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Archives de Catégorie: Des Mots nord-américains

La couleur des sentiments

26 vendredi Fév 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains

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Editions Jacqueline Chambon, Kathryn Stockett, Mississipi, ségrégation raciale

Quatrième de couverture :

Chez les Blancs de Jackson, Mississippi, ce sont les Noires qui font le ménage, la cuisine, et qui s’occupent des enfants. On est en 1962, les lois raciales font autorité. En quarante ans de service, Aibileen a appris à tenir sa langue. L’insolente Minny, sa meilleure amie, vient tout juste de se faire renvoyer. Si les choses s’enveniment, elle devra chercher du travail dans une autre ville. Peut-être même s’exiler dans un autre Etat, comme Constantine, qu’on n’a plus revue ici depuis que, pour des raisons inavouables, les Phelan l’ont congédiée.

Mais Skeeter, la fille des Phelan, n’est pas comme les autres. De retour à Jackson au terme de ses études, elle s’acharne à découvrir pourquoi Constantine, qui l’a élevée avec amour pendant vingt-deux ans, est partie sans même lui laisser un mot.

Une jeune bourgeoise blanche et deux bonnes noires. Personne ne croirait à leur amitié ; moins encore la toléreraient. Pourtant, poussées par une sourde envie de changer les choses, malgré la peur, elles vont unir leurs destins, et en grand secret écrire une histoire bouleversante.

Je dois être une des dernières à lire La couleur des sentiments, publié en 2010, l’année où j’ai ouvert mon blog, et sans doute découvert à cette occasion (une des premières tentations sur la loooongue liste liée aux blogs). Je l’avais offert à ma maman, qui me l’a prêté et… oui, honte sur moi, je le lis seulement maintenant.

Nous sommes en 1962, à Jackson, Mississipi. Elles sont trois, deux Noires et une Blanche, trois femmes unies par un sentiment d’injustice, une colère sourde, trois femmes qui vont s’atteler à un projet commun et qui vont comprendre que les limites déterminées par la couleur de peau ne sont que des barrières extérieures, qu’on peut les empêcher de vous pourrir la tête. Elles, ce sont : Aibileen, la bonne des Leefolt, déjà d’un certain âge, qui se sent pousser une petite graine dure comme pierre depuis la mort accidentelle de son fils ; Minny, cinq enfants, un mari alcoolique et violent, toujours en colère, la bonne qui n’a trouvé du travail que chez une jeune femme étrangère à la ville, Miss Celia, qui – heureusement – ne comprend rien aux codes et aux diktats de la Ligue des femmes, même si elle voudrait tant en faire partie ; Skeeter, jeune diplômée blanche qui vit toujours chez ses parents, sur la plantation de coton, et qui est encouragée par une éditrice new-yorkaise à écrire sur un sujet fort qui lui tient à coeur. 

Et c’est ainsi que naît ce projet d’un livre de témoignages des bonnes noires sur leur travail et leurs relations avec les familles blanches chez qui elles travaillent, particulièrement les femmes et les enfants. N’oublions pas qu’on est en 1962 seulement et que, s’il venait à être découvert, ce projet coûterait cher aux bonnes. Car si les hommes blancs règlent brutalement leurs comptes à coups de poings ou de revolver, (le Ku Klux Klan n’est jamais loin), les femmes blanches – du moins les plus influentes, les plus racistes (ou les plus frustrées ?) – s’y entendent vicieusement bien pour détruire peu à peu la vie des Noires si nécessaire.

Le roman alterne les points de vue des trois principales protagonistes, tout en dressant un portrait rapproché d’autres femmes, Miss Leefolt, Miss Hilly ou la mère de Miss Skeeter, sans oublier Constantine, l’ancienne bonne de Skeeter dont celle-ci est sans nouvelles. Les pages se tournent toutes seules, on rit, on a la gorge serrée, on espère avec nos trois héroïnes que leur livre sera bien édité mais on tremble des conséquences qu’elles pourraient subir. Et puis ne croyez pas que tout est manichéen, il y a beaucoup de nuances dans ce roman qui montre que les relations entre les maîtresses de maison et leurs bonnes oscillent entre mépris racial et amour, avec surtout beaucoup d’amour, même s’il est fondé sur des rapports de ségrégation. Il porte aussi le message que l’on peut trouver sa place dans la vie, même si on n’est pas né au bon endroit dans les bonnes conditions ou si on ne se sent pas bien dans sa peau : c’est un message commun à Aibileen, Minny, Skeeter et bien d’autres, si elles veulent bien le comprendre.

Kathryn Stockett explique à la fin comment elle s’est inspirée de sa propre nounou noire, Demetrie, et combien elle s’est sente marcher en équilibriste sur le fil de son roman, puisqu’elle a osé se mettre dans la peau de deux femmes noires et parler à leur place, en quelque sorte. Pari audacieux, mais réussi.

