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Archives de Catégorie: Non Fiction

Légende n°4 – La reine d’Angleterre

03 vendredi Juin 2022

Posted by anne7500 in Non Fiction

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Elizabeth II, Légende, revue

Pour inaugurer le traditionnel (le 11è !) Mois anglais de juin, et pour respecter – pour une fois – la thématique du jour consacrée au jubilé de platine de la reine Elizabeth II, j’ai ressorti ce numéro de Légende, paru en avril 2021. Cette revue trimestrielle de grand format présente une figure de notre temps et l’examine au travers des regards sociologique, historique, littéraire et surtout photographique (la revue est composée de 70 % de photos).

Pour commencer, nous avons donc ici un parcours photo chronologique de la vie d’Elisabeth, suivi de trois articles signés Stéphane Bern, Irène Frain et William Boyd expliquant comment la souveraine est devenue un mythe, une icône vivante dès les débuts de son règne.

Trois regards particuliers suivent, sur la capacité d’adaptation d’Elizabeth aux évolutions du monde, sur son rôle de chef du Commonwealth et sur les couleurs de ses tenues (par Michel Pastoureau). A propos du Commonwealth, l’article signé Anuradha Roy, écrivaine et journaliste indienne, le regard est lucide et sans complaisance, qui voit dans cette institution la survivance de l’empire britannique et du colonialisme sans âme. Mais immédiatement après ces articles suit un nouveau portfolio sur les voyages d’Elizabeth en Australie et sur le lien spécial qu’elle a noué avec ce pays.

Des historiens évoquent ensuite le rôle politique de la souveraine, de nature réservée et conservatrice, qui n’a cessé de vouloir maintenir les traditions liées à la Couronne (auxquelles n’ont pu se plier Diana et Megan, pour ne pas les citer) tout en parvenant à adapter son image à la modernité. Et en étant toujours populaire, ce qu’on a pu voir ce jeudi 2 juin lors des célébrations de Trooping the colours. Et en restant la femme la plus mystérieuse du monde (Les deux corps de la reine, par Jean-Marie Durand).

Des souvenirs personnels de Jane Birkin et Tatiana de Rosnay, des extraits de discours célèbres et trois photos et citations sur doubles pages clôturent cette revue.

Certes on n’est pas en manque d’informations (et de ragots) sur la reine avec les nombreux livres et documentaires qui lui sont consacrés, notamment à l’occasion de son jubilé de platine. Mais il est un fait que la revue Légende est agréable à parcourir et à lire grâce à la multiplication des points de vue qui y sont développés.

C’était mon petit moment « midinette » du mois 😉

Un nuage comme tapis

27 vendredi Mai 2022

Posted by anne7500 in Des Mots italiens, Non Fiction

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Erri De Luca, Folio

Quatrième de couverture :

«Pour beaucoup, la Bible est un texte sacré. Mais ce qui me touche plus que cette valeur en soi, c’est le sacré qui s’est ajouté, l’œuvre des innombrables lecteurs, commentateurs, savants qui ont consacré à ce livre le plus clair de leur vie. Le sacré de la Bible est devenu, à travers eux, une civilisation.
Il m’arrive d’être frappé par la beauté d’un vers qui a perdu son éclat en quittant sa langue maternelle. Ainsi la ligne 39 du psaume 105, où l’on chante Dieu guidant les Hébreux dans le désert. Le texte officiel de l’Église le traduit : « Il étendit une nuée pour les protéger. » Mot à mot il s’agit au contraire de : « Il étendit un nuage comme un tapis. »
Illustrer la Bible d’une note nouvelle : non pas pour apposer en bas de page, à l’infini, une autre signature, mais pour refléter une part de la lumière qu’elle offre, même au dernier de ses lecteurs.»

Comme dans Noyau d’olive, Erri De Luca nous propose ici sa lecture de certains épisodes bibliques. Vous le savez sans doute, il n’est pas croyant mais il est familier de l’hébreu et traduit chaque matin quelques versets de la Bible.

Ce livre commence par l’épisode de la Tour de Babel où les hommes parlent la même langue et s’entendent à merveille pour construire une tour qui dépasse les nuages. Dieu se penche alors sur leur travail et décide de confondre leur langage, de les disperser sur la terre avec des langues différentes, qui ne se comprennent plus. Bien plus tard, à la Pentecôte, sorte de Babel à l’envers, les apôtres touchés par le feu de l’Esprit seront capables de parler toutes les langues parlées à Jérusalem pour témoigner du Christ. Erri De Luca suggère que la diversité des langues n’est pas un mal ni un obstacle. Il me fait penser à Charles de Foucauld, canonisé le 15 mai dernier, qui, seul dans son ermitage de Tamanrasset, a appris la langue des Touaregs, s’est familiarisé très finement avec leur culture et a traduit l’Evangile en touareg. Il se disait « le petit frère universel » mais n’a jamais, de son vivant, converti une seule personne. Il se contentait d’être là, humblement, et disait que tous les humains, quelle que soit leur appartenance religieuse, seraient accueillis par Dieu.

« Il se peut que Dieu apprécie davantage les noms variés dont les peuples l’ont revêtu dans les différentes langues. La consonne gutturale commune aux Anglo-Saxons, la dentale des Méditerranéens, le si léger yod des Hébreux sont les initiales d’une inépuisable prononciation de son nom. Des trente-six coins du monde, les chuchotements des fidèles déclinent d’innombrables fois les titres obscurs et suaves du Créateur. Éparpillés sur terre en litanies et murmures, il est bon de croire que les notes composent dans le ciel un seul nom, les chants un seul accord. » (p. 22)

Erri De Luca s’intéresse ensuite à Isaac, le fils d’Abraham et à toute sa descendance : Jacob, qui vole le droit d’aînesse à Esaü, Jacob et ses douze fils, nés de plusieurs femmes, dont Rachel, sa préférée, Joseph, le plus jeune des fils de Jacob, vendu par ses frères comme esclave et qui deviendra le favori de Pharaon en Egypte grâce à son sens de l’interprétation des songes, enfin Moïse, celui qui est sauvé des eaux et finit après bien des détours à accepter la mission divine de sauver le peuple de l’esclavage et conduit le peuple en Terre promise. Devant le buisson ardent, Moïse a osé demander à Dieu son nom ; celui-ci se révèle comme « Je serai » : c’est la traduction que propose Erri De Luca (et non le classique « Je suis qui je suis »), suggérant ainsi que Dieu ne se laisse enfermer ni par le passé ni par le présent mais qu’il vient toujours de l’avenir – de l’à venir. L’auteur évoquera également certains prophètes comme Jérémie ou Jonas, s’intéressant chaque fois à la manière dont ils se sont laissé toucher par la parole qu’ils avaient à transmettre de la part de Dieu. Plusieurs se sont d’abord dérobés avant de se laisser investir.

