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Archives de Tag: Lydia Flem

Lettres d’amour en héritage

21 mercredi Avr 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Non Fiction

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Lydia Flem, Points

Lettres d'amour en héritage

Quatrième de couverture :

Dans trois boîtes au grenier se trouve leur correspondance amoureuse. Oserons-nous la lire maintenant qu’ils sont disparus ? Entrer dans la chambre des parents, c’est chercher à comprendre ce qui s’est passé avant notre naissance. Roman des origines que chacune et chacun rêve de découvrir. Au fil de leurs lettres s’écrit aussi notre histoire : sommes-nous nés de l’amour ?

Après Comment j’ai vidé la maison de mes parents, lu en 2015 (déjà !?), voici le deuxième volet de la trilogie autobiographique de Lydia Flem. Dans le premier, elle racontait le deuil, le difficile travail de vider la maison (garder, offrir, vendre ou jeter) et elle comprenait que tout ce que ses parents avaient entassé sans jamais rien jeter leur servait sans doute de rempart contre le vide de leurs débuts, marqués par la Shoah.

Après tout ce travail de tri, il reste trois boîtes remplies de lettres soigneusement numérotées. Des lettres écrites surtout entre 1946 et 1949, depuis le moment où Boris Flem rencontre par hasard Jacqueline Esser à Leysin, dans le sanatorium où elle se fait soigner de la tuberculose sévère contractée dans les camps : résistante, elle a été déportée à Auschwitz et a subi les marches de la mort jusqu’à Ravensbrück. Lui n’a plus de famille ou si peu, on ne s’est d’ailleurs jamais bien occupé de lui, il a lui aussi été déporté dans un camp de travail. Une amitié naît, qui se nourrira de longues lettres et qui se transformera en un amour plus fort que la solitude, plus fort que la maladie et la mort.

Cet amour restera fort toute leur vie. Il pèsera lourd aussi sur leur fille unique : Boris et Jacky étaient tout l’un pour l’autre, ils comblaient l’un pour l’autre toutes les pertes que la guerre leur avait fait subir, la fragilité physique de Jacky lui interdisait toute grossesse et pourtant Lydia est née, heureusement bien désirée, pas le fruit du hasard ou de l’oubli.

« Le traumatisme en héritage : l’agressivité inhibée, impossible de faire du mal, mes deux parents étaient trop fragiles. Seulement être sage et obéissante. Ne rien déranger. Rester immobile. Silencieuse, ramassée sur soi comme quelqu’un qui se cache, qui cherche à demeurer dissimulé. Faire le mort pour sauver sa peau. Ma mère disait qu’au camp elle s’était faite toute petite, invisible, pour se protéger, pour échapper au travail d’esclave, pour ne pas mourir. Tenir des heures dans le froid, à l’appel, au petit matin glacial de haute Silésie. Se cacher dans les latrines.  Elle avait 23 ans. Comment vivre lorsqu’on est un enfant de survivants ? Comment oser vivre, rire, bouger, chanter, être heureuse ? Pourtant, ils voulaient que la vie l’emporte sur l’anéantissement. Ma naissance était un miracle à leurs yeux. La vie plus fort que toutes les morts. » (p. 78-79)

La maladie a toujours fait partie de la vie de la famille : régulièrement, Jacqueline retournait en Suisse pour des cures ; plus tard, elle gardera de lourdes séquelles d’un accident de voiture. Cela lui a à la fois forgé un moral de battante mais aussi fait surprotéger sa fille.

« Survivre éveillait un sentiment de culpabilité – culpabilité du survivant, disait-on, – un sentiment de victoire aussi, sur les nazis. Mes parents n’avaient pas partagé le sort des victimes, ils avaient échappé au génocide. Ils étaient meurtris mais vivants. Deux orphelins, deux survivants, s’épaulant mutuellement pour tracer un chemin de vie, c’est ainsi que se noua leur couple. Un couple fondé sur l’interdépendance, le rêve tout-puissant de vaincre la maladie et la mort. Ils s’arc-boutaient contre le monde. Ils voulaient me préserver. Le monde recelait trop de danger. Ils voulaient me les épargner. Ils n’avaient pas confiance dans les forces que l’on peut développer en soi. Leurs expériences leur avaient prouvé que Thanatos l’emporterait toujours sur Eros. «  (p. 81-82)

En lisant et en classant ces lettres, Lydia Flem comprend mieux pourquoi elle a toujours senti qu’elle ne pourrait jamais satisfaire sa mère, si avide d’attention et d’amour. Elle a bien sûr réussi à se construire, elle raconte comment l’imagination et la lecture l’ont aidée.