« Je suis revenue à la maison ce matin-là, après qu’on m’a renvoyée, et je suis restée dehors avec mes chaussures de travail toutes neuves. Les chaussures qui avaient coûté autant à ma mère qu’un mois d’électricité. C’est à ce moment, je crois, que j’ai compris ce qu’était la honte, et la couleur qu’elle avait. La honte n’est pas noire, comme la saleté, comme je l’avais toujours cru. La honte a la couleur de l’uniforme blanc tout neuf quand votre mère a passé une nuit à repasser pour gagner de quoi vous l’acheter et que vous le lui rapportez sans une tache, sans une trace de travail. »

« La laideur, on l’a en dedans. Être laid, ça veut dire être méchant et faire du mal aux autres. Alors, t’es comme ça toi ?
– Je ne sais pas… Je ne crois pas », sanglotais-je.
Constantine s’assit à côté de moi à la table de la cuisine. J’entendis craquer ses articulations enflammées. Je sentis son pouce s’enfoncer dans la paume de ma main, ce qui, nous le savions elle et moi, signifiait, Ecoute. Ecoute-moi bien.
« Chaque jour de ta vie, jusqu’à ce que tu sois morte et enterrée, tu devras te poser cette question et y répondre. »
Constantine était si près que je voyais la noirceur de ses gencives.  » Tu devras te demander, est-ce que je vais croire ce que ces crétins diront de moi aujourd’hui? »

« N’était-ce pas le sujet du livre ? Amener les femmes à comprendre. Nous sommes simplement deux personnes. Il n’y a pas tant de choses qui nous séparent. Pas autant que je l’aurais cru. »

Plein d’avis et de citations sur Babelio

Kathryn STOCKETT, La couleur des sentiments, traduit de l’anglais (Etats-Uis) par Pierre Girard, Editions Jacqueline Chambon, 2010 (Babel, 2012)

African American History Month Challenge – Journée spéciale Héroïnes

Petit Bac 2021 – Couleur

Défi Un hiver au chalet : Patiner sur le lac (un livre réconfortant)

50 états, 50 romans : Mississipi

Challenge Grand prix des lectrices de Elle

 

Trouver l’enfant

02 mardi Fév 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains

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Rene Denfeld, Rivages noir

Quatrième de couverture :

Il y a trois ans, Madison Culver a disparu dans la forêt nationale de Shookum, Oregon. Elle aurait aujourd’hui huit ans. Certains que quelqu’un l’a enlevée, les Culver se tournent vers Naomi. Enquêtrice connue de la police comme « la femme qui retrouve les enfants », Naomi est leur dernier espoir. Elle comprend des êtres comme Madison parce qu’elle aussi a été portée disparue. Alors que Naomi suit la piste de l’enfant, les fragments d’un rêve sombre transpercent ses défenses, lui rappelant une perte terrible depuis longtemps refoulée.

Encore une lecture de saison (et décidément j’enchaîne les bonnes surprises en ce moment) avec ce roman à la fois policier et noir qui se passe en Oregon, un état immense du nord-ouest américain couvert de nombreuses forêts et dont le climat est particulièrement rude en hiver. Un pays de trappeurs et de forestiers aussi rudes que le temps.

C’est ici que Naomi, l’enquêtrice, « la femme qui retrouve les enfants », a ses racines, du moins sa famille adoptive et une amie très chère. Elle ne se lie pas avec grand monde, Naomi, elle n’accorde pas facilement sa confiance. On l’a appelée en désespoir de cause pour tenter de retrouver Madison, une petite fille de cinq ans disparue trois ans auparavant dans la forêt et dans la neige. Pour beaucoup de gens, il ne fait aucun doute que la gamine est morte de froid et qu’on ne retrouvera jamais son corps. Mais Naomi, à la fois réaliste et déterminée, se met sur la piste de la petite fille, qui adore les contes.

Bientôt, on demandera à la jeune femme de rechercher un autre enfant disparu dans la même petite ville, un bébé dont tout le monde croit que la mère, déficiente, l’a tué.

Parallèlement à l’enquête, le lecteur est transporté dans les rêves de Naomi, qui font peu à peu émerger un secret enfoui lié à sa propre disparition lorsqu’elle était enfant, dans la vie qu’elle a réappris à vivre à la ferme de Mrs Cottle, sa mère adoptive, avec Jerome, l’autre enfant adopté, et il est aussi amené à découvrir ce qui est arrivé à Madison depuis trois ans (et qui m’a un peu fait penser, à hauteur d’enfant, à Lettre à mon ravisseur).

Ces aller et retours entre passé et présent, rêve et réalité, ville et forêt, créent un rythme palpitant et ce roman, où la nature souvent hostile est omniprésente, est passionnant, les pages se tournent toutes seules. C’est à la fois sombre et lumineux grâce à la personnalité très attachante et mystérieuse de Naomi. J’ai hâte de connaître la suite (quand elle paraîtra en poche : La fille aux papillons), car on comprend bien à la fin que Naomi va partir sur les traces de son propre passé d’enfant enlevée et cela nous promet encore bien du suspense.

« Elle voyait de tout petits oiseaux à gorge rouge dans la neige. Elle entendait le bruit sonore du battement d’ailes d’un grand-duc dans les arbres noirs. Au-dessus de sa tête, des rapaces décrivaient des cercles, se déplaçaient si lentement qu’ils semblaient faire partie du ciel. A plusieurs reprises elle avait vu des aigles à la gorge aussi blanche que la neige en contrebas.
La forêt était vivante. »

« Parfois, au milieu des ténèbres, des éléments de la forêt venaient à elle. Des rameaux pénétraient son corps, s’insinuait en elle, dans les endroits les plus intimes. Son corps appartenait à la forêt et si, parfois, la forêt venait et s’insinuait en elle… c’était le prix à payer, non ?
A payer pour quoi? interrogeait son cœur.
A payer pour vivre, répondait son âme. »

« Longtemps elle avait pensé qu’il n’est pas de lieu sûr, même dans nos pensées. Même là, il peut exister des pierres. Au détour du chemin on peut trouver un secret qui moisit dans le noir tel un champignon vénéneux. Le rêve était tel un sombre démon qui traînait derrière lui des lambeaux du passé. Il était difficile de différencier ce qui était squelette qu’il fallait enterrer et trésor qu’il fallait révéler. »

