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Archives de Tag: Grasset

Le bureau d’éclaircissement des destins

15 mercredi Mar 2023

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

≈ 16 Commentaires

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Archives Arolsen, Gaëlle Nohant, Grasset

Quatrième de couverture :

Au cœur de l’Allemagne, l’International Tracing Service est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. La jeune Irène y trouve un emploi en 1990 et se découvre une vocation pour le travail d’investigation. Méticuleuse, obsessionnelle, elle se laisse happer par ses dossiers, au regret de son fils qu’elle élève seule depuis son divorce d’avec son mari allemand. 
A l’automne 2016, Irène se voit confier une mission inédite : restituer les milliers d’objets dont le centre a hérité à la libération des camps. Un Pierrot de tissu terni, un médaillon, un mouchoir brodé… Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets. Il faut retrouver la trace de son propriétaire déporté, afin de remettre à ses descendants le souvenir de leur parent. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé. Cherchant les disparus, elle rencontre ses contemporains qui la bouleversent et la guident, de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l’Argentine. Au bout du chemin, comment les vivants recevront-ils ces objets hantés ?

Avec ce roman, je découvre la plume – agréable – de Gaëlle Nohant. Ma libraire préférée m’a dit que son écriture est encore plus belle dans L’ancre des rêves, son premier roman. C’est normal : ici, l’autrice a choisi l’angle de l’enquête, de l’Histoire, des objets confisqués à des personnes déportées par les nazis.

Nous suivons donc Irène – au prénom tellement approprié – dans sa quête minutieuse, obsessionnelle pour retrouver les descendants des déportés à qui elle pourrait remettre une poupée de chiffons, un médaillon ou autres objets très modestes. Elle travaille pour l’ITS (International Tracing Service) basé à Arolsen dans le nord de l’Allemagne, un centre (qui existe vraiment et s’appelle en réalité le Centre d’archives d’Arolsen) qui a recueilli les archives de la déportation et des persécutions nazies sur 17 km de linéaire (ça aussi, c’est le chiffre réel). Dans cette mission de restitution des objets volés, elle va être amenée à voyager de Thessalonique à Varsovie, de l’Europe à l’Amérique du Sud en passant par le camp d’extermination de Treblinka et le camp de femmes de Ravensbrück. Elle va se focaliser particulièrement sur le destin de Lazar Engelmann, rescapé de Treblinka et de Wita Sobiecki, morte à Ravensbrück. Au cours de son enquête, nous (re)découvrons avec elle les persécutions les plus ignobles que les SS ont fait subir aux Juifs, aux femmes, à tous ceux qui n’entraient pas dans leur « idéal » aryen : transports en wagons à bétail, sélections, travail forcé, expériences médicales, résistance et destruction du ghetto de Varsovie, programme Lebensborn, sans oublier la fuite des bourreaux à la fin de la guerre, les entraves aux enquêtes, les témoignages glaçants des employés des camps et le difficile devoir de mémoire des Allemands.

Comme nous l’a expliqué Gaëlle Nohant, en tournée en Belgique ces derniers jours, l’écriture du roman s’est basée sur un important travail de documentation (fait notamment en ligne pendant le confinement, grâce aux archives numérisées d’Arolsen) et si toutes les personnes et les histoires individuelles qu’elle raconte sont fictives, elles auraient parfaitement pu exister. Certes on a déjà lu beaucoup sur la Shoah mais ici, le point de vue original est celui de ces enquêtes à partir d’objets. Et parfois, comme dans le roman, même si le passé saute parfois à la figure de descendants qui ne connaissaient rien ou presque de l’histoire de leurs aïeuls, se voir restituer ces maigres objets perdus leur permet de s’approprier leur passé familial, de l’apaiser quelque peu en en recueillant une trace tangible. L’autrice a pu participer à la restitution d’un objet par Georges Sougné, un bénévole belge qui aide le Centre d’Arolsen : nous avons pu aussi entendre avec Gaëlle Nohant le témoignage émouvant de ce monsieur.

