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Archives de Catégorie: Des Mots africains

L’Hibiscus pourpre

02 mardi Nov 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains, Des Mots au féminin

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Chimamanda Ngozi Adichie, Le Livre de poche

L'hibiscus pourpre - Poche - Chimamanda Ngozi Adichie - Achat Livre | fnac

Quatrième de couverture :

Kambili a quinze ans. Son monde est limité aux murs de la résidence luxueuse d’Enugu, au Nigeria, où elle vit avec ses parents et son frère Jaja. Son père, Eugène, est un riche notable qui régit son foyer selon des principes d’une rigueur implacable. Sa générosité et son courage politique en font un véritable héros de sa communauté. Mais Eugène est aussi un fondamentaliste catholique, qui conçoit l’éducation de ses enfants comme une chasse au péché.

Quand un coup d’Etat vient secouer le Nigeria, Eugène, très impliqué dans la crise politique, est obligé d’envoyer Kambili et Jaja chez leur tante. Les deux adolescents y découvrent un foyer bruyant, plein de rires et de musique. Ils prennent goût à une vie simple et ouvrent les yeux sur la nature tyrannique de leur père. Lorsque Kambili et son frère reviennent sous le toit paternel, le conflit est inévitable…

L’hibiscus pourpre, c’est une plante ramenée de chez leur tante par Jaja et Kambili, c’est un symbole de liberté.

L’Hibiscus pourpre, c’est un regard sur le Nigeria dans les années 80, son instabilité politique, la corruption, la pénurie, les multiples ethnies et dialectes, les religions dominantes (le catholicisme apporté par les colons, l’islam et l’animisme). Le lecteur découvre tout cela à travers le récit de Kambili, une adolescente de quinze ans, qui fait partie de la classe aisée. Mais la jeune adolescente ne connaît le monde qu’à travers les lunettes de l’éducation plus que stricte régie par son père Eugène : certes, il a du courage politique (il possède le seul journal indépendant du pays), il fait preuve d’une générosité sans bornes à l’extérieur de sa maison mais au foyer, c’est un tyran violent qui surveille tout et tout le monde au nom de la foi qu’il a reçue des pères missionnaires et avalée dans sa radicalité la plus poussée. Il va jusqu’à refuser à son père, un vieil homme resté animiste (avec toute sa sagesse), de voir ses petits-enfants, parce qu’il le considère comme « un païen ». Quand Eugène est obligé d’accepter d’envoyer ses enfants à Nsukka, chez sa soeur Ifeoma pour quelques semaines, la vie change complètement pour Kambili et Jaja. Ils découvrent une vie plus légère, plus ouverte aux autres, une tante qui n’a pas la langue en poche, des cousins qui partagent le rire comme la nourriture, pourtant moins abondante qu’à Enugu.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie (devenue depuis très célèbre grâce à Americanah), c’est sa construction, la richesse des informations sur le Nigeria et surtout son sens de la nuance, voire de l’ambivalence, non seulement à travers le personnage d’Eugène (un personnage qui nous fait nous recroqueviller sur nous-mêmes dès qu’il apparaît) mais aussi de Kambili : si elle apprend peu à peu à libérer sa voix, son sourire, ses émotions, elle continue à aimer son père, elle ne le renie pas, et pourtant il y avait de quoi. L’auteure a sans doute puisé dans sa propre histoire pour évoquer aussi l’exil, seule voie possible parfois pour certains pour échapper à la corruption et aux restrictions de plus en plus fortes. Là aussi, ce n’est pas une décision facile à prendre ni à vivre.

L’Hibiscus pourpre, c’est un très beau premier roman, plein d’émotions et de réflexion.

« A la maison la débâcle a commencé lorsque Jaja, mon frère, n’est pas allé communier et que Papa a lancé son gros missel en travers de la pièce et cassé les figurines des étagères en verre. Nous venions de rentrer de l’église. Mama plaça les palmes fraîches, mouillées d’eau bénite, sur la table à manger. Plus tard, elle les tresserait pour en faire des croix, un peu avachies, qu’elle accrocgerait au mur, à côté de notre photo de famille dans son cadre doré. Elles y resteraient jusqu’au mercredi des Cendres, où nous les emporterions à l’église pour les donner à brûler et réduire en cendres. Papa, vêtu d’une longue robe grise comme les autres oblats, aidait tous les ans à distribuer les cendres. Sa file était la plus lente car il appuyait son pouce couvert de cendres bien fort sur chaque front pour tracer une croix parfaite et prononçait posément et avec conviction, en articulant chaque mot, le « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ». »

« Le défi de Jaja me semblait à présent similaire aux hibiscus pourpres expérimentaux de tante Ifeoma: rare, chargé des parfums de la liberté, une liberté différente de celle que les foules agitant des feuilles vertes scandaient à Government Square après le coup d’Etat. Une liberté d’être, de faire. »

