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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Catégorie: Des Mots au féminin

Son espionne royale mène l’enquête

28 mardi Juin 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

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Rhys Bowen, Robert Laffont, Son Espionne royale

Quatrième de couverture :

Londres, 1932.
Lady Victoria Georgiana Charlotte Eugenie, fille du duc de Glen Garry et Rannoch, trente-quatrième héritière du trône britannique, est complètement fauchée depuis que son demi-frère lui a coupé les vivres. Et voilà qu’en plus ce dernier veut la marier à un prince roumain !
Georgie, qui refuse qu’on lui dicte sa vie, s’enfuit à Londres pour échapper à cette funeste promesse de mariage : elle va devoir apprendre à se débrouiller par elle-même.
Mais le lendemain de son arrivée dans la capitale, la reine la convoque à Buckingham pour la charger d’une mission pour le moins insolite : espionner son fils, le prince de Galles, qui manigance avec une certaine Américaine…

Encore une série du genre cosy mystery, il en existe déjà neuf aventures, me semble-t-il. La découverte de lady Georgiana m’a beaucoup plu. Déjà par ses origines écossaises et la radinerie crasse de son demi-frère et de sa belle-soeur : certes c’est un cliché mais cela m’a fait rire. Dans cette famille, Georgiana est sans doute la plus futée et il lui faudra toute son intelligence pour se débrouiller seule à Londres (sans chaperon, sans bonne, rappelez-vous, nous sommes en 1932) et pour tenter de comprendre pourquoi un cadavre a atterri dans sa baignoire et disculper le demi-frère pas très courageux que tout accuse. En même temps, Georgiana est une lady de sang royal jusqu’au bout des ongles et c’est parfois un léger handicap pour vivre et travailler comme tout le monde sans se faire remarquer.

Comme le précise l’autrice au début du roman, elle s’est « assurée que les personnages royaux ne font rien qui ne leur ressemble pas et qu’ils jouent leur propre rôle avec exactitude ». C’était donc assez jubilatoire aussi de voir la reine Mary manoeuvrer pour envoyer Georgiana espionner son fils aîné David et sa « copine » américaine, une certaine Mrs Simpson…

De l’humour, de la légèreté, un cadre historique prometteur, mais aussi une héroïne attachante, une intrigue qui se tient, voilà de bons ingrédients pour me donner envie de découvrir la suite des aventures de lady de Rannoch !

« Le mariage fut de courte durée. Même les gens dotés de moins d’entrain et de vivacité que ma mère ne pouvaient tolérer le château de Rannoch. Les gémissements du vent dans les vastes cheminées, ainsi que le papier peint à motif tartan dans les cabinets, avaient pour effet presque instantané de plonger quiconque dans la dépression, voire la folie. »

« Il y a deux inconvénients à être un membre mineur de la famille royale d’Angleterre.
Pour commencer, on est censé se comporter comme il sied à quelqu’un appartenant à la royauté, sans que vous soient donnés les moyens de le faire. (…) Les moyens de subsistance ordinaires ne sont pas vus d’un bon œil. (…) Lorsque je me hasarde à faire observer l’injustice de cette situation, on me rappelle le second point de ma liste. Apparemment, le seul destin acceptable d’une jeune femme de la Maison Windsor consiste à épouser un membre d’une des autres Maisons royales qui, semble-t-ils, parsèment encore l’Europe – bien qu’ils ne reste de nos jours que très peu de monarques régnants. Même une Windsor aussi insignifiante que moi est une prise séduisante pour ceux qui souhaitent forger une alliance précaire avec la Grande Bretagne en ces temps instables. »

« Sa Majesté avait une passion immodérée pour les antiquités… Elle possédait évidemment un atout unique. Si elle exprimait de l’admiration pour un bibelot, n’importe lequel, l’étiquette exigeait qu’il lui fût remis. La plupart des familles nobles cachaient leurs biens les plus précieux à l’annonce d’une visite royale imminente. »

Rhys BOWEN, Son Espionne royale tome 1 – Son Espionne royale mène l’enquête, traduit de l’anglais par Blandine Longre, Editions Robert Laffont, collection La Bête noire, 2019

Le Mois anglais 2022

Petit Bac 2022 – Ponctuation 2 (apostrophe)

Le Bureau du mariage idéal

27 lundi Juin 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

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10/18, Allison Montclair

Quatrième de couverture :

Alors que Londres se remet lentement de la Seconde Guerre mondiale, deux femmes que tout oppose s’associent pour monter une société au cœur du quartier de Mayfair, le Bureau du Mariage Idéal. L’impulsive Miss Iris Sparks à l’esprit vif et Mrs Gwendolyn Bainbridge, veuve pragmatique et mère d’un jeune garçon, sont résolues à s’imposer dans un monde qui change à toute vitesse.
Mais les débuts prometteurs de leur agence matrimoniale sont menacés quand leur nouvelle cliente, Tillie La Salle, est retrouvée morte et que l’homme arrêté pour le meurtre se trouve être le mari potentiel qu’elles lui avaient trouvé. La police est convaincue de tenir le coupable mais Miss Sparks et Mrs Bainbridge ne sont pas du même avis. Afin de laver le nom du suspect – et rétablir la fragile réputation de leur agence – Sparks et Bainbridge décident de mener leur propre enquête. Elles ne savent pas encore qu’elles vont mettre leur vie en danger…

J’ai beaucoup aimé ce duo d’enquêtrices à la fois si différentes et si complémentaires qui ouvrent leur agence matrimoniale dans le Londres d’après guerre pour gagner leur vie et prouver (aux autres et à elles-mêmes surtout) qu’elles sont parfaitement aptes à mener leur vie de manière indépendante : Iris Sparks, qui manie le couteau à cran d’arrêt comme personne et multiplie les amants pour cacher le manque terrible qu’elle a vécu pendant la guerre (mais que diable faisait-elle exactement pendant cette guerre ?) et Gwen Bainbridge, veuve d’un fils de lord mort au combat, mère d’un adorable petit garçon de six ans, qui tente courageusement de remonter la pente pour surmonter le deuil terrible de son mari et pour gagner son indépendance.