« Tu dis ça pour que je t’accepte dans mon lit ? lui demanda-t-elle d’une voix débordant d’émotion.
– Non. » D’un ton affectueux.  » je dis ça pour que tu m’acceptes dans ton cœur. »

« Elle me dit que ce sont des gens comme nous qui sauveront le monde : ceux qui ont marché du côté du chagrin et qui ont vu l’aube. »

Rene DENFELD, Trouver l’enfant, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Bondil, Rivages/Noir, 2020 (Rivages, 2019)

L’avis de Kathel et d’Aifelle

Défi Un hiver au chalet, catégorie Attache ta tuque avec d’la broche ! (un livre à la couverture enneigée)

Challenge Petit Bac 2021, catégorie Etre humain

Les sortilèges du Cap Cod

15 mardi Déc 2020

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

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10/18, Richard Russo

Quatrième de couverture :

Il suffit d’un mariage pour que celui de Joy et Jack Griffin, la soixantaine, vole en éclats. Un an plus tard, les noces de leur propre fille au cap Cod scellent leurs retrouvailles. De retour sur les lieux de son enfance, Jack vient y disperser les cendres de ses impitoyables et défunts parents. Le contexte invite à la crise existentielle. Et le bilan des ratés est lourd !

De Richard Russo, je n’ai lu jusqu’à présent – et il y a longtemps – que Le déclin de l’empire Whiting, dont je n’ai que le souvenir de l’avoir beaucoup aimé, au point d’acheter d’autres romans de l’auteur sans leur accorder de temps… Shame on me ! Aussi quand Ingamnic a proposé une LC Richard Russo pour ce 15 décembre, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai choisi ce roman pour son format assez court (327 pages), je crois que j’aurais eu du mal à m’arrimer à un roman plus log en ce moment. Et la magie Russo (et Cap Cod) a fonctionné !

Deux mariages, une rupture, des souvenirs en masse, il ne se passe pas grand-chose dans Les sortilèges du Cap Cod, mais le regard à la fois acéré et empathique de l’auteur vous embarque dans l’histoire de ses personnages : le couple Jack Griffin et sa femme Joy, leur fille Laura et ses amis Kelsey et Sunny Kim, le fiancé de Laura, le coscénariste de Jack, Tommy,  et surtout les parents de Jack et de Joy.

Les parents du premier sont des universitaires aigris de nature, qui ont tenté de compenser les années académiques qu’ils jugeaient pourries dans des vacances annuelles au Cap Cod, dans des locations plus ou moins chic selon l’état annuel de leurs finances. Jack a gardé en mémoire la valeur symbolique attachée à cet endroit et aussi les émotions liées à la rencontre un été d’une vraie famille bien plus aimante que la sienne. Quant à Joy, elle vient d’une famille nombreuse où tout le monde porte un prénom en J (je me rends compte en écrivant qu’elle a épousé un homme en J) et où la carrière universitaire importe bien moins que la convivialité, l’attachement, la fidélité indéfectible. Jack et Joy veulent construire leur vie de couple de façon personnelle, ils bâtissent leur parcours en tentant de rester fidèles à « la convention de Truro » qu’ils ont établie lors de leur voyage de noces. Mais quand vient le temps du mariage de leur fille unique, il faut se rendre à l’évidence : les modèles de leurs parents ont influencé, consciemment ou non, leur propre mode de vie de couple. A l’instar de sa mère, snob universitaire invétérée, Jack ne peut s’empêcher de mépriser sa belle-famille tout en acceptant, la mort dans l’âme, son aide financière et Joy souffre de la raideur affective de son mari.

Le mariage de Kelsey, un an avant celui de Laura, fait éclater les ressentiments dans le couple. Et remonter les souvenirs d’enfance, de jeunesse des uns et des autres à la surface. C’est par le regard de Jack Griffin que nous suivons ce remue-ménage psychologique. Un an plus tard, alors qu’il transporte toujours les cendres de ses parents, à disperser quelque part au Cap Cod, le mariage de Laura va dénouer tous les noeuds dans un dîner de répétition apocalyptique : qu’est-ce que j’ai ri, qu’est-ce que c’était bien fichu !

C’est un roman sur le couple, la famille, l’héritage plus ou moins encombrant des parents pour leurs enfants. Les sortilèges du Cap Cod sont à prendre à double sens : magie de l’enfance, magie du souvenir qui jette aussi un voile falsifié sur les personnages devenus adultes. Richard Russo nous emmène au coeur de ces sortilèges dans une construction impeccable, avec empathie et ironie mêlées. De quoi me donner envie de continuer à le lire !