« Il rit et dit qu’il était convaincu qu’ils pouvaient sauter plus haut qu’ils ne le croyaient eux-mêmes, et qu’ils venaient tous de prouver qu’il avait raison.
C’était ce que faisait Tatie Ifeoma avec mes cousins, me rendis-je compte alors : leur placer la barre de plus en plus haut dans sa façon de leur parler , dans ce qu’elle attendait d’eux. Elle le faisait tout le temps, confiante qu’ils pouvaient franchir la barre. Et ils la franchissaient.
C’était différent pour Jaja et moi. Nous ne franchissions pas la barre parce que nous nous en croyions capables, nous la franchissions parce que nous étions terrifiés à la pensée de ne pas y arriver. »

Chimamanda NGOZI ADICHIE, L’Hibiscus pourpre, traduit de l’anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal, Le Livre de poche, 2006 (Editions Anne Carrière, 2004)

Une dernière participation un peu tardive au Mois africain  chez Jostein

Petit Bac 2021 – Couleur 5

Savoir-vivre

26 mardi Oct 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains

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Folio, Hédi Kaddour

Présentation de l’éditeur :

« Les partis fascistes, ce n’est pas ce qui manque ici, disait Max à Lena, en passant avec elle sur Tower Bridge, ils rêvent tous de refaire le coup de Mussolini : on part à une poignée et un jour, après quelques manifestations, on devient tout, et plus la poignée est petite plus la réussite sera éclatante. »

C’est une histoire vraie, celle d’un homme de guerre et d’une femme seule. Elle s’est passée en Angleterre, au cours des années 1920. À l’époque, elle a fait cinq colonnes à la une dans la presse, puis elle a disparu. J’ai pensé qu’elle valait la peine d’être racontée dans un roman. H.K.

Cette histoire se passe à Londres, en 1930. Max est journaliste, il cherche un sujet de reportage et s’intéresse au colonel Strether, héros de la bataille de Mons en août 1914, maître d’hôtel dans le civil, dans un prestigieux restaurant londonien et aussi instructeur pour les jeunes recrues d’un petit parti d’extrême-droite. Strether raconte la bataille de Mons et la fameuse intervention des « anges » qui auraient permis aux Anglais de battre en retraite avec un maximum de dignité devant les Allemands triomphants, il exalte cette apparition avec lyrisme et en fait le modèle de ce que devraient êtres les vrais Anglais en 1930. Nous suivons aussi Lena, une cantatrice en répétition à Londres, qui fut la maîtresse de Max, a une liaison avec son pianiste et semble appréciée par Strether qui lui raconte des bribes de son parcours.

Hédi Kaddour raconte l’histoire de ce personnage singulier en la dévoilant progressivement, dans une progression en spirale, où les éléments connus débouchent sur de nouvelles révélations, jusqu’à un coup de théâtre auquel je ne m’attendais pas du tout, qui m’empêche de vous en dire davantage, évidemment et donne envie de relire le roman. J’ai beaucoup aimé la construction de ce personnage, sur fond de crise économique et morale dans l’Angleterre de 1930. On assiste ainsi au développement de plusieurs partis fascistes (celui le plus connu, je crois, d’Oswald Mosley, est évoqué) mais une certaine nostalgie de la première guerre mondiale est bien présente, ainsi que les rapports délicats entre hommes et femmes, ces dernières peinant à garder le statut gagné en remplaçant les hommes en 14-18.

Je prendrai plaisir à retrouver la plume sinueuse et élégante d’Hédi Kaddour.

« Ils s’étaient retrouvés tous les quatre à la gare, dans la rumeur d’une foule joyeuse qui se pressait sur les quais. C’était un matin d’automne, la première partie de l’automne, celle des fruits mûrs, et du soleil qui ne veut pas sortir de l’été. Peu de temps après le départ de leur train, les branches d’arbres encore très feuillues avaient commencé à se jeter joyeusement sur la vitre du wagon, on avait envie de chanter et la lumière se posait par éclair sur les visage set les avants bras. La ligne suivait une petite route où l’on voyait parfois un camion cahoter sous les sacs de houblon, ou bien une fourragère qui abandonnait aux arbres la partie la plus instable de son fardeau. »

« Une Emma qui aurait survécu, qui s’avalerait à petites doses le poison de la vie conjugale. »

Hédi KADDOUR, Savoir-vivre, Folio, 2011 (Gallimard, 2010)

Encore une participation au Mois africain  chez Jostein

Manger l’autre

19 mardi Oct 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains, Des Mots au féminin

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Ananda Devi, Zulma

Manger l’autre

Présentation de l’éditeur :

Une adolescente, née obèse, vit recluse dans sa chambre. Le regard des autres et le harcèlement dont elle est victime ont eu raison de sa scolarité. Sa mère l’a abandonnée, incapable de faire face à son appétit monstrueux. Son père, convaincu qu’elle a dévoré sa sœur jumelle in utero, cuisine jour et nuit pour « ses filles ». Par le plus grand des hasards, elle rencontre l’amour. Mais la société du paraître et les réseaux sociaux ne sauraient tolérer un tel écart…

Fable rabelaisienne, Manger l’autre décrit sans pitié, mais non sans humour, la tyrannie de la minceur et le retour de la « mise à mort publique ». Un conte cannibale d’une sensualité bouleversante.

