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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Catégorie: Des Mots en Jeunesse

Comme des images

25 vendredi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Clémentine Beauvais, Sarbacane

Présentation de l’éditeur :

Il était une fois… des ados sages comme des images, dans un très prestigieux lycée. L’histoire commence le jour où Léopoldine a cassé avec Timothé pour Aurélien. Ou bien le jour où Tim a envoyé un mail avec des images de Léo à tout le monde. C’est ici, dans ce très prestigieux lycée, que tout va se jouer. Léo a une journée pour assumer ces images.
Mais il faut vite régler cette histoire pour pouvoir penser à autre chose, aux maths et à la physique, à la première S.

Parce qu’on ne plaisante pas avec ces choses-là, par ici.

Un des premiers romans pour grands ados de Clémentine Beauvais et il contient déjà de nombreuses qualités tout en me laissant un peu sur ma faim.

Nous sommes au lycée Henri IV, surnommé « Hache IV » : un surnom qui témoigne de la pression que subissent les étudiants qui en sont virés s’ils ne maintiennent pas la tradition d’excellence et le presque 100 % de réussite au bac, qui vous garantit les filières d’études les plus brillantes et la réussite assurée dans la vie. Dans cet univers impitoyable, Clémentine Beauvais joue avec subtilité des jeux de miroirs que provoque le couple de jumelles mis en scène, autour duquel gravitent des garçons amoureux de Léopoldine, Timothée et Aurélien, et surtout la narratrice, qui n’a pas de nom, et pour cause. Elle a d’abord été amie avec Iseult, trois semaines au bout desquelles Léopoldine est revenue en classe et sur un quiproquo, a « remplacé » sa soeur. La narratrice a alors aveuglément suivi Léo, sans se rendre compte que celle-ci avait un art consommé de se servir des autres pour briller. Quand Léo rompt avec Timothée et que le garçon poste une vidéo compromettante sur les réseaux sociaux, le lycée met en place toute une tactique pour faire comme si de rien n’était, ou presque (rien ne doit arrêter le train de la réussite) et Léo elle-même semble passer au travers au bout d’une journée.

Cet aspect du roman paraît invraisemblable mais je me dis en écrivant ce billet que la romancière a sans doute joué avec subtilité des codes de la tragédie : unité de lieu, de temps et d’action, même si les nombreux retours en arrière permettent de comprendre la complexité des relations entre les jumelles et la narratrice. Jeux de miroirs, jeux de dupes, jeux de pouvoir entre ados, manipulations, mais aussi souffrances, non-dits, tels sont les thèmes et entrelacs de ce roman qui ne manque pas, malgré tout, d’un certain humour noir.

« Oh, pas seulement le résultat du contrôle, mais ce que cela prophétisait de notre vie d’après. Derrière chacun de nous sur le bord de sa chaise se tenait une famille qui agrafait des espoirs et des exigences depuis sa naissance à ses photos de classe et qui répétait Mais oui, ma fille est en seconde à Henri-IV, elle va être chirurgienne, polytechnicienne, astrophysicienne, agrégée de mathématiques. »

« Trois semaines de fiches à remplir (nom et matricule, matières favorites, livres favoris, quel métier voulez-vous faire plus tard, et surtout profession des parents s’il vois plaît, n’oubliez pas la profession des parents, ça nous aidera à décider si vous serez puissant ou misérable, un petit soldat docile ou un emmerdeur. »

« -Ah, je vois que nous avons maintenant une deuxième mademoiselle Gauthier, a remarqué la prof de français. Iseult et Léopoldine… Vos parents ont l’air d’aimer les prénoms féminins à destinée tragique ! »

« Tout le monde se confond avec tout le monde. On s’attend toujours à ce qu’on arrive pile à tel endroit, à tel moment, et donc c’est toujours exactement ce qu’on fait – on pourrait aussi bien être quelqu’un d’autre sans que ça se remarque. On passe d’une personne à l’autre, on parle à l’un comme à l’autre, on confond tout le monde… On se laisse tomber et on se récupère comme si rien n’était arrivé. Il n’y a rien de solide nulle part, rien ni personne n’est irremplaçable. On vit parmi nos propres doublures. Et même quand, une fois de temps en temps, on essaie de se faire un peu imprévisible, ça rebondit sans même denter la carrosserie. »

Clémentine BEAUVAIS, Comme des images, Editions Sarbacane, 2014

Petit Bac 2022 – Objet 1

Défi Un hiver au chalet, catégorie Hockey bottine (un roman jeunesse)

Le choix d’Adélie

11 jeudi Nov 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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14-18, Catherine Cuenca, Oskar éditeur

Livre: Le choix d'Adélie, Catherine Cuenca, Oskar Éditeur, Roman - Histoir,  9791021400320 - Leslibraires.fr

Quatrième de couverture :

Lyon, 1913. Dans une France où les femmes sont encore soumises à la loi des mâles, Adélie, 17 ans, jeune fille de bonne famille, veut devenir médecin. Sa vocation rencontre celle d’Antonin, futur médecin lui aussi, mais leur passion naissante va être mise à rude épreuve. Et bientôt, les joies, espoirs et peines d’Adélie se retrouvent balayés par la guerre. Dans le conflit meurtrier qui s’annonce, c’st tout l’ordre ancien qui est remis en cause, et la jeune fille va devoir faire un choix…

Pour ce 11 novembre, j’ai sorti de la PAL un roman découvert et dédicacé par l’autrice au Salon du livre jeunesse de Montreuil en… 2013. Tout vient à point au bouquin qui sait attendre…

