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Quatrième de couverture :
Alors que chaque concert lui vaut un triomphe et qu’il se trouve au sommet de sa gloire, le chef d’orchestre Alexis Kandilis commet une indélicatesse dont les conséquences pourraient être irrémédiables. Sa réputation est ébranlée. Aux déceptions et revers qui s’ensuivent il oppose la certitude de son destin d’exception. Mais les blessures les plus anciennes se rappellent à son souvenir. L’insidieux leitmotiv desKindertotenlieder – Les chants des enfants morts – de Gustav Mahler lui chuchote sans répit le secret qu’il voudrait oublier. La chute est inexorable. Seules l’amitié ou la confiance de quelques proches semblent l’ouvrir à une autre approche de son talent, susciter en lui un homme nouveau, dont la personnalité glisserait de la toutepuissance à la compassion, de l’arrogance à l’empathie profonde. Se dessine peut-être une métamorphose…
Roman haletant, parcours exalté, bouleversé par les véhémences de la musique, Prince d’orchestre est aussi une réflexion sur la part d’imprévisible que contient toute existence, sur la force du hasard et les abîmes de la fragilité humaine, sur les souffrances que convoque, apaise, et souvent transcende l’inépuisable fécondité de l’art.
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J’ai lu ce livre pour trois raisons : l’auteur, la musique, le thème du club de lecture de ce mois de septembre… et la Rentrée littéraire aussi (ça en fait quatre).
Et j’avoue que je suis assez perplexe… Ce roman est une sorte de petit coup de poing qui a remué bien des idées que je me fais sur la musique classique et ses interprètes… mais je ne suis pas sûre de vouloir me laisser bouleverser…
Roman coup de poing, d’abord parce que le héros est proprement imbuvable du début à la fin : cet Alexis Kandilis, égocentrique, narcissique, porté aux nues par une mère qui cherchait la gloire plutôt que le véritable épanouissement de son enfant, ce chef d’orchestre au sommet de la gloire, mais dont le comportement et les valeurs profondes ne sont pas à la hauteur de la musique qu’il sert (il croit plutôt qu’il peut tout asservir à lui, même la musique), cet homme qui repousse ses ombres va vivre une vertigineuse descente aux enfers dont il est personnellement responsable. Même si les fantômes de l’enfance expliquent en grande partie cette dégringolade…
Les gens qui l’accompagnent malgré tout jusqu’au bout ne pourront pas arrêter la folie auto-destructrice de cet homme. En cela la quatrième de couverture nous laisse espérer une rédemption qui n’arrivera jamais, ou si peu… Dans l’enfer, j’ai été très touchée par la bulle de grâce où Alexis joue les Kindertotenlieder dans une chambre d’hôpital…
Metin Arditi a construit son roman comme une spirale où est aspiré Alexis, et cette spirale nous attire, nous fascine, j’ai tourné les pages et dévoré ce livre, oh oui… Intérêt pour le métier de grand chef d’orchestre, passion pour la musique classique, admiration devant la mise en place diabolique de l’auteur, fascination, et aussi dégoût, sentiment de gâchis, de vanité devant cette histoire… La quatrième de couverture nous parle d’amis qui restent jusqu’au bout… s’il y a de la confiance apparemment inébranlable chez eux, quel aveuglement aussi, quelle naïveté, qui font que finalement cet homme ne s’en sortira pas, son destin semble être irréversible…
J’ai refermé le livre en me demandant où était l’intérêt de raconter aussi longuement la vie d’Alexis avec Tatiana et Pavlina… (j’ai compris qu’elles continuent à donner à Alexis l’impression qu’il peut être aimé sans rien donner en retour et contribuent ainsi à renforcer sa folie, mais pourquoi traîner cette partie en longueur…) et en étant remuée dans mes conceptions de la musique classique et de ses interprètes… Certes, c’est un monde où il y a peu de place, sans doute y a-t-il de la concurrence, de l’ambition, des personnalités complexes et difficiles à vivre… certes il y a eu des histoires malheureuses de solistes abîmés par l’alcool, par exemple, comme Christian Ferras, mais ce personnage odieux d’Alexis Kandilis (et avec lui les distingués membres de son club de poker) cristallise toues les forces les plus malines à l’oeuvre en l’humain. Et c’était un fameux coup de poing.
Prince d’orchestre est un roman sur la musique, sur la création artistique, sur la manière dont nous traversons les épreuves de la vie, sur nos réponses aux hasards de l’existence… Face à des personnages perdus, imbus d’eux-mêmes, j’ai vraiment aimé l’élégance de Menahem Keller, son impuissance assumée, la politesse de son désespoir… le seul point de lumière auquel s’arrimer dans ce roman… et qu’Alexis comprendra à peine.