Ce roman est vraiment très beau, très fort, par la richesse des personnages et des situations, par sa construction maîtrisée de bout en bout, par le magnifique personnage d’Irène, par le message positif apporté malgré l’horreur des camps et la difficulté à appréhender cette réalité sans l’avoir vécue. Gaëlle Nohant n’use pas de facilité pour nous tirer la larme, ce sont ses personnages qui nous touchent, nous émeuvent. Elle-même, comme Irène, a souvent été envahie par son sujet pendant l’écriture du livre. A sa lecture, bien qu’il soit passionnant, j’ai eu besoin de ménager quelques pauses pour « souffler » si j’ose dire. Cette lecture demande de l’attention car il n’est pas évident de retenir tous les noms des déportés et de leurs descendants mais elle en vaut vraiment la peine, même si vous avez l’impression d’avoir lu beaucoup sur le sujet.

L’autrice fait dire à un de ses personnages : « Ne pas laisser leur mort éclipser leur vie. » et « Quelquefois, en cherchant les morts, on trouve des vivants. » C’est un beau message pour nos démocraties. C’est un grand livre.

« Au fond du parc, les bâtiments modernes abritent des dizaines de kilomètres d’archives et de classeurs que l’on pourrait longer des heures sans entendre les cris, les silences qu’ils renferment . Il faut avoir l’oreille fine et la main patiente. Savoir ce que l’on cherche et être prêt à trouver ce que l’on ne cherchait pas. » (p. 11-12)

« Elle ne rencontre jamais les descendants qui viennent à Bad Arolsen. Elle confie à d’autres le soin d’accueillir ceux qui voudraient savoir mais tremblent d’être fixés. Qui ont grandi avec ce voile, cette nuit à l’intérieur. Elle se protège de leur désarroi, de leur reconnaissance. Ce n’est pas pour la mériter qu’elle se donne tant de mal. Irène obéit à un appel plus souterrain. Elle raccommode des fils tranchés par la guerre, éclaire à la torche des fragments d’obscurité. Sa mission terminée, elle s’efface. Elle ne veut pas entrer dans leur vie, ni qu’ils entrent dans la sienne. Il n’y a que les morts qu’elle n’arrive pas à tenir à distance. » (p.79-80)

« Le lendemain il fait encore nuit quand elle part pour Ludwigsburg:
Quatre heures plus tard, elle sonne à la porte d’un bâtiment qui se fond avec discrétion dans le paysage. De l’extérieur, nul ne peut soupçonner qu’il est protégé par des portes blindées et des coffrages d’acier, ni qu’il conserve près de deux millions de dossiers sur les criminels nazis. L’Office central d’enquête sur les crimes du national-socialisme a été créé ici en 1958. À l’époque, la majorité de leurs auteurs vivaient au grand jour sans être inquiétés, ou avaient été amnistiés après quelques années de prison. Ils avaient recouvré leur position dans la société, exigeaient qu’on leur paye leurs arriérés de pension. La population allemande ne voulait plus de procès nazis. L’Office central, comme on l’appelle ici, a été aussi fraîchement accueilli que l’International Tracing Service »
(p. 321)

« – On ne veut pas d’un musée où on pleure sur les victimes en s’achetant une conscience, précise la jeune fille. Nous, on veut faire réfléchir les gens à la continuité de l’histoire, aux nouvelles formes du fascisme. Aujourd’hui on brûle des foyers de migrants et les caravanes des Roms. On rejette les transgenres, les homosexuels, les juifs, tous ceux qui dérangent… Il est temps d’ouvrir les yeux. »

Gaëlle NOHANT, Le bureau d’éclaircissement des destins, Grasset, 2023

Nuit de septembre

28 samedi Sep 2019

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

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Angélique Villeneuve, deuil, Grasset, Nuit de septembre, suicide

Quatrième de couverture :

« Une nuit, ton fils s’est tué dans sa chambre, au premier étage de votre maison. Au matin à huit heures, avec son père tu l’as trouvé.
Depuis, à voix basse, tu lui parles. Tu lui demandes s’il se souvient.
La mer étale à huit heures du soir, les talus hérissés d’iris, les pierres de la cour tièdes sous la peau du pied, les filles dont les yeux sourient, toutes les choses belles et la lande silencieuse.
Tu espères tant qu’il est parti gonflé d’elles. Mais comme tu n’es pas sûre qu’en aide, en ailes, ces choses lui soient venues cette nuit-là, tu les lui donnes par la pensée, la respiration, le murmure. »

Avec une sensibilité vibrante, lumineuse et poétique, Angélique Villeneuve dit l’après : comment exister sans celui dont on respecte silencieusement le choix d’être parti ? Quelle place trouver parmi les vivants et comment leur dire, à travers ce livre, toute la beauté du monde ?