Erri De Luca découvre (il révèle en langage biblique) ainsi des facettes que donne à voir le Dieu d’Israël mais aussi des paroles qui peuvent être une source pour guider la vie des hommes de notre temps, croyants ou non. Si la Bible est la première mise par écrit – par des humains – de la parole de Dieu, cette parole s’actualise toujours à travers l’expérience humaine, elle dialogue avec la vie des hommes de génération en génération. « Si dans les pages que j’ai écrites n’a filtré un seul degré de sa chaleur, j’aurai accompli un acte vain » conclut Erri De Luca. Rien à craindre à mon sens, tant l’auteur propose un regard original sur cette tradition biblique toujours vivante, même si on ne croit pas.

Erri DE LUCA, Un nuage comme tapis, traduit de l’italien par Danièle Valin, Folio, 2015

C’est une lecture commune autour de cet auteur avec Marilyne, qui a lu Le plus et le moins.

Folio fête ses 50 ans cette année.

Petit Bac 2022 – Objet 3

Le boys club

11 vendredi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Non Fiction

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LEs éditions du Remue-Ménage, Martine Delvaux

Quatrième de couverture :

Ils sont tournés les uns vers les autres. Ils s’observent et s’écoutent. Ils s’échangent des idées, des armes, de l’argent ou des femmes. Dans cet univers clos réservé aux hommes, le pouvoir se relaie et se perpétue à la façon d’une chorégraphie mortifère. Le boys club n’est pas une institution du passé. Il est bien vivant, tentaculaire: État, Église, armée, université, fraternités, firmes… et la liste s’allonge.
À la manière d’une chasse à l’image, c’est dans les représentations au cinéma et à la télévision que Martine Delvaux le traque. Véritable plongée en eaux noires, ce livre nous invite à considérer l’entre-soi des hommes comme un phénomène régressif. Un dispositif à profaner, déconstruire, refuser, parce que nos vies comptent.

Pour une fois, j’ai lu un livre féministe. Il m’a fait un peu froid dans le dos, un peu peur, je n’y ai pas tout compris parce qu’une série de références m’étaient inconnues mais je vais essayer de vous en parler un peu.

C’est une remarque sans gêne (et sans génie) faite par un homme lors d’une conférence qui a poussé Martine Delvaux, écrivaine et militante féministe, prof de littérature à Montréal, à analyser la toute-puissance des hommes, puissance collective tellement ancrée dans la société qu’un homme seul ne craint pas d’écraser (symboliquement ou non) une femme dès qu’il en a l’occasion ou l’envie.

L’autrice analyse d’abord le fonctionnement des clubs privés, nés en Angleterre, lieux qui excluent les femmes, qui permettent à leurs membres d’échapper à la maison familiale et de pratiquer l’entre soi pour asseoir leur pouvoir. Martine Delvaux va ensuite analyser toutes les formes de boys clubs, Eglise, armée, gouvernements, universités, ligue du LOL, architecture, principalement à l’aide de films et de séries télévisées (et c’est là que les références me manquaient). Elle prend entre autres l’exemple de la carrière et de la présidence de Donald Trump mais Barack Obama n’est pas épargné : il fait partie du club, lui aussi, même si Martine Delvaux démontre que ce fameux boys club fonctionne essentiellement avec des hommes blancs et même des suprémacistes blancs. Ils s’invisibilisent et renforcent leur pouvoir dans leurs costumes tous pareils, tandis que les femmes, « obligées » de se distinguer par leurs vêtements, sont considérées comme des objets, des trophées. Au fil de chapitres courts, qui se lisent assez facilement, même s’il y a de nombreux renvois de notes, elle en vient à parler de la « culture » du viol, événement où le boys club est particulièrement pervers (et c’est là que j’ai eu particulièrement froid dans le dos – dieu merci, tous les hommes ne sont pas pareils).

En fin de compte, ce livre très bien documenté nous fait vraiment réfléchir sur les lieux d’influence et les sphères d’action du boys club, pour démonter leur système, pour ne pas y céder, pour ne plus en avoir peur. La rencontre avec Martine Delvaux à la librairie TuliTu le 1er mars dernier a confirmé quelle belle personne est cette autrice, toujours soucieuse de nuancer ses propos mais aussi de défendre les droits des femmes.

Martine DELVAUX, Le Boys Club, Les éditions du Remue-Ménage, 2019

Un bel article et des extraits chez Lilitherature

Petit Bac 2022 – Objet 2

Ce que Frida m’a donné

07 lundi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots sud-américains, Non Fiction

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Frida Kahlo, Rosa Maria Unda Souki, Zulma

Ce que Frida m’a donné

Présentation de l’éditeur :

Dans la chaleur de l’été 2019, Rosa Maria Unda Souki devrait être plongée dans les préparatifs de son exposition à venir. Recluse au Couvent des Récollets, entre vertiges du doute et farouche détermination, elle tarde à rédiger le texte destiné au catalogue, à penser l’agencement des tableaux – toujours en cours d’acheminement depuis le Brésil. Dans l’attente, elle retrace ce qui l’a menée là. Comment elle a consacré cinq ans à la figure emblématique de Frida Kahlo en peignant sa célèbre Maison bleue, constituant une œuvre picturale d’une richesse saisissante. En quête d’elle-même, Rosa Maria renoue avec une Frida intime, comme si les clés pour se retrouver elle-même étaient aussi celles qui permettent de comprendre Frida. (…)

Bien que nous soyons en 2022, ce titre est le dernier Zulma que j’ai lu le 31 décembre 2021 dans le cadre de « Un Zulma par mois ». Impossible de ne pas être attirée en librairie par ce format inhabituel pour cette maison d’édition.