« Pour Griffin, qui avait maintenant cinquante-sept ans – à peu près l’âge de ses parents lorsqu’il avait épousé Joy -, les noms de localités du cap avaient gardé toute leur magie : Falmouth, Woods Hole, Barnstable, Dennis, Orleans, Harwich. Ces toponymes le ramenaient à son enfance, au siège arrière de la voiture familiale, où il avait passé une bonne partie de sa jeunesse, sans ceinture, les bras posés sur les sièges avant, à tendre l’oreille pour attraper des bribes de ce qu’ils se disaient sans jamais essayer de l’inclure dans leurs conversations. Non pas qu’elles l’aient intéressé tant que ça, mais il était conscient que se prenaient là des décisions ayant des conséquences directes sur sa vie, et, s’il les interceptait assez tôt, peut-être aurait-il l’opportunité de donner son avis. Malheureusement, le simple fait que son menton soit posé sur l’appuie-tête semblait l’exclure d’emblée. Dans l’ensemble, les informations qu’il glanait ne valaient pas tant d’efforts. « Wellfleet, disait par exemple sa mère, le nez dans un atlas routier. Pourquoi est-ce qu’on n’a jamais essayé Wellfleet ? » L’année où Griffin entra en seconde, celle de leur dernier séjour au cap, ils avaient déjà ratissé les locations saisonnières de la région. Chaque été, au moment de rendre les clés à l’agence, on leur demandait s’ils envisageaient de revenir l’année suivante. Ils répondaient toujours par la négative, et Griffin commençait à douter que cet endroit rêvé existe pour de bon. Il finit par conclure que le chercher leur suffisait peut-être. »

« C’était au sujet de l’endroit où ils passeraient leur lune de miel qu’ils avaient connu leur premier vrai désaccord. Elle penchait pour les côtes du Maine où elle allait en vacances quand elle était petite. Chaque été, la famille louait la même vieille baraque à moitié en ruines non loin de l’endroit où sa propre mère avait grandi. Les huisseries laissaient passer les courants d’air, la charpente craquait, et le parquet était tellement voilé que si un pion des petits chevaux tombait de la table de la cuisine, on courait après jusque dans le salon pour le récupérer. Mais ils y étaient habitués, et il y avait assez de place pour loger les parents, les cinq enfants et les éventuels visiteurs du week-end. Joy se souvenait des dîners en famille et des excursions le soir vers un parc d’attraction de la région, des parties de Monopoly et des tournois de Cluedo qui duraient la journée entière quand il pleuvait. Même après la mutation de son père dans l’Ouest, ils retournaient passer le mois de juillet dans le Maine, malgré les plages de galets et l’eau trop froide pour s’y baigner. Joy était allée jusqu’à suggérer de louer cette même maison pour leur lune de miel. Ce qui appelait la Grande Question numéro un : pourquoi Griffin l’avait-il convaincue d’aller au cap à la place ? Puisque l’opportunité leur était donnée de suivre les traces d’un mariage heureux – celui des parents de Joy l’avait été, sans l’ombre d’un doute -, pourquoi choisir l’exemple misérable donné par ses propres parents ? »

« Griffin était obligé de reconnaître que la côte déchiquetée du Maine était époustouflante, et sa lumière d’une telle pureté qu’elle en était presque douloureuse. Il ne pouvait s’empêcher de se demander comment les choses auraient évolué si ses parents étaient tombés amoureux de cette partie du monde plutôt que du cap Cod. L’immobilier y aurait été beaucoup moins cher, d’où la question suivante : se seraient-ils satisfaits d’une propriété dans leurs moyens ? En définitive, tout l’attrait du cap, ou presque, résidait dans son inaccessibilité scintillante, sa capacité magique à leur échapper d’année en année, cette fameuse étoffe dont sont faits les songes. »

Richard RUSSO, Les sortilèges du Cap Cod, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 10/18, 2012 (Quai Voltaire, 2010)

LC Richard Russo :

Retour à Martha’s Vineyard chez Ingamnic, Kathel, Krol, 

Le déclin de l’empire Whiting chez Aifelle, 

Et m…! chez Lilly, 

 

Le chant des plaines

13 mardi Oct 2020

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

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Editions Robert Laffont, Kent Haruf, Pavillons poche

Quatrième de couverture :

Kent Haruf nous entraîne au coeur de cette Amérique profonde que l’on ne connaît pas assez. Nous sommes dans un bled perdu du Colorado. Entre le bruissement des éoliennes et le piétinement des troupeaux, des destins se croisent. Une lycéenne demiindienne de dix-sept ans enceinte d’un garçon parti sans laisser d’adresse est jetée à la rue par sa mère. Un prof du lycée du coin tente de s’en sortir avec deux gamins sur les bras après la fuite de sa femme dépressive. Ce petit monde se retrouve dans la ferme des McPheron, deux vieux célibataires aux mains calleuses mais au coeur en or… Dans l’attention minutieuse qu’il porte à ses personnages et à leur vie quotidienne, tout en émotion contenue, Haruf n’est pas sans faire songer au grand Richard Yates. On n’oubliera pas de sitôt la poussière soulevée par les vieux pick-up sillonnant les grandes plaines.

Au début, j’étais un peu perplexe : tant de détails sur de tout petits gestes du quotidien me semblaient répétitifs… Mais assez vite, je me suis laissé prendre à la grâce sans fard des personnages de Kent Haruf. Je crois que c’est à partir du moment où Tom Guthrie va aider les frères McPheron à la ferme avec ses enfants que je me suis laissé charmer (et pourtant le vieux Raymond ne devait pas sentir très bon et cette vache rousse était bien effrayante). Et puis, vous savez, quand le coeur frémit dans la poitrine parce que ces vieux frères ont le coeur tellement bon, quand vous avez envie de crier à Victoria « Mais non, tu ne vas pas faire ça !! », quand vous avez envie de serrer Ike et Bobby dans vos bras tant ls sont courageux, ces deux petits frères… Vous savez, quand le frisson du coup de coeur s’installe peu à peu et ne vous lâche plus…

La quatrième de couverture en dit pas mal pour rattraper mon billet aux impressions décousues (et enthousiastes). Il y a, dans ce roman, des formes de perte, de solitude, mais aussi de résilience sublime de simplicité. Il y a deux vieux frères et deux jeunes frères, tous très attachants, et qui vivent une forme d’initiation (bien la preuve qu’on peut apprendre et qu’on peut être ouvert d’esprit à tout âge, même au fin fond de l’Amérique). Il y a deux beaux personnages de femmes aussi, la jeune Victoria Roubideaux et Maggie Jones, des femmes qui parviennent à tracer leur route dans ce milieu assez traditionnel. Ces rencontres intergénérationnelles sont empreintes d’authenticité et de douceur, malgré une violence toujours prête à surgir.