Adélie est une jeune fille pleine d’idéal qui veut devenir médecin. Nous sommes en 1913 et si son père, banquier, accepte de payer ses études à la Faculté de médecine, on se doute que, dès que sa fille sera bonne pour le mariage, elle devra regagner les rangs des jeunes filles de bonne famille destinées à devenir des épouses au foyer obéissantes. Et voilà que, lors d’un repas de famille censé être assommant, Adélie rencontre le bel Antonin, qui se destine lui aussi à la profession de médecin, de chirurgien, en passant par l’Ecole de santé militaire. Les jeunes gens se fréquentent un peu en secret, au grand dam de la rigide mère d’Adélie. Mais quand leurs études commencent vraiment, un écart se creuse entre eux, Antonin devient fuyant et Adélie déchante très rapidement. La jeune fille se plonge avec succès dans ses études mais le jour où elle découvre sa réussite en première année de médecine, son succès est éclipsé par la grossesse précoce de sa soeur Mélanie, « obligée » de se marier avec son amoureux, un ouvrier de la Croix-Rousse. Et voici qu’arrive août 14 et la mobilisation. Et voici que ses parents manigancent pour que Adélie fasse un « bon » mariage et lave l’honneur de sa famille face au scandale provoqué par Mélanie. Pour échapper à ce marchandage odieux, Adélie décide alors de s’engager comme infirmière sur le front. Elle connaîtra en particulier les horreurs de la bataille de Verdun, l’insécurité permanente, le sang, la peur, les amputations mais aussi les opérations délicates menées par de bons chirurgiens pour sauver la vie des blessés.

Je m’arrête là, j’en ai déjà raconté beaucoup sur ce roman passionnant et très émouvant. Adélie est un personnage fort, une jeune femme dont les choix seront renforcés par les événements historiques de son époque. Elle garde toujours une honnêteté et une rigueur morale qui se laissent toucher si nécessaire et la font évoluer avec ses proches. Elle sait faire preuve d’un grand courage, qui force l’admiration. Je l’ai accompagnée avec beaucoup d’émotion sur son chemin d’émancipation. Merci à Catherine Cuenca d’avoir créé un personnage et une histoire aussi forts.

Catherine CUENCA, Le choix d’Adélie, Oskar éditeur, 2013

Petit Bac 2021 – Prénom 5

Challenge 14-18 avec Blandine du blog Vivrelire

Lectures scolaires

01 vendredi Oct 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français, Des Mots noirs

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Frank Andriat, Mijade, PKJ, Sylvie Allouche, Un sale livre

Septembre, rentrée scolaire, c’est pour cela que j’étais moins présente sur le blog mais je suis partie à la découverte de nouveaux titres utiles à travailler en classe ou à proposer à mes élèves ! Et cela allait bien avec les notes du jeudi « pour apprendre ».

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Quatrième de couverture :

La prof de français propose à ses élèves de lire un roman qui relate l’itinéraire de Nadir, un jeune réfugié syrien. Le sujet est dur, le ton du récit est très réaliste. Chaque lecteur reçoit le livre différemment. Le roman provoque le débat. C’est décidément un sale livre, dont aucun lecteur ne sort indemne. 

Drôle de titre, fait pour provoquer les lecteurs et le débat. Tout comme les différents personnages du livre qui réagissent très différemment à la lecture du livre contemporain que la prof de français, madame Latour, a déniché et proposé à ses élèves : l’élève qui d’habitude pompe ses résumés sur internet et se laisse happer par l’histoire de Nadir, l’élève bon lecteur qui n’apprécie pas le style (ou l’absence de style, selon sa mère, autre prof de français très classique), certains parents, le principal à qui ces derniers font part de leur inquiétude devant une telle lecture, la documentaliste qui soutient sa collègue et organise le débat… jusqu’à l’auteure qui viendra rencontrer les élèves.

La richesse de ce roman, c’est qu’il propose divers niveaux de lecture et de nombreux sujets de débat, liés notamment à l’histoire de Nadir, réfugié syrien scolarisé en France, et à la lecture scolaire, sujet délicat s’il en est. Frank Andriat présente également des personnages bien marqués (il le faut pour l’intérêt de la discussion) qui vivent des valeurs parfois diamétralement opposées. A chacun de poser ses choix, d’en être responsable, de les assumer jusqu’au bout ou de se laisser bousculer.

Par rapport à la lecture en classe, personnellement j’essaye de donner le goût de la lecture avant tout, il faut certes travailler un peu autour des livres choisis mais je suis assez vieille ancienne pour ne pas me culpabiliser si je ne respecte pas le programme à la lettre. Et comme les étudiants du roman, si tout va bien, mes élèves et moi aurons la chance de rencontrer l’auteur en classe cette année !

Frank ANDRIAT, Un sale livre, Mijade, 2016

Petit Bac 2021 – Objet 5

Stabat Murder

Quatrième de couverture :

Comment Mia, Matthis, Sacha et Valentin, quatre jeunes pianistes du Conservatoire national, ont-ils pu disparaître sans laisser de trace, à un mois d’un concours décisif pour leur avenir ? Ont-ils, sous la pression, décidé ensemble de tout plaquer ? Impossible, d’après les familles interrogées sans relâche par Clara Di Lazio. S’agit-il d’un enlèvement ? La commissaire, réputée coriace, a l’intuition terrible que, dans cette enquête, chaque minute compte…

Quatre jeunes pianistes déjà chargés d’adrénaline à l’idée de passer un grand concours qui orientera leur carrière, tous bien différents : Mia, qui pense quitter sa famille, surtout sa mère froide et distante depuis toujours, Matthis qui vit seul avec une mère « parfaite » pour aménager son parcours de grand pianiste, Sacha dont les parents sont eux-mêmes artistes et préoccupés avant tout de leur propre carrière, Valentin dont les parents tiennent vaillamment un restaurant. Quand ils disparaissent en même temps et que la commissaire Clara Di Lazio cherche désespérément une piste, c’est cela qui sera intéressant : leurs profils, leurs familles bien marquées, mais avec de la nuance. Et la commissaire elle-même hantée par son frère disparu sans laisser de traces est un personnage que je retrouverai avec plaisir (puisqu’il y a au moins trois romans déjà parus). Stabat Murder (j’adore ce jeu de mots) est un bon polar avec de bons personnages dont les pages tournent toutes seules jusqu’à une fin pas si surprenante que ça mais tout en nuances aussi. Sans oublier les touches d’humour bienvenu avec la pétillante Elise.