Après avoir lu un roman sur Francis Bacon, « le peintre de la chair », voici un roman où la chair de l’héroïne déborde de tous côtés, sa peau, ses plis, ses bourrelets, un corps énorme, hypertrophié, qui vaut à sa « propriétaire » horreur et abandon de sa mère, moqueries et quolibets de ses camarades de classe, adoration et déni de son père. La narratrice est née en pesant déjà dix kilos, sa mère n’a jamais su comment la prendre « à bras le corps » si je puis me permettre le jeu de mots et s’st enfuie, épouvantée, dévorée par ce bébé hors-normes. Le père accrédite la théorie que sa fille a mangé sa soeur jumelle dans le sein maternel et nourrit « ses filles » avec une dévotion épuisante, hors de tout bon sens. Un jour, elle a tellement grossi qu’elle ne peut plus quitter la maison et reste la plupart du temps couchée. Elle sa sait condamnée à mourir jeune, baleine, éléphanteau échoué dans son lit. Mais l’amour va s’inviter chez elle, malgré tout, et lui faire connaître le bonheur puis l’enfer, avant une fin… hallucinée.

Manger l’autre est un conte cruel sur le corps, l’image de soi, le regard des autres, la dictature du paraître, et interpelle notre société de consommation et ses excès (consommation de nourriture et d’images). C’est à la fois cruel et très sensuel, fort et provocant. Implacable. D’Ananda Devi, j’avais déjà apprécié Eve de ses décombres. Voici ici un texte très différent, que j’ai tout autant apprécié.

« Alcool, cigarette, bouffe, drogue, sexe, ce sont les excès qui nous excitent, qui nous passionnent. Sans eux, nous sommes de pâles effigies faisant semblant de vivre. Sans eux, nous passerions de la naissance à la mort comme des ombres qui n’auraient jamais connu le bonheur des délices interdits. Nous sommes la contradiction vivante de nos idéaux de sainteté et de santé. Nous ne sommes pas faits pour le jeûne ou l’abstinence, sauf comme forme de punition et d’autoflagellation. »

« Plus que le mal physique, je suis la représentation psychique de notre époque, j’en suis l’immoderé somatisé, la terreur et la spirale autodestructrice (oui, je ne crains pas une telle emphase, parce que la communication passe désormais par une amplification dénuée de sens, par un besoin d’outrance et de redondance — je suis dans l’air du temps, dans la même extension du vide). De nous, du monde dont je fais partie, ne reste que le plus délétère. Prisonniers de nos envies pléthoriques, nous nous sommes enfermés au point qu’il nous est devenu impossible de nous libérer sans éprouver une panique irrationnelle. Ne reste plus que l’assouvissement des envies du corps —gloutonnerie et pornographie, nos deux mamelles. »

« Mais comment effacer l’obésité de la présence humaine sur terre, celle qui engloutit et dévaste et ne cesse de s’épandre ? Pauvres oiseaux, papillons et éléphants ! Tous logés à la même enseigne. Ce qui n’était au départ qu’un élargissement mineur est devenu une expansion accélérée, effrénée, qui ne laissera bientôt plus le moindre espace aux autres espèces. »

Ananda DEVI, Manger l’autre, Zulma, 2021 (Grasset, 2018)

Un Zulma par mois

Le Mois africain chez Jostein (une super initiative pour mettre à l’honneur les littératures africaines dans laquelle je me suis coulée au pied levé)

Meursault, contre-enquête

28 dimanche Mar 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains

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Actes Sud, francophonie, Kamel Daoud, Premier Roman

Quatrième de couverture :

Il est le frère de “l’Arabe” tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du XXe siècle. Soixante-dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l’enfance a vécu dans l’ombre et le souvenir de l’absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l’anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.

Haroun est un vieil homme tourmenté par la frustration. Soir après soir, dans un bar d’Oran, il rumine sa solitude, sa colère contre les hommes qui ont tant besoin d’un dieu, son désarroi face à un pays qui l’a déçu. Étranger parmi les siens, il voudrait mourir enfin…

Hommage en forme de contrepoint rendu à L’Étranger d’Albert Camus, Meursault, contre-enquête joue vertigineusement des doubles et des faux-semblants pour évoquer la question de l’identité. En appliquant cette réflexion à l’Algérie contemporaine, Kamel Daoud, connu pour ses articles polémiques, choisit cette fois la littérature pour traduire la complexité des héritages qui conditionnent le présent.