Dans cet ouvrage, Rosa Maria Unda Souki est donc en résidence d’artiste à Paris, pour monter l’exposition de ses oeuvres inspirées par Frida Kahlo. Mais la chaleur, l’excitation, le dépaysement… allez savoir, toutes sortes de raison empêchent l’artiste de se concentrer sur ses tâches. Alors elle se souvient… elle retisse la fascination, les liens entre elle et la fameuse peintre mexicaine, avec qui elle partage un lien particulier avec le père, avec la maison, l’habitation et avec un pays à l’histoire agitée. Elle tient un journal de sa résidence d’artiste, c’est ce que nous tenons entre les mains avec de nombreux dessins et détails, listes et tableaux inspirés par Frida. Ceux-ci représentent des lieux, des pièces de vie, des jardins où Frida Kahlo a vécu, souffert et créé, souvent vus de haut : ils contiennent rarement des personnages, Rosa Maria appelle ces oeuvres « des présences » où on est censé ressentir la vie et la création de l’artiste mexicaine.

Pour être honnête, ces tableaux « naïfs » de Rosa Maria Unda Souki ne m’ont pas vraiment touchée, je suis désolée d’avoir été hermétique à ces « présences » mais j’ai lu quasi d’une traite le journal de sa résidence d’artiste. Ce qui m’a touchée, ce sont les liens entre le Mexique de Frida Kahlo avec ses révolutions, l’accueil de Trotski, les soubresauts de son histoire et le Venezuela actuel de Rosa Maria Unda Souki, marqu » par la misère, la violence, l’instabilité politique. Et une annexe substantielle à la fin reprend tous les tableaux de Rosa Maria en racontant la biographie de Frida Kahlo, que je ne connaissais pas bien. Bref, il y avait pire manière de terminer 2021 !

Rosa Maria UNDA SOUKI, Ce que Frida m’a donné, traduit de l’espagnol (Venezuela) par Margot Nguyen Béraud et l’auteure, Zulma, 2021

Le Mois latino-américain chez Ingamnic – Venezuela – Lecture commune avec Ingamnic, Marilyne, A girl et…

Petit Bac 2021 – Prénom 2

Lucie Aubrac résistante

17 lundi Jan 2022

Posted by anne7500 in Des Mots français, Non Fiction

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Flammarion jeunesse, Lucie Aubrac

Lucie Aubrac, résistante

Quatrième de couverture :

« Je voudrais vous parler d’une femme exceptionnelle qui, pendant la guerre, a fait preuve d’une force de caractère et d’un courage hors du commun. Elle s’appelait Lucie Aubrac. C’était ma femme. »
Septembre 1939. Après l’invasion de la Pologne par les troupes de Hitler, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Lucie est professeure d’histoire et Raymond Samuel ingénieur.
Ensemble, ils vont s’engager dans la Résistance et lutter contre le nazisme ; ensemble ils combattront pour la liberté des hommes. Leur amour sera leur force.

Pour faire écho à Moi, Malala, j’ai sorti de la PAL un autre livre destiné aux jeunes lecteurs (ados) sur une femme remarquable et j’y ai appris beaucoup, une fois de plus ! De Lucie Aubrac, je ne connaissais que l’évasion audacieuse qu’elle organise pour son mari Raymond, arrêté en même temps que Jean Moulin à Caluire en juin 1943.

Dans ce livre, Philippe Nessmann se met justement dans la peau de Raymond Samuel, ingénieur des Ponts et Chaussées, pour raconter le destin de Lucie Bernard, d’origine modeste, professeure agrégée d’histoire, qu’il rencontre à Strasbourg en 1938 alors qu’il rentre d’un an aux Etats-Unis et qu’elle envisage de demander une bourse pour y aller elle aussi pendant une année. Ils sympathisent très vite, Lucie obtient sa bourse et est prête à embarquer pour les USA quand la guerre est déclarée en 1939. Elle renonce à partir et se débrouille pour revenir à Strasbourg, zone interdite aux civils (l’Alsace étant considérée comme la région qu’Hitler envahira quand il se décidera à combattre) et retrouver Raymond. Autant lui est pondéré, réfléchi, autant elle est vive, audacieuse, sportive et très intelligente.

Après la débâcle de l’armée française et l’armistice signé par Pétain en juin 1940, Raymond est fait prisonnier avec son régiment à Sarrebourg. Une première fois, Lucie le fera évader de ce camp de prisonniers avant qu’on le transfère en Allemagne. Le couple s’installe en zone sud, à Lyon, et, sous l’impulsion d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, s’engage très rapidement dans la Résistance. Au début leur rôle consiste surtout à diffuser des tracts et des journaux clandestins ; plus tard, Raymond deviendra avec Lucie le fondateur et le chef du réseau Libération-Sud, qui n’avait pas de branche armée. Fin 1942, suite à la victoire alliée en Afrique du nord, les Allemands occupent la zone libre de France, l’action de la Résistance devient d’autant plus risquée. Lucie est utile dans « un domaine dans lequel ses qualités firent particulièrement merveille : par son dynamisme, son tempérament bagarreur, son aptitude à monter des coups et son optimisme qui lui laissait croire que rien n’était impossible, elle devint une spécialiste des évasions. » Elle le sera une deuxième fois pour son mari quand celui-ci est arrêté le 15 mars 1943. Je ne vous raconte pas les détails si vous voulez découvrir cette histoire, mais sachez que Lucie va faire preuve d’une audace incroyable pour délivrer Raymond, et cela marche ! Le couple prendra quelques jours de vacances avec leur petit garçon Jean-Pierre avant de rentrer à Lyon, de reprendre ses activités militantes, de fusionner les mouvements de la zone sud à l’initiative de Jean Moulin et, alors que des têtes du mouvement tombent à Paris, d’organiser une réunion secrète – dont un des points serait de nommer Raymond inspecteur de la zone nord à Paris – chez le docteur Dugoujon à Caluire. On connaît la suite : sans doute sur dénonciation, l’arrestation de Jean Moulin, de Raymond Aubrac et de plusieurs autres, la détention au fort de Montluc (que j’ai eu l’occasion de visiter), les interrogatoires musclés… Lucie apprendra rapidement – de la bouche de Klaus Barbie lui-même – que Raymond a été identifié comme « terroriste » et sera exécuté. Avec un courage et un soin incroyables, elle organise et réussit la troisième évasion de son mari lors d’un des transferts entre la prison de Montluc et l’Ecole de Santé (là où étaient interrogés les résistants). Suivront plusieurs semaines de cache, de survie dans la montagne avant l’exfiltration en Angleterre, alors qu’elle est presque sur le point d’accoucher de leur deuxième enfant. Jusqu’à la libération de la France et de Paris…

Quelle personne extraordinaire que cette Lucie ! Sa personnalité solaire, équilibrée, courageuse, audacieuse, ses valeurs de liberté et de résistance, l’amour tellement fort qui unissait son couple, voilà ce que l’on peut retenir sans doute de cette femme. Le couple gardera le nom d’Aubrac après la guerre. Plusieurs écoles de France portent désormais son nom. A chaque début de chapitre, le contexte historique est précisé, avec la situation des combats, des zones nord et sud, l’évolution et la répression de la résistance. A la fin du livre des photos complètent le récit bien documenté de Philippe Nessmann.