Il paraît que Kent Haruf a repris ses personnages et a écrit deux romans encore dans le cadre de cette petite ville du fin fond du Colorado. J’aimerais les retrouver et vibrer à nouveau avec eux, grâce à eux. J’aime définitivement bien cette collection Pavillons de Robert Laffont.

« Dehors, le vent s’était levé plus fort que dans l’après-midi. Ils l’entendaient pleurer au coin de la maison, gémir et souffler dans les arbres nus. La neige sèche était soulevée par les bourrasques et passait devant les fenêtres en tourbillons soudains, traversant le jardin gelé sous la lumière de la ferme qui pendait à un pylône de téléphone sur l’arrière. La neige filait et accélérait dans la lumière bleutée. A l’intérieur, tout était tranquille. »

« Et ainsi, les deux frères McPheron se mirent à discuter bétail, abattoir et bouvillons de choix, génisses et veaux de lait, expliquant tout cela aussi, et entre eux trois, ils discutèrent à fond de toutes ces choses, jusque tard dans la soirée. Parlant. Conversant. S’aventurant un peu dans d’autres sujets assez divers. Les deux vieux bonshommes et la fille de dix-sept ans assis devant la table de la salle à manger en pleine campagne après la fin du dîner, et après avoir nettoyé la table, tandis que dehors, au-delà des murs de la maison et des fenêtres sans rideaux, un vent du nord bleu et froid commençait à souffler une nouvelle série de bourrasques hivernales sur les hautes plaines. »

Kent HARUF, Le chant des plaines, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Benjamin Legrand, Pavillons Poche, Robert Laffont, 2014

Etat du Colorado (50 états, 50 romans)

La famille Middlestein

30 mercredi Sep 2020

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains

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10/18, Jami Attenberg, La famille Middlestein

Quatrième de couverture :

Comment survivre à sa famille?

Bienvenue chez les Middlestein, une famille au bord de la crise de nerfs depuis qu’Edie, la mère, risque d’y passer si elle ne prend pas au sérieux ses problèmes d’obésité. Le pompon? Le père la guitte pour découvrir à soixante ans les affres du speed dating. Une trahison impardonnable pour leur célibataire de fille, un rebondissement que voudrait bien oublier le fils en fumant son joint quotidien, si sa femme ne s’était pas mis en tête de sauver Edie à grand renfort de Pilates et de Weight Watchers. Une question taraude toutefois les Middlestein : et s’ils étaient tous un peu responsables du sort d’Edie ?

Bienvenue chez les Middlestein, une famille juive d’une banlieue de Chicago dont le personnage central est (comme dans toute bonne famille juive) Edie, la mère qui est vraiment très grosse (ce qu’on appelle de l’obésité morbide) et qui se fout comme d’une guigne (ou presque) des conseils des médecins, des recommandations de sa fille Robin et de sa belle-fllle Rachelle, « une pudibonde obsessionnelle et coincée » (du moins sous le regard de son beau-père Richard Middlestein), et des anxiétés de ses petits-enfants. Mais quand son mari Richard la quitte, entre deux opérations chirurgicales, toute la famille éclate et même Edie, qui s’est toujours bien cachée et caparaçonnée sous sa couche de graisse, vacille.

Jami Attenberg passe d’un personnage à l’autre et d’une époque à l’autre (elle joue pas mal de l’effet de prolepse) dans l’histoire de cette famille née de l’exil pour en comprendre tous les membres, leurs ambitions, leurs rêves, leurs angoisses, leur rapport au corps et au désir et bien sûr, à la nourriture. Une famille pas ultra-religieuse mais qui célèbre les grandes fêtes juives qui marquent aussi son identité (et qui sont aussi de fameuses occasions de célébrer la nourriture).

C’est un chouette roman sur l’amour et la bouffe, un roman tout en contrastes, comme ses personnages bien typés, racontés – comme le dit la quatrième de couverture – avec tendresse et humour par Jami Attenberg. Un roman qui trouve son apogée dans le final, où l’amant d’Edie lui cuisine amoureusement des nouilles et un plat de canard chinois qui contraste avec toutes les nourritures industrielles qu’Edie a consommées pendant longtemps pour combler le manque d’amour dont elle souffrait. Je pense que je me souviendrai de cette femme forte dans tous les sens du terme.

Jami ATTENBERG, La famille Middlestein, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Reignier-Guerre, 10/18, 2015 (Les Escales, 2014)

Le très chouette billet de Kathel

Dernière participation au Mois américain 2020 et l’occasion d’associer un titre à l’Etat de l’Illinois (50 états, 50 romans, vous savez, ce vieux défi que je complète une fois tous les cinq ans)

Le camp des morts

22 mardi Sep 2020

Posted by anne7500 in Des Mots noirs, Des Mots nord-américains

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Craig Johnson, Gallmeister, Walt Longmire

Quatrième de couverture :

Lorsque le corps de Mari Baroja est découvert à la maison de retraite de Durant, le shérif Walt Longmire se trouve embarqué dans une enquête qui le ramène cinquante ans en arrière. Il plonge alors dans le passé déchirant de cette femme et dans celui de son mentor, le légendaire shérif Connally. Tandis que résonne l’histoire douloureuse de la victime, d’autres meurtres viennent jalonner l’enquête. Aidé par son ami de toujours, l’Indien Henri Standing Bear, le shérif mélancolique et désabusé se lance à la poursuite de l’assassin à travers les Hautes Plaines enneigées.