Sylvie ALLOUCHE, Stabat Murder, Pocket Jeunesse, 2020 (Syros, 2017)

Sweet Sixteen

06 samedi Fév 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Annelise Heurtier, Casterman, droits civiques, ségrégation raciale

Quatrième de couverture :

Rentrée 1957.
Le plus prestigieux lycée de l’Arkansas ouvre pour la première fois ses portes à des étudiants noirs.
Ils sont neuf à tenter l’aventure.
Ils sont deux mille cinq cents, prêts à tout pour les en empêcher.

Cette histoire est inspirée de faits réels.

Annelise Heurtier s’est emparée de l’histoire vraie des neuf lycéens noirs qui ont accepté, en 1957, à Little Rock (Arkansas), de vivre l’intégration des étudiants noirs dans un lycée public jusque là réservé aux Blancs. La déségrégation scolaire avait été affirmée en 1954 par la Cour suprême des Etats-Unis. Malgré les résistances des états du Sud, puis du gouverneur de l’Arkansas et de nombreuses associations prétendant protéger les étudiants blancs de cette décision, l’intégration a effectivement lieu en 1957. Neuf lycéens, âgés de quatorze à dix-sept ans, ont accepté de se livrer à « l’expérience ». « Ces jeunes (…) n’y resteront qu’une année. », explique l’auteure dans l’introduction. « Une année d’une violence inouïe, qui nous fait mesurer le chemin qui a été parcouru depuis… et, surtout, le courage qu’iol leur a fallu pour le tracer. »

Annelise Heurtier s’est inspirée de la vraie Melba Pattillo pour créer le personnage de Molly Costello, quinze ans, qui fait donc partie des neuf courageux. En alternance avec ce que vit et ressent Molly, nous suivons aussi le personnage de Grace Anderson, lycéenne blanche jolie et populaire, qui a une bonne noire qu’elle adore mais dont elle ne connaît rien ou presque. La mère d’une des amies de Grace est la présidente de la Ligue des mères,  particulièrement active pour lutter contre l’intégration des étudiants noirs.

Pendant toute l’année scolaire, nous vivons les humiliations, les injures dont sont abreuvés les neuf noirs, même de la part de leur propre communauté, inquiète de subir des violences encore pires que d’habitude à cause d’eux. Heureusement, ils sont soutenus par des militants pour les droits civiques (la NAACP) et sont protégés, su intervention du président Eisenhower, par des soldats gardes du corps. Molly résiste au désespoir grâce à sa mère et à sa grand-mère. Ce qui devait être la merveilleuse fête de ses « sweet sixteen » n’aura pas du tout le goût attendu. Dans la même classe, face à elle, Grace va se laisser mettre en question… mais je ne vous en dis pas plus.

J’ai beaucoup aimé ce roman jeunesse, rythmé, réaliste et sensible à la fois, bien documenté, les années 50 et la vie étudiante sont bien rendues bien que ce ne soit pas le propos principal du roman. On ressent terriblement bien la violence que subissent Molly et ses camarades de classe mais aussi la violence du clan d’en face, une violence blanche qui, bien sûr, n’est jamais assumée comme telle ni punie comme elle devrait l’être.

Annelise HEURTIER, Sweet Sixteen, Casterman poche, 2014

50 états, 50 romans : Arkansas

Dans quelques jours, quand je l’aurai achevé, je vous présenterai le livre de l’historien et journaliste Thomas Snégaroff à propos de cette même histoire.

Rendez-vous Jeunesse aujourd’hui

Brexit Romance

26 mardi Jan 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Brexit, Clémentine Beauvais, Sarbacane

Quatrième de couverture :

Juillet 2017 : un an que « Brexit means Brexit » !

Ce qui n’empêche pas la rêveuse Marguerite Fiorel, 17 ans, jeune soprano française, de venir à Londres par l’Eurostar, pour chanter dans Les Noces de Figaro ! À ses côtés, son cher professeur, Pierre Kamenev.

Leur chemin croise celui d’un flamboyant lord anglais, Cosmo Carraway, et de l’électrique Justine Dodgson, créatrice d’une start-up secrète, BREXIT ROMANCE. Son but ? Organiser des mariages blancs entre Français et Anglais… pour leur faire obtenir le passeport européen.

Mais pas facile d’arranger ce genre d’alliances sans se faire des noeuds au cerveau – et au coeur !

Après Le coeur de l’Angleterre, et contrairement à tous mes plans de lecture (haha !), la lecture de Brexit Romance s’est naturellement imposée. Une lecture jeunesse, le point de vue d’une autrice française vivant depuis plusieurs années en Angleterre, un titre à la fois accrocheur et mystérieux, ça s’imposait, non ? Et je n’ai pas été déçue ! Déjà rien que parce que, dans le roman de Jonathan Coe, il y a une Coriandre et ici, une Cannelle 😉

Ceci dit, c’est très compliqué de parler de ce roman qui mêle comédie romantique, opéra tumultueux et humour so british ! La galerie de personnages est savoureuse, de la fraîche Marguerite, jeune soprano amoureuse d’une certaine image de l’Angleterre à la Jane Austen à l’entreprenante Justine créatrice de cette improbable start-up et accro aux réseaux sociaux en passant par le jeune lord Cosmo Carraway proche de l’extrême-droite anglaise et par Pierre Kamenev, le mentor de Marguerite, psychorigide nourri aux théories marxistes. Tout ce beau monde, et bien d’autres personnages secondaires tout aussi ébouriffants, va se retrouver à Londres (et ensuite dans la campagne anglaise, of course, au « nord de Londres ») dans un ballet de relations « vrai ou faux amour » dont il sera bien difficile de dénouer les intrigues. En quatre actes, Clémentine Beauvais nous fait passer de la banlieue au coeur de Londres, de ruptures en rencontres, de casse-tête amoureux en vrai procès à la Cour, des escalators vertigineux du métro à une virée en camionnette à glaces poussive, en n’oubliant jamais de prendre des photos et d’inonder de messages Facemachin et autre Instatruc. Sans oublier non plus d’ajouter un animal de compagnie, le mignon « Jeremy Corbyn ». Et à travers cette folle équipée pleine d’humour, l’auteure réussit à nous faire comprendre des problèmes très sérieux de l’Angleterre actuelle et du Brexit. Du grand art, servi notamment par des dialogues affutés et une langue qui se joue des bizarreries de l’anglais et du français (et des quiproquos) avec une délicieuse impertinence. Elle est balèze, Clémentine Beauvais, vraiment balèze, my love 😉

