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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Catégorie: Des Mots sud-américains

Sucre noir

13 lundi Fév 2023

Posted by anne7500 in Des Mots français, Des Mots sud-américains

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Miguel Bonnefoy, Rivages poche

Quatrième de couverture :

Dans un village des Caraïbes, la légende d’un trésor disparu vient bouleverser l’existence de la famille Otero. À la recherche du butin du capitaine Henry Morgan, dont le navire aurait échoué dans les environs trois cents ans plus tôt, les explorateurs se succèdent. Tous, dont l’ambitieux Severo Bracamonte, vont croiser le chemin de Serena Otero, l’héritière de la plantation de cannes à sucre qui rêve à d’autres horizons. Au fil des ans, tandis que la propriété familiale prospère, chacun cherche le trésor qui donnera un sens à sa vie. Mais, sur cette terre sauvage, la fatalité se plaît à détourner les ambitions et les désirs…

Dans cet envoûtant roman à la prose somptueuse, Miguel Bonnefoy réinvente la légende de l’un des plus célèbres corsaires et nous raconte le destin d’hommes et de femmes guidés par la quête de l’amour et contrariés par les caprices de la fortune. Il brosse aussi le tableau émouvant d’un pays dont les richesses sont autant de mirages et de maléfices.

Tout commence au sommet d’une forêt caribbéenne, sur le bateau du capitaine Henry Morgan, échoué là suite à une tempête épique. Un bateau où les marins continuent ou presque à vivre comme s’ils étaient encore en mer. C’est une autre tempête qui va précipiter dans l’oubli le navire, corps et biens. Et ces biens, il paraît qu’ils sont nombreux et mirifiques. La légende du trésor du capitaine Morgan est en route et fera rêver de nombreux explorateurs au long des générations : Severo Bracamonte, aventurier qui laissera tomber ses recherches pour épouser Serena Otero, héritière d’une plantation de canne à sucre, et fera prospérer le domaine ; Mateo San Mateo, qui comblera les aspirations indicibles de Serena, laissant la propriété à l’ambition vorace de la fille de Serena, Eva Fuego.

Dans ces histoires, les hommes cherchent le trésor mais celui-ci n’est sans doute pas emprisonné dans des coffres fastueux : est-ce l’amour ? Est-ce le travail qui apporte la prospérité ? Derrière ces hommes, ce sont les personnages féminins qui dominent : la mystérieuse Serena aux aspirations inexprimées, la fougueuse Eva au pouvoir impudent inspirent et décident, en secret ou au grand jour.

Le récit est plein de chaleur et de senteurs, la canne à sucre, le sucre, le rhum, les épices, les fleurs tropicales déploient leurs parfums et envoûtent le lecteur, dont tous les sens sont mis à concurrence. La langue est belle et colorée. C’est une belle découverte que la plume de Miguel Bonnefoy, aux origines vénézuélienne, chilienne et française, et qui écrit – magnifiquement – en français.

« Elle ne lisait pas ce qu’elle voulait, mais ce qu’elle trouvait. Comme souvent les livres lui parvenaient sans couverture, elle ne sut jamais qui était l’auteur de ce roman bouleversant d’une jeune femme qui rêvait à l’inaccessible. Et comme les dernières pages étaient arrachées, elle n’eut pas à pleurer la mort d’Emma Bovary ni l’idée qu’on puisse se suicider par amour. »

« Ces livres enseignèrent à Serena tout à la fois la servitude et la révolte, l’infidélité et le crime, la magie d’une description et la pertinence d’une métaphore. Ils lui firent découvrir les divers aspects de la virilité, dont elle ignorait presque tout. Elle apprit que la tour de Pise penchait, qu’une muraille entourait la Chine, que des langues étaient mortes, et que d’autres devaient naître. »

« Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux. »

« Son baiser prit une couleur d’or et de miel. A son parfum, il reconnut les notes vanillés de l’ananas, ses lèvres exhalant des fraîcheurs herbacées et des saveurs d’agaves, comme une longue traînée de braise, et la chaleur de celles qui ont une flamme à la place du cœur. »

Miguel BONNEFOY, Sucre noir, Rivages poche, 2019 (Payot et Rivages, 2017)

Une participation au Mois latino-américain chez Ingamnic

Et un grand merci à Véro pour la découverte !

Le mystère des pavots blancs / Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis

23 vendredi Déc 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots en Jeunesse, Des Mots sud-américains

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Luis Sepulveda, Nancy Springer

Je joins en un billet deux titres pour terminer ma quatrième ligne générale du Petit Bac 2022. Je n’aurai pas terminé ma ligne Agatha Christie d’ici la fin décembre. Tant pis (mais je lirai encore Dame Agatha bien sûr). Mais voilà, les vacances commencent et je mets le blog en pause pour au moins deux semaines, à part un rendez-vous poésie le 4 janvier. Belles fêtes à tous et à toutes !