Quelle joie de retrouver le shérif Walt Longmire ! En fait, cette deuxième « aventure » démarre peu de temps après la fin de Little Bird, où – attention, je spoile – s’est terminée par une terrible marche en montagne, accompagnée des Vieux Cheyennes, et par la mort d’une femme que Walt s’était mis à aimer profondément. Il est encore meurtri par ce deuil et il dort toujours dans une cellule au bureau, avec le chien de Vonnie qu’il a adopté, parce que sa maison a le toit percé. Eh oui, l’hiver n’a pas lâché prise, au contraire, au moment où on l’appelle au Foyer des Personnes dépendantes (quel nom !) pour enquêter sur la mort de Mari Baroja. Une mort qui semble tout à fait naturelle mais Lucian Connally, le vieux shérif à l’ancienne et ami de Walt, insiste pour que celui-ci mène une enquête criminelle, car il avait des liens très particuliers avec la défunte. Celle-ci est d’origine basque (je savais déjà grâce à Oyana qu’il y avait des descendants basques au Québec, eh bien il y en a aussi au Wyoming) et justement, un candidat basque se présente pour rejoindre l’équipe du shérif (Vic et Ruby seront vite sous le charme et Santiago Saizarbitoria se révélera excellent au cours de l’enquête). Il faut un certain temps avant que le décès soit effectivement qualifié de criminel (empoisonnement) et alt va se plonger dans le passé douloureux de la défunte pour tenter de comprendre qui l’a assassinée, et pas seulement (d’autres meurtres et tentatives de meurtres vont suivre). Il sera question d’amours contrariées, de violences conjugales, d’enfants illégitimes, de profits juteux liés à l’exploitation du méthane.

Comme toujours, Walt pourra compter sur le soutien indéfectible de son ami Henry Standing Bear, de son adjointe Vic au langage fleuri, de la fidèle Ruby, de son nouvel adjoint – baptisé Sancho – aussi efficace que poli et discret (ça change de Vic 😉 ) et même de sa fille Cady, débarquée de Philadelphie. On aura encore droit à une nuit d’enfer dans la neige et la glace (mais c’est tellement prenant) et à un dénouement inattendu. L’humour et l’immense humanité du shérif Longmire, l’amitié, la fidélité, les grands espaces du Wyoming sont toujours au rendez-vous et qu’est-ce que ça fait bien de connaître un héros aussi attachant ! J’en ai encore pas mal à découvrir sur lui et il y a même encore quelques titres à traduire, quelle chance !!

Beaucoup de citations sur la page Babelio du livre

Craig JOHNSON, Le camp des morts, traduit de l’américain par Sophie Aslanides, Gallmeister Totem, 2012 (Gallmeister, 2010)

Le Mois américain

Pumpkin Autumn Challenge –Automne frissonnant – Les supplices de la belladone (livre à la couverture noire)

Nous étions les Mulvaney

04 vendredi Sep 2020

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains

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à la ferme, Joyce Carol Oates, Le Livre de poche

Quatrième de couverture :

À Mont-Ephraim, une petite ville des États-Unis située dans l’Etat de New York, vit une famille pas comme les autres : les Mulvaney. Au milieu des animaux et du désordre ambiant, ils cohabitent dans une ferme qui respire le bonheur, où les corvées elles-mêmes sont vécues de manière cocasse, offrant ainsi aux autres l’image d’une famille parfaite, comme chacun rêverait d’en avoir. Jusqu’à cette nuit de 1976 où le rêve vire au cauchemar… Une soirée de Saint-Valentin arrosée. Un cavalier douteux. Des souvenirs flous et contradictoires. Le regard des autres qui change. La honte et le rejet. Un drame personnel qui devient un drame familial. Joyce Carol Oates épingle l’hypocrisie d’une société où le paraître règne en maître ; où un sourire chaleureux cache souvent un secret malheureux ; où il faut se taire, au risque de briser l’éclat du rêve américain.

Dans ma série « A la ferme » voici aussi un pavé d’été et un bon gros roman de Joyce Carol Oates. Une histoire de famille inextricablement liée à un lieu, à une maison : High Point Farm. Ici il n’est pas vraiment question de travail à la ferme puisque Michael Mulvaney, le père, dirige une entreprise de couverture de toits et que la mère, Corinne, gagne un peu d’argent en vendant des objets de brocante ; mais il s’agit bien d’une ferme dont les dépendances abritent des chevaux, des animaux de basse-cour, de nombreux chiens et chats dont certains reçoivent un prénom et sont quasiment des membres de la famille, et les enfants Mulvaney doivent prendre soin des animaux en plus de leur travail scolaire et de leurs diverses activités sportives et sociales. Une vraie famille américaine, née du coup de foudre entre Michael et Corinne en 1955, une famille soudée, avec l’aîné Michael Junior, le sportif, Patrick, l’intellectuel, Marianne, la seule fille, lumineuse et généreuse, et Judd, le benjamin et narrateur.