« Il est de notoriété publique que toute jeune personne Britannique en possession de ses capacités cérébrales doit, à la suite du Brexit, être à la recherche d’un passeport européen. Mais ironiquement, l’Europe est quant à elle pleine de jeunes personnes souhaitant venir résider en Grande-Bretagne, afin d’acquérir notre langue et de profiter de notre marché du travail. Ces deux désirs se rencontrant créent une situation favorable à l’établissement d’un contrat octroyant à l’un des conjoints le précieux document administratif, et à l’autre l’opportunité de séjourner dans le pays pendant plusieurs années. »

« Kamenev n’était âgé que de vingt-six ans, et il estimait que c’est état de fait était déplorable ; il s’évertuait à compenser en portant, en toute saison, des chaussures en cuir, des livres reliés cuir, une montre en cuir, et un air de dur à cuire. Le vouvoiement était son accessoire préféré. Il le brandissait au nez des gens comme on déploie brusquement un parapluie. »

« We’ve got to take the tube, I’m afraid ». Ah, ok ! c’est juste qu’on va devoir prendre le métro, traduisit Marguerite, ‘et elle a peur. – Elle a peur ? répéta Kamenev. ‘Bah ouais, avec les terroristes et tout’, hypothétisa Marguerite. »

« Je rentre en France ! Et vous vous démerdez avec votre Brexit à la con. Je m’en balec. »
Justine n’était pas trop sûre de ce que voulait dire « je m’en balec », mais elle dit très vite :
« Ne t’en balec pas, Cannelle, attends ! »

«  »Tellement de trac ! J’ai des papillons dans l’estomac, dit Matt. Enfin, l’équivalent français. C’est quoi, en français,  » J’ai des papillons dans l’estomac » ? demanda-t-il à Cannelle.
 » J’ai la gerbe ? tenta celle-ci. »

« Il faut que je vous explique le plan d’attaque, parce que c’est compliqué ces choses-là et ça demande de la stratégie. On va faire la feinte dite de Natacha- Bolkonsky. Vous savez qui c’est ?
 » Une joueuse de tennis ?
« Presque. Ce sont deux personnages de Guerre et Paix. »
« Ah ? « 
« Et donc , ils se fiancent, MAIS ils attendent une année avant de se marier. »
« Pourquoi? »
 » Ecoutez, vous le lirez et vous le découvrirez vous même, je ne vais pas vous le spoiler, c’est un bouquin très sympa. »

Clémentine BEAUVAIS, Brexit Romance, Sarbacane, 2017

Défi Un hiver au chalet catégorie Bonhomme de neige ! (un roman jeunesse) 

La curieuse histoire d’un chat moribond

13 vendredi Nov 2020

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des mots du Québec, Des Mots en Jeunesse

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Hurtubise, Marie-Renée Lavoie

Quatrième de couverture :

Après avoir été trouvé dans la forêt par une petite fille qui pique-niquait, Ti-Chat se refait une vie dans une ruelle d’une ville du Québec, alors qu’il se croit en Australie. Le sauveront aussi du danger : Prémâché, le gros chat pas propre de la ruelle; l’USA, l’unité spéciale des araignées de sous-sol; Billy, le gentil voisin; et les parents de la petite fille, qui ont la chance incroyable d’être des bonshommes allumettes.

La drôle d’histoire d’un chat qui meurt souvent et ne grandit pas.

Après La femme qui fuit, il me fallait une transition pour éviter que le roman suivant ne souffre de la comparaison. J’ai donc sorti ce roman jeunesse de la PAL, c’était aussi l’occasion de retrouver Marie-Renée Lavoie dans une autre veine que La petite et le vieux. Et puis c’est vendredi 13, date idéale pour parler d’un petit chat noir 😉

C’est un roman jeunesse que l’éditeur conseille à partir de 10 ans (oui, il faut un peu de second degré pour apprécier) et mon âme d’enfant a adoré ce Ti-Chat qui, attiré par une mouche, a quitté les flancs maternels et s’est perdu pendant au moins deux mille jours dans la forêt d’où il a eu le courage de ressortir pour être – ouf ! – recueilli par une adorable petite fille qui va lui offrir tout son amour et une chouette famille. Sans compter tous les occupants de la maison et de la ruelle avec qui Ti-Chat va nouer des liens particuliers. Ti-Chat flanque régulièrement la frousse à sa famille car il a ramené de la forêt un drôle de truc qui l’empêche de grandir et lui fait faire de drôles de crises. Et c’est sans compter son goût inné pour les bêtises en tous genres qui mettent aussi sa vie en péril. Mais heureusement il peut compter sur ses amis pleins de ressources et il nous donne le sourire à chaque page. En plus les parents de la petite fille sont des bonshommes allumettes et Marie-Renée Lavoie s’amuse à nous dessiner des scènes de leur vie au fil des chapitres, un mini-roman dans le roman. Il y a une suite que je lirai avec plaisir… une autre fois.

« On dira ce qu’on voudra, il n’y a pas d’avenir possible pour un bébé chat tout seul dans les bois. Un tout petit mini riquiqui chat perdu dans la forêt, ça n’a aucune chance. Je sais de quoi je parle.