Avec le recul, cette lecture – au titre forcément de saison – m’a semblé une suite logique à celle de Signé Poète X o une jeune fille à l’adolescence difficile trouve la liberté et l’exutoire dans l’écriture poétique et dans le slam.

Dans Nuit de septembre, Angélique Villeneuve raconte la vie dans les mois qui ont suivi le suicide de son fils. Elle s’adresse à elle-même à la deuxième personne et tente de mettre des mots sur l’indicible, sur l’incompréhensible. Les arbres, des objets gardés religieusement, le vieux chat de la maison, la routine du quotidien lui apportent des sensations, des gestes, des émotions qui n’ont pas besoin de mots pour vivre quand même, malgré l’absence. Mais bien sûr, les mots ne sauraient combler à eux seuls ce trou béant qui s’est niché chez elle à hauteur de la hanche.

Ce texte est beau dans sa simplicité, sa poésie est émouvante, je n’en dirai pas beaucoup plus. J’admire Angélique Villeneuve d’avoir osé accoucher – si je puis m’exprimer ainsi – de cette évocation de papier pur affronter ce deuil innommable. Certains diront que cette démarche doit rester strictement intime, mais les lecteurs savent bien le pouvoir de l’écriture (et de la lecture). Quant à moi, je n’ai jamais vécu cette forme de deuil mais certaines pages de l’auteure ont mis des mots sur d’autres deuils, ils m’ont touchée et j’imagine que d’autres se sont reconnu(e)s dans ce livre. Rien que pour cela, il vaut la peine d’avoir été écrit et publié.

« Depuis le tout début, depuis le jeudi de sa mort, d’invraisemblables questions toupillent dans ta tête.
Tu as deux filles vivantes, merveilleuses, mais combien tu as d’enfants, tu l’ignores.
Lorsqu’un enfant meurt, est-on toujours sa mère, est-ce qu’un enfant perd sa mère en même temps que la vie ?
Est-ce qu’un fils, tu en as encore un ? »

« Depuis, à voix basse, tu lui parles. Tu lui demandes s’il se souvient.
La mer étale à huit heures du soir, les talus hérissés d’iris, les pierres de la cour tièdes sous la peau du pied, les filles dont les yeux sourient, toutes les choses belles et la lande silencieuse.
Tu espères tant qu’il est parti gonflé d’elles. Mais comme tu n’es pas sûre qu’en aide, en ailes, ces choses lui soient venues cette nuit-là, tu les lui donnes par la pensée, la respiration, le murmure. »

Angélique VILLENEUVE, Nuit de septembre, Grasset, 2016

Apprendre à lire

04 mercredi Avr 2018

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Apprendre à lire, Grasset, Le Mois belge, Premier Roman, Sébastien Ministru

Quatrième de couverture :

Approchant de la soixantaine, Antoine, directeur de presse, se rapproche de son père, veuf immigré de Sardaigne voici bien longtemps, analphabète, acariâtre et rugueux. Le vieillard accepte le retour du fils à une condition  : qu’il lui apprenne à lire. Désorienté, Antoine se sert du plus inattendu des intermédiaires  : un jeune prostitué aussitôt bombardé professeur. S’institue entre ces hommes la plus étonnante des relations. Il y aura des cris, il y aura des joies, il y aura un voyage.
Le père, le fils, le prostitué. Un triangle sentimental qu’on n’avait jamais montré, tout de rage, de tendresse et d’humour. Un livre pour apprendre à se lire.

Sébastien Ministru, auteur et acteur de théâtre, chroniqueur de radio, ajoute une corde à son arc en écrivant ce premier roman, sans doute un peu inspiré de ses origines sardes et de son vécu personnel, mais qui est bien une fiction. Son idée d’introduire un personnage de jeune prostitué pour apprendre à lire au père du narrateur est pour le moins originale. Il me faut avouer que j’ai bien aimé ce roman mais que je ne sais trop comment en parler…