Cette famille à la fois traditionnelle et originale (tous ses membres se donnent des surnoms pittoresques qui témoignent de leurs liens profonds), cette famille enviée va voir son unité voler en éclats le jour où, en 1976, Marianne subit une agression qui va changer à jamais le destin des Mulvaney. Le mot « viol » ne sera jamais prononcé et l’agresseur de Marianne ne sera jamais inquiété officiellement, même sa propre mère ne parvient pas à aider sa propre fille, qui restera longtemps persuadée que tout est de sa faute. Quant au père, sa propre culpabilité de n’avoir pas su protéger sa fille va le faire lentement dégringoler, socialement et physiquement. Corinne se range de son côté – toujours implicitement -, la fille est écartée de la famille et envoyée chez une lointaine cousine et les garçons sont livrés à eux-mêmes. Tout en faisant semblant de préserver les apparences, chacun va devoir tracer son chemin pour simplement vivre et se réaliser. Le silence est d’une violence insoutenable.

Avec pour toile de fond l’histoire de l’Amérique, de John Kennedy à Ronald Reagan en passant par la guerre du Vietnam et la prise d’otages à Téhéran sous Jimmy Carter,  Joyce Carol Oates suit chacun des membres de cette famille avec attention, leurs portraits, leurs chemin de vie, leur psychologie, sont fouillés, elle aime ses personnages, même si chacun (sauf Judd) peut sembler au lecteur tantôt éminemment sympathique, tantôt parfaitement détestable dans sa fuite des responsabilités ou sa naïveté aveugle. C’est ce que signifie sans doute la scène annoncée par plusieurs effets de prolepse : que les bons et les méchants (ou catalogués comme tels) peuvent tous être couverts de la même boue noire et que le chemin de la résilience frôle sans cesse le précipice.

La lecture de ce roman à l’époque du #metoo et du #balance ton porc secoue, interpelle sur le traitement réservé aux victimes d’agressions sexuelles mais c’est aussi l’inoubliable portrait d’une famille, d’une maison au charme fou, de personnages dont je me souviendrai longtemps.

« Je ne sais pas ce que maman a dit à Sable sur papa. Sur notre famille. J’ai tendance à penser qu’elle lui en a dit très peu. Car quels mots peuvent résumer une vie entière, un bonheur brouillon et foisonnant se terminant par une souffrance aussi profonde et prolongée ? » (p. 666)

Joyce Carol OATES, Nous étions les Mulvaney, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban, Le Livre de poche, 2011 (Stock, 1998)

#alassautdespaves

Challenge Pavé de l’été chez Brize

Le Mois américain : journée féminine

Pumpkin Autumn Challenge –Automne frissonnant – Esprit es-tu là ?

En imperceptible Chagrin…

06 dimanche Oct 2019

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Poésie, Des Mots nord-américains

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Emily Dickinson, Poésie

En imperceptible Chagrin
L’Eté s’est évanoui –
Trop imperceptible, à la fin,
Pour sembler perfidie –

Une tranquillité s’est distillée
Comme si se levait un long Demi-jour,
Ou si la Nature passait avec elle-même
Un après-midi cloîtrée –

Le Soir tombait plus tôt
Le matin scintillait en étranger –
Une Grâce courtoise, et pourtant tourmentée,
Comme un invité en partance –

Et donc, sans une Aile
Ni l’aide d’une Quille
Notre été s’est doucement échappé
Au coeur de la beauté.

Emily DICKINSON, traduit de l’anglais (États-Unis) par Zéno Bianu

Poème découvert chez Schabrière

Signé Poète X

24 mardi Sep 2019

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse, Des Mots nord-américains

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Clémentine Beauvais, Elizabeth Acevedo, Nathan, Poésie, Rentrée littéraire 2019, Signé Poète X, slam

 

Oh le magnifique roman que voilà ! Il raconte l’histoire de Xiomara, jeune New-Yorkaise de Harlem, dont la famille d’origine dominicaine est marquée par les origines modestes, le catholicisme strict de la mère et l’effacement du père. Xiomara a seize ans, un corps aux formes épanouies qui se heurte aux regards et aux gestes déplacés, elle a un frère jumeau, Xavier (qu’elle n’appelle jamais autrement que Jumeau), qui la comprend en silence et une grande amie, Caridad, qui tente de canaliser ses ardeurs. Sa nouvelle prof de littérature, Ms. Galliano, l’incite à écrire et l’invite à son club de slam. Mais le club a lieu le même jour que les cours de confirmation à l’église. Entre les interdits pesants de sa mère et la liberté offerte par les mots, Xiomara cherche sa voie (sa voix) et étouffe bien souvent de colère et de désirs rentrés.

Ce sont les mots, les mots slamés, les mots rythmés, qui la sauvent (et aussi son merveilleux ami Aman et ses musiques). Tout le roman est écrit sous forme poétique, en courtes pages slamées, rythmées, rimées. Du noir de sa vie, du sombre de ses sentiments mêlés – à l’image de cette belle couverture – jaillissent des mots de feu, des mots libérateurs. « Le poème comme une lumière dans la nuit » :

« Ce qui
m’apaise
c’est mon carnet,
écrire écrire écrire,
tout ce que j’aurais voulu dire,
transformer en larmes de poèmes
toutes mes pensées coupantes,
les imaginer trancher net
mon corps pour
que j’en
sorte. »

« Mais vous savez quoi, les mots,
quand c’est la bonne personne qui les prononce,
par exemple un garçon qui vous enfièvre,
ça propage aussi de la chaleur.
Une vague de chaleur, depuis la pointe des cheveux
jusqu’aux orteils. »

Les mots pour dire l’amour, l’incommunicabilité, la colère, le harcèlement, la féminité blessée, le désir, la tristesse, la colère, les mots pour partager, rire et pleurer, les mots pour se taire et pour parler, les mots pour vivre. Ce premier roman d’Elizabeth Acevedo, sans doute largement inspiré de sa propre histoire et magnifiquement traduit par Clémentine Beauvais, est une pépite de cette rentrée 2019 qui démontre, s’il le fallait encore, que la poésie, c’est la vie.