Quatrième de couverture :

Mon prénom, Enola, me va comme un gant. J’enchaîne pourtant les pseudonymes, afin d’échapper à mes frères, Mycroft et Sherlock Holmes, qui souhaitent m’expédier en pension pour faire de moi une lady. Ainsi, par un frais matin de mars 1889, à Londres, je me cherchais un nouveau nom quand je tombai sur ce titre du Daily Telegraph : : Mystérieuse disparition de l’associé de Mr Sherlock Holmes – le Dr Watson introuvable !
J’endossai aussitôt ma nouvelle identité pour le retrouver…

Et que va faire Enola pour retrouver ce bon Dr Watson ? Comme toujours, se déguiser, aller renifler l’état des lieux, observer avec attention ces lieux et utiliser les armes à sa disposition (outre son intelligence que, bien entendu, on aura comprise aussi fine que celle de Sherlock). Cette fois, ce sera le langage des fleurs auquel l’a initiée sa mère qui va aider Enola à résoudre l’énigme. En effet, pourquoi a-t-on envoyé à madame Watson un bouquet de pavots blancs et d’asparagus ?

On suit avec toujours autant de plaisir les (més)aventures d’Enola, son art du déguisement, ses efforts désespérés pour échapper à l’emprise de ses frères, on goûte son art de dresser le portrait de ceux et celles qu’elle rencontre, on court à toute vitesse avec elle dans les rues de Londres et à la fois on la plaint et on ‘admire de devoir se débrouiller seule sans sa mère.

« Ce n’était pas seulement sur le choix d’un nom que je butais ; c’était aussi sur l’immense question de savoir qui devenir. Dans quel personnage de femme me cacher à présent ? Une Mary, une Susan ? À mourir d’ennui. Las ! les prénoms floraux que j’affectionnais, comme Rosemary, emblème du souvenir, ou Violet, symbole de discrétion, étaient hors de question. Sherlock avait découvert que nous communiquions au moyen d’un code floral, Mère et moi, et la moindre fleurette risquait donc d’attirer son attention. »

Nancy SPRINGER, Les enquêtes d’Enola Holmes – Le mystère des pavots blancs, traduit de l’anglais par Rose-Marie Vassallo, Nathan, 2011

Petit Bac 2022 – Couleur 4

Challenge British Mysteries

Présentation de l’éditeur :

Luis Sepúlveda a toujours aimé vivre avec les chats, ici il écrit l’histoire du chat d’un de ses enfants qui en vieillissant a perdu la vue.

Il en fait une fable sur l’amitié, sa force et son respect des différences en mettant en scène une hilarante souris mexicaine aux discours volubiles et intarissables sur la gourmandise. Chaque chapitre se termine sur une définition de ce que doivent être les rapports entre les amis.

Un texte drôle et tendre pour apprendre à respecter et aider ceux qu’on considère comme des amis pour de vrai.

Les illustrations noir et blanc pleines du talent de Joëlle Jolivet accompagnent le texte avec une vraie complicité.

Tout est dit dans cette présentation : ce petit livre raconte la belle et touchante histoire d’amitié entre Max et le chat Mix, qui devinrent eux-mêmes amis de la souris Mex. Un conte qui ouvre au respect de la différence, à la complémentarité entre des êtres différents, un conte que nous avons bien de la chance de lire puisque Luis Sepulveda aimait écrire des histoires pour ses petits-enfants et que nous pouvons en profiter nous aussi. Une belle leçon d’amitié avec les illustrations naïves de Joëlle Jolivet.

Luis SEPULVEDA, Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis, traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg, Métailié, 2013

Petit Bac 2022 – Animal 4

La couleur de la peau

18 vendredi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Métailié, Ramon Diaz-Eterovic

Quatrième de couverture :

Comme beaucoup de jeunes Péruviens, Alberto Coiro est venu chercher du travail à Santiago du Chili, et lorsqu’il disparaît brutalement Heredia, le détective privé mélancolique et désabusé, se laisse persuader de partir à sa recherche. Il explore, sous la conduite d’un vieil homme, l’univers des vagabonds et des chiffonniers qui, la nuit, envahissent la ville. Il découvre les réseaux de jeux clandestins, les salles de billard, le trafic de cocaïne et tout un monde de personnages glauques. Mais il croise aussi le sourire de la jolie Violeta et se laisse émouvoir.
Dans son enquête il est aidé par les conseils philosophiques de Simenon, son chat. Flanqué de ses complices habituels, Serón le flic à la retraite, Anselmo le kiosquier turfiste et le journaliste Campbell, il nous montre le Santiago de l’émigration et du racisme.

Quel plaisir de retrouver le détective privé Heredia que j’avais découvert en 2014 dans Les sept fils de Simenon. Depuis j’ai pu trouver deux autres de ses enquêtes ou aventures en librairie, tout n’est plus disponible malheureusement (et je refuse de commander chez le gros truc en jaune qui est tout sauf un libraire).

Comme dans le premier roman lu, l’enquête en elle-même n’est pas l’intérêt principal du livre, quoique les recherches d’Heredia touchent toujours à un problème politique ou social du Chili de l’après Pinochet. Ici il s’agit de l’immigration péruvienne, des centaines de travailleurs pauvres qui s’exilent au Chili, sans papiers la plupart du temps et qui trouvent notamment des emplois dans les bars, les restaurants de Santiago. La nuit ils s’entassent dans des « boîtes à sommeil » et rêvent de rentrer chez eux un peu plus riches qu’avant. Heredia doit donc enquêter sur la disparition de l’un d’entre eux, Alberto Coiro. Son enquête, qui va longtemps errer sans piste véritable, finira par mettre au jour des trafics bien sombres ourdis autour d’une salle de billard.