C’est un peu gênant à avouer, mais je me suis perdu à cause d’une grosse mouche moche aux pattes pleines de crottes avec des yeux de merlan frit. Je siestais gentiment dans la grange avec mes frères et soeurs quand elle s’est mise à me ziiiiziiiiter dans les oreilles. De quoi me rendre complètement fou ! J’ai dû la poursuivre jusque dans les tréfonds de la forêt pour qu’elle finisse par me laisser tranquille.

Après ça, quand j’ai voulu revenir chez moi, à la ferme, impossible de la retrouver. Pouf ! Envolée, la ferme ! Et plus je la cherchais, plus je m’enfonçais dans le labyrinthe tortueux des sentiers de la forêt. J’ai bien marché deux ou trois millions de kilomètres comme ça, sans m’arrêter. Je me suis retrouvé à l’autre bout du monde, assurément pas loin de l’Australie. J’étais même étonné de ne pas marcher la tête en bas. » (p. 7-8)

« -Nous sommes l’unité spéciale d’arachno-intervention, l’USA.

-C’est drôle, ça me dit quelque chose… Ce ne serait pas un acronyme pour autre chose ?

-Il y a des tas d’organisations qui essaient de nous copier, faut se méfier. » (p. 74)

Marie-Renée LAVOIE, La curieuse histoire d’un chat moribond, Hurtubise, 2014

Québec en novembre – Catégorie Tit-Cul (un roman jeunesse)

Ce livre a aussi traversé l’Atlantique et est édité en Belgique par les éditions Alice.

Le mystère de Lucy Lost

13 samedi Juin 2020

Posted by anne7500 in Des Mots britanniques, Des Mots en Jeunesse

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1915, Gallimard jeunesse, Lucy Lost, Lusitania, Michael Morpurgo, Première guerre mondiale

Quatrième de couverture :

Mai 1915. Sur une île déserte de l’archipel des Scilly, un pêcheur et son fils découvrent une jeune fille blessée et hagarde, à moitié morte de faim et de soif. Elle ne parvient à prononcer qu’un seul mot: Lucy. D’où vient-elle? Est-elle une sirène, ou plutôt, comme le laisse entendre la rumeur, une espionne au service des Allemands?
De l’autre côté de l’Atlantique, le Lusitania, l’un des plus rapides et splendides paquebots de son temps, quitte le port de New York. À son bord, la jeune Merry, accompagnée de sa mère, s’apprête à rejoindre son père blessé sur le front et hospitalisé en Angleterre…

Nous sommes en 1915, dans les îles Scilly, connues pour leur tradition d’accueil et de secours. Depuis longtemps, les marins-pêcheurs de cette pognée d’îles semées au Sud des Cornouailles portent assistance aux navires qui s’échouent sur ses rochers, au large de ses côtes, et ce quelle que soit l’origine des naufragés. C’est exactement ce que font Jim, Mary et Alfie, le jour où ils trouvent sur l’île de St-Helen’s une petite fille de onze, douze ans exténuée, déshydratée, qui ne livre qu’un mot à ses sauveteurs, « Lucy », et serre contre elle un ours en peluche et une couverture brodée du prénom Wilhelm. Celle que tout le monde va appeler Lucy Lost serait-elle d’origine allemande ? Avec l’aide du docteur Crow, la famille Wheatcroft va tout faire pour soigner Lucy, lui donner confiance, tenter de percer avec elle le secret de ses origines, de lui faire surmonter son état de choc.

Parallèlement à cette histoire, à New York, nous suivons les préparatifs de Merry pour traverser l’Atlantique avec sa mère, afin de rejoindre son père blessé dans les tranchées et au repos dans un hôpital anglais. Le lecteur devine rapidement que Merry et Lucy ne font qu’une mais il lui faudra patienter et traverser bien des épreuves avec Lucy/Merry et son ami Alfie pour comprendre ce qui est arrivé à la petite fille.

On retrouve ici tout ce qui fait le beauté et la force des romans de Michael Morpurgo : une histoire (bien menée) dans la grande Histoire (comme dans Cheval de guerre et Loin de la ville en flammes), du courage, de l’amitié, un lien privilégié entre un cheval et une enfant, des valeurs fortes que les Wheatcroft garderont envers et contre tout. Oui, c’est une belle histoire touchante, bien documentée et très musicale, ce qui ne gâte rien !

« Nous venons tous de quelque part. Moi, d’une certaine façon, je ne viens de nulle part. Laissez-moi m’expliquer. Ma grand-mère a simplement surgi de la mer, il y a longtemps, comme une sirène, sauf qu’elle a deux jambes et pas de queue de poisson. Elle devait avoir une douzaine d’années a l’époque , mais personne n’en était sur, car aucun signe n’indiquait qui elle était, ni l’endroit d’où elle venait. Elle était à moitié morte de faim, égarée par la fièvre, et ne pouvait prononcer qu’un seul mot : « Lucy ».
Voici donc son histoire, telle que je l’ai entendu raconter plus tard par ceux qui l’ont le mieux connue, par mon grand-père, par d’autres amis et relations et, surtout, par elle-même. Au cours des années, j’ai essayé de rassembler toutes les pièces du puzzle et des les mettre en ordre, en ne me servant que des témoignages de ceux qui avaient tout vu de leurs propres yeux, de ceux qui étaient là. » (Première page, p. 9)

Michael MORPURGO, Le mystère de Lucy Lost, traduit de l’anglais par Diane Ménard, Gallimard Jeunesse, 2015

C’est en lisant le billet d’Enna que j’ai eu envie de sortir ce roman pour la journée Jeunesse du Mois anglais.

 

 

L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges

12 mardi Mai 2020

Posted by anne7500 in Des Mots en Jeunesse, Des Mots italiens

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1941, Davie Morosinotto, L'école des loisirs, Leningrad, URSS

Quatrième de couverture :

1941. Hitler décide d’envahir l’Union soviétique. Les chars allemands progressent sur l’immense territoire russe, vers le Nord, en direction de Leningrad. Dans la précipitation, avant que la ville soit encerclée, on organise l’évacuation de milliers d’enfants. Viktor et Nadia sont parmi eux. Mais, pour la première fois de leur vie, les voilà séparés. Viktor est envoyé dans un kolkhoze à Kazan, pendant que Nadia se retrouve bloquée à proximité du front des combats. Désormais, Viktor n’a plus qu’une idée en tête : traverser le pays dévasté par la guerre, les bombardements et la faim, pour retrouver sa soeur. Et pour cela, il doit être prêt à tout. Car, dans un pays en guerre, nécessité fait loi.

