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Archives de Tag: migrations

Bagage

14 dimanche Jan 2018

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

≈ 13 Commentaires

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exil, Kamel Zerdoumi, migrations, Poésie

Dans ma valise
la tombe de ma mère
les quartiers de mon enfance
un peu de cette terre
qui apaise mon errance
l’eucalyptus et l’hibiscus
pour exorciser
le marronnier et le platane
et leur tristesse qui damne
Dans ma valise
Les sourires et les voix
de la poignée de vivants
qui comptent pour moi
et figent le temps
la fin du vertige
marier passé et présent
Afrique et Europe
un même continent

Kamal Zerdoumi

Ce 14 janvier, c’est la journée mondiale du migrant et du réfugié.

Le dernier gardien d’Ellis Island

20 mardi Sep 2016

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

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exil, Gaëlle Josse, Le dernier gardien d'Ellis Island, Les éditions Noir sur blanc, migrations

Quatrième de couverture :

New York, 3 novembre 1954. Dans quelques jours, le centre d’immigration d’Ellis Island va fermer. John Mitchell, son directeur, resté seul dans ce lieu déserté, remonte le cours de sa vie en écrivant dans un journal les souvenirs qui le hantent : Liz, l’épouse aimée, et Nella, l’immigrante sarde porteuse d’un très étrange passé. Un moment de vérité où il fait l’expérience de ses défaillances et se sent coupable à la suite d’événements tragiques. Même s’il sait que l’homme n’est pas maître de son destin, il tente d’en saisir le sens jusqu’au vertige.

À travers ce récit résonne une histoire d’exil, de transgression, de passion amoureuse, et de complexité d’un homme face à ses choix les plus terribles.

Je me sens incapable d’écrire un avis (à peu près) construit sur ce roman, dont on a beaucoup parlé à sa sortie. Je ne l’ai lu que cette année, à l’occasion du mois américain, parce qu’un documentaire vu cet été sur les immigrants d’Europe centrale et orientale vers les Etats-Unis m’a particulièrement intéressée  et parce que j’ai le dernier roman de Gaëlle Josse est au chaud dans ma PAL récente : je déteste l’idée de ne plus rien avoir à lire d’un(e) auteur que j’apprécie profondément. Je me souviens aussi de la rencontre avec Gaëlle au Bateau-Livre, que la libraire avait animée en faisant réagir la romancière sur des photos en lien avec Ellis Island et le livre, c’était très agréable.

Le dernier gardien d’Ellis Island est un roman prenant, sans aucun doute parce que Gaëlle Josse a elle-même été profondément touchée par sa visite des lieux et aussi parce qu’elle réussit à se glisser avec une surprenante empathie dans la tête de John Mitchell et parvient à rendre attachant ce personnage qui, s’il avait réellement existé, aurait été assez antipathique. Cet homme rigide, tatillon, incapable d’exprimer ses émotions (mais il n’était pas le seul à son époque) s’est pourtant laissé toucher par la grâce de Liz mais leur mariage a duré si peu de temps qu’il semble n’avoir porté aucun fruit et John semble incapable de surmonter ce deuil. L’arrivée de Nella et de son frère avec le Cincinnatti, en 1923, apporte du désordre et même une forme de sauvagerie dans le monde si structuré du directeur d’Ellis, qui ne sera plus jamais le même homme, jusqu’à la fermeture du centre en 1954.

Le lieu est évidemment un personnage à part entière du récit, cette petite île, ce centre de rétention qui a façonné la vie et la carrière de John Mitchell, qui réussit finalement à témoigner dans des pages où « il y a trop d’amour, trop de peine » (p. 161). Le style à la fois fluide et net de Gaëlle Josse a pour moi participé du plaisir de lecture, de l’intelligence (dans les deux sens du terme) du récit et m’a émue. J’ai retrouvé à la fois la ligne tendue, la douceur et l’infinie nostalgie des Heures silencieuses. J’ai sûrement laissé de côté des tas d’aspects de ce beau roman… Bravo, Madame.

« Pendant quarante-cinq années – j’ai eu le temps de les compter -, j’ai vu passer ces hommes, ces femmes, ces enfants, dignes et égarés dans leurs vêtements les plus convenables, dans leur sueur, leur fatigue, leurs regards perdus, essayant de comprendre une langue dont ils ne savaient pas un mot, avec leurs rêves posés là au milieu de leurs bagages. Des malles, des cantines, des paniers, des valises, des sacs, des tapis, des couvertures, et à l’intérieur tout ce qui reste d’une vie d’avant, celle qu’ils ont quittée, et qu’ils doivent, pour ne pas l’oublier, garder dans un lieu fermé au plus profond de leur cœur afin de ne pas céder au déchirement des séparations, à la douleur de se souvenir des visages qu’ils ne reverront jamais. Il faut avancer, s’adapter à une autre vie, à une autre langue, à d’autres gestes, à d’autres habitudes, à d’autres nourritures, à un autre climat. Apprendre, apprendre vite et ne pas se retourner. Je ne sais pas si pour la plupart d’entre eux le rêve s’est accompli, ou s’ils ont brutalement été jetés dans un quotidien qui valait à peine celui qu’ils avaient fui. Trop tard pour y penser, leur exil est sans retour. »

Gaëlle JOSSE, Le dernier gardien d’Ellis Island, Les éditions Noir sur blanc, 2014 (également en J’ai lu)

J’ajoute ce titre à ma mini-thématique de l’été sur l’exil.