L’intérêt de ces romans noirs, c’est de rouler ou de marcher dans Santiago du Chili avec Heredia, de suivre cet homme nostalgique et désabusé dans les bars, les restaurants, les rues de la ville tentaculaire et de fréquenter une faune hétéroclite et plus ou moins honnête qui ne parviendra jamais à faire renoncer Heredia à trouver le ou les coupables et à faire justice (dans la mesure du possible). Quand il rentre à la maison, il retrouve son chat blanc Simenon et ils se parlent ; Simenon porte ce nom car, quand il est entré par hasard chez Heredia, tout maigre, affamé, perdu, il s’est couché sur quatre romans de Simenon. Car oui, autre plaisir de cette série, c’est que le privé est cultivé, il aime lire, les citations des grands auteurs lui coulent aisément des lèvres. Et bien sûr, pas de roman noir sans personnage féminin, ici la belle et intelligente Violeta qui offrira quelques moments de douceur et de douleur mêlées à notre détective.

Hasta luego, Heredia, je serai heureuse de te retrouver dans d’autres investigations.

« En revenant vers mon bureau je me suis arrêté devant un mur sur lequel quelqu’un avait écrit : “Dehors, les Péruviens.”
J’avais déjà lu ce genre de graffiti, ils accusaient les Péruviens de faire entrer la tuberculose au Chili, d’augmenter la délinquance ou de priver les Chiliens de leur travail.
Certains étaient anonymes, d’autres signés par des groupes néonazis qui exprimaient tous les jours leur nationalisme odieux sur les murs du quartier dans l’indifférence générale.
Rien de nouveau sinon la stupidité vieille comme le monde de croire qu’un nom, la grosseur d’un porte feuille ou la race fait de vous un être supérieur. »

« Le chat attendait que mon corps fatigué par une nuit blanche revienne à la vie par ses propres moyens. Il a gentiment passé sa patte sur mes cheveux. Le soleil maussade de l’après-midi entrait par la fenêtre et j’ai senti dans mon estomac un furieux besoin de café et de tartines.
– Tu as vu l’heure ? La Péruvienne t’a ramolli le cerveau. Qu’est-ce que tu espères ?
– Rien. Je n’espère rien. J’étais seul et elle est arrivée en rêvant d’être ailleurs. C’était juste un petit moment de tendresse, une autre manière de passer le cap de la nuit.
– Ta naïveté est touchante. Hier, deux hommes sont venus pendant ton absence, je les ai entendus marmonner devant l’entrée. Ils ont glissé des lettres sous la porte. Tu as dû perdre deux clients.
– Les notes que j’ai trouvées ce matin le confirment. Il y avait aussi quelques grossièretés mais je ne les répèterai pas pour ne pas blesser tes oreilles, fouille merde de chat.
– Que penses-tu faire ?
– J’ai gagné assez d’argent aux courses pour payer mes vices et les tiens.
– Je faisais allusion au Péruvien et non pas à tes maigres revenus. »

Ramon DIAZ-ETEROVIC, La couleur de la peau, traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg, Métailié, collection Suites, 2013 (Métailié, 2008)

Le Mois latino-américain chez Ingamnic – Chili

Petit Bac 2021 – Couleur 2

Ce que Frida m’a donné

07 lundi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots sud-américains, Non Fiction

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Frida Kahlo, Rosa Maria Unda Souki, Zulma

Ce que Frida m’a donné

Présentation de l’éditeur :

Dans la chaleur de l’été 2019, Rosa Maria Unda Souki devrait être plongée dans les préparatifs de son exposition à venir. Recluse au Couvent des Récollets, entre vertiges du doute et farouche détermination, elle tarde à rédiger le texte destiné au catalogue, à penser l’agencement des tableaux – toujours en cours d’acheminement depuis le Brésil. Dans l’attente, elle retrace ce qui l’a menée là. Comment elle a consacré cinq ans à la figure emblématique de Frida Kahlo en peignant sa célèbre Maison bleue, constituant une œuvre picturale d’une richesse saisissante. En quête d’elle-même, Rosa Maria renoue avec une Frida intime, comme si les clés pour se retrouver elle-même étaient aussi celles qui permettent de comprendre Frida. (…)

Bien que nous soyons en 2022, ce titre est le dernier Zulma que j’ai lu le 31 décembre 2021 dans le cadre de « Un Zulma par mois ». Impossible de ne pas être attirée en librairie par ce format inhabituel pour cette maison d’édition.

Dans cet ouvrage, Rosa Maria Unda Souki est donc en résidence d’artiste à Paris, pour monter l’exposition de ses oeuvres inspirées par Frida Kahlo. Mais la chaleur, l’excitation, le dépaysement… allez savoir, toutes sortes de raison empêchent l’artiste de se concentrer sur ses tâches. Alors elle se souvient… elle retisse la fascination, les liens entre elle et la fameuse peintre mexicaine, avec qui elle partage un lien particulier avec le père, avec la maison, l’habitation et avec un pays à l’histoire agitée. Elle tient un journal de sa résidence d’artiste, c’est ce que nous tenons entre les mains avec de nombreux dessins et détails, listes et tableaux inspirés par Frida. Ceux-ci représentent des lieux, des pièces de vie, des jardins où Frida Kahlo a vécu, souffert et créé, souvent vus de haut : ils contiennent rarement des personnages, Rosa Maria appelle ces oeuvres « des présences » où on est censé ressentir la vie et la création de l’artiste mexicaine.