Oh le magnifique livre que voilà !! L’objet livre déjà est très beau : couverture à rabats, typographie en relief sur la couverture, les pages intérieures présentent un aspect un peu sali comme les cahiers de Viktor et Nadia qui ont subi moult tribulations, encre bleue pour Nadia, rouge pur Viktor et dans les marges, de nombreuses inscriptions « manuscrites » de l’officier du Commissariat du peuple aux affaires intérieures qui lit les cahiers pour décider si les deux ados sont coupables ou innocents, il y a aussi es cartes, des photos et dessins qui permettent de situer les différents lieux et l’évolution du siège de Leningrad en 1941. (Voyez ci-dessous quelques exemples de pages.)

Viktoret Nadia sont jumeaux, ils ont douze ans quand leurs parents obéissent aux autorités et les font évacuer avec des centaines d’autres enfants quand l’avancée des troupes allemandes qui foncent vers Leningrad pour l’encercler est inéluctable. Sûrs de tenir bon car ils ne peuvent être séparés et parce qu’ils ont toujours respecté les injonctions du pouvoir, Viktor et Nadia quittent leurs parents avec la promesse d’écrire leurs aventures dans des cahiers d’écoliers. Mais dès la gare de départ, ils sont séparés, ils ne font pas partie du même train. Viktor atterrit dans un kolkhoze près de Kazan tandis que le train de Nadia reste bloqué en pleine voie à proximité de Leningrad.

Je n’ai pas envie de vous raconter toutes leurs aventures, mais sachez qu’elles seront faites de courage, d’audace, d’angoisse et de peur aussi, avec un soupçon d’espionnage et de trahison, et que l’amitié et la solidarité des groupes d’enfants y jouera un grand rôle. Même quand la propagande soviétique fait croire que le train de Nadia a été bombardé et que tous les enfants sont morts, le frère et la soeur restent intimement persuadés l’un que Nadia est toujours en vie, l’autre que Viktor tentera envers et contre tout de la rejoindre. Ils passent du musée de l’Ermitage où travaille leur mère à un kolkhoze, un goulag, une forteresse isolée, tout cela en suivant tant bien que mal les nouvelles de l’encerclement de Leningrad et en affrontant l’hiver russe, qui fut particulièrement mordant cette année-là.

C’est donc un roman d’aventures, un roman de guerre où les ados apprennent que rien n’est tout noir ou tout blanc et où ils comprennent que la vérité soviétique n’est pas aussi reluisante que ce que le camarade Staline en laisse croire. Il y a aussi tout l’art subtil de la mise en abyme des cahiers dans le roman. C’est aussi un roman d’initiation que nous offre Davide Morosinotto, auteur italien marqué par les récits e son grand-père qui fit partie de l’Armée italienne de Russie, « à ses yeux (…) un endroit immense, glacial et terrible, où la nature elle-même semblait devenir un ennemi. » Eh bien, c’est un bel hommage et une belle réussite qui m’a emportée (j’ai dévoré les 514 pages en peu de temps).

« J’ai toujours cru dans la force des histoires et dans l’importance des livres. Et, comme le dit Nadia à un moment donné, je crois que nous avons le devoir de nous rappeler ce qui s’est passé. Et de nous battre pour que cela ne se reproduise plus. »

« Finalement, c’est ça la guerre: des personnes normales qui commettent des choses atroces sans trouver ça anormales. »

« L’hiver arrive, et avec l’hiver, l’ennemi.
Il balaie tout.
Les gens, les pensées, ce qui était mon univers
et ce qu’il ne sera jamais plus.
Tout est détruit, tout.
Mais je suis encore en vie.

J’attendrai sous la première neige,
comme la braise cachée
sous un voile de cendres.
Je suis Nadia.
Et je suis là… »

« Je voulais juste être un bon frère.
Un bon Pionnier.
Un bon fils, un bon écolier. Un bon camarade.
L’ennui, c’est que je fais n’importe quoi.
Ou peut-être pas.
C’est peut-être le monde qui fait n’importe quoi. Mais je ne m’en étais jamais aperçu avant… »

Davide MOROSINOTTO, L’éblouissante lumière des deux étoiles rouges, traduit de l’italien par Marc Lesage, L’école des loisirs, 2019

Mai en Italie avec Martine

 

Deux romans sur « cette saloperie de crabe »

26 jeudi Mar 2020

Posted by anne7500 in Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Anne Percin, Editions de l'Observatoire, Le Rouergue, Thibault Bérard

Dans la foulée de Le dernier hiver du Cid, j’ai sorti un livre arrivé récemment dans ma PAL et un plus ancien, les deux lectures se sont enchaînées spontanément. Ca me faisait un peu peur parce que j’ai connu des situations semblables de très près dans ma famille mais voilà, le temps (et l’occasion) semblaient venus de lire ces romans.

Quatrième de couverture :

Lorsque Sarah rencontre Théo, c’est un choc amoureux. Elle, l’écorchée vive, la punkette qui ne s’autorisait ni le romantisme ni la légèreté, se plaisant à prédire que la Faucheuse la rappellerait avant ses 40 ans, va se laisser convaincre de son droit au bonheur par ce fou de Capra et de Fellini.

Dans le tintamarre joyeux de leur jeunesse, de leurs amis et de leurs passions naît Simon. Puis, Sarah tombe enceinte d’une petite fille. Mais très vite, comme si leur bonheur avait provoqué la colère de l’univers, à l’euphorie de cette grossesse se substituent la peur et l’incertitude tandis que les médecins détectent à Sarah un cancer qui progresse à une vitesse alarmante. Chaque minute compte pour la sauver. 