Les faits ne jouent pas pour elles puisque, à peine mise en contact avec un époux potentiel, une de leurs clientes est assassinée et le candidat mari emprisonné car il semble le coupable idéal. Iris et Gwen vont donner de leur personne pour blanchir Dick Trouwer. Elles vont mettre au jour de sombres trafics liés au rationnement et au marché noir et côtoyer des personnes peu recommandables. Et elles ne seront pas à bout de leurs surprises pour désigner le véritable assassin…

Outre ce duo d’enquêtrices fort attachant, les personnages secondaires sont hauts en couleurs, notamment Sally. La thématique de l’émancipation des femmes, le parcours dans Londres encore terriblement marquée des blessures des bombardements, l’humour flegmatique, autant d’atouts pour cette série qui ressemble presque à du cosy mystery et ne manque pas d’intérêt ! Je serai ravie de découvrir la suite !

« Tillie fut invitée à s’asseoir sur une chaise dont le bois craqua de façon alarmante. Deux bureaux lui faisaient face, de chaque côté d’une unique fenêtre. A les voir, on aurait dit qu’ils avaient eux aussi servi pendant la guerre et survécu, éclopés mais victorieux, à une embuscade tendue par du mobilier allemand ; celui de gauche s’appuyait contre la cloison, un livre glissé sous l’un de ses pieds, plus court que les trois autres. »

« Ah, encore une chose, dit Parham. Sur votre plaque il est écrit « Entrepreneurs ».
– En effet.
– C’est un terme réservé aux hommes, non ?
– « Entrepreneuses » eût sonné ridicule, non ? rétorqua Sparks.
– Et « entreprenantes » eût prêté à confusion. Qui nous aurait prises au sérieux ? ajouta Mrs Bainbridge.
Le lieutenant Kinsey, debout derrière son chef, eut un sourire en coin.
– Eh bien, je n’aime pas ça, bougonna Parham.
Mrs Bainbridge baissa la tête et répondit humblement :
– Nous nous efforcerons de poursuivre notre activité sous le joug de votre désapprobation. Bonne journée, messieurs, et bonne chasse »

Allison MONTCLAIR, Le Bureau du mariage idéal, traduit de l’anglais par Anne-Marie Carrière, 10/18, 2020

Le Mois anglais 2022

Petit Bac 2022 – Famille 2

Les Quatre

06 lundi Juin 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

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Agatha Christie, Hercule Poirot, Le Masque

Quatrième de couverture :

Une série de meurtres frappe Londres. Sans lien apparent, ces morts sont en réalité toutes signées d’un « 4 ». Que représente ce chiffre ? Hercule Poirot ne tarde pas à le découvrir : la maque de quatre criminels insaisissables, quatre cerveaux machiavéliques n’ayant d’autre ambition que dominer le monde. Aidé par le capitaine Hastings, le célèbre détective se lance à la poursuite de ces quatre fantômes, dans une enquête des plus tortueuses qui pourrait bien lui être fatale.

Le capitaine Hastings rentre à l’improviste d’Argentine et se réjouit de surprendre son ami Poirot. Mais celui-ci est sur le point de partir en… Argentine pour y mener une enquête commanditée par un riche propriétaire. C’est alors qu’un homme mystérieux vient s’écrouler chez lui, porteur d’un message griffonné du chiffre quatre.

Qu’elle est étonnante, cette enquête d’Hercule Poirot ! On dirait que Poirot s’attaque à la terre entière et à toutes les formes de criminalité associées dans ces Quatre, ou plutôt il comprend très vite qu’il doit observer, s’informer, prévoir la tactique car cette organisation criminelle est multiforme et pleine de ressources, très dangereuse pour la sécurité mondiale, rien de moins.

Enquête étonnante aussi parce qu’Agatha Christie flirte avec le roman d’espionnage et le roman d’aventures : Poirot est très actif et même sportif à certains moments, il saute de trains en marche avec Hastings, il parcourt l’Angleterre en tous sens, il reçoit des informations secrètes des plus hautes sphères de l’Etat britannique sous le regard éberlué de son ami Hastings, le narrateur de ce roman. C’est sûr, Agatha Christie sait faire preuve d’humour caustique ! Surtout quand Hercule porte ses petites cellules grises aux nues…

Cette aventure rocambolesque de Poirot n’est pas la plus fine de ses enquêtes mais elle a un côté rafraîchissant et troublant à la fois. Et l’amitié entre le détective belge et le capitaine Hastings en ressort encore plus grande.