Pour être honnête, ces tableaux « naïfs » de Rosa Maria Unda Souki ne m’ont pas vraiment touchée, je suis désolée d’avoir été hermétique à ces « présences » mais j’ai lu quasi d’une traite le journal de sa résidence d’artiste. Ce qui m’a touchée, ce sont les liens entre le Mexique de Frida Kahlo avec ses révolutions, l’accueil de Trotski, les soubresauts de son histoire et le Venezuela actuel de Rosa Maria Unda Souki, marqu » par la misère, la violence, l’instabilité politique. Et une annexe substantielle à la fin reprend tous les tableaux de Rosa Maria en racontant la biographie de Frida Kahlo, que je ne connaissais pas bien. Bref, il y avait pire manière de terminer 2021 !

Rosa Maria UNDA SOUKI, Ce que Frida m’a donné, traduit de l’espagnol (Venezuela) par Margot Nguyen Béraud et l’auteure, Zulma, 2021

Le Mois latino-américain chez Ingamnic – Venezuela – Lecture commune avec Ingamnic, Marilyne, A girl et…

Petit Bac 2021 – Prénom 2

Un nom de torero

23 vendredi Oct 2020

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Luis Sepulveda, Points

Quatrième de couverture :

Juan Belmonte, ancien guérillero chilien, et Frank Galinsky, ex-membre de la Stasi, sont engagés par des parties adverses pour retrouver un mystérieux trésor disparu au Chili. Épris de liberté et de justice, ces deux hommes ont tout sacrifié à leurs idéaux politiques. Revenus de leurs illusions, ils entament leur ultime aventure : un duel sanglant au bout du monde.

En 1994, Luis Sepulveda s’est lancé dans le roman noir : la dédicace de ce livre est parlante, sans doute l’auteur chilien a-t-il voulu revenir symboliquement dans son pays natal à travers ce roman d’espionnage qui met en scène Juan Belmonte, le narrateur, ancien guerillero chilien qui a dû fuir le régime de Pinochet et a roulé sa bosse dans les révolutions de gauche latino-américaines, et Frank Galinsky, ex-membre de la Stasi, qui s’est frotté lui aussi à tout ce monde souvent clandestin. Deux hommes qui finiront par se retrouver en Terre de feu pour récupérer un trésor inestimable de pièces d’or, sans doute un « trésor » de guerre nazi confisqué à des Juifs. 

Au pays, Juan Belmonte a laissé pour morte sa compagne, arrêtée et disparue sous la dictature et finalement laissée pour morte sur un tas d’ordures. Depuis, elle ne parle plus, ne bouge plus, est incapable de s’occuper d’elle-même, c’est une vieille tante qui l’a recueillie et la soigne. Belmonte, qui a appris le « retour » de Veronica, envoie régulièrement de l’argent d’Europe pour ses soins. C’est une machination bien huilée qui le force à retourner au Chili. A travers son personnage, oui, c’est vraiment un retour symbolique pour Luis Sepulveda : sans doute n’a-t-il aucune envie de rentrer dans un pays où les anciens collaborateurs de la dictature se baladent librement en pleine rue. Certes, l’un ou l’autre est parfois abattu froidement dans ces mêmes rues mais le poids du régime Pinochet se fait toujours sentir pour ceux qui l’ont payé chèrement.

A travers ce roman assez court, Luis Sepulveda nous entraîne à la suite de ces combattants souvent clandestins qui ont servi les révolutions marxistes et a contrario, de leurs opposants, soutiens des dictatures de droite (ceux qui ont aidé à cacher d’anciens nazis en Amérique du Sud). Mais l’humour n’est pas absent de ce roman noir, ni une certaine forme de rédemption.

« A quoi peut encore être bon un ex-guérillero de quarante-quatre ans? A l’Agence pour l’emploi de Hambourg, on regarderait d’un drôle d’oeil ma demande de stage de formation, si je mettais à la rubrique 《que savez-vous faire?》: expert en filatures et contre-filatures, sabotages et actions similaires, faux-papiers, production artisanale d’explosifs, docteur-ès défaites. »

« J’allais rentrer au Chili. J’avais vécu dans la crainte de ce moment. Si je craignais ce retour, ce n’était pas parce que je n’aimais plus ce pays, ou parce qu’il n’occupait plus de place dans mes neurones, mais parce que j’ai toujours été rebelle aux amnésies, surtout les amnésies décrétées pour cause de raison d’État, de pactes politiques, d’enlèvement des ordures.
Qu’est-ce qui m’attendait au Chili ? Une peur épouvantable. L’incertitude quant aux réactions de mon estomac, pour désigner par un euphémisme la région où se loge notre âme.
Et puis là-bas, il y a toi, Veronica, mon amour, retranchée dans ton silence dont je n’ose m’approcher car je sais que tu ne me laisseras pas y entrer. »