Le couple se lance alors à corps perdu dans un long combat, refusant de sombrer dans le désespoir.

Cette quatrième de couverture peut épouvanter certains lecteurs potentiels, mais je vous l’assure, ce roman est plein de vie. Paradoxalement, il nous est raconté par Sarah, depuis les limbes dont elle espère sortir quand son deuil sera accompli par son compagnon Théo. Il faut qu’elle raconte son histoire pour permettre à tout le monde ‘aller de l’avant, elle y compris.

« J’imagine que vous serez d’accord : ce que tout le monde veut, dans la vie, c’est laisser une trace, non ? Résister à l’oubli éternel ? Et bien le scoop, mes amis, le truc pas croyable que je vais vous annoncer ici, dans ces pages et même dès la première, c’est que le but ultime de tout le monde, dans la mort, c’est exactement l’inverse : se faire oublier des vivants. Couper le cordon une bonne fois avec l’avant, pour, enfin, accéder à cette absolue félicité, ce repos parfait des sens et de l’esprit dont on nous rebat les oreilles depuis les siècles des siècles. Avouez que ça remet les choses en perspective. Moi-même, j’ai mis un moment à comprendre ça et, quand j’ai fini par y arriver, je me suis décidée à en faire quelque chose, histoire que ça vous rentre dans le crâne, pour le « jour où » (parce que, vous le savez, ou alors il serait temps, ce sera votre tour à un moment ou à un autre). Décidée avec un « e », ça n’a as échappé aux premiers de la classe, parce que je suis une fille, enfin une femme. J’étais une femme quand je suis morte – une jeune femme, 42 ans, ça vous donne déjà une idée de l’ampleur du drame à venir. » (p. 9)

Une bonne partie du roman, lumineuse, raconte le parcours qui a fait se rencontrer et s’aimer Théo et Sarah , le bonheur original qu’ils ont construit et qu’ils ont osé élargir à leurs deux enfants, Simon et Camille. Mais vers la fin de la deuxième grossesse, « Lutin » et « Moineau » (leurs surnoms d’amour) vont prendre de plein fouet l’annonce d’un cancer incurable en l’état. Avec l’aide de leur inoxydable « Dr House » à eux, ils vont entamer un long combat, faisant même la nique à la maladie. Armé d’un courage incroyable, Théo se bat avec énergie, tandis que Sarah s’accroche – dans les deux sens du mot : elle s’accroche pour survivre et elle s’accroche (sans trop d’illusion) aux rêves de Théo. La maladie leur offrira une rémission avant le combat final, héroïque malgré tout.

« Il est juste que les forts soient frappés

La phrase s’affiche tel un blason en lui. Et elle lui semble parfaitement logique, évidente – appropriée, là encore. Il est juste, oui, précisément parce c’est plus injuste que tout ce qu’on puisse imaginer, plus absurde, plus cruel, et donc plus éloigné de l’entendement des simples mortels, que lui et moi, qui sommes jeunes, pleins de vie, si forts, nous soyons frappés. Nous plutôt que d’autres, qui ne s’en relèveraient pas. »  (p. 116)

L’intérêt de ce récit, c’est le point de vue narratif, la relecture de son histoire par Sarah qui nous donne de comprendre de l’intérieur à quoi est confronté un malade du cancer. C’est la lumière insolente qui se dégage de ces pages, l’humour, l’amour comme armes – peut-être dérisoires mais qui survivent à tout, même à la mort. Ce sont deux personnages à la fois hors-normes et ordinaires dans leur combat et la galerie de personnages savoureux qui les entourent et les accompagnent jusqu’au bout. Je l’avoue (ne lisez pas ce qui suit si vous ne voulez pas en savoir trop), j’ai d’abord été un peu choquée par la relation nouvelle que Théo noue déjà avant la mort de Sarah, tout en continuant à accompagner celle-ci et à tout assurer du quotidien tant bien que mal, mais après tout, ce sont peut-être les nouvelles façons d’aimer et on n’a jamais trop d’amour pour affronter cette saleté de maladie et vivre la fin de la vie.

Un roman malgré tout solaire, où le pouvoir salvateur des mots mène sur la voie de la résilience.

« « Tout ira bien », Benjamin. Ces mots-là, je suis soulagée d’avoir pu les prononcer. Pour les autres, tout ira bien. Pour les amis, la famille, tout ira bien. Pour Théo… Pour lui, je ne veux pas y penser. Par moments, je l’imagine dans les bras d’une autre femme, avec qui il élèverait nos enfants – et dans ces moments-là, je lui souhaite vraiment d’être heureux, libre, en vie à nouveau… mais pour être franche, ça ne dure pas. Cette image est trop dure. Trop violente. L’accepter reviendrait à m’accepter morte déjà, et je ne peux pas. Soudain je veux lutter, et vaincre, et marcher, faire un miracle et regagner ma vie à coups de griffes dans le réel, et écraser quiconque se mettrait sur ma route ! Je refuse qu’on m’oublie, je refuse qu’on me laisse crever ! La minute d’après, je prie pour que tout s’arrête et que le monde soit en paix sans moi. Je clignote en noir et blanc sans cesse, c’est épuisant. Mais là, face au visage franc et simple de Benjamin, je peux me payer le luxe d’être tranquille. De lui annoncer, depuis le lit où bientôt je vais mourir, de beaux présages de vie douce. Tout ira bien, Benjamin. »

Thibault BERARD, Il est juste que les forts soient frappés, Les éditions de l’Observatoire, 2020

 

Quatrième de couverture : 

J’aurais préféré que ma mère me dise : « Tu sais, je crève de trouille et je ne peux rien te promettre. » Ou bien qu’elle pleure franchement, à gros bouillons. Oui, qu’elle pleure !
Au lieu d’afficher ce sourire de façade. Le sourire « tout-va-bien-je-gère ». J’aurais voulu qu’elle crie, qu’elle hurle, qu’elle se roule par terre en tapant des pieds,
qu’elle fasse un truc pas calculé du tout, un truc qu’on ne voit pas dans les séries françaises à la télé, un truc pas bien élevé, pas conseillé par le guide J’élève mon ado toute seule, au chapitre « Comment lui annoncer votre cancer ?  »

Entre rires et larmes, Tania nous raconte six mois de complicité avec sa mère malade, mais aussi les nouveaux défis qu’elle s’est lancés : devenir championne de cross… et tomber amoureuse.