Philippe NESSMANN, Lucie Aubrac résistante, Flammarion jeunesse, 2014

Petit Bac 2022 – Prénom 1

Lettres d’amour en héritage

21 mercredi Avr 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Non Fiction

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Lydia Flem, Points

Lettres d'amour en héritage

Quatrième de couverture :

Dans trois boîtes au grenier se trouve leur correspondance amoureuse. Oserons-nous la lire maintenant qu’ils sont disparus ? Entrer dans la chambre des parents, c’est chercher à comprendre ce qui s’est passé avant notre naissance. Roman des origines que chacune et chacun rêve de découvrir. Au fil de leurs lettres s’écrit aussi notre histoire : sommes-nous nés de l’amour ?

Après Comment j’ai vidé la maison de mes parents, lu en 2015 (déjà !?), voici le deuxième volet de la trilogie autobiographique de Lydia Flem. Dans le premier, elle racontait le deuil, le difficile travail de vider la maison (garder, offrir, vendre ou jeter) et elle comprenait que tout ce que ses parents avaient entassé sans jamais rien jeter leur servait sans doute de rempart contre le vide de leurs débuts, marqués par la Shoah.

Après tout ce travail de tri, il reste trois boîtes remplies de lettres soigneusement numérotées. Des lettres écrites surtout entre 1946 et 1949, depuis le moment où Boris Flem rencontre par hasard Jacqueline Esser à Leysin, dans le sanatorium où elle se fait soigner de la tuberculose sévère contractée dans les camps : résistante, elle a été déportée à Auschwitz et a subi les marches de la mort jusqu’à Ravensbrück. Lui n’a plus de famille ou si peu, on ne s’est d’ailleurs jamais bien occupé de lui, il a lui aussi été déporté dans un camp de travail. Une amitié naît, qui se nourrira de longues lettres et qui se transformera en un amour plus fort que la solitude, plus fort que la maladie et la mort.

Cet amour restera fort toute leur vie. Il pèsera lourd aussi sur leur fille unique : Boris et Jacky étaient tout l’un pour l’autre, ils comblaient l’un pour l’autre toutes les pertes que la guerre leur avait fait subir, la fragilité physique de Jacky lui interdisait toute grossesse et pourtant Lydia est née, heureusement bien désirée, pas le fruit du hasard ou de l’oubli.

« Le traumatisme en héritage : l’agressivité inhibée, impossible de faire du mal, mes deux parents étaient trop fragiles. Seulement être sage et obéissante. Ne rien déranger. Rester immobile. Silencieuse, ramassée sur soi comme quelqu’un qui se cache, qui cherche à demeurer dissimulé. Faire le mort pour sauver sa peau. Ma mère disait qu’au camp elle s’était faite toute petite, invisible, pour se protéger, pour échapper au travail d’esclave, pour ne pas mourir. Tenir des heures dans le froid, à l’appel, au petit matin glacial de haute Silésie. Se cacher dans les latrines.  Elle avait 23 ans. Comment vivre lorsqu’on est un enfant de survivants ? Comment oser vivre, rire, bouger, chanter, être heureuse ? Pourtant, ils voulaient que la vie l’emporte sur l’anéantissement. Ma naissance était un miracle à leurs yeux. La vie plus fort que toutes les morts. » (p. 78-79)

La maladie a toujours fait partie de la vie de la famille : régulièrement, Jacqueline retournait en Suisse pour des cures ; plus tard, elle gardera de lourdes séquelles d’un accident de voiture. Cela lui a à la fois forgé un moral de battante mais aussi fait surprotéger sa fille.

« Survivre éveillait un sentiment de culpabilité – culpabilité du survivant, disait-on, – un sentiment de victoire aussi, sur les nazis. Mes parents n’avaient pas partagé le sort des victimes, ils avaient échappé au génocide. Ils étaient meurtris mais vivants. Deux orphelins, deux survivants, s’épaulant mutuellement pour tracer un chemin de vie, c’est ainsi que se noua leur couple. Un couple fondé sur l’interdépendance, le rêve tout-puissant de vaincre la maladie et la mort. Ils s’arc-boutaient contre le monde. Ils voulaient me préserver. Le monde recelait trop de danger. Ils voulaient me les épargner. Ils n’avaient pas confiance dans les forces que l’on peut développer en soi. Leurs expériences leur avaient prouvé que Thanatos l’emporterait toujours sur Eros. «  (p. 81-82)

En lisant et en classant ces lettres, Lydia Flem comprend mieux pourquoi elle a toujours senti qu’elle ne pourrait jamais satisfaire sa mère, si avide d’attention et d’amour. Elle a bien sûr réussi à se construire, elle raconte comment l’imagination et la lecture l’ont aidée.

« Je commençai à lire cet été-là et ne m’arrêtai plus jamais. Je me jetais sur mon lit avec volupté, je lisais toute la journée, même tard le soir, sous mes couvertures, à la lumière d’une lampe de poche. L’été de mes 9 ans, je préférai lire au lit, un matin, plutôt que d’accompagner ma mère en ville, pour acheter un cache-pot. C’est ce jour d’août qu’elle eut son grave accident de voiture. Je me suis toujours demandé ce qui serait arrivé si j’avais été présente. Serais je morte ? Ma mère aurait-elle été moins blessée ? Je me sentis longtemps coupable de l’avoir laissée seule, comme si j’avais pu lui éviter son accident. L’idée ensuite me poursuivit que je pourrais, au même âge qu’elle, avoir, à mon tour, un accident grave. Je mis beaucoup de temps à me décider à conduire, mon père m’en dissuada autant qu’il put, arguant absurdement que c’était difficile de trouver une place de parking. Heureusement, lorsque j’eus vingt ans, un ami, à qui j’avais raconté cette histoire, m’offrit symboliquement un porte-clés. Il me le tendit en déclarant que l’on trouve toujours une place pour se garer puisqu’il y a pour chacun une place dans ce monde. » (p. 182-183)

Au final, ce travail sur les lettres, commencé dans le doute, la crainte de la curiosité malsaine a permis à Lydia Flem de faire son deuil, de mieux comprendre ses parents et de se comprendre elle-même.