« Peut-être que ce flic avait fait une partie de sa carrière dans ces prisons qui n’ont jamais existé ou dont il est impossible de se rappeler l’emplacement, et qu’il y avait interrogé des femmes, des vieillards, des adultes et des enfants qui n’ont jamais été arrêtés et dont il est impossible de se rappeler les visages, puisque, quand la démocratie a ouvert ses cuisses au Chili, elle a d’abord annoncé le prix et que la monnaie dans laquelle elle s’est fait payer s’appelle oubli. »

Luis SEPULVEDA, Un nom de torero, traduit de l’espagnol (Chili) par François Maspero, Points, 2017 (Métailié, 1994)

Hommage à Luis Sepulveda, hélas décédé du covid-19 le 16 avril 2020

Pumpkin Autumn Challenge –Automne frissonnant – Je suis Médée, vieux crocodile ! (polar)

Histoire d’un chien mapuche

15 vendredi Fév 2019

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Chili, Luis Sepulveda, mapuche, Métailié

Quatrième de couverture :

Le chien, prisonnier, affamé, guide la bande d’hommes lancée à la poursuite d’un Indien blessé dans la forêt d’Araucanie. Il sait sentir la peur et la colère dans l’odeur de ces hommes décidés à tuer. Mais il a aussi retrouvé dans la piste du fugitif l’odeur d’Aukamañ, son frère-homme, le compagnon auprès duquel il a grandi dans le village mapuche où l’a déposé le jaguar qui lui a sauvé la vie.
Dans la forêt, il retrouve les odeurs de tout ce qu’il a perdu, le bois sec, le miel, le lait qu’il a partagé avec le petit garçon, la laine que cardait le vieux chef qui racontait si bien les histoires et lui a donné son nom : Afmau, Loyal.
Le chien a vieilli mais il n’a pas oublié ce que lui ont appris les Indiens Mapuches : le respect de la nature et de toutes ses créatures. Il va tenter de sauver son frère-homme, de lui prouver sa fidélité, sa loyauté aux liens d’amitié que le temps ne peut défaire.
Avec son incomparable talent de conteur, Luis Sepúlveda célèbre la fidélité à l’amitié,  le monde des Mapuches et leurs liens avec la nature.

Dans ce conte, Luis Sepulveda veut rendre hommage aux Mapuches, ce qui signifie les Gens de la Terre. Il se souvient des histoires que racontait son grand-oncle lui-même mapuche. A son tour, l’auteur souhaite raconter des histoires à ses petits-enfants, leur transmettre, et à nous aussi ses lecteurs, ce patrimoine humain, culturel. Afmau cite ainsi de nombreux mots mapuches, immédiatement traduits, dans son aventure.

On ne peut qu’être ému par l’histoire de ce chien dont la vie n’a pas été de tout repos. Les chapitres alternent le récit de la traque qu’il est forcé de suivre avec les Blancs et ses souvenirs « d’enfance ». Vieillissant, le chien va mériter plus que jamais le nom mapuche qu’on lui a donné il y a bien longtemps.

Au-delà de l’émotion, c’est le message humain que je retiens. La voix du chien nous rappelle l’importance du lien à la terre, à ce qu’elle nous donne, la reconnaissance que nous sommes invités à lui témoigner et la frugalité avec laquelle nous pouvons consommer ce qu’elle nous offre.

Un lexique très complet nous est proposé à la fin du livre, illustré des dessins d’un noir et blanc énergique de Joëlle Jolivet.

Luis SEPULVEDA, Histoire d’un chien mapuche, traduit de l’espagnol (Chili) par Anne-Marie Métailié, Métailié, 2016

Challenge Latino chez Ellettres

Petit Bac – Littérature générale : Animal

Les éditions Métailié fêtent leurs quarante ans cette année.

Les rues de Santiago

26 lundi Fév 2018

Posted by anne7500 in Des Mots noirs, Des Mots sud-américains

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Boris Quercia, Chili, Le Livre de poche, Les rues de Santiago

Quatrième de couverture :

Il fait froid, il est six heures du matin et Santiago n’a pas envie de tuer qui que ce soit. Le problème, c’est qu’il est flic. Il est sur le point d’arrêter une bande de délinquants, dangereux mais peu expérimentés, et les délinquants inexpérimentés font toujours n’importe quoi… Après avoir abattu un jeune homme de quinze ans lors d’une arrestation musclée, Santiago Quiñones, erre dans les rues de sa ville, Santiago du Chili, en traînant son dégoût. C’est ainsi qu’il croise le chemin de la belle Ema Marin, une courtière en assurances qui semble savoir beaucoup de choses sur son passé.

« Vivre est une chute horizontale. » Cette citation épigraphe de Jean Cocteau donne son sens à ce court (premier) roman de Boris Quercia, par ailleurs acteur, scénariste et réalisateur chilien. Après une interpellation en flagrant délit qui a mal tourné, Santiago Quiñones se perd dans les rues de Santiago et se met à suivre une jolie femme sans savoir que cette « filature » va faire resurgir un épisode peu reluisant de sa vie de flic.

