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Le Livre de poche, nouvelles, Stefan Zweig, Un soupçon légitime
Quatrième de couverture :
Un soupçon légitime raconte l’histoire d’un homme dont les passions vont causer le malheur de son entourage. John Limpley s’installe à la campagne avec son épouse et adopte un chien, Ponto. Adulé par son maître, l’animal se transforme en tyran… jusqu’au jour où il est délaissé, lorsque la jeune femme tombe enceinte. Le drame qui va suivre est d’autant plus tragique qu’il reste inexpliqué. Dans cette nouvelle angoissante, inédite en français, on retrouve le style inimitable de Zweig et sa finesse dans l’analyse psychologique. Comme dans Lettre d’une inconnue ou Le joueur d’échecs, il dépeint avec virtuosité les conséquences funestes de l’obsession et de la démesure des sentiments.
Pourquoi cette lecture ? Parce qu’elle fait partie de la liste de livres à lire dans le cadre scolaire de la Miss Nièce et comme nous avons cherché les livres ensemble, que je lui en ai prêté deux, j’ai bien l’intention de lire avec elle ceux que je ne connais pas encore. Et aussi parce que ce mois à l’Est se termine doucement… je fais un détour par l’Europe centrale avant de passer aux lectures de novembre, qui seront surtout québécoises.
En fait, d’Autriche il n’en est pas question dans cette nouvelle qui se déroule dans les environs de Bath : on ne sait pas très bien quand Zweig l’a écrite mais on sait qu’il s’est exilé à Londres en 1935 et qu’il a emménagé à Bath en 1939, avec sa secrétaire Lotte Altmann.
« Pour ma part, j’en suis tout à fait certaine, le meurtrier c’est lui – mais il me manque la preuve ultime, irréfutable. » Betsy « , me dit toujours mon mari, » tu es une femme intelligente, qui observe vite et bien, mais tu te laisses mener par ton tempérament et tu portes souvent des jugements hâtifs. » En fin de compte, mon mari me connaît depuis trente-deux ans et ses mises en garde sont peut-être, et même probablement, justifiées. Je dois donc, puisqu’il me manque cette preuve ultime, me faire violence pour réprimer mes soupçons devant les autres. Mais chaque fois que je le croise et qu’il s’approche de moi, brave et amical, mon cœur s’arrête de battre. Et une voix intérieure me dit : c’est lui et lui seul, le meurtrier. » (début de la nouvelle)
Stefan Zweig utilise l’effet de prolepse dès le premier paragraphe mais il faut lire toute la nouvelle pour savoir qui est ce « meurtrier » dont parle la narratrice, Betsy, une vieille dame qui vit avec son mari dans cette campagne anglaise charmante. Leur solitude est troublée par l’arrivée de nouveaux voisins, les Limpley, dont la femme est calme et discrète et le mari d’un tempérament plutôt envahissant. Certes il est bon comme le pain et heureux de vivre mais il faut que tout le monde le sache et les objets de ses attentions sont voués à une admiration sans bornes et bruyante, tout autant qu’éphémère. Seule ombre au tableau : les Limpley n’ont pas d’enfant au bout de neuf ans de mariage. Soucieuse de distraire madame Limpley, Betsy offre un jeune chien à sa voisine. Mais c’est le mari qui va s’enticher du chien au point d’en faire un vaurien trop gâté. Un jour, madame Limpley est enceinte… Il n’est pas bien difficile de deviner comment va évoluer l’attachement du mari… A partir de là, Stefan Zweig cisèle avec un art consommé du détail (et de la tragédie) ce qui va se passer dans la tête du chien, Ponto, à qui il prête des sentiments bien humains. La fin est tragique, elle m’a mise mal à l’aise, à l’instar de Betsy. Mais bien sûr, j’ai apprécié la finesse de l’auteur dont cela faisait bien longtemps que je n’avais lu un texte.
« Qu’ils aillent au diable, lui et son bonheur! » sis-je, aigrie. « C’est un scandale d’être heureux d’une façon si ostentatoire et d’exhiber ses sentiments avec autant de sans-gêne. Ça me rendrait folle, moi, un tel excès, un tel abcès de bienséance. Ne vois-tu donc pas qu’en faisant étalage de son bonheur il rend cette femme très malheureuse, avec sa vitalité meurtrière. »
Un détail culturel qui m’a enchantée (et tellement « zweigien » si je puis dire) : un soir, Betsy et son mari reviennent d’un concert à Londres, un concert dirigé par Bruno Walter…
A noter que cette édition toute fraîche du Livre de poche propose le texte en français et ensuite en allemand, le tout étant suivi d’une biographie très instructive de Stefan Zweig écrite par Isabelle Hausser et intitulée « Stefan Zweig et le monde d’hier ».