J’ai aimé comment, au fur et à mesure que le vieil homme apprend à déchiffrer les mots, les phrases, son histoire et celle de son fils remontent à la surface alors que les deux hommes se sont éloignés l’un de l’autre par la difficulté, voire l’impossibilité de communiquer, par les non-dits, par le ressentiment. Ces souvenirs sont touchants, bien que ni le père ni le fils ne soient spécialement sympathiques : le vieux est acariâtre, indélicat, le fils est souvent cynique. C’est l’introduction du troisième personnage, le jeune homme qui se prostitue pour améliorer ses fins de mois tout en poursuivant ses études d’instituteur, qui fait évidemment bouger les lignes. Parallèlement le couple que forment Antoine (le narrateur)  et Alex évolue lui aussi. On sent bien l’influence du théâtre, milieu « naturel » de Sébastien Ministru, à travers ce procédé du triangle de personnages et à travers les dialogues incisifs. Mais il s’agit bien d’un roman, mené jusqu’à une fin qui le clôt élégamment. Il m’a manqué un peu d’émotion pour être vraiment emportée par ce premier roman mais ne manquez pas cette lecture fine et lucide, sans concessions.

« Sa vie et ses premières années passées à avoir peur seul dans la montagne n’avaient forcément rien d’héroïque, rien qui mérite qu’on puise la matière à construire un roman. Au plus profond de moi, je pensais que mon père ne pouvait pas intéresser les livres. »

Sébastien MINISTRU, Apprendre à lire, Collection Le courage, Grasset, 2018

C’est une lecture commune avec Marilyne – et mon quatrième billet qui commence par A 😉 Lisez aussi l’avis de Laeti.

   

 

 

L’autre Simenon

04 mardi Avr 2017

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Grasset, L'autre Simenon, Le Mois belge, Patrick Roegiers

Quatrième de couverture :

Frère cadet de Georges Simenon, Christian fut élevé à ses côtés par une mère bigote qui le chérissait et traitait son aîné d’incapable.
Proie idéale pour le rexisme, parti d’extrême-droite fondé en Belgique par Léon Degrelle, braillard intarissable, Christian s’égara dans la collaboration et participa activement à une effroyable tuerie.
De son côté, Georges menait la vie de château en Vendée. Livres à succès, femmes et films. Comment se défaire de ce frère encombrant qui allait salir sa réputation? 
Christian, se sachant condamné à mort, s’engagea dans la Légion et disparut sans laisser de traces …
Portrait croisé de deux êtres au destin opposé, L’autre Simenon est un roman à double face, où la mise en lumière de l’un révèle la part d’ombre de l’autre. C’est aussi le portrait d’une époque. Un tableau de faits troublant, porté par une langue implacable, qui parle du passé pour mieux dire le présent.

J’avais commencé ce roman l’année passée, espérant le présenter pour le mois belge 2016 mais je n’en ai pas eu le temps. Je l’ai donc repris pour faire suite à ma lecture de Outre-Mère et enchaîner avec un roman jeunesse qui se situe lui aussi durant la deuxième guerre mondiale en Belgique. (Pour une fois, ce ne sera pas Ostende, le fil conducteur de mon mois belge…) Après une histoire de fille et de père, voici une histoire de frères.

Ce livre est effrayant, effarant à plus d’un titre. Bien sûr, je savais qu’un parti d’extrême-droite avait existé en Wallonie (la partie francophone de la Belgique, pour ceux qui ne sauraient pas encore), parti créé par Léon Degrelle qui s’était rallié à Hitler et avait activement collaboré avec les nazis, envoyant aussi des jeunes gens combattre à leurs côtés au sein de la Légion Wallonia. Le frère de Georges Simenon, Christian, a adhéré à ce parti et s’est engagé à fond dans la collaboration dès 1941 et a participé, le 17 août 1944, à ce qu’on a appelé « la tuerie de Courcelles » : 27 otages exécutés en représailles de l’assassinat par la Résistance du bourgmestre rexiste du Grand Chaarleroi. Le livre est donc effrayant rien que parce qu’il rend compte de la montée et de la chute du rexisme, avec, au début, les discours enflammés de Léon Degrelle qui met ses auditeurs en transe et à la fin, la description de ce massacre d’otages où Patrick Roegiers amplifie le rôle réel joué par Christian : ça fait peur, ça donne envie de vomir, réactions basiques, certes, mais bien réelles.