« Oui… sans son regard fulgurant, sans ses yeux de Lynx, Hercule Poirot serait peut-être mort écrasé, à l’heure qu’il est. Quelle effroyable calamité pour l’humanité toute entière ! Vous aussi, mon bon ami, vous auriez pu y rester ; mais cela n’aurait pas été une catastrophe nationale.
– Merci, dis-je froidement. »

« – Pardonnez-moi, mon bon ami, mais est-il possible que vous lisiez tout à la fois L’Avenir de l’Argentine, L’Elevage du Bétail, L’indice Cramoisi et Sport dans les Rocheuses ?
J’avouai en riant que, pour le moment, L’indice Cramoisi retenait seul mon attention. Poirot secoua tristement la tête.
– Mais alors replacez les autres dans la bibliothèque ! Jamais, au grand jamais vous n’adopterez l’ordre et la méthode. Mon Dieu, à quoi sert une bibliothèque, je vous le demande ? »

Agatha CHRISTIE, Les Quatre, traduction révisée de Gérard de Chergé, Le Masque poche, 2015 (première édition, 1933)

Première participation au Mois anglais 2022

Challenge British Mysteries 2022

Petit Bac 2022 – ligne Agatha Christie Chiffre

Deux lectures décevantes

14 samedi Mai 2022

Posted by anne7500 in Abandons, De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Pour terminer ma ligne belge du Petit Bac, fin avril, j’ai lu deux livres très différents… et tous deux des déceptions à des titres divers. J’ai hésité mais je me suis dit que j’en ferais quand même un billet.

Tout d’abord, j’ai lu l’avant-dernier roman de Valérie Cohen, auparavant éditée par Luce Wilquin en Belgique et maintenant éditée chez Flammarion en France. Une attachée de presse me l’a proposé en « envoi surprise » que j’ai accepté sans réfléchir.

Quatrième de couverture :

Joli brin de femme épanouie à la carrière radieuse, Emma semble avoir une vie toute tracée. Développer son entreprise de prêt-à-porter, cultiver ses amitiés, aimer paisiblement son mari et son fils.
Mais une fois par an, elle revient à ce jour, il y a vingt ans, où son amour de jeunesse l’a quittée. Quand elle apprend que cet homme est actif sur un site de rencontre pour personnes mariées, la tentation est grande de revisiter ses souvenirs.
Quelle trace laisse un premier amour ? Est-il possible d’apprivoiser le passé quand il s’immisce dans le présent ? Peut-on tourner la page sans renoncer à hier ?

Bon, je suis bien ennuyée mais comme Le hasard a un goût de cake au chocolat, je n’ai pas aimé ce roman, je l’ai même abandonné à la page 119/378. Je savais que Valérie Cohen a retrouvé un éditeur français, mais rien que la formulation de ce titre m’avait retenue. J’ai l’impression d’avoir lu un roman feel-good ou romance, je n’ai pas du tout l’habitude de ces genres (même pas des romans basés essentiellement sur une histoire d’amour) et mon avis sera sans doute lapidaire mais franchement, j’avais l’impression qu’à la page 119, on était toujours dans la présentation des personnages principaux, qu’il ne s’était encore rien passé de décisif. Le style m’a très vite lassée : on sait tout des moindres actions, du moindre détail physique des personnages avec pléthore d’adjectifs. Pas vraiment de place à l’imagination du lecteur, tout vous est servi sur un plateau… indigeste. Et bien sûr, on est dans le registre « gentil », avec plein de valeurs morales que je respecte infiniment, comme Valérie Cohen l’est dans la vie, mais… je préfère des personnages et des histoires plus rudes, avec des failles, des aspérités, des travers (qui, me semble-t-il, donnent des romans plus attrayants mais ce n’est que mon avis…). Pardon mais je crois que je vais en rester là…

Valérie COHEN, Depuis, mon coeur a un battement de retard, J’ai lu, 2022 (Flammarion, 2019)

Ensuite j’ai sorti un livre des éditions Esperluète parce que je n’en avais même pas lu pour le Mois belge. J’ai choisi le court texte (87 pages) de Véronika Mabardi, Pour ne plus jamais perdre, illustré par Alexandra Duprez. Ici aussi je vous copie la quatrième de couverture pour que vous ayez une idée du récit.

Quatrième de couverture :

bientôt tu tomberas, malgré la coquille et le nid. tu traîneras tes pieds dans les feuilles mortes, le long des trottoirs, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nuits, d’herbe
ni de cailloux.
tu apprendras la ville et la nuit, les hommes qui tendent des mains aux paumes crasseuses. tu liras dans ces lignes un poème, tu écouteras les rengaines et les rumeurs. penchée sur le rebord du pont, plus rien ne pourra te retenir. un abandon plus facile que les tempêtes.

Trois moments pour dérouler le temps et arpenter la mémoire : une femme nous emmène dans la maison d’une grand-mère, vers les sentiers au fond du jardin et là où tout se trouble. La marche et l’errance urbaine y réveillent le souvenir et dessinent un nouveau territoire à parcourir.

Texte de passage, de prise de conscience, de renoncement à un temps idéal qui passe par le deuil – pas seulement des proches, mais d’une idée du monde, d’une liberté de rêver. Une écriture puissante, à vif, qui nous entraîne là où le quotidien devient poésie, là où le souvenir tisse sa trame.

Ici mon sentiment principal est plutôt la perplexité : si j’ai compris le but de la première partie, je me suis perdue dans les deux suivantes. Il est question de deuil, et du coup la narratrice (je crois que c’est une ou non un narrateur) erre dans la ville en s’arrêtant devant des personnes marginales, des sans abri, des jeunes en décrochage, entre autres. Elle explore ainsi le sentiment de la perte. L’écriture est poétique mais elle s’est révélée opaque pour moi, tantôt des blocs de texte, tantôt des lignes plus épurées, sans aucune majuscule. J’avoue que cette lecture ne me laisse aucun souvenir… Ce texte est paru trois ans avant le premier roman de l’autrice, Les Cerfs, que j’avais beaucoup aimé. J’ai encore deux titres de Véronika Mabardi à lire et je ne me laisserai pas décourager par la déception présente !

