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14, Editions de Minuit, Jean Echenoz, Première guerre mondiale
Quatrième de couverture :
Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état.
Ce lundi 4 août, de nombreuses personnalités de toutes nationalités (treize chefs d’états et de gouvernements) seront réunies à Liège pour célébrer le début de la guerre : c’est en effet le 4 août 1914 que les troupes allemandes sont entrées en Belgique, violant ainsi la neutralité du pays. La veille, le 3 août, le roi Albert Ier choisissait « l’honneur plutôt que la soumission » en refusant que l’armée du Kaiser traverse la Belgique pour aller combattre les armées françaises. Deux heures après l’invasion, à Thimister, mourait le premier soldat belge du conflit, le cavalier Antoine Fonck. Liège occupe une place particulière dans les débuts de la guerre : la résistance courageuse des forts disséminés autour de la ville donne quelques jours aux armées française et britannique pour s’organiser et se porter sur le territoire belge et dès le 7 août, la ville recevra la Légion d’honneur. Le président François Hollande remettra la Croix de la Légion d’honneur aux autorités communales cet après-midi tandis que dans la soirée, Kate et William ainsi que Harry, les princes d’Angleterre, sont attendus à Saint-Symphorien (aux environs de Mons) qui abrite un cimetière militaire à la topographie particulière (je vous en parlerai plus tard en ce mois d’août) et où sont enterrés côte à côte des soldats britanniques et allemands. Parmi eux le premier et les deux derniers soldats anglais tués au combat.
Il me paraissait donc tout à fait opportun de présenter aujourd’hui l’un des romans 14-18 qui fleurissent ma PAL. Mon choix s’est porté sur 14, un court roman de 124 pages qui, bien sûr, raconte les choses du pont de vue de soldats français, et particulièrement d’Anthime, tantôt prenant une distance certaine, tantôt se rapprochant au plus près de la réalité du front. A travers quinze courts chapitres, Jean Echenoz brosse un portrait très complet de la réalité de la guerre, de la vie des soldats et de ceux qui attendent à l’arrière. Si on s’est un peu documenté sur l’histoire de la Grande Guerre, sans doute les textes assez elliptiques d’Echenoz retentissent-ls davantage mais il n’est pas besoin de grandes connaissances historiques pour apprécier le roman.
Sa plume d’une précision chirurgicale révèle les émotions en creux, la peur vissée au corps des soldats lancés dans des offensives souvent inutiles, le bruit infernal, la crasse, la faim, le froid qui seront leurs compagnons de tranchée pendant quatre ans. Jean Echenoz trace le portrait de 14-18 de manière minimaliste mais il semble parfois lâcher les chevaux de longues énumérations précises qui disent à elles seules la violence inepte de la guerre, de même que l’humour noir dont il sait faire preuve. « Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n’est-il pas la peine de s’attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d’autant moins quand on n’aime pas l’opéra, même si, comme lui, c’est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c’est assez ennuyeux. » (p.79)
Mais l’auteur n’oublie pas les vivants : le hautain Charles, son discret frère Anthime et ses trois copains, et Blanche qui les attend à Nantes. A travers le destin des cinq soldats se dessine aussi le sort des soldats de 14 et le traitement que l’armée française leur réserve. Sans oublier le chapitre sur les animaux, ceux qui sont réquisitionnés, ceux qui nourrissent les hommes et ceux qui vivent avec eux, autre trace de l’humour froid de Jean Echenoz.
Une nouvelle fois, comme dans Ravel, j’ai apprécié le style documentaire (et documenté) de l’auteur, au service d’un sujet sans doute plus original mais terriblement d’actualité en ce début août. Et puis, comme les coquelicots qui repoussent imperturbablement sur les champs de bataille, Jean Echenoz termine son roman sur une note qui laisse place à la vie, envers et contre tout. Ce n’est pas rien.
Jean ECHENOZ, 14, Editions de Minuit, 2012
(Moment, temps)
Je n’ai pas vraiment apprécié ce roman, que j’ai trouvé trop froid et trop distant. La version audio ne m’a pas davantage convaincue.
Cette distance m’a surprise mais pas dérangée en même temps. Et je n’écoute jamais de livres audio, je ne peux pas juger.
Suivi la fin de la cérémonie à Liège, retransmise en direct à la RTBF, écouté l’Ode à la joie chantée par une chorale d’enfants et reprise par les musiques militaires belges et allemandes.
Sur la Grande guerre, aimé « Derrière la colline » de Xavier Hanotte, qui laisse plus de place à la sensibilité qu’Echenoz, me semble-t-il.
J’ai lu ce livre en audio et j’ai bien aimé le texte mais j’ai trouvé que la lecture par l’auteur gâchait vraiment tout et je n’ai pas du tout aimé sa façon de lire : j’ai regretté de ne pas l’avoir lu en version papier! Je sais qu’un jour je lirai « Courir » mais en livre par en audio!
Tu as le même avis qu’Aifelle sur le livre audio (mode de lecture que je pratique pas, tu le sais). Alors tu l’acceptes pour la catégorie Moment du Petit Bac ?
J’ai posté mon commentaire trop vite, j’ai relu entretemps ton billet sur Hanotte, qui n’a pas de secrets pour toi. Bonsoir, Anne.
Xavier Hanotte occupe une place particulière dans ma vie de lectrice. « Derrière la colline » est le premier roman que j’ai lu de lui et il m’a touchée au point que je l’ai lu et relu et suis allée visiter les champs de bataille de la Somme le livre à la main. Avec toujours beaucoup d’émotion. Le roman a été réédité début 2014, l’auteur l’a légèrement remanié, m’a-t-il dit, mais je ne l’ai pas encore relu cette année. Merci de ta visite, Tania, et bonne soirée !
Comme Aifelle, je l’ai trouvé froid et j’ai beaucoup moins apprécié que d’autres de cet auteur comme « courir » par exemple…
Personnellement je trouve que le minimalisme et la sobriété laissent la place aux émotions du lecteur, l’auteur ne nous impose rien. C’est sans doute le fait d’apprendre encore quelque chose qui a rendu le texte intéressant pour moi.
Il ne m’avait pas déplu mais je n’en garde pas un souvenir impérissable… C’est le genre d’écriture blanche qui me marque peu.
Certes ce n’est pas le roman le plus riche en émotions, mais ce style documentaire ne me déplaît pas. Mine de rien, ça doit être très travaillé.
J’ai beaucoup aimé ce titre aussi, dont je conserve un souvenir très fort.
(Lien de PAL pris en compte – je reviens tout doucement)
Ouf, je me sens moins seule, après tous ls commentaires mitigés 😉 (Je vais chercher ton billet). Il y aura encore des billets de PAL la dernière semaine du mois d’août.
J’aime vraiment beaucoup la manière d’écrire d’Echenoz. On a pas mal critiqué ce roman en disant qu’il n’apportait rien de nouveau sur le sujet mais moi, au contraire, j’y ai appris beaucoup de choses.
Je suis ravie de ton commentaire ! Moi aussi j’ai eu l’impression d’en apprendre encore (ne serait-ce que le point de vue humain et l’angle de narration) et j’espère que ce sera pareil pour mes lectures à venir sur la guerre 14-18 !