Santiago est un flic ni bon ni mauvais, dans le passé il a trempé dans une magouille immobilière avec un ancien collègue et un avocat véreux (c’est cela qui remonte à la surface quand il suit la belle Eva Marin), il ne refuse pas un rail de coke de temps en temps mais en même temps on ne peut pas le détester complètement, on le sent quand même du bon côté des choses (enfin on est bien obligé de l’admettre puisque c’est lui qui nous raconte son histoire), il n’est pas intrinsèquement violent, il a, quoi qu’il en dise, une belle relation avec Marina, une autre jolie femme aux dents de travers, comme il les aime. Un personnage ambivalent, donc, tout comme le titre à double sens de ce roman : les rues de Santiago, ce sont celles que parcourt notre personnage du même nom (son métier ne l’amène pas à fréquenter les beaux quartiers…), ce sont celles de la capitale du Chili, colorées, animées, marquées par la violence des gangs et la corruption.

Un roman dense, où l’ambiance prend le pas sur l’intrigue policière : je retiendrai le côté très visuel de l’écriture de Boris Quercia, dans sa description des pellicules de l’avocat véreux, par exemple (un délice, si, si) ou la scène oppressante où Santiago est lentement suivi par une voiture en pleine nuit. Ce n’est pas tout à fait ma came mais c’était une lecture intéressante.

 » « Tu es bizarre » , me dit Ema. Et elle a raison . Elle me découvre , oui, je suis bizarre. Je suis tout le temps en train de réfléchir à des choses . De suivre des gens dans la rue . Parfois je veux tuer tout le monde , parfois je ne veux tuer personne . Je suis flic mais pas comme les autres flics , et c’est la seule à s’en rendre compte . »

Boris QUERCIA, Les rues de Santiago, traduit de l’espagnol (Chili) par Baptiste Chardon, Le Livre de poche, 2015 (Première édition : Asphalte, 2014)

J’ai découvert cet auteur au festival Quais du polar à Lyon en 2017. Cette lecture clôt ce mois en Amérique du Sud avec Marilyne. Merci pour le voyage !

 Lieu

Après l’orage

20 mardi Fév 2018

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots sud-américains

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Après l'orage, Argentine, Métailié, Selva Almada

Quatrième de couverture :

Un garage au milieu de nulle part, province du Chaco, nord de l’Argentine. La chaleur est étouffante, les carcasses de voiture rôtissent au soleil, les chiens tournent en rond. Le Révérend Pearson et sa fille Leni, seize ans, sont tombés en panne ; ils sont bloqués là, le temps que la voiture soit réparée. El Gringo Brauer s’échine sur le moteur tandis que son jeune protégé Tapioca le ravitaille en bières fraîches et maté, et regarde avec curiosité ces gens si différents qui lui parlent de Dieu. Dans ce huis clos en plein air, le temps est suspendu, entre-deux, l’instant est crucial : les personnages se rencontrent, se toisent, s’affrontent. C’est peut-être toute leur vie qui se joue là, sur cette route poussiéreuse, dans ce paysage hostile et désolé, alors que l’orage approche. Selva Almada signe ici un premier roman époustouflant de maîtrise, avec une prose sobre, cinématographique, éminemment poétique.

C’est un roman court, et c’est sans doute cette brièveté qui le rend percutant, mais pas seulement.

Il fait chaud, très chaud dans ce coin perdu d’Argentine (on doit être pas très loin de la ville de Rosario, à l’Est), la sécheresse est à son maximum, on observe la terre qui se craquelle, on sent les mains poisseuses, la sueur qui dégouline dans le dos, et voilà que les tuyaux brûlants d’une automobile en panne viennent ajouter au malaise ambiant. La voiture, c’est celle du Révérend Pearson, un pasteur itinérant qui se déplace seul (se faisant passer pour un veuf) avec sa fille Leni. Le pasteur attend que Mr Brauer, dit El Gringo, la répare. Le garagiste vit lui aussi seul avec un adolescent, José dit Tapioca, que sa mère a abandonné un jour au garage avant de s’enfuir pour toujours. On dirait que le temps s’est arrêté sur ce bord de route, mais Selva Almada installe une confrontation et un suspense taillé au cordeau. On sent le désir du pasteur de happer Tapioca qu’il ressent comme une âme pure. Le révérend face au garagiste, le self-made man charismatique face au mécanicien taiseux, la connaissance livresque face à l’intuition, la fille face à son père, la jeune fille qui n’a pas encore tout à fait conscience de son pouvoir face au jeune homme naïf, sans compter la chaleur et l’orage qui menace.. Je me suis régulièrement demandé si le pasteur était un homme réellement bon et charismatique ou un homme machiavélique, marqué par un passé suggéré. Car c’est cela aussi, la force de Selva Almada : suggérer les choses, révéler certains éléments par petites touches, sans tout dire, même quand la voiture sera réparée et que l’orage salvateur (?) sera passé. 

Un premier roman très visuel, sensuel et intelligent.