Mois américain

Dans la mer il y a des crocodiles

19 vendredi Août 2016

Posted by anne7500 in Des Mots italiens, Non Fiction

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Dans la mer il y a des crocodiles, Enaiatollah Akbari, exil, Fabio Geda, Liana Levi, migrations, piccolo

Quatrième de couverture :

Dix ans, ou peut-être onze. Enaiat ne connaît pas son âge, mais il sait déjà qu’il est condamné à mort. Être né hazara, une ethnie persécutée en Afghanistan, est son seul crime. Pour le protéger, sa mère l’abandonne de l’autre côté de la frontière, au Pakistan. Commence alors pour ce bonhomme « pas plus haut qu’une chèvre » un périple de cinq ans pour rejoindre l’Italie en passant par l’Iran, la Turquie et la Grèce. Louer ses services contre un bol de soupe, se dissimuler dans le double-fond d’un camion, braver la mer en canot pneumatique, voilà son quotidien. Un quotidien où la débrouille le dispute à la peur, l’entraide à la brutalité. Mais comme tous ceux qui témoignent de l’insoutenable, c’est sans amertume, avec une tranquille objectivité et pas mal d’ironie, qu’il raconte les étapes de ce voyage insensé.

Fabio Geda est né en 1972 à Turin où il vit toujours. Éducateur, collaborateur de La Stampa, il a publié deux romans avant d’entendre Enaiatollah Akbari raconter son histoire il y a quelques années au Centre interculturel de Turin. Bouleversé par son récit, séduit par son authenticité, il prend le soir même la décision de bâtir un livre à quatre mains. Depuis sa sortie en avril 2010, Dans la mer il y a des crocodiles s’est vendu à près de 200 000 exemplaires en Italie et a été traduit en 27 langues.

Après Eldorado et Refuges, voici un troisième regard sur l’immigration en forme de récit authentique : celui d’Enaiatollah, un jeune garçon de dix ans seulement que sa mère a eu le culot, le courage, la force, l’inconscience (les quatre à la fois ?) de faire sortir d’Afghanistan et d’abandonner à Quetta (oui, la ville pakistanaise où a lieu un attentat sanglant il y a une quinzaine de jours) sans le prévenir qu’elle veut qu’il fasse sa vie ailleurs pour échapper à la discrimination que les Hazaras subissent.

A force de courage, de débrouillardise, d’instinct de survie, d’intelligence, de chance aussi, Enaiatollah réussit à trouver du travail, à toujours trouver un endroit pour dormir et de quoi manger ; de quoi gagner aussi de l’argent pour repartir, toujours plus à l’ouest. Le jeune garçon sent toujours le bon moment pour quitter un endroit ; il se met alors à la merci des passeurs, qui l’emmèneront du Pakistan en Iran, puis en Turquie, avant de traverser la mer pour atterrir en Grèce et enfin se poser en Italie, à Turin, où il savait pouvoir retrouver un ami afghan. Enaiatollah a été victime de rafles policières, de racisme, les conditions du voyage ont souvent été atroces (lire « en vrai » comment on vous fait voyager pendant des jours recroquevillé sous un camion et comment vous en sortez si vous survivez à l’aventure, ça a quand même un poids particulier par rapport à une fiction).

Le périple dure quatre ans, de la vallée de Nava jusqu’à Turin. Mais si le récit recueilli par Fabio Geda est bien réel, il se lit presque comme un roman d’aventures, tant Enaiatollah y met de vie et d’énergie incroyable. Il ne veut pas s’attacher aux émotions, au fait qu’un enfant de dix ans ne devrait jamais avoir à vivre ce genre de choses : il raconte simplement ce qui lui est arrivé, et s’il n’omet pas les coups durs et les mauvais jours, il met toujours en avant ceux qui l’ont aidé dans son exil, ceux qui l’ont conseillé, lui ont donné du travail ou de la nourriture, les bonnes personnes qui, en Grèce et en Italie, n’ont pas eu peur de lui payer un billet de train ou de bateau pour arriver à bon port. On sourit à certaines de ses anecdotes et on se laisse remuer le coeur et les tripes à l’écouter (oui, c’est comme s’il nous parlait en direct).

