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Quatrième de couverture :

La dernière fois que Tsuyoshi Toda a vu son père, c’était en 1942, quand ce dernier partait travailler en Mandchourie, d’où il a été déporté en Sibérie après la fin de la guerre. Vingt-cinq ans plus tard, alors que sa mère sombre peu à peu dans les errances de l’alzheimer tout en conservant l’espoir de revoir un jour son mari, Tsuyoshi apprend que son père, porté disparu, est vivant au Japon. Lorsque le père accepte de rencontrer son fils, seul, il lui remet une lettre dans laquelle il explique les raisons de sa disparition : ce qui s’est passé sur le bateau qui le ramenait au Japon a brisé net le cours de sa vie. D’une logique dramatique imparable, ce roman explore le destin d’êtres que l’Histoire a broyé dans les replis de ses silences honteux.

Zakuro, c’est le deuxième volet du nouveau cycle romanesque de Aki Shimazaki, après Mitsuba, mais pour le moment, je ne vois aucun lien entre les deux livres : pas de personnage ni de lieu commun.  Peut-être faut-il attendre les titres suivants (pour le moment Tonbo et Tsukushi sont parus) pour découvrir le fil conducteur de ce cycle.

Je peux peut-être trouver quand même deux points communs : les deux récits ont pour cadre des compagnies commerciales japonaises, toujours dans les années 1960, quand le Japon est en pleine reconquête économique, et ils ont pour thème la force de l’histoire familiale, des traditions dont on a hérité malgré soi et contre lesquelles il est presque impossible de lutter.

Dans Mitsuba, c’était l’obligation de se marier selon les voeux de ses parents, dans le même milieu, la même classe sociale que celle dont on est issu, et tant pis pour les sentiments amoureux spontanés. Ici, c’est l’histoire d’un homme, Tsuyoshi Toda, qui a tout sacrifié à sa famille quand son père n’est pas revenu de Sibérie après la guerre (encore des épisodes des liens entre Japon et URSS durant la seconde guerre mondiale, insoupçonnés pour moi, et encore des évènements dramatiques que le Japon a voulu occulter). Il a tout fait pour que sa mère et ses frères et soeurs soient à l’abri, réussissent dans la vie, et s’il s’est marié, il n’a pas eu d’enfant : il joue presque le rôle de grand-père auprès de ses neveux et nièces,  en particulier de Satoshi, très proche de lui. A l’automne de sa vie, sa mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle ne cesse de parler de son mari, qu’elle sent toujours vivant, alors qu’il est officiellement déclaré mort. C’est pourtant elle qui a raison…

Zakuro, c’est un mot japonais qui signifie « grenade », le fruit rouge comme la vie, comme le sang, comme l’amour, comme la mort. C’est également une arme de guerre et au Japon, c’est aussi le symbole de la bêtise. Comme se le demandent les personnages du roman, qui fait le plus preuve de bêtise dans ce récit ? Ceux qui sont indifférents au sort de leurs compatriotes, ceux qui veulent se venger, ceux qui laissent leur vie basculer en un seul instant de violence ?

Zakuro, un roman d’automne empreint de nostalgie, de silences et de secrets douloureux.

Aki SHIMAZAKI, Zakuro, Actes Sud, 2008

La romancière, née au Japon, vit depuis 1991 à Montréal. J’inscris donc ce livre dans le mois au Québec de Karine.