« Ma lecture m’a permis de passer du temps en leur compagnie. Ce fut un long voyage au pays de l’enfance et de ce qui l’a précédée, tout à la fois éprouvant et émerveillé. Je vis comme une grande chance d’avoir pu recueillir ces love letters que chacun s’attend peut-être à trouver en vidant la maison de ses parents. Par l’imagination, grâce à cette littérature « de grenier », j’ai pu assister à ce qui est arrivé avant ma naissance et l’a préparée. Une expérience unique, modeste et précieuse. » (p. 232-233)

Comme pour le premier tome, cette lecture a été très prenante. L’histoire d’amour des parents de Lydia Flem est touchante et l’expérience intime, personnelle de la fille prend des dimensions universelles par la clarté de son regard de psychanalyste, par la bienveillance qui se dégage de l’ensemble du livre. Je termine avec un passage qui m’a particulièrement parlé.

« Souvent j’ai regretté les frères et soeurs qui ne sont pas nés après moi, mais j’étais fière de savoir que j’avais été désirée. L’amour qu’on a reçu dans sa petite enfance ne disparaît pas, il nous donne une force au fond de soi qui ne peut jamais être vaincue. Malgré tous les reproches que je pouvais et pourrais encore faire à mes parents, je leur dois, à tous les deux, d’avoir été aimée. Même fort, même mal, mais aimée. Sur la partition de notre histoire ne s’effacent pas les étranges détours de l’inconscient de nos parents. Nous avons été modelés autant par ce qu’ils ont voulu nous transmettre que par ce qu’ils nous ont transmis à leur insu. Une généalogie inconsciente, sur plusieurs générations, nous traverse. Nous portons, souvent sans nous en douter, des blessures venues de nos ascendants, d’anciennes missions, de lourds secrets. Il ne nous est pas toujours donné d’en d’éclaircir les ombres, d’en dénouer les liens. Nous faisons notre vie cahin-caha, et à réfléchir à l’histoire de nos parents, de nos ancêtres, nous parvenons parfois à ne pas répéter leurs destins, mais à nous en échapper en partie. À faire un pas de côté. » (p. 178-179)

Il me reste à lire le troisième livre de cette autobiographie, j’espère que je ne mettrai pas autant de temps qu’entre le premier et le deuxième.

Lydia FLEM, Lettres d’amour en héritage, Points, 2013 (Seuil, 2006)

Le Mois belge 2021 – catégorie Esperluète (histoire de famille et d’amour)

Petit Bac 2021 – Objet

Des trains pas comme les autres – tome 1

30 mardi Mar 2021

Posted by anne7500 in Non Fiction

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Albin Michel, En train, Philippe Gougler

Quatrième de couverture :

Philippe Gougler, auteur & présentateur de la série documentaire culte Des trains pas comme les autres, dévoile, pour la première fois, ses pépites : lieux secrets, paysages sublimes et rencontres improbables !
Globe-trotteur infatigable à la malice rafraîchissante et à la curiosité contagieuse, Philippe Gougler parcourt le monde dans des trains mythiques ou merveilleusement pittoresques, à partir desquels il rayonne. Du 
Glacier Express au Train des nuages, le train est pour lui la plus belle manière d’aborder un pays à un rythme qui laisse la place à la rêverie, aux belles rencontres et à l’imprévu.

Dans la famille, nous sommes au moins deux à aimer les trains, une qui travaille pour la SNCB (et à qui j’ai offert ce livre) et moi qui aime prendre ma voiture pour partir en vacances mais qui aime aussi traverser la France en train pour aller passer un weekend à Paris ou à Lyon, me rendre à un salon littéraire ou passer une semaine de vacances dans une ville qui comblera mes envies de repos et de culture. OK je ne suis vraiment pas une baroudeuse intrépide mais quand j’ai découvert l’émission Des trains pas comme les autres, ça m’a beaucoup plu – et ça comble en partie mes envies d’évasion. Découvrir le livre, c’est se remémorer des trains du bout du monde ou relativement proches de nous, c’est retrouver les paysages et les rencontres du journaliste dans treize pays différents.

Dans l’introduction, Philippe Gougler nous explique son amour des trains depuis sa Franche-Comté natale. « Le train, écrit-il, est une incroyable machine à rêves. C’est comme une cabane, un petit endroit protégé qui vous emmène ailleurs… C’est à la fois la promesse d’une aventure et la douceur d’un refuge.

Le temps n’y a pas la même densité, la lenteur laisse à l’esprit tout le loisir d’imaginer, d’appréhender lentement ce qui vous attend. en train, on fait plusieurs fois le voyage, et d’abord en le rêvant. (…)

Le train n’est pas seulement un moyen de se déplacer, d’une façon différente d’envisager le monde, plus paisible, plus profonde, plus humaine. Pour le voyageur, le train est une sagesse. » 

Chaque chapitre situe d’abord sur une carte le ou les trains empruntés par l’auteur et narre quelques précisions sur la machine elle-même, quelques anecdotes avec les conducteurs et les voyageurs, et nous offre ensuite deux ou trois focus sur des visites, des découvertes, des rencontres faites en dehors du voyage en train lui-même.

C’est ainsi que nous découvrons le vrai train qui a servi pour le Poudlard Express et qui s’appelle en réalité le Jacobite et traverse 65 km des Highlands. Philippe Gougler rencontre un charcutier dont la spécialité est le haggis et assiste aux Highland games, l’occasion de tout savoir sur le pouvoir de séduction du kilt.