Ce livre est dans ma PAL depuis sept ans et je dois avouer qu’il me faisait un peu peur. Peut-être est-ce pour cela, pour le sortir de la PAL, que j’ai proposé une semaine Francophonie à Marilyne, tout en sachant qu’elle avait beaucoup aimé ce roman et que j’aborderais le clavier les doigts tremblants pour en parler. Et en effet, j’ai un peu traîné sur ma lecture alors que j’étais saisie par la force du texte et j’ai les doigts tremblants à l’instant où j’écris ce billet.

J’ai lu et relu L’étranger d’Albert Camus, j’adore ce roman et je trouve l’idée de Kamel Daoud à la fois bluffante et vertigineuse : imaginer d’écrire l’histoire du point de vue de « l’Arabe » tué par Meursault, ou plutôt de son frère Haroun, qui a dû porter sa vie durant l’histoire de ce frère assassiné sur une plage d’Alger, que Camus ne cite que comme « l’Arabe », en lui niant ? lui refusant ? une identité qu’Haroun va s’évertuer à lui reconstituer.

Haroun va raconter cette histoire dans un bar rempli de fantômes, où il assume son athéisme face à un personnage sans doute en train d’écrire une thèse. Comme Meursault, Moussa (et Haroun) ont une mère, Haroun a lui aussi été amoureux d’une femme nommée Meriem (l’équivalent en arabe de la Marie de Meursault), il porte lui aussi un crime sur la conscience, qu’il a commis sous l’influence de la lune tandis que Meursault était écrasé de la chaleur du soleil. Ce savant jeu de doubles m’a éblouie : puissance de la littérature qui fait d’une fiction une réalité qui devient elle-même fiction, mise en abyme construite en spirale, se nourrissant du récit pour avancer et aller jusqu’aux limites de l’absurde.

Mais ce premier roman brillant n’est pas qu’un hommage à Camus. On y sent à vif les blessures de la colonisation et de la décolonisation, on y devine l’évolution de la société algérienne jusqu’à une époque où la religion domine le mode de vie et où les femmes ne sont plus aussi libres que la Meriem d’Haroun. Haroun qui, comme Meursault face au prêtre dans sa prison, – autre jeu de doubles – est confronté, à la fin du récit, à l’iman de son quartier oranais.

Enfin, pour tenter de rendre justice à ce texte magnifique, j’ai particulièrement apprécié le style de Kamel Daoud. Je me suis souvent lu des passages à haute voix : le texte m’y appelait, par le choix du narrateur de s’adresser à un « tu » imaginaire, par le genre du plaidoyer et par le choix par Haroun du français comme langue pour comprendre l’histoire de ce frère disparu.

La première page : « Aujourd’hui, M’ma est encore vivante.
Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses. Contrairement à moi, qui, à force de ressasser cette histoire, ne s’en souviens presque plus.
Je veux dire que c’est une histoire qui remonte à plus d’un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n’évoquent qu’un seul mort – sans honte vois-tu, alors qu’il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette omission? Le premier savait raconter, au point qu’il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu’il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n’a même pas eu le temps d’avoir un prénom.
Je te le dis d’emblée : le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n’en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera.
« 

« J’ai tué et, depuis, la vie n’est plus sacrée à mes yeux. Dès lors, le corps de chaque femme que j’ai rencontrée perdait très vite sa sensualité, sa possibilité de m’offrir l’illusion de l’absolu. A chaque élan du désir, je savais que le vivant ne reposait sur rien de dur. Je pouvais le supprimer avec une telle facilité que je ne pouvais l’adorer – ç’aurait été me leurrer. J’avais refroidi tous les corps de l’humanité en en tuant un seul. D’ailleurs, mon cher ami, le seul verset du Coran qui résonne en moi est bien celui-ci : « Si vous tuez une seule âme, c’est comme si vous aviez tué l’humanité entière. »

« J’ai toujours eu cette impression quand j’écoute le Coran . J’ai le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un livre, mais d’une dispute entre un ciel et une créature. La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J’aime aller vers ce Dieu à pied s’il le faut, mais pas en voyage organisé. »

Kamel DAOUD, Meursault, contre-enquête, Actes Sud, 2014

Le très beau billet de Marilyne sur ce roman qui a obtenu le prix des Cinq continents de la Francophonie en 2014

Ainsi s’achève ma semaine Francophonie avec Marilyne qui vous propose de découvrir le roman Em de Kim Thuy. Merci de m’avoir accompagnée durant ce voyage immobile en littérature francophone !