Evidemment différent du roman de Tibault Bérard, celui d’Anne Percin adopte le point de vue de Tania, de la fille, de l’ado de quatorze ans précipitée bien malgré elle dans une tempête qui va la forcer à mûrir plus vite que prévu.

Depuis la séparation de ses parents, Tania vit seule avec sa mère, qui fait tout pour donner le change, sauver les apparences : elle tient un blog (si, si) genre  « Lectures et confitures », tout dégoulinant de sucre et… de réalité sacrément enjolivée. Tania vit sa vie d’ado de quatorze ans, une vie qui sera forcément bouleversée par l’annonce du cancer du sein de sa mère.

« OK, on habite près d’une forêt. Mais c’est un champ de tir militaire dont l’accès est interdit, alors pour batifoler dans les feuilles mortes avec son petit panier en osier tout en sifflotant, on peut rêver mieux. Si on traverse les barbelés malgré les panneaux à tête de mort, on trouvera plus de douilles de balles que de châtaignes, et si on en ressort, ce sera avec l’aide de Dieu et quelques champignons irradiés. » (p. 8)

Je pense qu’il y a un petit côté exagéré dans la vie de Tania durant ces six mois : une ado de quatorze ans peut-elle vraiment rester seule aussi longtemps ? A-t-elle vraiment autant de ressources dans le courage, l’humour, la résistance dont elle fait preuve, seule et avec sa mère ? Je n’en suis pas sûre, mais après tout c’est possible. Et puis ici aussi, comme chez Thibault Bérard, il y a une lumière, une opiniâtreté, un humour qui se jouent de tout, peut-être par une certaine forme d’inconscience mais ça fait du bien quand même. Le roman est peut-être une « commande » pour parler du cancer du sein, ceci explique peut-être cela. On pourrait lire à haute voix le roman d’Anne Percin et se régaler de l’univers intérieur et du langage de Tania.

« Le bombardement chimique qui se poursuivait dans ses veines, via la petite boîte magique, c’était son petit Hiroshima personnel. On n’aurait pas cru, à la voir, mais il y avait une guerre en elle. Et la guerre, ça dévaste. » (p. 66)

« On marchait entre filles, sans nous apercevoir que quelques mecs de la classe nous suivaient. Tout à coup, on a entendu la voix de Zlatan, le balourd des Balkans, alias le Yéti slovaque, alias La Patate qui venait du froid. Une carrure de rugbyman en pleine expansion hormonale. Un gros rire d’ogre probablement fatal si on l’entend résonner dans un couloir sombre (Dieu merci, ça ne m’est encore jamais arrivé). »

Anne PERCIN, Ma mère, le crabe et moi, Le Rouergue, 2015

Bon, je crois que j’ai encore un livre en réserve sur le sujet, mais je le garde pour plus tard 😉

Signé Poète X

24 mardi Sep 2019

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots nord-américains

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Clémentine Beauvais, Elizabeth Acevedo, Nathan, Poésie, Rentrée littéraire 2019, Signé Poète X, slam

 

Oh le magnifique roman que voilà ! Il raconte l’histoire de Xiomara, jeune New-Yorkaise de Harlem, dont la famille d’origine dominicaine est marquée par les origines modestes, le catholicisme strict de la mère et l’effacement du père. Xiomara a seize ans, un corps aux formes épanouies qui se heurte aux regards et aux gestes déplacés, elle a un frère jumeau, Xavier (qu’elle n’appelle jamais autrement que Jumeau), qui la comprend en silence et une grande amie, Caridad, qui tente de canaliser ses ardeurs. Sa nouvelle prof de littérature, Ms. Galliano, l’incite à écrire et l’invite à son club de slam. Mais le club a lieu le même jour que les cours de confirmation à l’église. Entre les interdits pesants de sa mère et la liberté offerte par les mots, Xiomara cherche sa voie (sa voix) et étouffe bien souvent de colère et de désirs rentrés.

Ce sont les mots, les mots slamés, les mots rythmés, qui la sauvent (et aussi son merveilleux ami Aman et ses musiques). Tout le roman est écrit sous forme poétique, en courtes pages slamées, rythmées, rimées. Du noir de sa vie, du sombre de ses sentiments mêlés – à l’image de cette belle couverture – jaillissent des mots de feu, des mots libérateurs. « Le poème comme une lumière dans la nuit » :

« Ce qui
m’apaise
c’est mon carnet,
écrire écrire écrire,
tout ce que j’aurais voulu dire,
transformer en larmes de poèmes
toutes mes pensées coupantes,
les imaginer trancher net
mon corps pour
que j’en
sorte. »

« Mais vous savez quoi, les mots,
quand c’est la bonne personne qui les prononce,
par exemple un garçon qui vous enfièvre,
ça propage aussi de la chaleur.
Une vague de chaleur, depuis la pointe des cheveux
jusqu’aux orteils. »

Les mots pour dire l’amour, l’incommunicabilité, la colère, le harcèlement, la féminité blessée, le désir, la tristesse, la colère, les mots pour partager, rire et pleurer, les mots pour se taire et pour parler, les mots pour vivre. Ce premier roman d’Elizabeth Acevedo, sans doute largement inspiré de sa propre histoire et magnifiquement traduit par Clémentine Beauvais, est une pépite de cette rentrée 2019 qui démontre, s’il le fallait encore, que la poésie, c’est la vie.

Elizabeth ACEVEDO, Signé Poète X, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clémentine Beauvais, Nathan, 2019

 

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