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D’abord l’objet livre : son titre qui ouvre l’appétit d’images et de sensations, l’illustration toute fraîche de Francesco Pittau, le papier qui craque (des papiers Bouffant et Gmund Kaschmir, pour être précise – je ne sais lequel des deux est utilisé pour la couverture, mais je ne me lasse pas de le caresser).

Ensuite la citation d’ouverture : des vers… d’Anna Akhmatova (poétesse russe découverte grâce à Maryline de Lire et Merveilles)

Enfin le « résumé » des textes de ce recueil : « Des poèmes comme de petits romans pour un quotidien pas toujours rose ».

Trois raisons d’ouvrir ce livre et de goûter la poésie d’Anna de Sandre qui, nous dit la quatrième de couverture, « vit actuellement dans le Sud-Ouest. Avec une prédilection pour l’art du bref, elle écrit principalement des nouvelles et de la poésie, et ponctuellement des romans et des histoires pour la jeunesse. La plupart de ses textes sont publiés dans divers recueils collectifs ou revues. »

Derrière des titres du quotidien ou énigmatiques se cachent des histoires déglinguées, des destins avortés, des bribes de souvenirs, des gens un peu dingues, un humour qui est « la politesse du désespoir ». Il y a des gens qui marchent, qui espèrent, de caressent de vieux jouets, qui attendent, qui ont faim, qui cherchent. Des gens qui dévoilent une poésie à la fois simple et inattendue.

Les mots se placent sur la page, souvent seuls ou à deux ou trois par ligne, guère plus, et les images se cueillent du bord de l’oeil, te surprennent et te font sourire. Car si le noir n’est pas loin, il n’est jamais amer. Il y a toujours un pas à faire, une route à prendre, une morte à laisser, un animal à contempler, une tempête qui remet de l’ordre dans le chaos du ciel et des coeurs.

Il y a toujours une bonne raison de goûter les Carnets du Dessert de Lune. Ce régal d’herbes mouillées est une belle découverte.

Anna de SANDRE, Un régal d’herbes mouillées, Editions Les Carnets du Dessert de Lune, 2012

Le site de l’auteure

Un très grand merci à Libfly et aux Carnets du dessert de Lune ! J’ai lu ce livre dans le cadre de l’opération La voie des Indés.  

Les traverses

Des chevaux

abîmés

broutaient

en cercle

un régal

d’herbes mouillées

 

la fureur

de leur galop

grondait encore

sur l’écume

refroidie

de leurs flancs

et dans les madriers

d’un chemin de fer

où glissait

à pas menus

l’obstination

d’une vieille

chenue

à mettre

tour à tour

devant l’autre

un mauvais soulier

et un pied nu

 

elle portait

un bagage

sur sa tête

rasée

comme

les crinières

du troupeau

qu’elle avait

détaché

avant de tailler

la route

 

quand le chant

du matin

a enflé

elle a frappé

le creux

de son coude

et serré

son poing

dans le geste

du défi

 

un petit saut

de côté

a détaché

de sa jupe

un vieux bout

de cervelle.