Poussière rouge

27 vendredi Mai 2016

Posted by anne7500 in Des Mots africains, Des Mots au féminin

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Afrique du sud, Apartheid, Gallimard, Gillian Slovo, Poussière rouge, Scripto

Quatrième de couverture :

En 1995, l’Afrique du Sud tente de se remettre de l’apartheid. Il faut régler les comptes du passé pour construire l’avenir. Tel est le rôle de la Commission Vérité et Réconciliation. Les audiences se succèdent et confrontent les victimes aux bourreaux.
Dans la chaleur poussiéreuse de Smitsrivier, Sarah, jeune et brillant procureur, cherche à y voir clair.
Mais le droit suffit-il à la quête de la vérité? Et LA vérité existe-t-elle? Au-delà des causes politiques, il y a les individus avec leurs failles et leurs contradictions, leurs petites lâchetés et leurs grands sentiments…

Nous sommes en 1995, après l’apartheid, dans la petite ville imaginaire de Smitsrivier, emblématique de la bien réelle volonté du nouveau gouvernement d’Afrique du Sud de construire un nouveau pays et de la non moins réelle ambiguïté de la Commission Vérité et Réconciliation, chargée de gérer les demandes d’amnistie déposées par les anciens tortionnaires de l’apartheid (le billet de Sandrine vous propose les conditions exactes de ces demandes d’amnistie par d’anciens policiers qui ont torturé et parfois tué des membres de l’ANC). Si la Réconciliation était surtout prêchée par les autorités religieuses, la Vérité était recherchée par les nouveaux responsables politiques du pays. Mais quelle vérité ? Et était-il possible d’en faire apparaître une ?  Car il y avait bien deux camps totalement opposés, les Blancs et les Noirs, les gens au pouvoir et les opposants, les tortionnaires et les victimes, donc… forcément deux vérités, au moins.

Le roman de Gillian Slovo, fille de l’ancien avocat puis ministre de Nelson Mandela (et à l’origine de la Commission), se situe dans ce contexte, qu’il nous permet de saisir dans toute sa complexité et il va même plus loin en démontrant à quel point victimes et bourreaux sont intimement liés. A travers les personnages de Dirk Hendricks, ancien policier et Alex M’Pondo, rescapé qui voulait laisser son passé de militant ANC aux oubliettes, car il pense avoir une lourde responsabilité dans la mort d’un de ses amis dont le corps n’a jamais été rendu à ses parents, entourés de leurs avocats Ben Hoffman et Sarah Barcant, la romancière tisse une intrigue dense, bien menée, où vérité et mensonge jouent au chat et à la souris, jusqu’à la fin. La romancière montre bien que rien n’est manichéen, malgré tous les rêves ou illusions des uns et des autres. (Le roman aurait pu s’appeler La vérité et autres mensonges, comme le roman de Sascha Arago.)

J’ai eu un tout petit peu de mal à entrer dans ce roman, parce que chaque chapitre se focalise sur un personnage, les allers et retours dans le passé sont fréquents (c’est sûr, j’étais un peu fatiguée quand j’ai commencé ma lecture) mais une fois plongée dans le bain (brûlant de soleil et de poussière) de Smitsrivier, je n’ai quasiment plus lâché le roman. Ses personnages sont bien campés, on se laisse déstabiliser par les manoeuvres et les contradictions des uns et des autres. Jusqu’à la fin, les événements et les rapports humains se succèdent, s’emboîtent, s’éclairent, rivalisent dans une construction impeccable.

Un très beau roman, nécessaire.

« Le silence. Il leur avait été familier autrefois. Un silence né d’abord de la crainte que l’homme le plus âgé inspirait à Dirk et qui, graduellement, d’une compréhension mutuelle avait fini par devenir une véritable amitié. Un silence qui avait aussi trempé dans les jours de sang, une façon d’échapper à tous ces mots hurlés dans la fureur. Un silence qui n’était plus possible, parce que dans les sables mouvants des temps nouveaux, même si les mots étaient durs, les choses non dites qui rôdaient sous la surface étaient bien plus dangereuses encore. »

Gillian SLOVO, Poussière rouge, Scripto, Gallimard, 2006

Gillian Slovo est d’origine sud-africaine mais elle vit à Londres depuis l’âge de douze ans, en 1964. Le roman est écrit en anglais et publié à Londres, aussi je l’inscris dans A year in England.

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Cinq fragments du désert

12 jeudi Jan 2012

Posted by anne7500 in Des Mots africains

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Cinq fragments du désert

Présentation de l’éditeur :

Cet ouvrage est une ode au désert, immensité à la beauté insolite, lyrique et métaphysique, qui toujours a nourri l’imaginaire humain. Proposé en édition bilingue français-arabe, ce livre réunit pour la première fois deux grands créateurs algériens, Rachid Boudjedra et Rachid Koraïchi, qui se connaissent depuis longtemps et sont originaires de la même ville, Ain Beida (450 km à l’est d’Alger). A la poésie inquiète du premier répond l’imagination fertile du second, texte et illustrations entrent alors dans une magnifique résonance. La traduction du français vers l’arabe est l’œuvre de Hakim Miloud.

C’est un bien beau livre que j’ai reçu des éditions Barzakh/Actes Sud, grâce à Libfly, dans le cadre de l’opération

1 / Deux éditeurs se livrent spécial Maghreb / Lire et partager jusqu'au 10 février

Comme son nom l’indique, cinq textes nous livrent des visions fragmentaires du désert du Sahara, les nuits, le sable, la lumière, les oiseaux, les gens qui traversent le désert, le vide apparent, la vie qui sourd malgré l’aridité. Chaque fragment est introduit par des vers de Saint-John Perse et est prétexte à une réflexion philosophique, nourrie d’une écriture poétique, parfois savante voire absconse. Comme pour préserver le ysère de ce lieu vaste et insolite.