Véronika MABARDI et Alexandra DUPREZ, Pour ne plus jamais perdre, Esperluète, 2011

Petit Bac 2022 – ligne Belge Ponctuation et Verbe

Les vivants et les ombres

27 mercredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Quatrième de couverture :

1821. En Galicie, alors rattachée à l’empire habsbourgeois, l’obscure famille Zemka reconquiert le domaine fondé par un ancêtre issu de la noblesse et s’engage fiévreusement dans la lutte d’indépendance de la Pologne.
Pour retracer son ascension puis sa décadence, Diane Meur convoque une singulière narratrice : la maison elle-même qui, derrière sa façade blanche et son fronton néo-classique, épie ses habitants. Indiscrète et manipulatrice, elle attise les passions, entremêle les destins, guette l’écho des événements qui, des révolutions de 1848 aux tensions annonciatrices du désastre de 1914, font l’histoire de l’Europe. Les femmes surtout, condamnées à la réclusion dans la sphère domestique, la fascinent.
L’une d’elles, enfin, va réussir à s’en aller…

J’ai enfin découvert la plume de Diane Meur, romancière belge qui est également traductrice. J’ai choisi ce roman historique pour commencer, un roman qui s’étend des années 1830 à la fin du 19è siècle environ. Il met en scène la famille Zemka, avec Jozef, fils de confiseur, qui parvient à devenir le régisseur d’un domaine de Galicie (une partie de l’actuelle Pologne) et, se glissant dans le lit de la fille de la maison, Clara von Kotz, va en devenir le propriétaire, rétablissant en cela le lien de la maison avec ses ancêtres aristocratiques. Grâce à ses liens familiaux (un frère exilé à Paris, un neveu très engagé), Jozef vit les révolutions et les mouvements d’indépendance qui secouent l’Europe autour de 1848. Plus tard, à la fin du siècle, on sent monter les crispations, les nationalismes qui conduiront à la première guerre mondiale. Même si tous les faits ne sont pas expliqués dans leur contexte, le roman est assez passionnant de ce point de vue historique.

Jozef, à son grand dam, n’aura que des filles. Et c’est un autre point de vue intéressant du livre : la place des femmes dans cette maison et dans la société d’alors. Clara, marquée dès le départ par cette liaison scandaleuse avec Jozef, devra se dévouer à son mari et à ses filles, à la maison. Les filles, après le temps précieux de l’enfance, seront d’abord des filles à marier et, même si certaines d’entre elles – comme leur mère – s’écartent de la voie tracée, elles restent sous la coupe de leur père ou de leur mari. Sauf Zofia, dont j’aurais aimé connaître le destin. Mais le lecteur ne peut y avoir accès car Diane Meur a choisi un point de vue narratif original : c’est la maison elle-même qui raconte la vie du domaine et de ses habitants. Ne reculant devant aucun indiscrétion, elle est particulièrement énergique pendant les années fastes et s’engourdit au fil des années, avec la mort de Clara et le départ des premières filles, se réveillant plus ou moins quand la génération des petits-enfants de Jozef revient au pays.

Diane Meur creuse la psychologie de ses personnages, nous attachant à eux malgré ou avec leurs défauts, leur caractère parfois imbuvable, leurs comportements odieux ou confinant à la folie. Elle sait jouer aussi avec le temps, maniant les retours en arrière et les effets de prolepse avec art. C’est aussi la grande force de ce roman que je ne peut que vous recommander.

« Jusqu’ici, j’avais toujours eu l’impression d’être une de ces maisons de poupée sans façade où l’oeil peut plonger innocemment jusqu’au fond de chaque pièce. Maintenant il me semble que tout s’est cloisonné. Les nombreuses portes qu’on ouvrait et refermait auparavant sans y prendre garde, chacun a eu l’occasion de s’interroger sur leur épaisseur, de les repousser soigneusement avant d’engager quelque conciliabule, voire –  eh oui, on aurait tort de croire ce passe-temps réservé aux domestiques – d’y coller une oreille pour surprendre ce que murmurent deux tiers qui se croient à l’abri. Cela explique que, même moi, qui d’habitude sais tout, j’ai quelquefois suivi de fausses pistes ou omis de voir ce qui se passait sous mes yeux.

Et moi aussi, j’ai ressenti dans mes fibres cette atmosphère de menace, de mystère et aussi d’espérance. Oui, d’espérance : je suis persuadé qu’en chaque homme, si attaché qu’il soit à l’état présent des choses, sommeille un goût caché pour la secousse qui change le monde et infléchit les vies. Cette secousse encore indistincte, j’affirme que tous, ici, la désiraient sans forcément se l’avouer, comme le corps finit par désirer le coup qu’il sait inévitable, ou comme la pucelle finit par désirer la blessure qui fera d’elle une épouse ou une déchue, mais du moins autre chose. » (p. 167)

« Wioletta me reste pour l’heure aussi opaque qu’à sa mère, et je me rends compte qu’elle m’est opaque depuis près de deux ans sans que j’y ai pris garde. Car il fut bien un temps où je la perçais à jour comme les autres, où j’entrais de plain-pied dans ses secrètes rêveries. Elle a dû employer toutes ses forces (et elle en a : les femmes de cette époque apparaissent souvent comme des sacrifiées, de faibles jouets entre les mains des mâles. C’est vrai, mais c’est aussi que leur force n’a pas le loisir de se traduire en action et se déploie toute entière vers l’intérieur, faisant d’elles des championnes de la résistance passive, voire de l’autodestruction) à se replier sur elle-même pour préserver son secret. » (p. 264)

