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Présentation de l’éditeur :

Sur le seuil de la maison que ses enfants ont quittée, une femme s’arrête. Mission accomplie. Hier encore, il y avait tant à faire… Une vie devant elle. Autrement. Et à nouveau, tout découvrir. Itinéraire inconnu, l’écriture pour seule boussole. Elle s offre le voyage… Vieillir. Habiter sa dernière saison, non comme un déclin à subir, mais comme un projet à nourrir. Dire qu’elle les aime à ceux qu’elle aime. Se faire légère. Chemin faisant, elle rencontre à Uzès une femme qui a écrit au Moyen Âge un petit livre étonnant. Connivence inattendue. Malgré les onze siècles qui les séparent, elles feront route ensemble avec l’ambition de tendre le relais, et la plume, à ceux et celles qui poursuivront l histoire.

Voilà encore une voix originale dans le catalogue des éditions Luce Wilquin, mais il me faut avouer que je n’ai sans doute pas eu la disponibilité d’esprit (et de coeur) suffisante au moment où je le lisais pour lui rendre toute l’attention qu’il mérite.

J’ai parfois été perdue par le va-et-vient entre Dhuoda, femme du Moyen Age, et la narratrice de ce premier roman. Dhuoda est privée trop vite de son fils aîné Guillaume, emporté par les ambitions paternelles, les guerres de l’époque et les codes d’une éducation rigide, vite arrachée à la tendresse maternelle. La narratrice est une femme avancée dans l’âge, qui prend le temps de se retourner sur sa vie écoulée, vie de fille, de femme, de mère dont les enfants ont quitté le nid, poussés par la vie et par la main légère et confiante de la mère. Toutes deux se rejoignent dans le travail d’écriture, qui pourrait bien être une nouvelle naissance pour chacune.

En écrivant ce billet, je me dis que la rencontre entre ces deux mères est belle, mais sur le moment, je me disais parfois que le prétexte à écrire un roman en reliant la narratrice à une ancêtre choisie, non héréditaire, par le biais d’un petit livre ancien trouvé à la bibliothèque, était un rien artificiel. Je suis sans doute gênée par le fait d’appeler ce texte un roman : les réflexions, souvenirs de la narratrice ont un tel accent de vérité, d’authenticité, que cela ressemble plus à un récit, une évocation bien réelle qu’à un roman.

Dans ce récit, j’ai vraiment aimé tout ce qui parle de transmission et de détachement : quelles images garder de sa propre histoire pour les confier à ses enfants, ses petits-enfants, comment lâcher prise pour laisser les jeunes voler de leurs propres ailes, comment s’alléger, s’épurer dans ce processus de vieillissement qu’elle s’efforce de vivre le plus paisiblement possible ? L’écriture sera témoin, compagne de ce travail, de ce labeur de soi. Tout comme le livre-miroir et la foi auront permis à Dhuoda de rejoindre un tant soit peu son fils et de se préparer à la vieillesse et au détachement suprême qu’est la mort. C’est la parole qui, subtilement, symboliquement, relie ces femmes, les nourrit.

Deux destins de femmes marqués de tendresse, d’ouverture, de doutes, de recherche, de relecture. D’un certain féminisme tout en douceur, jamais coupé des autres. D’un désir de mémoire et de don de soi. De vie, tout simplement.

« Devant un nouveau-né, on se dit qu’on ne pourrait au grand jamais lui faire rebrousser chemin et retourner là d’où il vient. Les mots aussi éclosent. Et une fois lâchés, ne retournent pas à leur source.

L’écriture est une naissance permanente. 

Comment se fait-il qu’elle fut si longtemps interdite aux femmes, plutôt expertes en mise au monde ? » (p. 73)

« Nous sommes une famille sans cimetière. Mes parents ne m’y ont jamais emmenée. Jamais je n’y ai conduit mes enfants. Mais nous parlons. Nous disons : « Elle aurait apprécié ce vin », « Il aurait détesté ce film » ou « Comme tu lui ressembles ». Et voilà que ceux que nous avons aimés sont assis au milieu de nous. Les nommer les garde en vie.

Ce n’est pas pour rien que la Porte de Menin, à Ypres, pour ne citer que ce mémorial-là, garde gravés dans la pierre les noms des quarante mille soldats tués dont on n’a pas retrouvé le corps. Tant qu’on lira leur nom, leur destin ne s’effacera pas. » (p. 101)

« Nous serons bientôt sept milliards sur la terre (Tu as bien lu, Dhuoda ?) Et chaque nouvelle naissance mérite notre émerveillement. Chaque enfant qui vient au monde  naît comme si c’était la première fois. Aucune naissance n’est banale. Aucune mort non plus. Passages étroits. Visible et invisible se traversent. Dans l’arrachement. » (p. 103)

Marie-France VERSAILLES, Sur la pointe des mots, Editions Luce Wilquin, avril 2012

Un très, très grand merci à Minou pour le prêt de ce livre ! Lisez aussi les avis de Marilyne, Philisine Cave et Laure.

C’est donc un premier roman belge (et européen), et le mot pointe sera mon Objet belge de Petit Bac ! Et un texte de 120 pages très féminin.

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