Mais la beauté de ce livre réside surtout à mon sens dans la traduction en arabe d’abord, dans ses illustrations ensuite.

L’ouvrage peut en effet se parcourir de gauche à droite, en français, et de droite à gauche en arable. On peut alors goûter dans la saisir la finesse de la calligraphie arabe. Les deux parties sont illustrées par Rachid Koraïchi : dessins à la plume, pages rythmées de graphismes disposés comme des hiéroglyphes, traits fins, couleurs de sanguine et de nuit, tout est fait pour séduire l’oeil. La qualité du papier ajoute au plaisir de feuilleter ce livre que je garderai précieusement.

 

Un grand merci aux éditions Barzakh/ Actes Sud, à Yomu et à Libfly ! (Cliquez sur le logo de l’opération pour tout savoir de ce désir de faire connaître des éditeurs du Mahgreb.

Et comme nous sommes le 12 janvier, je dédie ce billet à Hubert Nyssen, fondateur des éditions Actes Sud.

Cinq fragments du désert, Textes de Rachid BOUDJEDRA, Illustrations de Rachid KARAICHI, Barzakh/Actes Sud, 2001/2007

C’est jeudi, c’est citation

18 jeudi Août 2011

Posted by anne7500 in Des Mots africains

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Ce jeudi, je vous livre une autre citation tirée de Celles qui attendent, livre chroniqué ici hier. J’ai trouvé cet extrait bien écrit, bien pensé…

« Ce que les gens appellent l’éternité, qu’ils imaginent telle une ligne de mire lointaine, n’existe pas. La véritable éternité, c’est un bref instant, volé à la vacuité du quotidien, où, soudain, une intense beauté se concentre et s’ancre si profondément en nous que le temps à venir ne peut en éroder le souvenir. L’éternité, c’est cette pleine présence à soi et aux autres lors de ces moments inoubliables. Si le corps se laisse ruiner par le temps, il existe en nous des endroits où la beauté ménage un espace hors d’atteinte. Partager la sincérité d’une émotion, c’est transmettre l’essence de ce que nous sommes. » (p. 285-286)

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La citation du jeudi, c’est chez Chiffonnette.

Celles qui attendent

17 mercredi Août 2011

Posted by anne7500 in Des Mots africains

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Celles qui attendent

Ce livre raconte l’histoire de quatre femmes, Arame et Bougna, les mères, Daba et Coumba, les belles-filles, et en filigrane, celle des fils d’Arame et Bougna, Lamine et Issa. Dans ce village d’une petite île au large du Sénégal, la vie est difficile, il n’y a guère de perspectives d’avenir, et pour les familles moins aisées, l’Europe exerce une fascination presque irrésistible. Alors, de nuit, les pirogues surchargées s’en vont vers l’Espagne, et ceux qui y parviennent continuent à alimenter les rêves des familles restées au pays.

Mais la réalité est moins « rose » : Arame et Bougna ont tout fait pour que leurs fils s’en aillent et reviennent au village riches et auréolés de gloire. Et pour être sûres qu’ils rentrent au Sénégal, elles les ont poussés à se marier avant le départ. Leurs jeunes épouses sont restées avec leurs belles-mères, elles les attendent. La vie des unes et des autres se teinte successivement de rêve, de fierté, de désillusion, de désespoir…

 

Ce livre m’a complètement dépaysée et questionnée. Plusieurs thèmes et problématiques parcourent le roman.

Derrière le destin particulier de Bougna et d’Arame, c’est celui des femmes africaines qui est chanté, expliqué, décrit, documenté par Fatou Diome. Pendant que les hommes pêchent, jouent aux cartes, décident, les femmes triment, elles cuisinent, lavent le linge, vont ramasser le bois, remplissent les bidons d’eau, elles s’occupent des enfants, essayent tant bien que mal d’assurer le confort de tous, quitte à tenter de petits arrangements avec l’épicier ou à se priver de tout. C’est toute une société qui est dépeinte ici, écrasée par le soleil des tropiques, avec ses croyances, ses traditions, son code de l’honneur, ses clans, son fatalisme.