Je ne sais si j’ai aimé ce livre : je suis admirative devant le travail de l’écrivain mais le sujet m’a vraiment heurtée. Et oserais-je l’avouer ? Si le roman est grandiose, je trouve la couleur de couverture un peu kitsch…
Une dernière réflexion par rapport à la musique qui parcourt ce roman : Alexis est obsédé par le projet d’enregistrement des oeuvres majeures de Beethoven, notamment les neuf symphonies. Il y a à la fois un tel décalage entre son ambition dévastatrice et la luminosité de l’Ode à la joie, final de la Neuvième, et une telle adéquation entre ce héros d’origine grecque et le célèbre début de la Cinquième, « le Destin » qui frappe, qui se rappelle à nous de façon obsédante… Et Alexis est hanté aussi par les Kindertotenlieder, mélodie qui fera remonter les souvenirs bien cachés : Mahler a écrit cette musique sur des poèmes de Rückert après avoir perdu sa fille cadette ; c’est aussi un homme qui a renoncé à ses origines juives et s’est converti au christianisme pour pouvoir satisfaire son ambition de devenir directeur de l’Opéra de Vienne ; ce faisant, il a carrément tourné le dos de façon cassante aux sollicitations des militants juifs (comme Theodore Herzl) qui réclamaient déjà à l’époque la création d’un état juif. J’ai appris cette dernière anecdote il y a peu sur Radio classique, et je trouve des similitudes troublantes entre l’histoire du compositeur et celle d’Alexis Kandilis, personnage de papier…
Une citation assez significative du roman :
« Depuis trente-cinq ans qu’il faisait ce métier, Ted avait appris à connaître les chefs. Tous, à des degrés divers, étaient difficiles. Mais tous aimaient la musique. Ils étaient portés par elle, nourris d’elle. Ils vivaient à travers elle. Les grands plus encore que les autres. Sans doute même était-ce là ce qui faisait leur marque : la vénération qu’ils avaient devant la grande musique.
Alexis n’était pas dans ce cas. Lui avait été aimé de la musique, plus sans doute qu’elle n’avait jamais aimé personne. Elle s’était offerte à lui dans toute son intimité. Il n’avait eu qu’à tendre la main pour connaître d’elle le mystère de chaque instant. Le secret de chacun de ses replis intimes. Mais dans sa frénésie de gloire, il n’avait pas imaginé qu’elle pouvait attendre de lui quelque chose en retour. Il s’était comporté avec elle comme un homme qui exploite l’amour d’une femme sans vergogne, tant il est persuadé qu’elle lui restera attachée toujours et quoi qu’il fasse, au point de tout accepter. Jusqu’à ce qu’un jour elle se dise que la plaisanterie a assez duré et le quitte. » (p. 164)
Et une citation spéciale pour Marilyne :
« La scène avait eu lieu cinq ans plus tôt dix jours après leur première nuit. Jeffrey était retourné à Saint-Pétersbourg. « J’ai deux heures », lui avait-il dit. « Fais-moi connaître l’endroit de la ville que tu aimes le plus. » Sacha l’avait emmené au quai Robespierre, d’où l’on pouvait voir Kristyi, la grande prison devant laquelle la poétesse Anna Akhmatova venait chaque jour lire ses poèmes et tenter d’apercevoir son fils. En bordure de quai, deux grands sphynx de pierre étaient disposés l’un face à l’autre.
« Ici, d’un seul coup d’oeil », avait dit Sacha à Jeffrey, « on peut capter toute l’âme de notre peuple. Staline et Anna Akhmatova, fondus en un seul être, voilà ce que nous sommes. Habités par le besoin de détruire autant que par la poésie. » (p. 155)
A écouter en lisant : bien sûr les Kindertotenlieder de Gustav Mahler et la Neuvième symphonie de Beethoven
Metin ARDITI, Prince d’orchestre, Actes Sud, 2012
Le bel avis de Argali, celui de Liliba, de Kathel et de Philisine Cave
Il fait partie de ceux que j’ai repéré dans cette rentrée littéraire, avec des réserves qui ont l’air de rejoindre les tiennes, je vais attendre un peu, mais je pense que je finirai par le lire, merci pour cet avis!
Ils sont fascinants, ce livre et son héros, c’est bien de se faire une idée par soi-même 😉
Billet tout en nuances et en paradoxes, comme ce roman semble l’être lui-même, comme le personnage principal semble l’être aussi.