En Amérique, nous prenons le Buskarill en Bolivie, un « bus sur des rails » et nous visitons le Salar d’Uyuni, le plus grand désert de sel du monde à 3600 m d’altitude et la mine de Potosi, le « Train des nuages » en Argentine pour monter très haut dans la Cordillère des Andes ou le métro de Chicago, véritable train urbain, idéal pour visiter la ville.

En Asie, nous empruntons le Tea Train au Sri Lanka et Philippe Gougler donne de sa personne pour tenter de cueillir le thé avec délicatesse.

C’est dans le sud du continent africain que nous visitons les chutes du Zambèze à bord du Royal Livingstone Express, qui prend le temps de s’arrêter sur son court trajet pour vous laisser savourer votre repas dans la belle voiture-restaurant. Nous découvrons les paysages grandioses du désert namibien avec le Desert Express et nous atteignons le bout du monde, Le Cap en Afrique du Sud grâce au Rovos Rail.

La Suisse, Madagascar, l’Australie, la Suède et l’Indonésie complètent les destinations de ce premier tome (un second est déjà paru).

J’aime beaucoup la bonhomie, la fausse naïveté de Philippe Gougler, son sourire et son goût de la rencontre. Il se fait un peu chambrer en tant que Français mais il n’hésite pas à mouiller sa chemise au sens propre et au sens figuré quand il doit par exemple descendre au fond de la mine de Ratnapura au Sri Lanka ou goûter la « gastronomie » viking suédoise (du hareng fermenté qui sent et qui goûte tout simplement le pourri pour un palais non averti).

Les photos sont superbes, de nombreuses doubles pages ornent cet album : vous pouvez vous en faire une idée sur la page du livre. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à retrouver certains trains vus dans l’émission et à en découvrir d’autres, car je ne la suis pas depuis le début.

Si un beau livre suffit à vous permettre de voyager quand même par les temps qui courent, alors embarquez à bord des trains pas comme les autres !

Philippe GOUGLER, Des trains pas comme les autres – Mes plus beaux voyages, Albin Michel, 2018

Challenge Petit Bac 2021 – Voyage

L’Analphabète

24 mercredi Mar 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots européens, Des mots hongrois, Non Fiction

≈ 16 Commentaires

Quatrième de couverture :

Agota Kristof est née en 1935 en Hongrie, à Csikvand. Elle arrive en Suisse en 1956, où elle travaille en usine. Puis elle apprend le français.

En 1987, elle devient célèbre avec son premier roman, Le Grand Cahier, qui reçoit le prix du « Livre européen ». Deux autres livres suivent, La Preuve et Le Troisième Mensonge, une trilogie traduite dans trente langues. Elle publie encore Hier, puis C’est égal et de nombreux textes pour le théâtre. Elle est décédée en juillet 2011.

L’Analphabète est son seul récit autobiographique.

Onze chapitres pour onze moments de sa vie, de la petite fille qui dévore les livres en Hongrie à l’écriture des premiers livres en français. (…)

D’Agota Kristof, je n’ai lu pour l’instant que Le Grand Cahier, que j’ai beaucoup aimé. Après la lecture de ce court récit autobiographique (55 pages), promis, je lirai la suite !

Onze chapitres courts, denses, d’autant plus émouvants qu’ils sont pudiques, onze chapitres qui permettent d’appréhender la trace inoubliable de l’enfance, l’exil à la fois hors d’un pas et d’une langue, l’ennui, la force de l’écriture. Agota Kristof se souvient de sa découverte précoce de la lecture et de l’écriture en Hongrie, l’écriture qui sera la seule barrière au chagrin lorsqu’elle sera placée dans un internat public o elle est séparée de sa famille et où elle éprouve le froid et la faim. Elle raconte le passage hors de Hongrie en 1956 avec son mari et une petite fille de quelques mois, les seuls bagages que le couple emporte sont les affaires du bébé et un sac de dictionnaires. Arrivés en Suisse, ils sont répartis dans le pays, on leur offre un logement, un travail (où là aussi la monotonie des jours est « compensée » par l’écriture de poèmes), mais rien ne peut combler le vide de l’exil, la « perte » de la langue maternelle et le choix d’écrire en français, la langue apprise.

J’ai vraiment été très touchée par cette histoire écrite avec pudeur mais sans détours, dans un style direct que l’on retrouve dans les fictions de l’autrice. J’avais envie de noter beaucoup de choses au fil des pages ! J’ai souri au tout début : je me suis tellement reconnue dans le fait de lire au lieu de faire des choses jugées plus utiles. (Je précise que cela ne m’a jamais été reproché par ma mère, merci à elle !)

« Mise à part cette fierté grand-parentale, ma maladie de la lecture m’apportera plutôt des reproches et du mépris :
« Elle ne fait rien. Elle lit tout le temps. »
« Elle ne sait rien faire d’autre. »
C’est l’occupation la plus inactive qui soit.
C’est de la paresse.
Et surtout : »Elle lit au lieu de… »
Au lieu de quoi?
« Il y a tant de choses plus utiles, n’est-ce pas? »

Encore maintenant, quand la maison se vide et que tous mes voisins partent au travail, j’ai un peu mauvaise conscience de m’installer à la table de la cuisine pour lire les journaux pendant des heures, au lieu de … de faire le ménage ou de laver la vaisselle d’hier soir, d’aller faire les courses, de laver et de repasser le linge, de faire de la confiture ou des gâteaux…
Et surtout, surtout! Au lieu d’écrire. » (p.8)

« A l’exaltation des jours de la révolution et de la fuite se succèdent le silence, le vide, la nostalgie de nos jours où nous avions l’impression de participer à quelque chose d’important, d’historique peut-être, le mal du pays, le manque de la famille et des amis. » (p. 42-43)

« Comment lui expliquer, sans le vexer, et avec le peu de mots que je connais en français, que son beau pays n’est qu’un désert pour nous, les réfugiés, un désert qu’il nous faut traverser pour arriver à ce qu’on appelle « l’intégration », « l’assimilation ». A ce moment-là, je ne sais pas encore que certains n’y arriveront jamais.
Deux d’entre nous sont retournés en Hongrie malgré la peine de prison qui les y attendait. Deux autres, des hommes jeunes, célibataires, sont allés plus loin, aux Etats-Unis, au Canada. Quatre autres, encore plus loin, aussi loin que l’on puisse aller, au-delà de la grande frontière. Ces quatre personnes de mes connaissances se sont donné la mort pendant les deux premières années de notre exil. Une par les barbituriques, une par le gaz, et deux autres par la corde. La plus jeune avait dix-huit ans. Elle s’appelait Gisèle. » (p. 44)

