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Quatrième de couverture :
Peut-on admirer ce qui nous fait horreur ? Peut-on être captivé par la beauté de films dont le but était de magnifier le Troisième Reich ? Leni Riefenstahl (1902-2003) fut la cinéaste préférée d’Adolf Hitler, qui lui confia la réalisation de films de propagande que beaucoup, d’Andy Warhol à Francis Ford Coppola, considérèrent comme des chefs-d’œuvre.
Lilian Auzas, après des années de travail universitaire sur son cinéma, a voulu interroger sa propre fascination en cherchant, dans le parcours de l’artiste allemande, les ressorts qui ont pu la conduire à mettre son talent au service de l’abjection. Riefenstahl, roman de l’intime caché dans les replis de l’histoire, où sans cesse dialoguent l’imagination et la connaissance, est une quête passionnée de la vérité d’une femme que l’ambition aura aveuglée au point de ne pas voir quelle tragédie aura été sa vie.
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Voilà un livre que je n’aurais sûrement jamais lu sans une incitation dont je dois taire l’origine. Comme dans La Déesse des petites victoires, il est question ici d’un personnage célèbre aux yeux de l’Histoire. Et quel personnage, puisqu’il s’agit de Leni Riefenstahl, essentiellement connue comme « la cinéaste du IIIe Reich », remarquée et plus que soutenue par Hitler pour qu’elle collabore à sa propagande.
Et pourtant, la Riefenstahl, qui est morte à l’âge plus que respectable de 101 ans, aurait bien aimé ne pas se voir constamment coller cette étiquette à la peau. La seule chose qui l’a motivée, c’est le désir de gloire, une ambition démesurée et complètement aveugle (s’il faut en croire ce qu’elle a dit et redit pour se justifier d’avoir travaillé pour Hitler). Cela a commencé par la danse, puis le cinéma en tant qu’actrice, où elle a brillé dans des « bergfilms », films d’aventures en montagne, genre apparemment très en vogue en Allemagne dans les années 30, mais pas si glorieux que cela pour la jeune femme, qui était en concurrence pour d’autres rôles avec Marlene Dietrich… Elle s’est ensuite « éclatée »en tant que réalisatrice (admirée, reconnue comme on peut le lire sur la quatrième de couverture). Et quand, après la guerre, elle n’a fait que quelques mois de prison, reconnue comme « suiveuse » et non « leader » du nazisme (de fait, elle n’a jamais été encartée), elle s’est réfugiée en Afrique et s’est lancée dans la photographie. L’art, et uniquement l’art, disait-elle, a conduit sa vie…
Lilian Auzas a lui aussi été fasciné par cette femme très belle, très expressive, dévorée d’ambition, et sans doute assez insupportable par son égocentrisme exacerbé. On peut contester qu’il ait gommé « les blancs du texte » dans la carrière de Leni Riefenstahl, en tout cas, il a rendu cette femme très vivante, et presque attachante. Une croqueuse d’hommes au sale fichu caractère, aveuglée par ses contradictions, ses choix désastreux mais revendiqués, et surtout toujours et avant tout habitée par le désir de construire une véritable oeuvre artistique répondant à ses aspirations les plus profondes. Et évidemment, même si c’est une réflexion psychologique de bas étage, on se prend toujours à se demander, face à un tel destin, ce que l’on aurait choisi si l’on s’était retrouvé dans la même situation…
Ce livre se lit très facilement, grâce au style très fluide de Lilian Auzas, qui intervient de temps en temps dans son récit pour prendre un peu de recul, un temps de réflexion face à la personnalité et à l’histoire de son héroïne.
« Ce qui l’agaçait le plus, au fond, c’est que le film, il (Goebbels) en était convaincu, serait encore un chef-d’oeuvre. C’est un sentiment ambigu et dérangeant que d’admirer quelqu’un que l’on n’aime pas. » (p. 174)
« Elle a avancé dans la vie sans rien regarder de ce qui se passait autour d’elle. Seul son objectif lui importait. Elle a toujours été convaincue que l’on peut tout obtenir de la vie, par sa seule volonté, héritage de l’éducation parfaitement prussienne de son père. Il y a tant à faire quand on doit tout conquérir ! » (p. 195-196)
Lilian AUZAS, Riefenstahl, Editions Léo Scheer, 2012
Ave ce premier roman, de la rentrée littéraire 2012 (paru en août 2012), au titre en un seul mot (pour « Lire sous la contrainte »), avouez que je reprends ce blog en main avec un sujet assez ébouriffant !
Merci pour cet avis finalement rassurant! J’avais repéré ce titre à sa sortie, l’automne dernier, mais si j’aime lire des livres avec des nazis de temps en temps, c’est à petites doses; donc j’hésitais. Du coup, je vais ouvrir l’oeil chez mon libraire.
J’avoue, j’étais quand même un peu gênée de mettre la couverture du livre à l’honneur dans la rubrique « Les mots en cours » ! 😉
Ravie de vous retrouver !
Mior
Pas autant que moi ! 🙂
Tout à fait, ces quelques jours déconnectée t’ont complètement requinquée (encore que je n’ai jamais vu sur ton blog aucun signe de fatigue. Toutefois, je ne voudrai pas me pencher sur le destin de cette femme car je ne veux pas comprendre. Il y eut trop de morts à cause de ce suivisme enthousiaste.
