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Quatrième de couverture :

“Enfant, je n’ai jamais su d’où venait ma mère.” Arrivé à l’âge adulte, James McBride interroge celle qui l’a élevé et dont la peau est tellement plus claire que la sienne. Il découvre l’histoire cachée de Ruth, fille d’un rabbin polonais qui a bravé tous les interdits pour épouser un Noir protestant en 1942. Reniée par sa famille, elle élève James et ses onze frères et sœurs dans la précarité, le chaos et la joie. Pour elle, peu importe la couleur de peau. Seul compte l’avenir de ses enfants. Ils feront des études, et ainsi choisiront leur vie. Tressant leurs souvenirs, James McBride raconte, plein d’amour et de fierté, une femme forte et secrète, lucide et naïve, imperméable aux préjugés : sa mère.

Derrière cette magnifique couverture colorée se dévoile l’hommage d’un écrivain, d’un musicien à sa mère. Ruth, à l’origine Rachel Shilsky, est la fille d’un rabbin polonais émigré en Amérique, un homme dur, sans amour, qui a atterri en Virginie, où il se lancera avec succès dans le commerce, avec sa femme handicapée et ses trois enfants. L’enfance et l’adolescence de celle qui changera son prénom en Ruth n’a pas été rose du tout mais la jeune fille en sort sans préjugés de race, alors qu’elle vit dans une pette ville et un état marqués par le racisme. après avoir connu ‘amour avec un jeune Noir de Suffolk, elle quitte définitivement sa famille pour New York où sa rencontre avec Andrew McBride lui apportera l’amour et de nombreux enfants, dont le huitième, James, connaîtra à peine son père, emporté par la maladie. Ruth surmontera tant bien que mal son chagrin et se remariera avec Hunter Jordan, qui lui donnera encore quatre enfants et que James considérera comme son père. Après sa mort, le jeune homme risque de virer drogué, délinquant mais c’est sans doute la musique et l’art qui le sauveront. Toute sa vie, Ruth tirera le diable par la queue pour élever ses enfants, avec une débrouillardise qui force l’admiration, car elle a pour ambition que tous ses enfants fassent des études universitaires pour réussir dans la vie. Et on peut dire, en lisant le récit de James McBride, qu’elle a réussi sa vie malgré les embûches et les épreuves.

Le récit alterne les souvenirs de Ruth, que son fils n’a pas obtenus sans peine, et ceux de James, entre l’état de Virginie et la ville de New York. James a en effet longtemps été « perturbé » dans son identité face à cette mère à la peau claire, la seule Blanche ou presque de leur quartier et qui était un modèle d’ouverture. C’est un texte plein de vie, de couleurs (si j’ose dire), d’anecdotes, d’énergie et surtout plein de l’amour d’un fils pour sa mère. Une lecture très recommandable, qui me donne envie de découvrir les romans de James McBride.

« Enfant, je me demandais souvent d’où venait ma mère, comment elle était arrivée dans ce monde. Quand je l’interrogeais, elle répondait : « C’est Dieu qui m’a faite », et changeait de sujet. Si je m’étonnais qu’elle soit blanche, elle haussait les épaules : Non , j’ai la peau claire ». Puis, elle parlait à nouveau d’autre chose. Exposer son histoire personnelle ne faisait pas partie du programme d’éducation qu’elle appliquait à ses douze enfants café au lait, curieux et indociles. »

« – Mais moi, suis-je noir ou blanc?
– Tu es un être humain. Travaille à l’école, sinon tu deviendras un moins que rien.
-Un moins que rien noir ou blanc?
-Pour un moins que rien, la couleur n’a aucune importance. »

« Mais cela n’en restait pas moins étrange. D’après mon expérience, les gens heureux ne pleuraient pas comme Maman. Ses larmes semblaient provenir d’un monde ailleurs, d’un endroit lointain, situé dans son passé où elle ne laisserait jamais pénétrer aucun de nous, ses enfants. Je sentais que cela cachait une blessure secrète. Je pensais qu’elle aurait voulu être noire comme tout le monde à l’église, car Dieu préférait sans doute les gens de couleur. Un autre après-midi, en revenant de l’église à la maisons, je lui demandai si Dieu était noir ou blanc.
– Ni l’un ni l’autre, répliqua-t-elle agacée. Dieu est pur esprit.
– Mais qui préfère-t-il, les Noirs ou les Blancs?
– Il aime tout le monde. C’est un esprit, je te dis.
– C’est quoi un esprit?
– Un esprit est un esprit.
– De quelle couleur est l’esprit de Dieu?
– Il n’en n’a pas. Dieu a la couleur de l’eau. C’est-à-dire aucune.
Je n’avais rien à opposer à cet argument massue qui aujourd’hui encore me paraît sans réplique. »

James McBRIDE, La couleur de l’eau, traduit de l’américain par Gabrielle Rolin, Gallmeister, collection Totem, 2020

Le mois américain 2022 en solitaire avec Pativore et Belette2991

Petit Bac 2022 – Couleur 3

Un an avec Gallmeister – hors thème de Septembre qui est « Un mois avec… » (comme je n’en lis qu’un par mois…)