« Au village, les jours s’abattaient sur les épaules avec la régularité qu’on leur connaît sous les tropiques. Le quotidien avait repris ses droits et filait ininterrompu, longue piste monotone où les soucis poussaient plus vite que les fleurs. Les préoccupations scandaient la journée. Les moutons à emmener aux pâturages, le bois à chercher, la famille à nourrir, les enfants à vêtir, les malades à soigner avec des ordonnances qui croupissaient sous la poussière. Les marées se succédaient, impassibles, emportant avec elles les ongles des femmes qui retournaient la vase pour quelques fruits de mer. Et parce que les bras de l’Atlantique ne charriaient pas de monnaie, la débrouille était le talent collectif qui donnait sa couleur à chaque jour. Chacun avait des astuces qu’il croyait originales mais qui, en réalité, étaient mises en oeuvre par tous avec une discrétion qui coulait les pires conditions dans une apparence de normalité. Si personne ne se plaignait franchement, personne n’était dupe non plus. Ceux qu’on croise aux puces, achetant les mêmes choses dépréciées, sont rarement plus nantis que soi. Et là, sur la place du village, tout le monde s’arrachait les restes du monde moderne, repartait avec les miettes qu’il pouvait s’offrir, s’y accrochait de toutes ses forces, à défaut de savoir par quel bout saisir une vie malicieuse et toujours fuyante. »  (p. 151)

Pour améliorer ce quotidien, c’est d’abord la ville, la capitale Dakar qui attire. Et surtout le mirage, le miroir aux alouettes qu’est l’Europe. Car, si les mères donnent l’illusion de croire « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » de leurs fils émigrés, la réalité vécue par ces jeunes gens est évidemment loin d’être idyllique. Et Fatou Diome ne se prive pas d’une critique virulente sur les conditions dans lesquelles les expatriés arrivent sur les côtes méditerranéennes et sur « l’émigration choisie », cette vassalisation de l’Afrique par l’Europe.

« De fait, l’équipage de Lamine et Issa avait reçu le même traitement que tous les aventuriers qui accostent là-bas. Derrière les grilles de Ceuta et Melilla bat un coeur que l’Europe économique voudrait anesthésier. Mais, répondant avant tout aux consignes humanistes, les militants de diverses associations accourent, soignent, nourrissent, encadrent et consolent les enfants de la misère qui viennent se briser les ailes contre la vitrine européenne, comme des oiseaux happés dans les lames d’une girouette. »  (p. 229-230)

Ce roman nous donne donc à voir la réalité, les désirs d’une vie meilleure du point de vue des migrants, et surtout de leurs familles, mais la romancière, qui vit en France depuis 1994, connaît les deux côtés de la « médaille ».

C’est très touchant aussi de découvrir la condition des femmes sénégalaises, jeunes et aînées, marquée notamment par la soumission, l’analphabétisme, la polygamie. L’occasion d’assister à quelques combines et colères croustillantes de Bougna, et d’admirer l’équanimité d’Arame, avant la révélation de quelques secrets de famille…

Un beau roman, à la langue tantôt flamboyante comme le soleil, tantôt dure comme la colère.

Fatou DIOME, Celles qui attendent, Flammarion, 2010

 

Un livre qui entre dans le challenge Femmes du monde (Anis l’a lu aussi, son avis ici)

 

 

 

Taxi

31 mardi Mai 2011

Posted by anne7500 in Des Mots africains

≈ 14 Commentaires

Taxi

   Quatrième de couverture :

Portant chacune sur un aspect particulier de la vie sociale, économique ou politique en Egypte, ces cinquante-huit conversations avec des chauffeurs de taxi du Caire composent un tableau fascinant de ce pays à un moment clé (avril 2005 – mars 2006) du règne du président Hosni Moubarak – qui sollicitait alors un cinquième mandat. Tout y est en effet : les difficultés quotidiennes de la grande majorité de la population, la corruption qui sévit à tous les échelons de l’administration, l’omniprésence et la brutalité des services de sécurité, le blocage du système politique, les humiliations sans fin que la population subit en silence, les ravages du capitalisme sauvage…

   Consignés en dialecte égyptien avec un humour décapant et un admirable sens de la mise en scène, ces échanges librement reconstitués par l’auteur, sinon entièrement inventés par lui, relèvent à la fois de la création littéraire et de l’enquête de terrain. S’ils font connaître les griefs des « gens d’en bas », ils laissent aussi entrevoir les raisons pour lesquelles le pouvoir en place tient bon malgré sa décrépitude et son impopularité.

Tout est dit ou presque dans cette quatrième de couverture. Dans ce livre, on respire la poussière, la pollution, l’agitation interminable de la circulation cairote, mais aussi les revendications, les difficultés et le fatalisme des chauffeurs de taxis, reflets de la société égyptienne dans son ensemble.

C’est vraiment impressionnant de lire cet ouvrage quelques mois après la révolution qui a fait chuter le président Moubarak, dont on devine ici l’emprise, la manipulation, la corruption de son gouvernement. On ne peut que se réjouir que les Egyptiens aient osé exprimer leur soif de liberté, leur capacité à construire leur vie politique et citoyenne.

