conseille volontiers !! Mais tous les avis ne sont pas aussi enthousiastes…
il dort dans ma pal depuis sa sortie… 😦
Vois ma réponse à Keisha. Mais toi, quand même, je te hais un petit peu, tu n’as même pas encore fait l’effort… 😉
Je suis bien d’acord avec toi, on ne soupçonne pas la beauté et la richesse de ce qui nous attend dans ce sublime roman. L’histoire est magnifiquement servie pas une écriture d’une grande sensibilité. Un coup de coeur pour moi aussi.
J’ai hâte de découvrir le suivant !