Elizabeth ACEVEDO, Signé Poète X, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clémentine Beauvais, Nathan, 2019

 

Mal d’enfant

20 vendredi Sep 2019

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots nord-américains

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Elizabeth George, Mal d'enfant, Pocket, polar

Quatrième de couverture :

Déprimée par des fausses couches à répétition, Deborah Saint-James déambule dans les salles de la National Gallery. Submergée par le chagrin face à une Vierge à l’Enfant radieuse, elle trouve du réconfort auprès de Robin Sage, un pasteur qui l’invite à lui rendre visite dans le Lancashire.
Quand Deborah et son mari arrivent chez Robin, leur hôte est mort, victime d’un empoisonnement accidentel. Une hypothèse inenvisageable pour Simon Saint-James, expert en sciences légales. Avec son vieil ami l’inspecteur Lynley., il décide de reprendre l’enquête sabotée par la police locale. Ensemble, ils vont découvrir les enfers insoupçonnés que recèle parfois le quotidien d’un village trop paisible…

Il y a très longtemps que je n’ai lu de roman d’Elizabeth George et pourtant j’apprécie particulièrement le duo formé par Thomas Lynley et Barbara Havers. Comme mon été a été en bonne partie anglo-saxon, j’ai eu envie de les retrouver (et d’ajouter un titre #alassautdespavés). J’ai donc lu ce livre début août.

Quel plaisir de retrouver cette romancière ! Bon, la lecture n’était pas tout à fait de saison parce que ça commence en novembre sous une pluie battante à Londres, ça continue en plein hiver dans la campagne anglaise (Lancashire) par un froid mordant et la scène finale en pleine tempête de neige était bien glaçante. Cette histoire d’empoisonnement apparemment accidentel amène Simon Saint James à faire reprendre l’enquête par son ami Thomas Lynley et Elizabeth George à évoquer les questions de maternité, de filiation, de paternité aussi. On entre aussi dans les secrets d’un village anglais, où le pub est le lieu de rencontres et de racontars sur tout et tout le monde, dans une région où les sorcières et les pasteurs se disputent se ont disputé le territoire spirituel. On y croise aussi une bande d’ados dont les hormones en croissance ne sont absolument pas perturbées par le froid ambiant. Comme à chaque fois chez Elizabeth George, la toile de fond sociale, les relations interpersonnelles, la psychologie des personnages sont aussi importantes que l’enquête et les recherches minutieuses pour trouver la clé de l’énigme. Elle est assez maligne pour nous laisser deviner cette clé mais elle a réussi à semer le doute dans notre esprit en nous emmenant sur une fausse piste fabriquée par un personnage peu sympathique et en créant des scènes percutantes de réalisme, voire crues.

Dans cette enquête, Barbara Havers n’est pas très présente : elle est en vacances, en train deretaper le pavillon familial pour le mettre en vente, afin de payer les frais de pension de sa mère qu’elle a dû placer. Mais quitter sa banlieue pourrie lui fait un peu peur et elle est heureuse d’être distraite de ses soucis pour aider Lynley en faisant des recherches en Cornouailles. Et bien sûr, les couples formés par Simon et Deborah Saint James, Thomas Lynley et Helen Clyde évoluent tout en subtilité et cela fait, outre l’humour de certains dialogues et situations, du plaisir de lecture intact après tant d’années !

Un petit passage (qui m’a fait hurler de rire) avec les ados :

« Josie plissa le front, s’efforçant désespérément d’assimiler. Elle qui se vantait d’être un puits de science en matière de sexualité féminine – grâce à un exemplaire orné de Femelles déchaînées au foyer, qu’elle avait piqué dans la poubelle où sa mère l’avait enfoui après avoir, sur les instances bougonnes de son époux, passé deux longs mois à tenter de devenir « une grande vicieuse » ou quelque chose d’approchant – était visiblement dépassée.

(…)

Pam ricana languissamment.

-Mais non. C’est digne d’une femelle déchaînée, ni plus ni moins. On parle pas de ça dans ton bouquin, Jo ? Peut-être qu’on se contente de conseiller aux femmes de se tremper le bout des tétons dans de la crème fraîche puis de les serir avec des fraises à leur mec à l’heure du thé ? « Comment étonner son mari 365 jours par an. » » (p. 84)

« Le plus difficile dans le métier de policier, c’était de ne pas manifester ses sentiments. L’investigation policière obligeait l’enquêteur à se concentrer sur la victime et le crime perpétré sur sa personne. Si le sergent Barbara Havers avait parfaitement maîtrisé l’art de porter des oeillères et de rester neutre pendant une enquête, Lynley, lui, souffrait mille morts tout en recueillant les indices et se familiarisant avec les faits et les différents protagonistes, lesquels n’étaient jamais ni tout noirs ni tout blancs. Car on n’évoluait pas dans un monde en noir et blanc mais dans un univers en demi-teintes. » (p. 268)

Elizabeth GEORGE, Mal d’enfant, traduit de l’anglais par Dominique Wattwiller, Pocket, 1996 (Presses de la cité, 1994)

Si elle situe ses intrigues en Angleterre, Elizabeth George est américaine.

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