Tu es perplexe, dis-tu… et tu transmets ce sentiment. Alors, je ne vais pas me laisser tenter, et rester dans « mon » Serge Pey… dont j’apprécie terriblement l’écriture 🙂
Je sens que cette lecture va faire son chemin par d’obscurs couloirs intimes… et que j’en apprécierai d’autant plus les prochains concerts classiques auxquels j’assisterai !
un livre qui me faisait envie pour son sujet, mais aussi, par la suite, pour l’écriture de l’auteur, que je découvre au fil des pages du Turquetto…
Cette écriture est magique, n’est-ce pas…
Ce livre m’intéressait. Après ton avis, je ne suis plus sûre d’avoir envie de le lire.
Laisse-toi tenter ! Fais-toi ton propre avis, laisse-toi guider par tes envies de lecture, de toute façon l’art de Metin Arditi en vaut toujours la peine !
Y aurait-il plus que des ressemblances troublantes, finalement ?
Ces éléments (et sans doute d’autres que j’ignore, que je n’ai peut-être pas identifiés) ont certainement nourri le travail de l’écrivain, tu l’as compris 🙂
Je le lis présentement, je ne lis donc pas ton commentaire, mais à la moitié du livre que j’aime modérément, je trouve Alexis prétentieux et agaçant! J’ai tout de même hâte de connaître tous les mystères de sa vie…
Si cela peut te rassurer, il sera imbuvable jusqu’à la fin… mais cela vaut la peine de lire jusqu’au bout en effet, d’ailleurs les pages se tournent toutes seules, non ?
J’ai prévu de lire son précédent…
Le Turquetto, quel coup de coeur !!
J’ai été assez perplexe aussi et je crois avoir noté à la fin de mon billet que la fin m’avait laissé un goût amer… C’est bien écrit, mais un petit quelque chose m’a empêché de l’aimer.
OMG, je n’ai plus pensé à ton billet ! Je cours le chercher et ajouter le lien ici ! Ca pour une fin, c’est une fin ! (je me suis demandé à quelle oeuvre musicale réelle Arditi avait pensé en composant le roman… il a sûrement dû être inspiré par une grande oeuvre symphonique. Eeeeh dis donc, je me rends compte que tu es passée sur WordPress ! Bravo !
Pas tout à fait passée encore, c’est un essai, je pense y passer définitivement d’ici fin octobre en tout cas !
Bonne installation alors 😉
Je le lirai…quand???
Le monde de la musique n’est le pays des bisounours. Les chefs tyranniques sont nombreux, l’ambiance à l’intérieur des orchestres, et des choeurs est bien plus délétère qu’on ne l’imagine.
Le concurrence est féroce, la pression des maisons de disques , une réalité. Il y a beaucoup d’appelés, et finalement peu d’élus.
C’est bien suggéré dans le roman, cette ambiance ! Et aussi la solidarité des musiciens pour se défendre quand ils s’estiment attaqués. Bonne découverte !
billet ajouté
J’ai aimé ce livre (même si le héros reste nombriliste et totalement infantile) et j’admire la prouesse d’écriture de l’auteur.
Ah zut, je n’ai plus pensé à ton billet non plus ! Je vais ajouter le lien. Je n’ai pas détesté, hein, ne me fais pas dire ça 🙂
Bonsoir Anne, je ne pense pas le lire et passerai donc…
Qu’est-ce qui te rebute dans cette lecture ?
Whaou ! Merci !
Avant de lire ton billet, j’hésitais ( et puis ce violet, hum, et puis pas rentrée littéraire plus que ça cette année, hum ), puis en lisant ton billet, avant d’arriver aux citations finales…, je plongeais dans le récit malgré ta perplexité, ce foisonnement humain et créatif que je ressens en te lisant, tout ce que tu ajoutes par rapport à la musique dans ce roman. Tu as réussi à me tenter très sérieusement !!!
( en parlant tentation, actes sud et musique, je suppose que tu as repéré, peut-être même lu – j’ai pu rater un épisode de l’été – » Une étrange histoire d’amour » de L.Guarnieri ?? )
C’est beau, hein, cette citation ! (Sacha est flûtiste dans l’histoire…) Lis-le, je serais curieuse de connaître ton avis. Si tu veux, comme d’hab, je le prête à môman, et je peux te l’envoyer si tu veux (et il peut devenir tien aussi…) J’ai repéré le livre de Guarneri, j’ai essayé de le lire (pour le club de lecture aussi)mais je n’ai pas tellement accroché… ça demande de la concentration, et le moment était peu propice… Par contre, j’ai repéré Sauver Mozart, de Raphaël Jérusalmy, ça a l’air bien aussi !
Je ne connais pas mais la couverture est très belle.
Bonne fin de semaine.
