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Alexandre Pouchkine, Babel, Clémentine Beauvais, Eugène Onéguine, Points, Songe à la douceur
Quatrième de couverture :
Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17. Il est sûr de lui, charmant et plein d’ennui, elle est timide, idéaliste et romantique. L’inévitable se produit, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il, aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana a changé, Eugène également. Vont-ils encore aller à l’encontre de leurs sentiments ?
Au départ (et cela date de plus d’un an), il y a la demande pressante de ma chef de section pour travailler le slam en classe avec un collègue de cours pratiques (je donne cours dans une section professionnelle qui a pour finalité les métiers de la publicité – et ma chef a à coeur de lier les cours généraux et les cours pratiques pour motiver nos élèves) Et moi rien que le mot slam, ça me fait écarquiller les yeux et ressentir un grand moment de panique. A part connaître le nom de Grand corps malade, je n’y entends que dalle… L’année se passe et on reporte ça à cette année scolaire. Et ô miracle, à la fin des grandes vacances 2019, je découvre le roman Signé Poète X d’Elizabeth Acevedo (traduit par Clémentine Beauvais), un roman écrit en vers, et ce roman de la traductrice du premier, Songe à la douceur. C’est aussi un texte écrit en vers, parfois rimés, surtout bien rythmés et dont la mise en page – calligrammes, blocs de textes, mots éclatés sur la page – épouse l’histoire, les émotions vécues par les personnages. L’histoire, c’est une réécriture moderne d’Eugène Onéguine, Clémentine Beauvais a gardé les noms des personnages principaux, Tatiana, Eugène, Lensky et Olga, et les plonge dans notre monde moderne, en utilisant toutes les ressources des moyens de communication des jeunes d’aujourd’hui. Eugène, c’est l’ado blasé, nihiliste, ami de Lensky, l’ado idéaliste, passionné, poète, amoureux d’Olga. La face claire et la face sombre des héros romantiques, en quelque sorte. Eugène se laisse aimer par la petite soeur d’Olga, Tatiana, quatorze ans, timide, réservée. L’été finit brutalement avec la mort de Lensky. Dix ans plus tard, Tatiana et Eugène se retrouvent par hasard : elle est étudiante et spécialiste du peintre Caillebotte, il a tracé un chemin de réussite apparente mais sans âme dans le monde adulte. Que va-t-il se passer, vont-ils céder enfin à un peu de la douceur annoncée dans le titre ? Je ne vous dirai pas tout, mais j’ai adoré suivre les doutes, les passions, les rêves et les réalités de ces personnages, j’ai adoré la manière dont Clémentine Beauvais joue avec le langage (elle a 31 ans, elle est prof en sciences de l’éducation et littérature anglaise à l’université de York, elle a déjà écrit de nombreux romans pour enfants et grands ados, elle est aussi traductrice, je suis époustouflée par le talent d’une si jeune personne). Si le roman est une réécriture, il est aussi truffé de références littéraires et poétiques. C’est le roman des amours adolescentes et de ce qu’elles deviennent à l’âge adulte. D’abord publié chez Sarbacane, il est maintenant en poche : bon, tous mes grands ados (surtout les garçons) n’apprécient pas la couverture un peu girly – ni même le roman tout court – mais je suis ravie d’avoir découvert cette jeune auteure et une base pour étudier le slam !
Clémentine BEAUVAIS, Songe à la douceur, éditions Points, 2018 (Sarbacane, 2016)
Quatrième de couverture :
“Placé du côté de la légèreté, du sourire, le roman de Pouchkine est unique dans la littérature russe : il n’apprend pas à vivre, ne dénonce pas, n’accuse pas, n’appelle pas à la révolte, n’impose pas un point de vue, comme le font, chacun à sa façon, Dostoïevski, Tolstoï, ou, plus près de nous, Soljénitsyne et tant d’autres, Tchekhov excepté…
En Russie, chacun peut réciter de larges extraits de ce roman-poème qui fait partie de la vie quotidienne. A travers l’itinéraire tragique d’une non-concordance entre un jeune mondain et une jeune femme passionnée de littérature, il est, par sa beauté, par sa tristesse et sa légèreté proprement mozartiennes, ce qui rend la vie vivable.”
A. M.
André Markowicz, qui s’applique depuis des années à faire connaître la richesse de la littérature classique russe, propose ici une remarquable traduction en octosyllabes rimés du chef-d’oeuvre de Pouchkine.
Né à Moscou en 1799, tué en duel en 1837 à Saint-Pétersbourg, Alexandre Pouchkine n’est pas seulement le plus grand poète russe, il est à l’origine de la langue russe moderne ; il a lancé tous les débats qui, à travers le XIXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, ont fondé la vie intellectuelle de la Russie.