« Voilà un de mes rares habitants mâles qui m’était devenu sympathique (car sans cela j’avais conçu, de la part virile de l’humanité, une assez piètre opinion : prédation, autoritarisme, abus de pouvoir et j’en passe) ; et il était parti sans se retourner, blessé dans son premier amour, le cœur plein de reproches qu’il ne savait pas injustes. Parti, en bref, pour ne  jamais revenir. C’était donc ça, la vie des hommes ? Se lier aux autres, se prendre d’intérêt pour eux, placer en eux son espérance et être cruellement frappé par leur départ ou par leur mort ? Je regrettais de ne pas être restée à ma place, d’avoir voulu sortir du lot commun des maisons, passives, sans affects et, partant, sans douleur. » (p. 334) 

Diane MEUR, Les vivants et les ombres, Le Livre de poche, 2016 (Sabine Wespieser éditeur, 2007)

Le Mois belge 2022 – catégorie On Lit (un pavé)

Petit Bac 2022 – ligne belge Couleur

Una Voce poco fa – Un chant de Maria Malibran

08 vendredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Editions Autrement, Maria Malibran, Sandrine Willems

Quatrième de couverture :

Maria Malibran fut une chanteuse du début du XIXe siècle, à la voix fabuleuse, qui s’illustra surtout dans les oeuvres de Rossini, Bellini et Donizetti. Elle connut un immense succès, au cours de ses nombreuses tournées, qui lui firent traverser le monde. Sa vie tumultueuse contribua aussi à sa légende, et celle-ci s’éleva au mythe lorsque la jeune femme mourut, à vingt-huit ans, d’une chutte de cheval. Elle attendait alors un enfant. C’est à lui qu’elle s’adresse ici :
« Je n’aimais plus chanter. Peut-être même n’ai-je jamais aimé.
Tout au plus écouter la voix des autres. Et encore. Je sentais trop l’effort. derrière la beauté. Et la souffrance. Pour le péché originel, on dit que Dieu a condamné la femme à accoucher dans la douleur. Mais il l’a aussi condamnée à chanter. Sa joie, ainsi, ne serait jamais sans souffrance. La musique pure, ça c’est la part des anges. »

C’est grâce à Mina que j’ai découvert ce roman qui conte la vie de la Malibran, cantatrice qui a vécu de 1808 à 1836. Une vie consacrée au chant dès son enfance puisque son père était lui même chanteur d’opéra et qu’elle se produit sur scène dès l’âge de cinq ans. Elle connaîtra le succès à 17 ans en remplaçant une cantatrice au pied levé. Dans ce très court roman, elle raconte sa vie au fils qu’elle n’aura jamais puisqu’elle meurt en étant enceinte. Elle dit sa soif d’amour, jamais vraiment comblée dans son enfance, amour reçu bien sûr du public, amour intéressé de son premier mari (qui lui a donné le nom de Malibran) qui comptait sur elle pour renflouer ses finances, amour apaisé avec le compositeur Bellini. Elle évoque surtout sa fascination et cette relation à la fois fusionnelle et malheureuse avec son père, son professeur de chant et son partenaire sur scène, d’une exigence surhumaine. Elle était aussi passionnée d’équitation, une passion qui la mènera à la mort des suites d’une chute de cheval.

Je me suis donc intéressée à cette héroïne malheureuse et je me suis rendu compte que Sandrine Willems a pris d’énormes libertés avec la vraie vie de Maria Malibran, du moins à propos de ses amours et de ce fils jamais né. Elle s’est en effet mariée très jeune avec Eugène Malibran, union qui sera annulée par la suite, et elle se marie avec le violoniste belge Charles-Auguste de Bériot dont elle aura un fils. Après sa mort à Manchester, celui-ci fait rapatrier le corps de Maria et lui dresse un mausolée remarquable au cimetière de Laeken (près de l’église qui abrite les sépultures de la famille royale belge – ça me donne envie d’y aller). S’il me gêne un peu, le jeu avec la vérité historique n’enlève rien à la beauté du texte de Sandrine Willems, qui nous fait percevoir les affres d’une carrière dans le chant et l’ambivalence des sentiments d’une femme adulée par le public et malheureuse une bonne partie de sa vie privée.

« C’est d’ailleurs toujours ça le chant. Comme un désir de s’en aller. De se sacrifier, corps et âme, dans un son. Un désir de devenir constellation, et de briller dans la nuit, comme ces mortelles jadis aimées des dieux, et métamorphosées par eux. Je n’aspirais qu’à me débarrasser de moi, de cette petite personne égoïste et encombrante, et à devenir pur amour. » (p. 35)

Sandrine WILLEMS, Una Voce poco fa Un chant de Maria Malibran, Autrement, 2000

Le Mois belge – Catégorie Couleur livres (Art)

Petit Bac 2022 – Ligne Belge Art

Deux caravanes

29 mardi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des mots ukrainiens

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J'ai lu, Marina Lewycka

Quatrième de couverture :

« Franchement, quelle idée d’avoir envoyé cette espèce de pudding à deux zlotys quand de toute évidence c’est un autre homme qu’il leur faut. »

Ainsi se désespère Yola, membre d’une joyeuse bande de clandestins cueilleurs de fraises en voyant arriver la sublime Irina, fraîchement débarquée de Kiev. Car dans leur campagne anglaise, nul besoin d’une belle blonde plus apte à faire flancher les cœurs qu’à remplir les barquettes. Surtout quand ladite blonde est enlevée par un gangster russe et que notre équipée bringuebalante se voit obligée de voler à son secours…

C’est l’actualité en Ukraine qui m’a fait sortir ce deuxième roman de Marina Lewycka de la PAL. D’elle j’ai lu il y a longtemps (et adoré son humour) Une brève histoire du tracteur en Ukraine. La romancière est née en 1946 dans un camp de réfugiés ukrainiens en Allemagne. Ses parents ont émigré en Angleterre, elle vit, a travaillé à Sheffield et écrit en anglais.