Ce violet me dérange un peu quand même… Bon week-end !
Comme j’en ai un autre de l’auteur qui m’attend dans ma PAL, je fais l’impasse sur celui-ci, en tout cas pour le moment.
J’ai encore « La fille des Louganis » dans la PAL, et il paraît que des personnages de « Loin des bras » reviennent dans Prince d’orchestre.
J’attendrai patiemment mon tour à la biblio ( ça va ma PAL n’est pas anémiée)
Tu devrais être intéressée par ce livre, je crois 😉
Quel beau billet !
Je retrouve mon impression dans tes mots si ce n’est que j’en fais un coup de coeur pour le style et l’écriture qui ne m’ont pas déçue et pour le thème du héros tragique particulièrement bien modernisé.
Merci, Argali ! Il y a plein de richesses, de liens qui se révèlent au fur et à mesure que la lecture s’éloigne un peu… il faudrait prendre l temps de relire le premier chapitre, tout se joue là, et il y a des correspondances entre début et fin… Très belle écriture, je suis bien d’accord !
J’ai l’impression qu’il faut déjà aimer / connaitre la musique pour s’imprégner de ce roman. Sinon, on passe à côté
Non, je ne crois pas. Aimer suffit. Evidemment, si tu n’aimes pas trop le classique, il vaut mieux découvrir Arditi par un autre titre 😉
Il me fait envie depuis sa sortie (et depuis Le Turquetto avouons-le) !!! Ton billet magistral me fait le surligner !!! En revanche je trouve la couverture très kitsch, elle fait plus Harlequin qu’Actes Sud !!! 😆
Actes Sud change un peu de genre, non ? Jaquettes, changement de typo et goût un peu moins chic pour certaines couvertures. Snif, tout fout l’camp ! Cela dit, tu vas certainement aimer ce lire, toi aussi !
j’aime bien les livres coup de poing mais je vais passer mon tour pour celui-ci.
C’est un Suisse, pourtant 😉
J’ai lu Loin des bras qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Pas envie de lire celui-ci.
J’ai envie de découvrir « Loin des bras » !
Bonsoir Anne,
J’ai été très intéressée par ton article et séduite par la façon dont tu parles de ce monde de la musique à partir de ce livre. D’un point de vue culturel et documentaire, ce doit être assez passionnant.
Les chefs d’orchestre sont toujours extrêmement difficiles à vivre, tellement particuliers…
C’est un bon roman, le personnage et le monde du chef d’orchestre sont très bien rendus (forcément, puisque Metin Arditi évolue dans ce monde aussi) mais les personnages secondaires sont inconsistants ou presque… Cela dit, on tourne les pages sans s’arrêter !
Il a rejoint ma PAL hier. Il ne devrait pas y rester bien longtemps. Difficile de résister au style de Metin Arditi (qui, par ailleurs, est un monsieur tout à fait charmant lors des dédicaces).
Je l’ai vu à Paris en mars dernier, c’est vrai qu’il est charmant !
J’en ai déjà deux du même auteur qui m’attendent alors je vais mettre la pédale douce sur celui-là! 😉 Mais je le note dans un coin, ça pourrait bien intéresser mon musicien de mari…
Et il est grec aussi, ton mari ! J’espère qu’il n’est pas aussi imbuvable qu’Alexis Kandilis… 😉
Très bonne chronique ! Je suis aussi restée perplexe devant ce livre. J’avais adoré le précédent de l’auteur : Le Turquetto. Une très belle écriture, un roman cultivé, référencé, original dans son sujet et dans sa construction. Je n’ai rien retrouvé de ce qui m’avait tant plu dans celui-ci. Domage. Bravo pour votre blog. Voici le mien : http://portuaires.canalblog.com
Bienvenue ici ! Je lirai des romans plus anciens d’Arditi, il me reste « La fille des Louganis » et « Loin des bras » et j’aimerais lire aussi le premier « Victoria Hall » (dont on parle dans celui-ci).
Bonjour
Je viens de le finir et m’apprête à écrire une critique, j’ai eu envie de vous lire!
Il se trouve que je travaille ds le milieu musical classique parisien , et je pense – comme quelqu’un le dit déjà un peu plus haut- que ce monde n’est pas celui des Bisounours en effet !
C’est la première partie que j’ai le plus appréciée , car M.Arditi ne dit pas de bêtises et s’est bien renseigné sur le monde musical actuel ; très agréable! Lecture passionnée de ma part
Moins convaincue par le deuxième partie, en revanche (la descente aux enfers, un peu caricaturale,non?)
MIOR
Je suis d’accord, et les personnages secondaires ont été un peu négligés aussi, non ?