Merci, Anis, je suis ravie de revenir après seulement une semaine !! L.R. est franchement assez imbuvable dans ses prises de position !
pareil qu’Anis, pas tentée par le livre mais intéressée par le billet que tu en as tiré.
Bravo pour ce retour après bug ! tu frappes fort !
biz
Ca, c’est fait 😉 J’ai oublié d’ajouter des extraits, je vais réparer ça !
Ah te revoilà 🙂 J’imagine que tu as réussi à survivre à cette absence d’ordi en redoublant de lectures… En tout cas, ce billet après bug prouve que tu n’as pas perdu la qualité de ta plume ! Il est superbe ! Bon. Pour tout dire, pas vraiment attirée par cette dame, mais tu en as si bien parlé !
PS – Le challenge « Pennac », j’en rêvais… George l’a fait et voilà pourquoi je me suis précipitée tête baissée dans des relectures que j’avais prévues. Ça stimule ! Biz, Anne. Il faut aussi que je réponde à ton mail.
Coucou, Martine ! J’ai pas mal de billets en retard, oui ! Pennac fut une belle découverte pour moi, il y a … quelques années quand même 🙂 A bientôt…
Ah chouette te revoilà ! Pas tentée par ta lecture du jour, ces gens qui ont essayé de se refaire une façade ripolinée après la guerre, non merci. Ce n’était pas une grande naïve, elle savait où elle mettait les pieds.
Eh oui, c’est reparti ! Elle a su jouer avec les personnes et les circonstances, jouer à la fausse naïve… tout cela pour satisfaire ses ambitions. Le personnage est à la fois fascinant et repoussant…
Un personnage que cette femme, plus opportuniste, je pense, que vraiment convaincue.
Mais les actes et les engagements sont quand même bien là…
Enfin te revoilà !
Ce livre que j’ai lu dans les mêmes conditions que toi à vraiment été une épreuve, d’abord de le trimbaler dans mon sac avec la photo de ce « cher A » sur la couverture, et puis j’ai vraiment du mal avec ce sujet.
Quand Lilian Auzas quitte la fonction de narrateur pour devenir intervenant j’ai eu l’impression que c’était comme pour s’excuser de sa fascination plus que pour prendre du recul.
Tu as vu le reste de la sélection ?! J’espère que nous n’allons pas finir avec une dépression 😦
Ciel, Françoise, ça fait seulement tilt maintenant !! Je te situe maintenant, excuse-moi… J’ai lu ce livre avec une grande carte postale qui cachait la couverture dans les lieux publics 🙂 C’est vrai que les derniers titres font un peu froid dans le dos… A bientôt !
Le sujet ne m’attire pas du tout. Quoi qu’il en soit, je suis bien content de te retrouver !
Je comprends que le livre ne t’attire pas… mais je suis ravie de revenir aussi 🙂
Un livre certainement très intéressant que je ne connais pas du tout.
Merci pour ta participation et bonne soirée.
Voilà un titre trash pour ton challenge, n’est-il pas ?
Je n’avais pas vu passer ce roman. Merci pour cette référence qui a l’air assez passionnante !
J’aime ta description minutieuse de l’héroïne. Je ne suis pourtant pas sûre de lire ce livre. Bizarre, non ?
Je suis contente que tu sois de retour, et avec un billet choc ! Cela ne me convaincra pas de le lire, mais tant mieux pour ma LAL bien assez longue.
Beaucoup,, comme moi, sont fasciné par le nazisme. Nous sommes beaucoup à nous poser ces questions:
– Comment une homme ou une femme peut dériver doucement et inexorablement vers tant de barbarie, sans entrave psychologique ?
– Pourquoi tout un peuple suit (à 90%) un malade mental ?
– Pourquoi le « beau » et l’art en général change-t-il à ce point de point de référence ?
– Mais surtout pourquoi le mal contre le mal est-il si efficace ? (Stalinisme contre nazisme)
– Pourquoi l’histoire ne sert pas d’expérience, nous refaisons avec le terrorisme islamiste les mêmes erreurs ?
Je ne suis pas du tout fascinée par le nazisme !!!
Ce titre m’a échappé à la rentrée. Je suis curieuse d’en apprendre un peu plus sur un personnage controversé, dont je viens de parler avec mes élèves. Merci pour ce billet !
Eh oui, elle fait partie de l’histoire ! Bonne découverte…
Chouette te revoilà 🙂
L’ambition peut aveugler et faire prendre des chemins honteux. Difficile de se mettre dans le contexte, le jugement est facile. Mais bon, je ne sais pas si je suis vraiment tentée, n’ayant jamais été une personne ambitieuse !
Eh oui, et je planche sur le questionnaire !! 🙂 Riefenstahl disait vouloir accomplir avant tout son oeuvre artistique, donc elle a suivi les « sirènes » les plus efficaces en cette matière… L’art peut-il tout justifier, c’est une des questions que pose le livre…
Oups, je n’avais pas encore lu ta réponse ! As-tu reçu le mien ?
Oui, merci beaucoup !
J’aime ton billet, et ce livre pourrait m’intéresser. Je le note !
Il a son intérêt, c’est certain !