Ce roman commence au milieu des champs de fraises, dans le Kent, autour de deux caravanes (les hommes d’un côté, les femmes de l’autre) dans lesquels vivent des émigrés de diverses origines : deux Chinoises, des Polonais (citoyens européens), un Malawite et des Ukrainiens. C’est là que débarque la jeune et belle Irina, dix-neuf ans, fille d’un universitaire de Kiev, bien décidée à rencontrer en Angleterre le « Mr Brown » des livres d’anglais qui la rendra parfaitement heureuse. En fait de prince charmant, elle tombe sur un trafiquant d’êtres humains bien décidé à tirer d’elle un maximum de plaisir et de fric. Quand il l’enlève quelques jours après son arrivée, la troupe se lance à sa recherche en caravane tirée par une vieille Land Rover. Une folle équipée au cours de laquelle ils rencontreront un autre émigré « consultant » qui a bien compris tout le profit qu’il pourrait tirer de ses compatriotes en détresse, un élevage de volailles qui risque de vous dégoûter du poulet, une famille bobo londonienne un peu à l’ouest, des « zadistes » anglais et bien d’autres. Peu à peu, l’action va se resserrer, plusieurs personnages du début vont s’éloigner et on suivra surtout Irina, heureusement retrouvée et sauvée des griffes de Vulk, et Andriy, un autre Ukrainien, amoureux d’Irina depuis le début. Sans oublier le Chien, un véritable personnage dont le rôle sera vital

L’intérêt de ce roman, c’est bien sûr de nous raconter une bonne histoire pleine de rebondissements et d’humour, mais c’est surtout de mettre en scène des travailleurs précaires, toute une économie parallèle qui emploie des immigrés, la plupart du temps non déclarés, payés avec des salaires de misère, logés dans des conditions indignes. Et pourtant ils restent pleins de vie et d’espoir dans ce roman. Andriy rêve de rejoindre Sheffield, où il pense trouver le paradis communiste parce que la ville s’est montrée solidaire des mineurs du Donbass. Le troisième point intéressant, c’est de dépeindre, à travers les caractères opposés d’Irina et d’Andriy – elle, fille d’universitaire, cultivée, ouverte sur l’Occident, lui fils de mineur du Donbass, pro-russe – les antagonismes de l’Ukraine, criants aujourd’hui avec l’invasion de la Russie mais présents depuis longtemps (le roman date de 2007). On appréciera évidemment le talent de romancière de Marina Lewycka, qui ne juge jamais ses personnages et sait passer du sérieux au vaudeville avec un art consommé. Et tant d’autres choses qui font le sel de ce roman mais que je ne peux toutes révéler ici…

« Oui, depuis que l’homme à pour la première fois levé la tête au dessus de la bouche de la grotte pour contempler les étoiles célestes, en se disant que ce serait bien agréable d’en posséder une à lui tout seul, l’homme rêve de faire travailler les autres à sa place en les payant le moins possible. Et ce rêve, personne ne l’a poursuivi avec autant de dynamisme que Vitaly. Il a passé la journée à ratisser tous les bars et les restaurants de Londres à la recherche de bons candidats. Les nouveaux arrivants, les égarés, les désespérés les cupides. On peut se faire beaucoup d’argent avec ces gens -là.
Car, comme le disait l’autre barbu à grosse tête, Karl Marx, personne ne peut bâtir une fortune par son seul travail, mais pour faire partie de l’élite des riches VIP, il faut s’approprier le travail des autres. Pour accomplir ce rêve, les hommes ont eu recours au fil des millénaires à de multiples solutions, de l’esclavage au travail forcé, en passant par la déportation, l’engagisme, la servitude pour dette et les colonies pénitentiaires, jusqu’à la précarisation, le travail sur appel, le travail flexible, l clause de non grève, les heures supplémentaires obligatoires, le statut d’indépendant obligatoire, l’intérim la sous-traitance, l’immigration clandestine, l’externalisation et autres changements organisationnels visant à une flexibilité maximale. »

« Non, six livres l’heure. L’autre heure est bénévole, je t’ai dit. T’es pas obligé de la faire. Il y en a toujours pour la faire. Ukrainiens, Roumains Bulgares, Albanais, Brésiliens, Mexicains, Kenyans, Zimbabwéens, on s’y perd. Ça baragouine dans toutes les langues ici. Jour et nuit. On se croirait aux Nations Unies. Avant on avait beaucoup de Lituaniens et de Lettons, mais l’Europe a tout fichu en l’air. Du coup, ils ont tous des papiers Une sacrée perte de temps. Ils se sont mis à demander des salaires minimum. Les mieux c’est les Chinois. Pas de papiers, pas d’anglais. Pas la moindre idée de ce qui se passe. Mais faut dire qu’y en a qui en profitent. »

