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Présentation de l’éditeur :
Le jour se lève sur Griffintown après le temps de survivance, les mois de neige et de dormance.
Hommes et chevaux reprennent le chemin de l’écurie. L’hiver a eu raison de quelques-uns. Certains, comme John, reprennent le collier comme on renoue avec une mauvaise habitude. Pour d’autres, qui traînent plusieurs vies derrière eux, il s’agit souvent du cabaret de la dernière chance. Marie, la Rose au cou cassé, cherche quant à elle un boulot qui la rapprochera des chevaux. Elle ignore ce que lui réserve l’été, le dernier de Griffintown. Car tandis qu’une procession de désespérés défile vers le Far Ouest à la recherche d’une maigre pitance, la Mouche ourdit sa vengeance.
Histoire de meurtre, d’amour et d’envie dans un décor où tous les coups sont permis, Griffintown expose au grand jour l’intimité des cochers du Vieux-Montréal, ces cow-boys dans la ville. Un détournement habile, porté par une langue sensible et rude, du western spaghetti sauce urbaine.
« Bienvenue à Griffintown, là où l’on meurt les bottes aux pieds. » C’est la dédicace (on ne peut plus explicite) que l’auteur m’a écrite en mars dernier, au Salon du livre de Paris. Entrer à Griffintown, c’est pénétrer un monde à part, un monde qui se réveille au printemps quand les cochers et les chevaux de calèches reviennent au Far Ouest de Montréal, un monde de plus en plus déglingué sur lequel Billy l’Irlandais a veillé tout l’hiver. Un monde d’hommes dans lequel quelques femmes travaillent, Mary va s’essayer à ce métier difficile de conduire la calèche, guider et soigner les chevaux, se faire une place dans ce milieu aux codes un peu secrets. Un monde à la fois difficile d’accès et menacé (je ne vous dis pas par qui ni comment, ça vous révélerait tout) (cet ancien quartier légendaire a été détruit en 1963, peut-on lire sur le site de l’éditeur, mais c’est difficile de se situer vraiment dans le roman).
Griffintown est donc le récit d’une initiation et d’une décadence, évoquées avec un grand respect et une tendresse poétique par Marie-Hélène Poitras. Le vocabulaire évoque avec une grande précision le travail des cochers. Tous les sens sont en éveil : quartiers de pomme offerts à un vieux cheval, odeurs de crottin et de sueur, glouglou du ruisseau qui borde les écuries et claquement des sabots, caresses sur le crin, et les rues du Vieux-Montréal arpentées en tous sens au service des touristes.
Le temps de « seulement » 171 pages et on est vraiment dans ce monde, son histoire, les hommes et les chevaux qui ont fait sa légende, les menaces qui pèsent sur lui. Un roman poétique et pudique que j’ai une fois de plus refermé la gorge serrée… Bienvenue à Griffintown.
« Angle Murray et Ottawa, dans l’ancien Horse Palace de Leo Leonard, là où paissaient d’autres chevaux de trait jusqu’à tout récemment, une petite boule de feuillage a pris forme autour d’une racine de trèfle exhumée. En roulant ainsi ballottée, elle a fini par accrocher ce qui traînait autour de léger et de friable : brins d’une vieille herbe jaunie, boutons de fleurs séchées, cheveux blancs et crins fourchus, de la corne réduite en poudre et même un peu de moelle, emmêlés au sable gris, aux racinettes de pissenlits, nervures de feuilles datant d’automnes révolus, germes de sainfoin, bouts de ficelle et de corde rêche, pollen et rouille effritée, duvet de moineau. La boule prend de l’expansion, de plus en plus bouffante et ventrue, virevolte sur l’asphalte en direction de la rue des Seigneurs, comme une petite âme en proie à l’affolement. » (p. 92)
Marie Hélène POITRAS, Griffintown, Alto, 2012 et Phébus, 2014
Karine et Cuné m’ont donné envie.
C’est la journée Marie-Hélène Poitras aujourd’hui dans Québec en septembre : Le petit monde d’Iroise a lu le même roman et Karine publie un billet sur des nouvelles de l’auteur.
Je serais plus tentée par ce roman que par les nouvelles dont parle Karine aujourd’hui.
C’est un joli coup de coeur sur un monde disparu…
j’en ai lu deux tiers et je me régale, mais du coup mon billet sera un peu décalé… un beau roman astucieux et poétique 🙂
L’essentiel c’est de le lire et de le savourer, de humer tous ses parfums…
A ton tour de donner envie : voilà qui pourrait me plaire !
Je te le conseille sans réserve !
Toi aussi tu sais donner envie de le lire 🙂
Très bel extrait 🙂
Cet extrait m’a frappée… il n’y est question ni de chevaux ni de cochers mais il donne la mesure de ce monde fragile.
C’est vrai que la douce émotion ressentie à la lecture de ton billet est un bel argument.
Je vais de surprise en surprise dans ce mois québécois. Salut mon oncle ! se passe aussi à Montréal et je suis plongée dans un Michel Tremblay en plein Montréal populaire, très touchant aussi…
J’adore Marie Hélène Poitras, découverte grâce à Manon Trépanier il y a deux ou trois ans à la foire du livre avec le recueil « La Mort de Mignonne ». J’ai eu la chance de rencontrer l’auteure l’année suivante (et de m’y faire également dédicacer « Griffintown »). Je suis heureuse de lire ton billet enthousiaste !
Si tu n’as pas encore lu Griffintown, tu as bien de la chance ! 😉
Oh je l’ai lu il y a déjà plusieurs mois, on doit même atteindre l’année à mon avis 😉