« Je commençai à lire cet été-là et ne m’arrêtai plus jamais. Je me jetais sur mon lit avec volupté, je lisais toute la journée, même tard le soir, sous mes couvertures, à la lumière d’une lampe de poche. L’été de mes 9 ans, je préférai lire au lit, un matin, plutôt que d’accompagner ma mère en ville, pour acheter un cache-pot. C’est ce jour d’août qu’elle eut son grave accident de voiture. Je me suis toujours demandé ce qui serait arrivé si j’avais été présente. Serais je morte ? Ma mère aurait-elle été moins blessée ? Je me sentis longtemps coupable de l’avoir laissée seule, comme si j’avais pu lui éviter son accident. L’idée ensuite me poursuivit que je pourrais, au même âge qu’elle, avoir, à mon tour, un accident grave. Je mis beaucoup de temps à me décider à conduire, mon père m’en dissuada autant qu’il put, arguant absurdement que c’était difficile de trouver une place de parking. Heureusement, lorsque j’eus vingt ans, un ami, à qui j’avais raconté cette histoire, m’offrit symboliquement un porte-clés. Il me le tendit en déclarant que l’on trouve toujours une place pour se garer puisqu’il y a pour chacun une place dans ce monde. » (p. 182-183)

Au final, ce travail sur les lettres, commencé dans le doute, la crainte de la curiosité malsaine a permis à Lydia Flem de faire son deuil, de mieux comprendre ses parents et de se comprendre elle-même.

« Ma lecture m’a permis de passer du temps en leur compagnie. Ce fut un long voyage au pays de l’enfance et de ce qui l’a précédée, tout à la fois éprouvant et émerveillé. Je vis comme une grande chance d’avoir pu recueillir ces love letters que chacun s’attend peut-être à trouver en vidant la maison de ses parents. Par l’imagination, grâce à cette littérature « de grenier », j’ai pu assister à ce qui est arrivé avant ma naissance et l’a préparée. Une expérience unique, modeste et précieuse. » (p. 232-233)

Comme pour le premier tome, cette lecture a été très prenante. L’histoire d’amour des parents de Lydia Flem est touchante et l’expérience intime, personnelle de la fille prend des dimensions universelles par la clarté de son regard de psychanalyste, par la bienveillance qui se dégage de l’ensemble du livre. Je termine avec un passage qui m’a particulièrement parlé.

« Souvent j’ai regretté les frères et soeurs qui ne sont pas nés après moi, mais j’étais fière de savoir que j’avais été désirée. L’amour qu’on a reçu dans sa petite enfance ne disparaît pas, il nous donne une force au fond de soi qui ne peut jamais être vaincue. Malgré tous les reproches que je pouvais et pourrais encore faire à mes parents, je leur dois, à tous les deux, d’avoir été aimée. Même fort, même mal, mais aimée. Sur la partition de notre histoire ne s’effacent pas les étranges détours de l’inconscient de nos parents. Nous avons été modelés autant par ce qu’ils ont voulu nous transmettre que par ce qu’ils nous ont transmis à leur insu. Une généalogie inconsciente, sur plusieurs générations, nous traverse. Nous portons, souvent sans nous en douter, des blessures venues de nos ascendants, d’anciennes missions, de lourds secrets. Il ne nous est pas toujours donné d’en d’éclaircir les ombres, d’en dénouer les liens. Nous faisons notre vie cahin-caha, et à réfléchir à l’histoire de nos parents, de nos ancêtres, nous parvenons parfois à ne pas répéter leurs destins, mais à nous en échapper en partie. À faire un pas de côté. » (p. 178-179)

Il me reste à lire le troisième livre de cette autobiographie, j’espère que je ne mettrai pas autant de temps qu’entre le premier et le deuxième.

Lydia FLEM, Lettres d’amour en héritage, Points, 2013 (Seuil, 2006)

Le Mois belge 2021 – catégorie Esperluète (histoire de famille et d’amour)

Petit Bac 2021 – Objet

Comment j’ai vidé la maison de mes parents

11 samedi Avr 2015

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Non Fiction

≈ 27 Commentaires

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Comment j'ai vidé la maison de mes parents, Le Mois belge, Lydia Flem, Points

Quatrième de couverture :

Un jour, alors que l’enfance sera déjà loin, nous deviendrons orphelins. Une fois nos disparus enterrés, nous devrons accomplir cette tâche impudique : vider la maison de nos parents. Pour chacun des objets et souvenirs de leurs vies, nous n’aurons que l’un de ces choix : garder, offrir, vendre ou jeter. Puis, dans le désordre des émotions, nous fermerons leur porte, qui est aussi un peu la nôtre.

Lydia Flem est l’auteur d’une douzaine de livres traduits en plus de quinze langues. Membre de l’Académie royale de Belgique, elle est également psychanalyste et photographe. Comment j’ai vidé la maison de mes parent est le premier volume d’une trilogie autobiographique. Lettres d’amour en héritage est également disponible en Points.

—

Avec beaucoup de sensibilité et une grande précision, Lydia Flem aborde un sujet grave, celui du deuil des parents : tous, un jour (du moins dans la logique plus ou moins naturelle des choses) nous perdrons nos parents, et la séparation se marquera notamment par une autre forme de présence, qui pourrait se révéler encombrante : l’héritage qu’ils nous légueront.