Marina LEWYCKA, Deux caravanes, traduit de l’anglais par Sabine Porte, J’ai lu, 2011 (Editions des Deux Terres, 2010)

Petit Bac 2022 – Chiffre (ou Objet) 3

Mort sur le Nil

18 vendredi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots noirs

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Agatha Christie, Hercule Poirot, Le Livre de poche

Quatrième de couverture :

Ce n’est pas très joli de voler son fiancé à sa meilleure amie pour se marier avec lui. Et même si l’amie en question semble se résigner, la ravissante et riche Linnet Ridgeway a bien des raisons d’être inquiète… Surtout quand le hasard les rassemble, pour une croisière sur le Nil, avec d’inquiétants personnages, dans une atmosphère lourde de sensualité et de cupidité.
Un petit revolver, un crime étrange, une énigme de plus à résoudre pour un passager pas comme les autres : Hercule Poirot.

En février, je suis allée voir l’adaptation de ce roman par Kenneth Branagh, dont j’avais apprécié la vision dans Le crime de l’Orient-Express. Ce film-ci, par contre, m’a assez déçue dans l’ensemble par son déluge de clinquant et de paillettes, l’ajout à Hercule Poirot d’une « fragilité » liée à la première guerre mondiale et pas du tout crédible et une fin bien trop rapide à mon goût. Trop de libertés par rapport au roman donc (et par rapport aux versions avec Peter Ustinov ou David Suchet). Aussi me suis-je précipitée en librairie pour relire le roman.

Ce fut un plaisir de retrouver tous ces personnages dans ce huis-clos sur un bateau sur le Nil et d’observer comment (quand on connaît le fin mot de l’énigme) Agatha Christie nous mène de détails en détails apparemment anodins à la résolution des trois meurtres, comment elle nous manoeuvre aussi, comment le traitement des personnages est mené et comment Hercule Poirot est vraiment un fin psychologue, outre les qualités de ses petites cellules grises. Sans oublier l’humour so british de la romancière.

Mon billet est très court, certes. Ne vous attardez pas ici, relisez cette perle du roman policier. Dame Agatha, vous êtes vraiment la Reine du crime !

« -C’est une idée qu’elle aurait pu trouver dans un roman policier. Les détails n’y sont pas toujors très exacts. » (p. 223)

« J’ai participé un jour à une expédition archéologique et cela m’a appris au moins une chose : quand tout à coup, au cours d’une fouille, un objet émerge de la terre, on fait soigneusement le ménage tout autour. On déblaye, on gratte tout autour avec un couteau et l’objet apparaît enfin, seul, prêt à être dessiné et photographié sans que rien d’étranger n’en déforme l’image. C’est ce que je cherche à faire ici : écarter tout ce qui est étranger à l’affaire de façon à ce que nous puissions voir la vérité – la vérité toute nue et dans son infinie splendeur. » (p. 318)

Agatha CHRISTIE, Mort sur le Nil, traduction révisée de Elise Champon et Robert Nobret, Le Livre de poche, 2021 (première parution en anglais en 1937)

Petite participation aux British Mysteries de mars chez Lou et Hilde

Petit Bac 2022 – Ligne Agatha Christie – Verbe (mort est aussi un participe passé)

Le boys club

11 vendredi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Non Fiction

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LEs éditions du Remue-Ménage, Martine Delvaux

Quatrième de couverture :

Ils sont tournés les uns vers les autres. Ils s’observent et s’écoutent. Ils s’échangent des idées, des armes, de l’argent ou des femmes. Dans cet univers clos réservé aux hommes, le pouvoir se relaie et se perpétue à la façon d’une chorégraphie mortifère. Le boys club n’est pas une institution du passé. Il est bien vivant, tentaculaire: État, Église, armée, université, fraternités, firmes… et la liste s’allonge.
À la manière d’une chasse à l’image, c’est dans les représentations au cinéma et à la télévision que Martine Delvaux le traque. Véritable plongée en eaux noires, ce livre nous invite à considérer l’entre-soi des hommes comme un phénomène régressif. Un dispositif à profaner, déconstruire, refuser, parce que nos vies comptent.

Pour une fois, j’ai lu un livre féministe. Il m’a fait un peu froid dans le dos, un peu peur, je n’y ai pas tout compris parce qu’une série de références m’étaient inconnues mais je vais essayer de vous en parler un peu.

C’est une remarque sans gêne (et sans génie) faite par un homme lors d’une conférence qui a poussé Martine Delvaux, écrivaine et militante féministe, prof de littérature à Montréal, à analyser la toute-puissance des hommes, puissance collective tellement ancrée dans la société qu’un homme seul ne craint pas d’écraser (symboliquement ou non) une femme dès qu’il en a l’occasion ou l’envie.

L’autrice analyse d’abord le fonctionnement des clubs privés, nés en Angleterre, lieux qui excluent les femmes, qui permettent à leurs membres d’échapper à la maison familiale et de pratiquer l’entre soi pour asseoir leur pouvoir. Martine Delvaux va ensuite analyser toutes les formes de boys clubs, Eglise, armée, gouvernements, universités, ligue du LOL, architecture, principalement à l’aide de films et de séries télévisées (et c’est là que les références me manquaient). Elle prend entre autres l’exemple de la carrière et de la présidence de Donald Trump mais Barack Obama n’est pas épargné : il fait partie du club, lui aussi, même si Martine Delvaux démontre que ce fameux boys club fonctionne essentiellement avec des hommes blancs et même des suprémacistes blancs. Ils s’invisibilisent et renforcent leur pouvoir dans leurs costumes tous pareils, tandis que les femmes, « obligées » de se distinguer par leurs vêtements, sont considérées comme des objets, des trophées. Au fil de chapitres courts, qui se lisent assez facilement, même s’il y a de nombreux renvois de notes, elle en vient à parler de la « culture » du viol, événement où le boys club est particulièrement pervers (et c’est là que j’ai eu particulièrement froid dans le dos – dieu merci, tous les hommes ne sont pas pareils).

