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Quatrième de couverture :
«L’encre fraîche de Rimbaud tache mes doigts. Ses proses font trembler l’air au-dessus de la page comme sur une route fondue au soleil d’été.
Je vais chercher mon pain, mes nuages et mes étoiles dans l’unique librairie du Creusot. L’acacia au bas de la rue du Guide surgit comme un donateur fou. Son haleine sent le miel et l’or.
Toutes les fleurs se ruent vers nous en nous léguant de leur vivant leur couleur et leur innocence. Les contempler mène à la vie parfaite.
Les anémones sont si crédules que même l’enfer leur donne raison.»
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Lire un livre de Christian Bobin, c’est comme boire à une source d’eau vive. Une source qui nous rafraîchit, une source qui lave nos yeux, nos oreilles, qui éveille tous nos sens pour nous rendre attentifs aux toutes petites choses de la vie, à ce qui est éphémère, faible, fragile, caché : un oiseau qui s’envole, des pétales de cerisiers troués par le gel, une vieille femme dans une maison de retraite, un âne sur un rocher en montagne, la flamme rousse d’un renard qui s’enfuit, la note jaillie du choc de deux tasses de porcelaine…
Lire un livre de Christian Bobin, c’est accepter de ralentir le pas, se mettre l’espace de quelques pages en retrait de la vitesse, du bruit, de l’angoisse pour goûter à un « carré de silence », pour nous mettre en disponibilité face aux petits éclats du quotidien. Pour nous laisser toucher par des rencontres si simples, si anodines qu’il faut être prêt à se laisser éclabousser de leur soleil intérieur.
Lire un livre de Christian Bobin, c’est donner libre cours aux éclairs de couleurs, c’est se laisser guider par les livres, par les animaux, par des regards d’enfant. C’est fréquenter les poètes, les mystiques, les musiciens, et qui sait, chercher toujours plus loin, toujours plus près cet « assassin blanc comme neige » dont l’absence touche à l’infini.
Lire ce livre Un assassin blanc comme neige de Christian Bobin, c’est tout ça et c’est goûter à la vie éternelle. Et c’est difficile d’en parler…
Difficile aussi de choisir des extraits, j’avais envie de tout noter !
« Dans la boutique de livres anciens j’entre comme un enfant dans un grenier où flambe une malle d’osier. D’un livre de Marceline Desbordes-Valmore s’élève du bleu qui ennoblit la librairie tapissée d’or. Un poème palpite entre mes mains comme un moineau ressuscité. La beauté est de la digitaline pour le cour. Je sens le souffle des mots à mon visage, comme d’une bombe lointaine. Le livre date de 1820. Il a sa reliure dite « d’ânesse », un cartonnage blanc plâtre, marbré de bleu. Les pages ont la douceur du chiffon. La voix de Marceline me saute au visage, la mort n’est rien, elle se traverse comme un pré. Les livres anciens avec leurs chairs froissées m’émeuvent de revenir triomphants des ténèbres. Les objets de la science vieillissent à une vitesse infernale. Morts, ils encombrent, empoisonnent, enlaidissent. Les livres de papier dans leurs lits de cristal dorment comme des anges. Un regard et ils sortent d’un sommeil de plusieurs siècles, fraternels, vifs encore. J repose le livre sur son rayonnage. Je sors dans la rue en pente. La voix blessée de Marceline court comme une rivière rafraîchissante sous les bruits du monde. Le bleu du ciel fond. La grande guerre continue, elle n’a jamais cessé. » (p. 16-17)
« L’absolu a éclaté sur le carrelage dans un bruit de vaisselle précieuse. De toute façon on ne s’en servait jamais. » (p. 67)
Et bien sûr, la citation mise en exergue sur ce blog, sur le soupir du chat…
Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard, 2011
Logo du challenge Christian Bobin, de Yuko, ajouté ce 6 janvier 2013
Ça fait longtemps que je n’ai pas lu cet auteur. J’ai beaucoup aimé ses premiers romans. Ensuite, à partir de Tout le monde est très occupé, j’ai un peu moins accroché. Ton billet me donne envie de renouer avec ses histoires « fraîches » comme les sources…
Ca faisait longtemps aussi, c’était chouette (et un petit de moins dans la PAL…)
Et moi j’ai honte car je n’ai encore rien lu de lui, je vais remédier à cela le plus vite possible ! Ton billet est très beau et l’extrait avec Marceline est touchant !