Lydia Flem est non seulement écrivain mais elle est aussi psychanalyste. Cela se ressent, notamment par ses références à Freud, dans la réflexion approfondie qu’elle mène sur la mort des parents quand on est un adulte déjà accompli, sur l’ambivalence des sentiments qui peuvent survenir : « Comment oser raconter à quiconque ce désordre des sentiments, ce méli-mélo de rage, d’oppression, de peine infinie, d’irréalité, de révolte, de remords et d’étrange liberté qui nous envahit ? » (p. 9) Car dans notre société, peu d’espace, peu de temps sont accordés aux endeuillés pour traverser la perte et retrouver un nouvel équilibre des relations.

Une des premières réalités les plus visibles de ce travail de deuil est l’héritage, c’est-à-dire se retrouver tout à coup propriétaire légal de biens que les parents ne nous ont pas nécessairement transmis, donnés clairement de leur vivant. Que faire des objets, des papiers, des souvenirs personnels, de cette maison à vider ? Vider, un verbe cruel que Lydia Flem égrène avec une grande lucidité.

Face à cette tâche, elle est d’abord et avant tout une fille, une fille unique qui prend d’abord le temps de raviver les derniers jours, les derniers instants de ses deux parents, et surtout de sa mère partie en dernier, et dont elle a respecté les dernières volontés. Un respect qui apaise un peu sa douleur et l’aide à trouver grâce aux yeux de cette mère jamais satisfaite des efforts de sa fille pour se faire aimer telle qu’elle était. Vient ensuite le temps, long, terriblement long, souvent teinté d’amertume, d’incrédulité, où il lui faut ranger, trier, vider la maison, pièce par pièce. Une maison où ses parents ont accumulé et gardé les papiers, les objets, les souvenirs de toute une vie, sans jamais rien jeter. Une tâche gigantesque, presque insurmontable et pourtant libératrice pour une fille qui n’avait jamais vraiment trouvé sa place dans la lignée familiale marquée par la Shoah et les nombreux membres déportés et gazés à Auschwitz. Une histoire que ses parents n’avaient jamais racontée clairement à Lydia, comme pour se protéger et pouvoir recommencer une nouvelle vie malgré l’horreur.

« Je voulais savoir. Non plus être le contenant passif d’une trop grande douleur mais assumer l’histoire qui avait précédé ma naissance, comprendre l’atmosphère dans laquelle j’étais née. Me dégager d’un passé qui était resté entravé dans leurs poumons et m’avait empêchée de respirer librement. Les documents que je grappillai en divers lieux de la maison établissaient les faits, crus mais clairs et distincts, sans l’ombre d’une émotion, sans le risque d’une fusion mortifère. » (p. 75)

« De tous les coins et recoins émergeaient toujours davantage de feuilles, d’enveloppe, de cartes, de notes, de cahiers, de petits carnets, de photocopies, de photographies, de plans, de brouillons, de listes, de pense-bêtes. J’en avais le tournis.

Devais-je, par fidélité, conserver ces infimes fragments de vie ? Leur étais-je enchaînée ? Mon père et ma mère avaient peut-être inconsciemment cherché à ensevelir l’horreur sous l’abondance de l’anecdotique, du quotidien, des petits bonheurs soutirés à la vie, au coup par coup, c’est toujours ça de pris à l’ennemi. Chacun garde intentionnellement ou par hasard, par paresse, par lassitude, des tas de paperasses. Mes parents avaient conservé presque toutes les strates de leur vie, tout ce qu’ils avaient pu sauver du néant : bouclier imaginaire contre le vide qui demeurait en eux ? Mais en quoi cela me concernait-il à présent ? Je n’étais pas censée, en devenant leur héritière, me faire leur psychanalyste. J’étais partagée entre l’envie de poursuivre mon exploration et le désir de plus en plus puissant de bazarder le tout. La curiosité m’en empêchait encore. » (p. 84-85)

Ainsi, au fur et à mesure des découvertes, des choix cornéliens, « garder, offrir, vendre ou jeter », Lydia Flem peut à la fois se détacher et se réapproprier l’héritage de ses parents. En témoignent les listes, les longues listes d’objets trouvés dans la maison, le passage très émouvant sur les vêtements cousus et portés par sa mère, les dons qu’elle réussit à faire à des amis pour que les choses puissent vivre une nouvelle vie. Et ainsi à travers ce lent travail minutieux, l’héritière passe du chagrin à la joie, de la mort à la renaissance. On sent que les souvenirs ne sont pas achevés, il n’y a pas de point final à ce premier volet d’une trilogie autobiographique.

Difficile de rester indifférente à ce petit livre, car il convoque les souvenirs de mes parents et de leurs frères et soeurs vidant eux-mêmes les maisons de mes grands-parents, et annonce ce travail que je devrai moi-même effectuer un jour, heureusement pas seule non plus, dans quelques années, le plus tard possible, j’espère.

Lydia FLEM, Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Editions du Seuil, 2004 et Points, 2013

L’avis de Mina

Avec ce récit autobiographique, voici une nouvelle participation au Projet Non-Fiction de Marilyne. C’est aussi une sortie de PAL qui correspond à mon objectif 2015 : découvrir des auteurs dont je possède déjà plusieurs titres dans la pile… (j’en avais déjà 4 de Lydia Flem sans l’avoir jamais lue !)

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"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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