En fin de compte, ce livre très bien documenté nous fait vraiment réfléchir sur les lieux d’influence et les sphères d’action du boys club, pour démonter leur système, pour ne pas y céder, pour ne plus en avoir peur. La rencontre avec Martine Delvaux à la librairie TuliTu le 1er mars dernier a confirmé quelle belle personne est cette autrice, toujours soucieuse de nuancer ses propos mais aussi de défendre les droits des femmes.

Martine DELVAUX, Le Boys Club, Les éditions du Remue-Ménage, 2019

Un bel article et des extraits chez Lilitherature

Petit Bac 2022 – Objet 2

Comme des images

25 vendredi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Clémentine Beauvais, Sarbacane

Présentation de l’éditeur :

Il était une fois… des ados sages comme des images, dans un très prestigieux lycée. L’histoire commence le jour où Léopoldine a cassé avec Timothé pour Aurélien. Ou bien le jour où Tim a envoyé un mail avec des images de Léo à tout le monde. C’est ici, dans ce très prestigieux lycée, que tout va se jouer. Léo a une journée pour assumer ces images.
Mais il faut vite régler cette histoire pour pouvoir penser à autre chose, aux maths et à la physique, à la première S.

Parce qu’on ne plaisante pas avec ces choses-là, par ici.

Un des premiers romans pour grands ados de Clémentine Beauvais et il contient déjà de nombreuses qualités tout en me laissant un peu sur ma faim.

Nous sommes au lycée Henri IV, surnommé « Hache IV » : un surnom qui témoigne de la pression que subissent les étudiants qui en sont virés s’ils ne maintiennent pas la tradition d’excellence et le presque 100 % de réussite au bac, qui vous garantit les filières d’études les plus brillantes et la réussite assurée dans la vie. Dans cet univers impitoyable, Clémentine Beauvais joue avec subtilité des jeux de miroirs que provoque le couple de jumelles mis en scène, autour duquel gravitent des garçons amoureux de Léopoldine, Timothée et Aurélien, et surtout la narratrice, qui n’a pas de nom, et pour cause. Elle a d’abord été amie avec Iseult, trois semaines au bout desquelles Léopoldine est revenue en classe et sur un quiproquo, a « remplacé » sa soeur. La narratrice a alors aveuglément suivi Léo, sans se rendre compte que celle-ci avait un art consommé de se servir des autres pour briller. Quand Léo rompt avec Timothée et que le garçon poste une vidéo compromettante sur les réseaux sociaux, le lycée met en place toute une tactique pour faire comme si de rien n’était, ou presque (rien ne doit arrêter le train de la réussite) et Léo elle-même semble passer au travers au bout d’une journée.

Cet aspect du roman paraît invraisemblable mais je me dis en écrivant ce billet que la romancière a sans doute joué avec subtilité des codes de la tragédie : unité de lieu, de temps et d’action, même si les nombreux retours en arrière permettent de comprendre la complexité des relations entre les jumelles et la narratrice. Jeux de miroirs, jeux de dupes, jeux de pouvoir entre ados, manipulations, mais aussi souffrances, non-dits, tels sont les thèmes et entrelacs de ce roman qui ne manque pas, malgré tout, d’un certain humour noir.

« Oh, pas seulement le résultat du contrôle, mais ce que cela prophétisait de notre vie d’après. Derrière chacun de nous sur le bord de sa chaise se tenait une famille qui agrafait des espoirs et des exigences depuis sa naissance à ses photos de classe et qui répétait Mais oui, ma fille est en seconde à Henri-IV, elle va être chirurgienne, polytechnicienne, astrophysicienne, agrégée de mathématiques. »

« Trois semaines de fiches à remplir (nom et matricule, matières favorites, livres favoris, quel métier voulez-vous faire plus tard, et surtout profession des parents s’il vois plaît, n’oubliez pas la profession des parents, ça nous aidera à décider si vous serez puissant ou misérable, un petit soldat docile ou un emmerdeur. »

« -Ah, je vois que nous avons maintenant une deuxième mademoiselle Gauthier, a remarqué la prof de français. Iseult et Léopoldine… Vos parents ont l’air d’aimer les prénoms féminins à destinée tragique ! »

« Tout le monde se confond avec tout le monde. On s’attend toujours à ce qu’on arrive pile à tel endroit, à tel moment, et donc c’est toujours exactement ce qu’on fait – on pourrait aussi bien être quelqu’un d’autre sans que ça se remarque. On passe d’une personne à l’autre, on parle à l’un comme à l’autre, on confond tout le monde… On se laisse tomber et on se récupère comme si rien n’était arrivé. Il n’y a rien de solide nulle part, rien ni personne n’est irremplaçable. On vit parmi nos propres doublures. Et même quand, une fois de temps en temps, on essaie de se faire un peu imprévisible, ça rebondit sans même denter la carrosserie. »

Clémentine BEAUVAIS, Comme des images, Editions Sarbacane, 2014

Petit Bac 2022 – Objet 1

Défi Un hiver au chalet, catégorie Hockey bottine (un roman jeunesse)

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