Stefan ZWEIG, Un soupçon légitime, traduit de l’allemand par Baptiste Touverey, Le Livre de poche, 2017 (Première parution en français chez Grasset, 2009)
J’inscris cette lecture dans La bonne nouvelle du lundi de Martine.
Une ribambelle a dit:
Tu sais très bien. nous donner envie de le lire.
anne7500 a dit:
Tant mieux, merci !
Philisine Cave a dit:
C’est indéniablement une lecture efficace mais ce n’est pas ma préférée de l’auteur. Chouette lundi !
anne7500 a dit:
Il y a tellement longtemps que je n’ai lu Zweig que je ne sais pas comparer !
Philisine Cave a dit:
Il fait partie de mes auteurs favoris dont j’ai épuisé une bonne partie de répertoire.
anne7500 a dit:
Je trouve que je n’en ai pas lu assez 😉
Litterama (Les femmes en littérature) a dit:
Oui, c’est dingue cette histoire ! je ne savais pas qu’il y avait encore des inédits de ZWeig, un écrivain que j’ai beaucoup aimé en tout cas.
anne7500 a dit:
Ce n’est pas vraiment un inédit mais on ne sait pas de quand cette nouvelle date exactement.
Alicia a dit:
J’ai lu cette nouvelle et elle m’ a beaucoup plu. L’empathie de Zweig envers le chien est incroyable.
anne7500 a dit:
En effet, il devait vraiment beaucoup aimer cet animal.
Martine a dit:
Il va vraiment falloir que je lise Zweig un de ces jours. Pourquoi pas en allemand ?!! Merci pour ta participation à la bonne nouvelle du lundi ☺️
anne7500 a dit:
Tu lis aussi en allemand, waow !
aifelle a dit:
Je n’ai pas lu Zweig depuis longtemps ; je suis intriguée par cette nouvelle et je la lirai volontiers.
anne7500 a dit:
J’ai un recueil publié dans la Pochothèque, il faudrait que je l’ouvre plus souvent.
Edmée a dit:
J’ai (presque) honte de dire que je n’ai rien lu de lui et pourtant en ai souvent envie. Et je sais d’avance que ça me plairait. Plaira! Tu ravives mon intérêt….
anne7500 a dit:
Ca fait du bien,un classique de temps en temps, et Zweig a ecellé dansles formats courts, ça fait une belle parenthèse.
Marilyne a dit:
Je me souviens de cette nouvelle, lue à sa parution il y a quelques années. Déjà le texte était proposé en bilingue. Et je me souviens de ma petite déception. Il est toujours plaisant de lire Zweig, pour la plume comme tu le soulignes, mais je n’ai pas retrouvé la force émotionnelle du récit. Dans les parutions tardives, j’avais préféré » Voyage dans le passé «
anne7500 a dit:
Comme je le disais à Aifelle, j’ai du mal à comparer… Je note « Voyage dans le passé », merci.
Tania a dit:
Comme à d’autres, ce titre de Zweig m’était inconnu. Tentée.
anne7500 a dit:
Bonne découverte, Tania.
A_girl_from_earth a dit:
Moi aussi ça fait un moment que je n’ai rien lu de Zweig dont j’apprécie pourtant énormément les textes, et là tu viens de me donner grandement envie avec cette nouvelle dont je n’avais jamais entendu parler. Le résumé me dit bien en tout cas !
anne7500 a dit:
Il fausrait uqe j’ouvre plus souvent mon recueil de la Pochothèque !
alexmotamots a dit:
Tu l’as lu en allemand, aussi ?
anne7500 a dit:
huhu
Karine:) a dit:
Je pense que c’est le Zweig que j’ai le moins aimé… pourtant, je suis super fan.
anne7500 a dit:
En effet, ce n’est pas le meilleur. Dommage que les profs ne choisissent pas le(s) meilleur(s) pour mieux donner le goût aux élèves…