Pendant ce temps, que fait Georges, le Simenon connu, reconnu, célébrissime ? Eh bien il mène une vie bien pépère apparemment : il n’est pas vraiment collabo mais il profite de tous les avantages possibles, il continue à publier articles et romans, les premiers dans des publications pro-occupant, les seconds étant adaptés au cinéma par une société de production collabo, il consomme femmes et mets raffinés sans aucune retenue. A la fin de la guerre, il réussira à tirer son épingle du jeu sans trop de problèmes. Patrick Roegiers présente les deux frères comme étant la part d’ombre ou de fascination l’un de l’autre, une relation basée sur la défiance, l’envie, le désamour, le désaveu. Là aussi, la peinture romanesque est effarante, dévoilant la face cachée du père de Maigret (que, personnellement, je ne connaissais pas avant la parution de ce roman).

Deux choses contribuent à entretenir le malaise face à cette histoire. C’est d’une part les modifications de noms, de détails ou les exagérations qu’apporte Patrick Roegiers qui font froid dans le dos, je me suis demandé l’intérêt de changer quelques détails comme le nom du bourgmestre (en vrai Englebin, dans le roman Englebert) alors qu’il s’est attaqué à une période de l’histoire belge encore bien présente dans la mémoire belge (il suffit de voir les polémiques suite aux révélations sur les sympathies de certains membres N-VA du gouvernement belge). D’autre part, le style de l’auteur est frappant : il ne craint pas les longues énumérations, les jeux de sonorités, il alterne les phrases très simples, courtes, qui claquent comme celles que distillait le chef de Rex et les phrases fleuves qui vous font tourner la tête. On sent que Roegiers n’a pas craint de charger, de forcer le trait, férocement (ou avec une certaine jubilation ?) et c’est parfois déstabilisant, j’avoue que l’exercice de style qui prenait le pas sur l’histoire m’a parfois gênée.

En tout cas on sent aussi que Patrick Roegiers n’a pas craint la polémique (ni le manque de nuances) en écrivant ce roman : écorner l’image de Georges, enfoncer dans les basses fosses Christian, sur fond de bestialité rexiste, rien n’est aimable dans ce roman. Mais il n’est pas à jeter pour autant : il faut savoir affronter les pages les plus sombres de l’histoire wallonne…

J’ai choisi un court extrait qui décrit André Gide (ça m’a fait sourire) : « Anticollaborationniste de gauche, huguenot hédoniste et jouisseur ascétique, helléniste moraliste, impitoyable impie, pécheur eucharistique au sourire spermatique et suintant l’encaustique, Gide, persifleur comme un charmeur de serpent, était homosexuel. » (p. 250)

Patrick ROEGIERS, L’autre Simenon, Grasset, 2015

Belgique : entre collabos et résistants, lecture 2

 

POLICE

11 mardi Oct 2016

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Grasset, Hugo Boris, Police, Rentrée littéraire 2016

Quatrième de couverture :

Ils sont gardiens de la paix. Des flics en tenue, ceux que l’on croise tous les jours et dont on ne parle jamais, hommes et femmes invisibles sous l’uniforme. 
 
Un soir d’été caniculaire, Virginie, Érik et Aristide font équipe pour une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Mais Virginie, en pleine tempête personnelle, comprend que ce retour au pays est synonyme de mort. Au côté de leur passager tétanisé, toutes les certitudes explosent. Jusqu’à la confrontation finale, sur les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle, où ces quatre vies s’apprêtent à basculer. 
 
En quelques heures d’un huis clos tendu à l’extrême se déploie le suspense des plus grandes tragédies. Comment être soi, chaque jour, à chaque instant, dans le monde tel qu’il va ?

D’Hugo Boris j’ai lu et beaucoup aimé l’an dernier Trois grands fauves, et j’ai été ravie de trouver à la bibliothèque ce roman dont on parle sur les blogs (et non, je n’ai pas pu attendre, pour une fois).

D’abord, chapeau à Hugo Boris qui semble se renouveler à chaque titre, explorer des univers vraiment différents, c’est déjà assez remarquable pour être souligné. Après les trois fauves historiques, il met en scène trois gardiens de la paix dans le huis-clos étouffant d’une voiture de police, un soir de canicule où les services sont perturbés par l’incendie au centre de rétention de Vincennes. C’est la mission inhabituelle qu’on leur confie qui va déclencher une série de remises en question fondamentales pour Virginie, Aristide et Eric.

