Quatrième de couverture :
Mai 1845, les navires Terror et Erebus, sous le commandement de Sir John Franklin, partent à la conquête du mythique passage du Nord-Ouest avec, à leur bord, cent trente-trois hommes et suffisamment de provisions pour survivre trois ans aux rigueurs de l’Arctique. L’expédition doit permettre à l’Angleterre d’asseoir sa suprématie sur le reste du globe, mais les deux navires se trouvent bientôt prisonniers des glaces. Débute alors un tout autre voyage, immobile celui-là, au cœur de la nuit polaire, dont Francis Crozier, commandant du Terror, rend compte dans son journal. Lui-même, qui se languit d’une femme restée à Londres où les thés et les bals se succèdent, sait que cette terrible épreuve est aussi un plongeon dans les profondeurs de l’âme.
Du bon usage des étoiles (sous-entendu : pour savoir naviguer et se diriger correctement) est le premier roman de Dominique Fortier et j’ai beaucoup aimé son ambiance. Il raconte de façon éminemment romancée l’expédition Franklin, destinée à trouver et ouvrir le passage Nord-Ouest à travers les glaces de l’Arctique. C’st l’Angleterre victorienne conquérante, qui n’imagine pas d’autre civilisation que la sienne, qui se met en route avec les deux bateaux de l’expédition. Le roman alterne différents points de vue : un narrateur interne à travers le journal du capitaine d’un des deux bateaux, Francis Crozier, un homme timide, qui n’a jamais osé déclarer sa flamme à une femme qui le hante tout au long du voyage, mais aussi un scientifique, un homme – un es rares de l’équipage – ouvert à la nouveauté, à la découverte de cultures et de peuples nouveaux ; un narrateur externe qui tantôt observe la vie et les personnages à bord du Terror et de l’Erebus, tantôt rend compte de la vie à Londres de Lady Jane, épouse du chef de l’expédition, Lord Franklin, et de sa nièce, Sophia Cracroft (celle dont Crozier est amoureux). L’a peinture de deux mondes, l’un exclusivement masculin, l’autre très féminin. Le livre est aussi entrecoupé de quelques « illustrations » historiques ou anecdotiques des événements plus ou moins importants vécus par les uns et les autres : un extrait d’une pièce de théâtre jouée sur le bateau, la recette authentique du plum-pudding, la marche à suivre pour calculer la route maritime…
Des connections mystérieuses se nouent entre les marins et celles qui sont restées à Londres : une certaine langueur atteint Sophia alors que les bateau sont de plus en plus figés dans la glace, Lady Jane fait d’abord montre d’une confiance aussi forte que l’arrogance des commanditaires de l’expédition avant de s’inquiéter de la bonne marche de cette dernière.
Ce n’est pas le récit d’aventures, bien sûr, qui est au premier plan dans ce premier roman, même s’il est très intéressant et s’il se base sur une expédition bien réelle, mais plutôt l’évocation – presque en touches impressionnistes – de l’influence, du travail opéré par la mer, le voyage, la glace, par une certaine forme de pouvoir aussi, un pouvoir finalement bien dérisoire.
« Du blanc, à perte de vue. Le blanc du ciel qui se fond dans le blanc de la terre enfouie sous la neige, qui se fond dans la blanc de l’eau couverte de glace, qui se font dans le blanc qu’on finit par avoir sous les paupières quand on ferme les yeux. Un blanc gris sous les nuages lourds de neige, un blanc d’ombre qui avale les distances et trompe la prunelle. Un voile blanc qui recouvre tout. Un blanc noir les jours d’hiver sans soleil. » (p. 187)
« L’hiver est une créature redoutable, qui mord, griffe, ronge et dévore ses victimes à petit feu. Il fait fendre les clous, et éclore dans les glaces et sur le verre des floraisons délicates comme des dentelles à la beauté maléfique, il engourdit les membres et l’esprit, jusqu’à l’âme qui bientôt ne souhaite plus que se fondre dans ce tout silencieux dont la pureté meurtrière semble repos et paix. » (p. 226)
Dominique FORTIER, Du bon usage des étoiles, Phébus Libretto, 2013 (La Table ronde, 2011)
Dernier titre Etoiles
Challenge Petit Bac 2019 – Adjectif (littérature québécoise)
Pourquoi pas ? Ton dernier paragraphe (sur le pouvoir bien dérisoire) est convaincant…
Dominique Fortier met aussi en opposition deux conceptions du respect de l’environnement, très parlant aujourd’hui et déjà criant à l’époque.
là je vote tout de suite, j’ai lu des livres sur le sujet depuis ….un premier chez Phébus puis un livre un peu trop fantastique à mon goût dont j’ai oublié le nom de l’auteur
celui je note d’autant qu’en libretto c’est sympa
Est ce que c’est la même auteur qui a écrit sur Emily Dickinson ?
Oui, c’est bien elle ! J’attends avec impatience la Foire du livre pour le trouver enfin.
C’est vrai que ton dernier paragraphe est particulièrement convaincant 🙂
Il est question de transmission ou de tradition à tout prix, d’ouverture aux autres, du lien à l’environnement (lis ma réponse à Kathel 😉 )
Ces explorations me plaisent (même si elles se terminent parfois mal)
Tu ne crois pas si bien dire 😉
Un pouvoir qui se fracasse sur les éléments et la nature, plus forts que lui ! Je n’aime pas trop ce genre de récit d’aventures, mais là, la glace, le froid, l’isolement … à voir.
A la base c’est bien sûr une expédition, un voyage bien réel, mais c’est davantage un voyage intérieur.
Crois-le ou non, je ne l’ai jamais lu. Et il est dans ma pile depuis sa sortie. Et j’ai presque tout lu Dominique Fortier… il faudrait hein!
Je n’avais jamais lu que La porte du ciel jusqu’ici, il me reste encore Les larmes de saint Laurent et Au péril de la mer, en attendant que je mette la main sur Les villes de papier.
Tu sembles bien conquise, ça en est tentant ! Ça ne va pas être l’urgence du moment mais ma curiosité est bien piquée !
Ce n’est pas tout à fait ton genre, en effet, mais qui sait ? 😉 J’ai beaucoup aimé ce roman en tout cas.
Connaissant un peu l’histoire de cette expédition, je suis très tentée par ce livre. En outre, les extraits que tu cites sont vraiment poétiques ; raison de plus pour être tentée.
Je ne connaissais pas du tout avant de le lire. J’ai beaucoup aimé l’écriture aussi.
Je ne connaissais pas, mais ce roman semble avoir bcp d’arguments pour me séduire !
Je ne suis pas sûre à 100 % mais ça pourrait bien te plaire, en effet.