« Comment devient-on écrivain?
Il faut tout d’abord écrire, naturellement. Ensuite, il faut continuer à écrire. Même quand cela n’intéresse personne. Même quand on a l’impression que cela n’intéressera jamais personne. Même quand les manuscrits s’accumulent dans les tirois et qu’on les oublie, tout en en écrivant d’autres. » (p. 45)

« Cinq ans après être arrivée en Suisse, je parle le français, mais je ne le lis pas. Je suis redevenue une analphabète. Moi, qui savais lire à l’âge de quatre ans. Je connais les mots. Quand je les lis, je ne les reconnais pas. Les lettres ne correspondent à rien. Le hongrois est une langue phonétique, le français, c’est tout le contraire. » (p. 52)

Agota Kristof, L’Analphabète, Zoé, 2004

Semaine Francophonie avec Marilyne  – arrêt entre Suisse et Hongrie, entre langue maternelle et le français comme langue d’écriture et d’exil. 

Little Rock, 1957

13 samedi Fév 2021

Posted by anne7500 in Non Fiction

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10/18, droits civiques, ségrégation raciale, Thomas Snégaroff

Quatrième de couverture :

4 septembre 1957, Little Rock, Arkansas, rentrée des classes sous le signe de la fin de la ségrégation scolaire. Les neuf enfants noirs inscrits au lycée jusque-là réservé aux seuls blancs sont encerclés par une foule hystérique.

La photographie de l’une des Neuf, Elizabeth Eckford, 15 ans, huée et insultée, fait la une des journaux le lendemain. L’Amérique est bouleversée. Commence alors un bras de fer qui oppose le gouverneur de l’Arkansas Orval Faubus au président des États-Unis Dwight Eisenhower. Thomas Snégaroff, spécialiste des États-Unis, est allé sur place pour enquêter sur cet épisode majeur de l’histoire de la lutte pour l’égalité des droits. Grâce à des témoignages inédits et des archives publiques exploitées pour la première fois, il nous livre un récit captivant et émouvant qui brosse un portrait de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui.

Le journaliste et historien Thomas Snégaroff (qui intervient notamment le dimanche soir dans C Politique sur France 5) s’est emparé de « L’histoire des neuf lycéens noirs qui ont bouleversé l’Amérique » (le sous-titre de son livre). C’est l’histoire dont s’est inspirée Annelise Heurtier pour son roman Sweet Sixteen dont je vous ai parlé il y a une semaine.

L’intérêt du livre de Thomas Snégaroff est qu’il contextualise cette fameuse rentrée scolaire de 1957 à Little Rock. Il rappelle les combats pour l’égalité scolaire dans les états du sud, il explique en détail comment la Cour suprême des Etats-Unis a ordonné de déségréger les écoles, il rappelle aussi les violences dont ont été victimes les noirs de l’Arkansas, notamment l’horrible lynchage de John Carter en mai 1927, dont l’ombre planait encore sur la communauté noire de Little Rock en 1957. Thomas Snégaroff démonte aussi les mensonges et les manigances électoralistes d’Orval Faubus, le gouverneur de l’Arkansas (cela ne l’a pas empêché d’être réélu en 1958…) Etonnamment, on apprend que le président Dwight Eisenhower, qui a certes soutenu officiellement les neuf étudiants, ne voulait pas intervenir trop fortement car il ne voulait pas enflammer les états du Sud. 

Thomas Snégaroff s’intéresse à chacun des neuf lycéens, il nous raconte leur histoire individuelle tout en les considérant aussi comme un ensemble (d’ailleurs les neuf garderont toujours des liens étroits, on parlera longtemps d’eux ;  devenus adultes, ils témoigneront longuement de cette année d’intégration et ils ont été invités à l’investiture de Barack Obama en janvier 2009). Les neuf n’auraient pas pu tenir bon sans Daisy Bates, militante de la NAACP (National Association for Advancement of Colored People), une femme qui aurait pu se laisser dévorer par la haine envers les Blancs mais qui a su (grâce à son père) tourner cette haine en combat pour les droits civiques.

« Tu es pleine de haine… La haine peut te détruire, Daisy. Ne hais pas les Blancs juste parce qu’ils sont blancs. Si tu hais, fais en sorte que ça soit pour quelque chose. Hais les humiliations que nous subissons dans le Sud. Hais la discrimination qui détruit l’âme de chaque homme et femme noirs. Hais les insultes hurlées par les Blancs. Et essaye de faire quelque chose de cette haine, sinon elle n’aura servi à rien. »

« Ce soir-là, dans ce salon balayé par le vent chaud du mois d’août qui pénétrait par le trou béant de la baie vitrée, Daisy Bates prit conscience qu’elle était une cible dans la guerre qui se profilait. Non qu’elle eût peur. Ce sentiment lui fut toujours étranger, mais elle comprit l’importance historique de l’événement qui s’annonçait . Et qu’il faudrait du courage. Pour elle, mais aussi, et davantage encore, pour les jeunes Noirs qui allait braver un interdit séculaire. Daisy refusa de faire réparer sa baie vitrée. Cela aurait été un trop bel encouragement à la détruire de nouveau. Et puis, il fallait que la ville sache que la violence était du côté des ségrégationnistes et non de la NAACP. »

Le livre de Thomas Snégaroff se lit facilement, c’est fluide, rythmé, il s’est documenté sur place, en rencontrant notamment quelques-uns des neuf lycéens de 1957 et on apprend (ou plutôt j’ai appris) de nombreuses informations sur les droits civiques (un certain pasteur Martin Luther King, pas encore célèbre, a soutenu les lycéens noirs de Little Rock) et sur la ségrégation « cachée » qui règne encore aux Etats-Unis (ainsi, le programme d’amélioration des routes lancé par Eisenhower a systématiquement fait passer les autoroutes urbaines par les quartiers noirs, les démantelant et les privant de leur vitalité, aucun quarter blanc n’a jamais été touché par des expropriations). C’était, malgré la rudesse du sujet, une lecture passionnante.

