Étiquettes
Quatrième de couverture :
À Sable-Rouge, en Gaspésie, pendant la dernière guerre, une femme s’assoit chaque jour sur un banc, face à l’océan, dans l’attente d’un improbable retour. Vingt ans plus tôt, une goélette, construite par son père et baptisée en son honneur la Lady Céleste, a pris la mer en emportant l’homme qu’elle aime. Mais la goélette n’est jamais revenue et la femme attend toujours.
C’est peut-être le seul livre que je lirai pendant ce mois au Québec organisé par Karine (bon, espérons que je lise encore un petit roman d’ici la fin septembre) mais je suis très contente d’avoir sorti celui-ci de la PAL, acheté à la Foire du Livre à Bruxelles, en mars dernier.
Le coeur de l’histoire, cette femme qui attend le retour d’un bateau et de son capitaine, n’est peut-être pas original, mais elle est tellement originale, Céleste, et les gens qui l’entourent forment une telle galerie de personnages qu’on se laisse prendre au charme. Le roman est en outre divisé en quatre parties, quatre voix qui racontent chacune leur part de l’histoire, leur vérité, leurs sentiments.
Il y a d’abord Justin, l’aspirant journaliste, venu de Montréal en 1941 faire son apprentissage en Gaspésie. Il est immédiatement tombé amoureux de Céleste et a tenté de deviner son histoire.
Will McBrearty, l’Irlandais revenu de la Grande Guerre au Canada, le deuxième narrateur, avait su conquérir le coeur de Céleste en radoubant son bateau, la Lady Céleste. Mais il n’est jamais revenu de sa première expédition à la tête de la goélette.
Ensuite c’est au tour d’Emile Bourgeois, l’ami d’enfance de la jeune femme, de faire entendre sa voix, ses espérances, son ambition dévorante, sa jalousie envers Marie, l’Indienne qui s’occupe si bien de Céleste, et finalement sa patience si mal récompensée.
Enfin c’est Céleste elle-même qui livre sa vérité à un interlocuteur mystérieux, et lui raconte sa passion pour la mer, pour son père, pour ce bateau qui porte son prénom.
Quatre voix qui dessinent entre 1923 et 1945 un récit traversé par le vent, des tempêtes aussi rapides et imprévisibles que le squall, dans l’odeur du varech, à l’ombre d’un phare, sur une terre où les petits pêcheurs perdent petit à petit leur travail au profit des forestiers, et où les Indiens Micmacs, les premiers occupants de la Gaspésie, ont été relégués dans l’Anse-aux-Indiens. Mais leur culture est toujours bien présente aux yeux de la romancière, Marie-Christine Bernard, à travers le personnage de Marie, l’influence de quelques légendes anciennes et dans les sous-titres de chaque partie, rédigés en micmac.
Le charme de ce roman tient aussi pour moi au plaisir de découvrir des expressions typiquement québecquoises, puisque le roman est édité là-bas, mais surtout à son écriture : légère, fluide, poétique et fantasque comme Céleste, peuplée de vent et de craquements de bateaux, de violence et de tendresse, nourrie d’une attente impossible.
Un roman lumineux, comme son héroïne.
« Les mots, elle avait un rapport particulier avec eux. Elle disait qu’ils avaient une vie propre, qu’elle els voyait sortir de sa bouche et s’animer quand elle prononçait une parole grave. Ca l’effrayait : c’était pour ça, me disait-elle avec une conviction qui ne tolérait pas la réplique, qu’elle parlait le moins possible aux étrangers. Pour qu’ils ne partent pas avec ses mots. » (p. 162)
« Me perdre dans la mer. Je me suis vue couler tant de fois dans la mer. Etre avalée par elle. Me fondre dans les algues, devenir écume, prendre la couleur de l’eau. Disparaître.
La mer m’a pris tant de choses. Tant de promesses tendues et reprises, tant d’espérances en allées vers la lune et jamais revenues. La marée ne ramène pas ce qu’elle emporte. Elle rejette au rivage ce que l’océan refuse. Je suis ces débris jetés sur la plage. La mer m’a vomie moi aussi comme ces troncs d’arbres torturés qui hantent l’alentour de ma maison. » (p. 231)
Marie-Christine BERNARD, Mademoiselle Personne, Editions Hurtubise (compact), 2010
Pour tout connaître de la Gaspésie
Un roman du Québec, où on parle des Indiens Micmacs, et une bien jolie plume féminine !
Cette attente me rappelle celle de la Rêveuse d’Ostende d’Eric-Emmanuel Scmitt et c’est vrai que lire un livre québecquois reste très réjouissant par les expressions employées.
C’est pittoresque et on comprends tout, c’est ça qui est bien !
Je ne connaissais pas cette auteure, mais un roman à 4 voix se déroulant en Gaspésie…je note ! Si vous aimez cette région, je vous recommande l’auteure Rachel Leclerc.
Merci du conseil ! Disons que c’est la littérature du Québec qui est à l’honneur ce mois-ci et je dois avouer que je n’y connais pas grand-chose…
Beau billet et livre bien tentant !
Ne s’était-on pas dit que, comme il ne restait qu’un exemplaire, tu nous l’enverrais à Argali et à moi après ta lecture ?
S’il veut voir du pays, je suis toujours d’accord pour l’héberger cet automne ou cet hiver 😉
Merci ! Je l’ai prêté à maman, mais n’hésite pas à m’envoyer ton adresse par mail pour que je te l’envoie ! On verra si Argali est intéressée aussi… (Rassure-toi, M. lit vite…)
J’en ai beaucoup entendu parler mais je ne l’ai jamais lu. Et tu me donnes bien envie!
J’avoue qu’à part quelques auteurs très connus (comme Jacques Poulin ou Marie Laberge), je ne me rends pas bien compte de la notoriété des auteurs du Québec sur place… Tant mieux si ce roman est connu, il a un petit charme qui gagne à être connu.