« Elle fit quelques pas sur la route jonchée de fissures et de nids-de-poule, ses talons résonnaient sur l’asphalte.
Ce lieu semblait avoir été oublié des hommes. Elle regarda le paysage alentour, avec ses petits arbres secs et tordus, l’herbe haute qui recouvrait les champs… »

« De temps en temps, ils pénétraient dans la forêt pour observer ce qui s’y passait. La forêt était comme une grande entité où la vie bouillonnait. Un homme pouvait apprendre tout ce qu’il lui fallait rien qu’en observant la nature. Là-bas, dans la forêt, tout était sans cesse en train de s’écrire comme dans un livre à la sagesse inépuisable. Le mystère et sa révélation. Tout y était, si l’on apprenait à écouter et à voir ce que la nature avait à dire et à montrer. »

Selva ALMADA, Après l’orage, traduit de l’espagnol (Argentine) par Laura Alcoba, Métailié, 2014

Je suis en Argentine et Marilyne est en Colombie aujourd’hui avec Retourner dans la vallée obscure de Santiago Gamboa.

La folie de Pinochet

13 mardi Fév 2018

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Chili, La folie de Pinochet, Luis Sepulveda, Métailié

Quatrième de couverture :

« J’écris parce que j’ai une mémoire et je la cultive en écrivant… » C’est cette mémoire qui nous rappelle l’existence d’un autre 11 septembre en 1973, il y a tout juste 30 ans. Ce jour-là, le général Pinochet prit le pouvoir au Chili, avec l’aide de la CIA, en assassinant la démocratie et des milliers de citoyens de ce pays. Le président de la République, Salvador Allende, mourut dans le palais de la Moneda bombardé et une répression sanglante s’abattit sur le pays. Luis Sepulveda en fut victime, comme tant d’autres Chiliens. Le 16 octobre 1998, Pinochet fut arrêté en Angleterre à la demande du juge espagnol Baltazar Garzon, puis remis au Chili parce que souffrant de folie. Luis Sepulveda a écrit entre l’automne 1998 et 2000 dans différents journaux comme La Reppublica en Italie, El Pais en Espagne, TAZ en Allemagne, Le Monde en France, des textes entre articles politiques, chroniques et littérature, pour évoquer ces événements et leurs conséquences. Tous ces textes explorent la mémoire des vaincus qui ne veulent ni oublier ni pardonner.

Pour ce mois en Amérique du Sud, j’avais envie de lire à nouveau Sepulveda et c’est ce petit volume d’articles de journaux qui m’est tombé sous la main. Il a été publié en France, en Grèce, en Italie et au Portugal en 2003, triste anniversaire du coup d’Etat d’Augusto Pinochet et du renversement de Salvador Allende en 1973 (c’était aussi un 11 septembre…). Luis Sepulveda était étudiant, il avait accompagné l’espoir de renaissance apporté par Allende au Chili et il a subi lui-même la torture et l’exil après l’accession au pouvoir du dictateur. Il vit toujours en Espagne.

Quand il apprend l’arrestation de Pinochet en 1998, grâce à la ténacité du juge espagnol Garzon, Luis Sepulveda éprouve une grande joie et se met donc à observer les événements et à écrire cette série d’articles publiés un peu partout en Europe. Dès l’annonce de l’arrestation de Pinochet, le gouvernement chilien en place comme l’opposition sont très prudents et ne semblent absolument pas souhaiter l’extradition : il faut savoir qu’avant de se faire arrêter, Pinochet est resté commandant en chef des armées jusqu’en 1998, il avait réussi à se faire élire sénateur de droit à vie et à faire voter une série de lois qui protégeaient les anciens collaborateurs de la dictature. Avant qu’il ne soit remis au Chili parce que déclaré fou (vous vous souvenez de cette image de Pinochet se levant de sa chaise roulante dès sa sortie d’avion ?), Luis Sepulveda critique la mollesse des dirigeants chiliens, gauche et droite confondues, qui aimeraient tant voir amnistier tous les crimes commis pendant la dictature alors que les victimes et leurs descendants crient pour obtenir une justice équitable.Au nom de cette équité, l’écrivain réclame un procès respectueux du droit pour Pinochet. Il critique violemment les exigences imposées par le FMI au Chiliet à l’Argentine.  Surtout – ce sont les articles les plus touchants à mon avis – il évoque les amis, les parents, les militants socialistes qui ont subi la torture, la mort, la disparition des corps, le cruel silence des autorités, il raconte comment il est retourné au Chili avec son propre fils, il dit la nécessité de la parole et de l’écriture. 

C’est une lecture un peu difficile parfois (j’avoue que je n’ai pas toujours saisi les subtilités des partis chiliens actuels), âpre souvent (« ni pardon ni oubli » scande l’écrivain au long des pages), touchante évidemment. Ce n’est qu’en écrivant ce billet que je me rends compte que cette année 1998 n’est pas si éloignée de nous… vingt ans seulement nous séparent de la chute du dictateur. Il est mort en 2006, sans jamais avoir été jugé pour ses crimes.