« Dans cette ville traumatisée par l’histoire, où le système « separate but equal » est encore bien vivant, Central High dénote. Comme si l’on avait voulu préserver le mythe, le grand lycée de la ville offre aujourd’hui le visage d’une déségrégation réussie. Central High, qui affiche un excellent niveau académique, moderne, dynamique, envoie chaque année des élèves dans les plus grandes universités du pays. Les parents blancs n’hésitent pas à parcourir de longues distances chaque matin pour conduire leurs enfants dans un lycée pourtant situé dans un quartier majoritairement noir. Aujourd’hui, 58% des élèves de Central High sont noirs, un chiffre étonnamment stable depuis les années 1980. Le lycée devait demeurer un symbole. Un symbole, quitte à être une exception. »

Thomas SNEGAROFF, Little Rock 1957, L’histoire des neuf lycéens noirs qui ont bouleversé l’Amérique, 10/18, 2019 (Taillandier, 2018)

Ludwig van Beethoven

23 mercredi Déc 2020

Posted by anne7500 in Non Fiction

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Actes Sud, Ludwig von Beethoven

Quatrième de couverture :

“Peut-être y a-t-il des musiciens plus grands, ou meilleurs. Mais le seul Beethoven à tout instant de sa meilleure musique nous communique l’urgence qui est en lui, de convaincre, d’entraîner. Du pouvoir des formes, du prestige du chant il n’attend rien, mais tout de sa conviction, qu’il a le génie de transmuer en force tout court. Il ne séduit pas, n’enjôle pas. Il prend. Beethoven est une prise. L’emprise ne se desserrera pas.”

ANDRÉ TUBEUF

André Tubeuf est né à Smyrne en 1930. Admis à l’ENS Ulm en 1950, il est agrégé de philosophie en 1954. Jacques Duhamel et Michel Guy font appel à lui, dans les années 1970, en tant que conseiller pour la musique, sans qu’il quitte pour autant son enseignement. Il est également présent dans la presse musicale, Opéra international, L’Avant-Scène Opéra, Harmonie, Diapason puis Classica-Répertoire, et Le Point depuis 1976. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la musique. Parmi les derniers : Divas (Assouline), L’Offrande musicale : Compositeurs et interprètes (Robert Laffont, “Bouquins”) ainsi que deux volumes de cette collection “Classica” : Mozart et Richard Strauss.

J’ai acheté ce livre au début de l’année, pour participer en lecture à l’année Beethoven qui célèbre les 250 ans de sa naissance. Je m’attendais à une biographie « classique » alimentée par un éclairage sur les oeuvres mais ce n’est pas cela que j’ai trouvé dans cet ouvrage d’environ 200 pages. J’ai déjà entendu une ou deux fois André Tubeuf en interview à la radio et j’en ai retenu sa grande connaissance musicale et aussi son parler parfait, presque précieux. C’est un peu cela que j’ai ressenti à la lecture de ce Ludwig van Beethoven : une analyse à la fois serrée, technique, musicologique des oeuvres et un style très lyrique qui demande un peu de concentration. A la fin, l’auteur « justifie » (à peine) le fait de ne pas avoir choisi la biographie traditionnelle, arguant que Beethoven était tout entier voué à sa musique et que seule l’oeuvre compte pour tenter de l’appréhender.

André Tubeuf commence par nous surprendre volontairement en mettant en avant Fidelio, le seul opéra écrit par Beethoven, plusieurs fois remanié, considéré comme vocalement ardu pour les rôles titres. Fidelio, c’est Léonore qui se travestit en homme pour libérer de sa prison son Florestan. Cet opéra est marqué par les idéaux de la Révolution française, tout comme Beethoven (qui admirait Napoléon, mais pas jusque dans ses dérives dictatoriales) et il est – selon André Tubeuf – le portrait du compositeur, épris de liberté.

L’auteur passe ensuite en revue les 32 sonates pour piano, l’instrument par excellence auquel Beethoven a consacré toute sa vie, l’étendue des possibilités pianistiques (Beethoven était attaché à son piano, ou plutôt à ses pianos successifs  car il suivait avec attention l’évolution technique de l’instrument), la nouveauté à laquelle il soumet les oreilles de ses auditeurs, la manière dont il repousse sans cesse les limites de la forme sonate.

Les quatuors à cordes sont également l’expression de l’essence même de la recherche artistique du compositeur.

Les cinq concertos pour piano, le concerto pour violon traduisent la modernité de celui que le comte Waldstein envoya à Vienne pour « y recueillir des mains de Haydn l’héritage de Mozart » (le triple concerto pour piano, violon et violoncelle est, toujours selon Tubeuf, plus convenu). Tout comme les concertos, les neuf symphonies ont moins heurté les oreilles du public parce que l’orchestre cherche par nature l’harmonie, même si certains concertos (pas de Beethoven) rivalisent avec l’orchestre, par définition. 

Le dernier chapitre, très court, propose une discographie, non pas la discographie idéale, mais celle qui a permis à André Tubeuf de connaître et d’aimer celui dont la musique vous prend d’emblée et ne vous lâche plus. A chaque auditeur ensuite de se constituer sa propre bibliothèque sonore.

Je n’ai pas tout compris d’une part parce que je n’ai fait qu’un an de solfège et que les explications musicales étaient ardues pour moi et d’autre part parce que je me suis rendu compte que je connais très mal les sonates pour piano (la Clair de lune, évidemment, la Pathétique…) et les quatuors à cordes. Mais je ne regrette pas ma lecture, qui m’a donné envie d’écouter et de découvrir encore le grand Beethoven (qui, paraît-il, ne mesurait guère plus qu’un mètre soixante-deux) et qui a été « complétée » par la visite à Bozar de l’expo Hôtel Beethoven : pas biographique non plus sauf dans les repères du début d’expo (ça n’aurait d’ailleurs que peu d’intérêt, en effet) mais une invitation à entrer dans des chambres qui présentent l’image de Beethoven « utilisée », travaillée par des artistes comme Bourdelle, Andy Warhol, Josef Beuys, une réflexion sur la surdité et la réception du son, l’évolution du piano, une reprise de Fidelio par des groupes musicaux de différents pénitenciers américains… bref l’impact que « l’icône » Beethoven a eue et a encore depuis 1827.

André TUBEUF, Ludwig van Beethoven, Actes Sud / Classica, 2009

Ca compte aussi pour le défi Un hiver au chalet catégorie Sculpture à l’hôtel de glace (art / musique) 

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