Une petite robe de fête, ce serait bien pour toi. Et tu es de retour !! Chouette alors !
Comme Gwenaëlle, j’ai lu tous ses premiers livres, et puis après j’ai trouvé qu’il tournait un rond, avec un peu trop d’envolées mystiques. Je le relirai peut-être un jour.
C’est cela que j’ai eu plaisir à retrouver, et je n’appelle pas ça des envolées mystiques, il est tout en retenue, en discrétion, il ne faut pas faire de bruit au bord du mystère, et Chrsitian Bobin y réussit bien, je trouve même qu’il sait aussi flirter avec le doute. Et j’aime ça.
C’est un auteur que je n’ai jamais lu, ni même été tentée de le faire… C’est grave, tu crois ? 😉
Le seul péché, c’est de ne pas sortir des sentiers battus, je pense que tu ne le commets pas, comme Bobin… 😉
Je ne l’ai jamais lu non plus et je t’avoue que ce titre ne m’attire pas tellement.
Je comprends très bien… 😉
Ce titre me dit quelque chose… N’en avait-on pas parlé au club?
Peut-être Maryse ?
Fort probable, c’est tout à fait son style ^_^. Si c’est celui auquel je pense, elle m’avait déjà donné envie, mais j’avais perdu les références.
Il vient de paraître en Folio, je vais le signaler dans mes coups de coeur en poche.
Toujours pas lu cet auteur moi non plus. Pourtant il a tout pour me plaire^^
Qu’attends-tu pour le lire alors ? 😉
Pingback: Le Trou «
Tiens, je suis complètement passée à côté de celui-ci, je n’en avais pas entendu parler. J’aime Christian Bobin, je note !! 😉
Il publie pas mal, quand même, c’est normal de ne pas tout savoir 😉
Un de mes auteur préféré.
Moi aussi !
Pingback: Les mots de novembre «
Je ne sais pas pourquoi, je me dis qu’il faudrait que je découvre un jour cet auteur, mais quelque chose me retient… Et ton billet bien que, positif, ne m’emballe pas…, peut-être un jour, mais pas tout de suite… Je pense que ce n’est pas le moment…!
Trop religieux ou plutôt mystique pour toi ?
Non… A la lecture de l’extrait, je dirais « un manque de liant »… Mais je suis consciente que ça ne veut pas dire grand chose objectivement !
Il écrit de petits fragments, suscités par l’observation de petits riens, ou par quelque chose qui le touche. Si tu cherches un roman suivi, c’est sûr que tu seras déçue…
Je ne suis pas réfractaire à l’écriture fragmentaire et à l’observation des petits rien, mais je ne sais pas les extraits que j’ai déjà pu lire de lui ne me transportent pas… Mais peut-être un jour… Parfois, il y a des moments pour découvrir des auteurs 🙂
J’aime Bobin d’amour… Celui ci et son dernier m’attendent dans ma PAL, je fais durer le plaisir…!
Je l’ai vu en vrai hier soir et je lui ai parlé !! Et j’ai même trouvé deux petits bouquins publiés chez Lettres vives, qu’il faut couper soi-même, le papier craque quand on le caresse… le bonheur ! Et les titres : Mozart et la pluie / La bibliothèque à nuages…
Et lire un tel billet est un véritable délice. Très belle écriture, belle invitation à lire ce livre. Bravo !
Merci, Géraldine !
Je ne sais pas pourquoi mais j’hésite à lire cet auteur…
Passe une bonne journée.
En y réfléchissant bien, tu devrais trouver pourquoi… 😉
Qu’ajouter à cette jolie déclaration ? Une plume précieuse, ou pour reprendre un de ses titres » l’Enchantement simple «
« Une bibliothèque à nuages »… ou « La dame blanche » sur Emily Dickinson, avec une superbe photo d’arum en noir et blanc dans l’édition Folio…
C’est de la provocation cette réponse XD
Je savais qu’elle te plairait…
Un avis enthousiaste sur un auteur que je ne connais que de nom 🙂 je le note 🙂
Alors, bonne découverte !