Beaucoup d’humour à goûter aussi non seulement dans les blagues des taxis mais aussi dans leur regard plein de lucidité sur l’histoire et la société égyptiennes…

« Celui qui n’est pas allé en prison sous Nasser n’ira jamais en prison, celui qui ne s’est pas enrichi sous Sadate ne s’enrichira jamais, et celui qui n’a pas mendié sous le règne de Moubarak ne mendiera jamais. » (p. 70)

« J’aimerais beaucoup prévenir le ministre de l’Information qu’on est en fait cent fois plus intelligents que lui et qu’on comprend ce qui se passe dans le monde deux cents fois mieux que lui. Mais où est-ce que je peux trouver ce ministre pour le lui dire ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Il faudrait que je lui envoie un télégramme ? Ou est-ce que je risque d’être arrêté à cause d’un télégramme ? Qu’est-ce que j’y peux, c’est plus notre pays, maintenant c’est le leur. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent et nous, mieux vaut qu’on s’occupe de nos affaires. » (p. 116)

« C’est agaçant. D’un côté le gouvernement n’arrête pas de parler de démocratie et de la première élection présidentielle pluraliste, et de l’autre côté un inconnu dans le métro nous écrit que le président possède l’argent de l’Etat et qu’il le dépense en cadeau pour un groupe de personnes qui appartiennent à Sa Majesté et qu’on appelle « son peuple ». Ces contradictions exaspèrent. Nous devons avaler des pilules d’idiotie pour supporter tout ce qu’ils nous disent. » (p. 157)

Khaled Al Khamissi, Taxi, Actes Sud, 2009

Les avis de Kathel, Gwenaëlle, Clara

Un livre lu dans le cadre du challenge Petit Bac (catégorie Métier) et Le tour du monde (pour l’Egypte, évidemment)

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Jours d’enfance

03 mardi Mai 2011

Posted by anne7500 in Des Mots africains

≈ 16 Commentaires

Jours d'enfance

  Décembre 1968. Au Wesley College à Bloemfontein (dans l’Eat libre d’Orange en Afrique du Sud), les élèves se préparent à affronter au tennis les Clefs-à-Molette, obscurs étudiants d’un collège technique afrikaner des environs. Quand les visiteurs descendent du car, Simon reconnaît parmi eux Fanie van den Bergh,  qu’il a connu sur les bancs de l’école à Verkeerdespruit, un gros village afrikaner.

Simon est lui-même fils d’un magistrat anglais et d’une Afrikaner, qui semblent vouloir dépasser le fossé entre ces deux nationalités. Mais la ligue des dames patronesses, la position du pasteur maître à penser sont souvent difficiles à combattre. Tous ceux qui ne sont pas dans la « norme » sont « écartés » : Steve et sa moto, Trevor et sa chemise rose. Et les instituteurs se succèdent rapidement à l’école, car ils ne souhaitent pas moisir dans ce trou.

Dans ce village, les enfants reproduisent presque inconsciemment les comportements racistes des adultes : ainsi, Fanie est un garçon épileptique et donc considéré comme un demi-idiot, d’autant plus peut-être que sa mère semble rétive aux tentatives d’aide proposées par les dames de la paroisse.

Quand Simon réussit à sortir du patelin pour entrer à Wesley, un collège très moyen qui correspond aux idées relativement libérales de ses parents, il peine à être pleinement intégré à cause de sa double origine. Lors dumatch de tennis qui l’oppose à Fanie, les souvenirs d’enfance remontent à la surface, et avec eux les divisions et les préjugés.

C’est grâce à Elodie Fondacci (Radio Classique) que j’ai entendu parler de ce livre et il était justement à la bibliothèque. Il ne s’agit pas d’un livre sur l’apartheid à proprement parler car l’auteur a choisi de montrer le fossé entre Anglais et Afrikaners mais on sent bien que les deux peuples partagent la même crainte des Bantous, il ne faut surtout pas que le village devienne un « bantoustan ». Tous ces préjugés sont vus à travers le regard innocent, spontané d’un enfant dans les années 1960, et dans son innocence, Simon provoque presque des catastrophes pour certains adultes quand il ne subit pas lui-même les préventions de ces mêmes adultes, à propos de son chien Dumbo par exemple. Dans son village d’abord, au collège ensuite, il apprend la vie, l’amitié, la jalousie, les expériences sexuelles, et sa naïveté nous vaut quelques scènes pas piquées des vers. J’ai souvent souri et parfois frémi devant certaines situations. Au bout du compte, dans la scène entre le directeur du collège et Simon, l’auteur nous livre finalement un message capital, on l’espère, pour l’apprentissage de Simon (malgré une conclusion hilarante).

Le poème de Robert Graves cité en exergue du roman, que je vous ai proposé pour le dimanche poétique, donne une des clés de lecture de ce roman : les gens qui se sentent protégés derrière leur rideau de paroles, d’a priori, « mourront glauques, saumâtres et volubiles ». Sauf s’ils acceptent de se laisser provoquer par « la lumière éclatante des jours d’enfance », celle qui interroge leurs choix d’adultes.

Michiel HEYNS, Jours d’enfance, Philippe Rey, 2010

Une escale en Afrique du Sud pour le Tour du monde

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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