En même temps que se déroule la mission (reconduire un retenu à l’avion qui le refoulera dans son pays d’origine où il est voué à une mort certaine), Hugo Boris trace le portrait et la carte des relations entre les trois protagonistes, leurs ressorts, leurs valeurs, leur fatigue, leur désir, leurs désillusions. Et quel sens très fin de la psychologie… une étude qui se mêle à une histoire où, somme toute, il ne se passe pas grand-chose mais où l’auteur maîtrise l’art du crescendo et du decrescendo, la montée en tension jusqu’à des moments haletants et le reflux, le retour à un calme tout relatif. Cette maîtrise est servie par l’écriture d’Hugo Boris, qui sait aussi, à merveille, doser ses effets stylistiques (ah la magnifique description de l’approche de Roissy…).

Une fois de plus avec cet auteur, une très belle lecture.

Hugo BORIS, Police, Grasset, 2016

Mini-challenge Hugo Boris chez Antigone (et euh… bon, il me faut reconnaître que je lirai quelques romans de la rentrée récente grâce à ma bibli)

Et tu n’es pas revenu

16 vendredi Oct 2015

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français, Non Fiction

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Et tu n'es pas revenu, Grasset, Marceline Loridan-Ivens

Quatrième de couverture :

« J’ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l’ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres. Il y en eut de beaux tout de même. T’écrire m’a fait du bien. En te parlant, je ne me console pas. Je détends juste ce qui m’enserre le cœur. Je voudrais fuir l’histoire du monde, du siècle, revenir à la mienne, celle de Shloïme et sa chère petite fille. »

Bien sûr, on en a déjà tant et tant dit et écrit sur les camps de la mort. Bien sûr, il y a les grands textes d’Imre Kertesz, Robert Anthelme ou Primo Levi (dont j’ai bien sûr lu Si c’est un homme). Bien sûr, on connaît tout ça…

Bien sûr. Mais…

D’abord les survivants ne sont plus très nombreux et le travail de transmission de la mémoire est indispensable. Ce ne sera bientôt plus par les témoins directs mais par la médiation des livres, des films, et celui-ci prendra sa place parmi eux.

Ensuite le récit de Marceline Loridan-Ivens m’a prise à la gorge dès la première page. Parce qu’elle s’adresse directement à son père disparu à Auschwitz, dans une longue lettre d’amour inconsolé qui conte non seulement l’horreur (sans pathos, que ce soit bien clair) mais aussi l’impossibilité de vivre, de se reconstruire sans celui, le seul de la famille, qui a partagé l’arrestation, la déportation avec elle et qui n’est pas revenu : « Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas » a-t-il deviné dès le départ. Au retour, pas de tombe pour rendre le deuil possible, une famille qui va éclater peu à peu, un frère et une soeur « malades des camps sans y être allés », et cette réalité impartageable (sauf avec les amies rescapées) qui s’est incrustée dans la tête et dans le corps de Marceline aussi profondément que le numéro tatoué sur son bras. Cette anecdote poignante sur Simone Veil. Cette impossibilité de transmettre la vie à son tour mais le goût de participer aux combats du monde, de tenter de montrer les luttes pour la liberté tout en assistant impuissante aux progrès du mal.

« Mais je l’ai redite cette phrase et après la guerre, malgré la suite, la peur du gaz, les crématoires, les cicatrices indélébiles sur mon corps et dans ma tête, je l’ai redite plus clairement encore : Je t’aimais tellement que j’étais heureuse d’être déportée avec toi. Et je peux la redire encore. Car avec le temps, l’ombre des camps sur ma vie se confond avec ton absence. Et c’est d’avoir vécu sans toi qui me pèse. » (p. 80-81)

Enfin, cette amertume qui transparaît sans cesse face à l’antisémitisme qui n’a jamais vraiment cessé, « trop profondément ancré dans les sociétés » (p. 104). Marceline évoque notamment la création de l’état d’Israël, toujours en guerre alors que les guerres ont toujours une fin normalement, la visite enfin possible d’Auschwitz-Birkenau et les attentats de New York en 2001 qui ont réveillé la conscience, le sentiment intime d’être juive.

Et le besoin d’écrire ce livre indispensable.

Marceline LORIDAN-IVENS avec Judith Perrignon, Et tu n’es pas revenu, Grasset, 2015

Encore un récit sur le thème « Nazisme, entre ravages et résistance ».

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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