Evidemment, je ne pouvais pas ne pas lire l’original (ça c’était du prétexte pour aller en librairie), qui est lui aussi un roman en vers, très difficile à traduire en français, paraît-il (les tétramètres iambiques du russe n’ont pas du tout la même rythmique que le français) et le chef-d’oeuvre d’Alexandre Pouchkine d’après la critique. C’est un roman qui laisse transparaître les idées libertaires de Pouchkine qui parle – comme en voix off – de son personnage principal sans que cela vienne perturber la lecture. J’ai trouvé celle-ci très fluide, alors que le format des strophes rimées pourrait laisser penser le contraire. Tatiana est la soeur aînée d’Olga, Eugène et Lenski sont ici aussi les deux faces du héros romantique mais Lenski est moins léger, la fin est très différente (Clémentine Beauvais s’est permis très subtilement de jouer avec cette fin dans la réécriture). C’est aussi le roman de la vie quotidienne russe au début du 19è siècle, à la ville et à la campagne. C’est aussi étonnant de lire comme une prémonition de sa propre mort dans le duel que Pouchkine met en scène entre les deux amis : lui-même mourra à l’âge de 38 ans, dans un duel contre l’amant de sa femme, Natalia Gontcharovna. Il paraît que l’auteur a beaucoup travaillé et fait évoluer la langue russe : presque deux siècles plus tard, la jeune Clémentine Beauvais suit ses traces en jouant elle aussi avec le langage dans sa réécriture. Une jolie boucle entre ces deux auteurs.
Alexandre POUCHKINE, Eugène Onéguine, traduit du russe par André Markowicz, Babel, 2008 (Actes Sud, 2005)
En faisant des recherches pour préparer mon cours, j’ai évidemment écouté des extraits de l’opéra adapté par Piotr Tchaïkovski. J’en ai même fait écouter à mes élèves (ils ont dû se dire que je suis complètement givrée). Ecoutez l’air de Tatiana, l’air de la Lettre, par Anna Netrebko.
J’adore la chronique pédagogique :). J’avoue, m’dame, je n’ai toujours pas lu Pouchkine ( mis à part quelques poésies ). Je suis partagée quant à choisir la traduction de Markowicz. Il a traduit ces dernières années de grands classiques russes ( chez Actes Sud ) et disons qu’il ne fait pas l’unanimité. Dostoïevski étant à mon programme de l’année, j’ai préféré choisir une traduction plus » classique « . Je vois que tu poursuis avec » Mon Pouchkine » de M.Tsvetaïeva, j’en suis ravie, que j’ai aimé cet opus, et puis la relire.
Haha c’était la chronique pédagogique ou pas de chronique, je crois. J’ai hésité entre l’édition Babel et celle de Folio classique, je ne savais pas que Markowicz est controversé. Ca vaudrait la peine de lire la traduction Folio aussi ? C’est toi qui m’avais conseillé « Mon Pouchkine », il traînait ici depuis 2014 !! Je l’ai déjà lu, ce sera surtout un billet de citations, je crois 😉
Je ne sais te répondre pour la traduction, il n’est peut-être pas nécessaire de relire tout de même. 2014 ! Mazette, ça ne nous rajeunit pas 😉
Je ne croyais pas que ça remontait à si loin 😉
Quoi, c’est une adaptation d’Eugène Onéguine? J’adore ce truc. Il faut que je lise l’adaptation.
Ouiiii et j’dore déjà cette jeune auteure !
Ah tiens, avec le slam..;
Ceci étant, on ne saurait trop conseiller l’opéra..; ^_^
Je ne le connaissais que de nom, j’ai beaucoup aimé les quelques extraits que j’en ai écouté 😉
Ah tiens, j’ignorais complètement que ce roman de Clémentine Beauvais était une réécriture d’Eugène Onéguine ! Me voilà subitement curieuse, et je pense que comme toi, je vais lire les deux du coup (en commençant par l’original par contre) ! J’adore ce genre de découverte ! 🙂
Oui, c’est sans doute mieux de lire dans le bon ordre. J’ai aussi beaucoup aimé le côté très urbain, parisien, de Songe à la douceur.
Pas trop pour moi je pense ; et ma PAL est trop conséquente.
Si tu voyais la mienne… 😉
Je ne connais pas grand chose au slam non plus. DOnc pourquoi pas ?
J’ai beaucoup aimé cette histoire et plus je la lisais avec mes élèves, plus je l’aimais (alors que certains d’eux ont eu un avis assez mitigé).