« Voilà pourquoi j’écris , par besoin de résister à l’empire de l’unidimensionnel , à la négation des valeurs qui ont humanisé la vie et qui s’appellent fraternité , solidarité , sens de la justice . J’écris pour résister à l’imposture , à l’escroquerie d’un système social auquel je ne crois pas , car il n’est pas vrai que ce qu’on appelle globalisation nous rapproche et permette à tous les habitants de la planète de se connaître , s’entendre et se comprendre . » (p. 114)

Luis SEPULVEDA, La folie de Pinochet, traduit de l’espagnol (Chili) par François Gaudry, Métailié, 2003 (et dans la collection Suites, 2017)

Etape au Chili et lecture commune autour de Luis Sepulveda dans le périple sud-américain que j’ai entamé avec Marilyne, qui vous présente Le neveu d’Amérique.

 

Les Nuits de laitue

09 vendredi Fév 2018

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Brésil, Les Nuits de laitue, Rentrée littéraire 2015, Vanessa Barbara, Zulma

Présentation de l’éditeur :

Otto et Ada partagent depuis un demi-siècle une maison jaune perchée sur une colline et une égale passion pour le chou-fleur à la milanaise, le ping-pong et les documentaires animaliers. Sans compter qu’Ada participe intensément à la vie du voisinage, microcosme baroque et réjouissant.

Il y a d’abord Nico, préparateur en pharmacie obsédé par les effets secondaires indésirables ; Aníbal, facteur fantasque qui confond systématiquement les destinataires pour favoriser le lien social ; Iolanda et ses chihuahuas hystériques ; Mariana, anthropologue amateur qui cite Marcel Mauss à tout-va ; M. Taniguchi, centenaire japonais persuadé que la Seconde Guerre mondiale n’est pas finie.

Quant à Otto, lecteur passionné de romans noirs, il combat ses insomnies à grandes gorgées de tisane tout en soupçonnant qu’on lui cache quelque chose…

Ouvrir Les Nuits de laitue, c’est pénétrer un microcosme, un quartier aux rues étroites et sinueuses dominé par une maison jaune, celle d’Otto et,Ada, Ada qui vient de mourir au moment où on ouvre le roman. Elle était un peu l’âme du quartier, rendant des services du matin au soir, participant aux réunions pour améliorer la vie commune, prenant des nouvelles de chacun de ses voisins et voisines que nous découvrons à chaque chapitre : Iolanda la mystique syncrétique, Anibal le facteur chanteur et bordélique, Teresa et ses chiens dysfonctionnels, Nico le pharmacien maniaque des effets secondaires des médicaments, Mariana l’anthropologue fan de « Nanouk l’Esquimau » ou encore Mr Taniguchi qui a continué à combattre pour l’empereur trente ans après la capitulation du Japon. J’ai souri, j’ai ri même devant cette galerie de personnages savoureux et attachants.

Ada, c’était aussi l’amour d’Otto avec qui elle a passé cinquante de vie en couple. Ils étaient tout l’un pour l’autre malgré leurs différences de goûts et de caractère (quand même, ils partageaient l’amour du chou-fleur à la milanaise), ils partageaient une fantaisie rien qu’à eux et Ada mettait clairement du liant dans les relations d’Otto avec le voisinage. Depuis qu’elle est morte, Otto s’est replié sous sa vieille couverture à carreaux, il épie ses voisins et refuse plus ou moins la communication avec eux, il se demande même s’il n’est pas menacé par Alzheimer… Les Nuits de laitue, c’est aussi un roman sur le deuil et la solitude, difficiles à apprivoiser malgré la légèreté du propos.

Mais il n’y a pas que cela : je croyais que le décès d’Ada était simplement l’occasion de décrire des personnages pittoresques, tous liés par leur connaissance d’Otto et Ada, mais finalement le dernier chapitre recèle une surprise que je n’avais pas vue venir, donnant ainsi du piquant à ce premier roman si sympathique.

Quant à la signification du titre, ne comptez pas sur moi pour vous révéler son secret…

« Il riait comme un singe, la bouche grande ouverte, mais sans émettre aucun son.Un jour il avait plongé la tête sous l’eau et, de retour à la surface, s’était mis à rire comme un tordu. « Tout le monde a trouvé cela amusant, racontait Ada. Il a replongé, il est remonté, a recommencé à se bidonner. Ça faisait marrer tout le monde. Puis il a replongé encore une fois, mais n’est pas réapparu. Moralité: mieux vaut ne pas faire la même tête quand on rit et quand on se noie. »

« En cuisine, elle (Ada) péchait par excès d’imagination. Quand Otto découvrait que son objectif était de préparer une tarte aux pommes, par exemple, il cachait illico les flacons de paprika, de basilic, de coriandre et de thym. Elle se mettait tout de même au travail, tandis que son mari ressortait le numéro du vendeur de pizzas, au cas où. »

« Profitant de l’absence de sa maîtresse, Ananias avait à peu près complètement déchiqueté le canapé. Mendonça s’était gavé de bourre et était à présent affalé par terre, avec des aigreurs d’estomac, car son régime habituel comprenait bien des tongs en caoutchouc mais pas de mousse, dont on reconnaîtra volontiers qu’elle est parfois indigeste. Il avait même essayé d’avaler la fermeture de la housse du canapé, sans toutefois y parvenir – ce n’était plus la forme de jadis. »

Vanessa BARBARA, Les Nuits de laitue, traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec, Zulma, 2015

Enfin un billet de lecture de mon côté dans le voyage sud-américain avec Marilyne

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