En lisant ce livre, j’ai pensé au roman Les cerfs-volants de Kaboul et au film Welcome. Le récit se termine sur un coup de téléphone qui m’a mis les larmes aux yeux. On ne peut s’empêcher d’espérer que tous les enfants qui vivent la même « traversée » qu’Enaiatollah arrivent eux aussi sains et saufs en Europe et que, comme lui, ils ne perdent rien de leurs rêves en chemin. On peut toujours espérer…

« Comment on trouve un endroit pour grandir, Enaiat? Comment le distingue-t-on d’un autre?

Tu le reconnais parce que tu n’as plus envie de t’en aller. Bien sur, il n’est pas parfait. Ça n’existe pas, un endroit parfait. Mais il existe des endroits où, au moins, personne ne cherche à te faire du mal. » (p. 157)

Enaiat est pourtant conscient du pouvoir des émotions transmises quand il se présente devant la commission qui pourrait lui accorder le statut de réfugié politique à Rome : « Quand tu t’adresses directement aux gens, tu transmets une émotion plus intense, même si les mots sont incertains, que la cadence est différente. Dans tous les cas, le message qui arrive ressemble plus à celui que tu as en tête, comparé à ce que pourrait répéter un interprète – non ?, parce que de sa bouche ne sortent que des mots, pas des émotions. Les mots ne sont qu’une coquille. » (p. 171)

Fabio GEDA, Dans la mer il y a des crocodiles – L »histoire vraie d’Enaiatollah Akbari, traduit de l’italien par Samuel Sfez, Liana Levi piccolo, 2012 (Première édition en 2011)

Troisième titre de ma mini-série « Exils », que je recommanderai particulièrement à mes élèves. J’ai encore un titre en lien avec ce thème mais je le présenterai en septembre, pour le Mois américain (une autre semaine thématique démarre la semaine prochaine).

Refuges

17 mercredi Août 2016

Posted by anne7500 in Des Mots en Jeunesse, Des Mots français

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Annelise Heurtier, Casterman, exils, migrations, Refuges

Quatrième de couverture :

Mila, une jeune Italienne, revient sur l’île paradisiaque de son enfance, espérant y dissiper le mal-être qui l’assaille depuis un drame familial. 

Très vite, d’autres voix se mêlent à la sienne. Huit voix venues de l’autre côté de la Méditerranée qui crient leur détresse, leur rage et la force de leurs espérances.

Un roman envoûtant qui, depuis la lointaine Erythrée jusqu’à Lampedusa, invite à comprendre et à garder les yeux grands ouverts.

Avec ce roman, je découvre la voix et la plume d’Annelise Heurtier, qui s’inspire souvent de faits réels pour écrire  ses romans jeunesse.

L’histoire de Mila s’entremêle aux voix de huit Erythréens. Mila est une jeune Italienne de dix-sept ans qui a accepté de passer un mois de vacances à Lampedusa, l’île de ses racines familiales. On l’appelle « l’île du salut » et peut-être trouvera-t-elle l’apaisement à travers les balades à vélo et les paysages de rêve qui s’offrent à ses yeux et à travers l’amitié bienveillante de Paola. C’est que l’atmosphère familiale est lourde et les relations avec sa mère tendues depuis la mort de son petit frère.  Les jeunes Erythréens, eux, racontent leur quotidien dans un pays soumis à une terrible répression (« service militaire forcé de 17 à 47 ans, interdiction de la presse indépendante, arrestation et torture des opposants, limitation des déplacements, contrôles d’identité systématiques, giffa, camps d’enfermement… » précise l’auteur en fin de roman) et leur désir, leurs efforts surhumains pour partir et atteindre les rives de l’Europe.

Le parti-pris d’Annelise Heurtier est à la fois sensible et juste. Il y a une part didactique destinée aux adolescents puisqu’elle a choisi de parler des émigrés d’un seul pays, l’Erythrée, dont elle brosse la situation grâce aux « témoignages » successifs d’Amir, Amanuel, Meloata et les autres, mais, grâce à ces récits vivants et réalistes, aucune lourdeur dans ce choix, inspiré par le naufrage d’une embarcation au large de Lampedusa, en octobre 2013, où 366 clandestins africains ont péri noyés (on a d’ailleurs remonté leur bateau il y a quelques semaines pour leur donner une sépulture digne). Elle a volontairement situé son roman en 2006 pour attirer l’attention sur ce pays de la Corne de l’Afrique et pour montrer aussi que les italiens (comme tous les Européens, ajouterais-je) sont divisés sur la question de l’accueil des réfugiés.

J’ai trouvé beaucoup de justesse aussi dans l’histoire de Mila, qui aura eu besoin de beaucoup de temps et d’attention, doublés d’une ouverture aux autres, pour revivre après un deuil étouffant. Et sous la belle plume d’Annelise Heurtier, son parcours de vie est attachant.

« Mila se remit en selle. Pas de plage surpeuplée cette fois-ci. Elle opta pour la direction opposée. Aujourd’hui, elle longerait la falaise de la côte nord, qu’elle savait plus farouches, plus tourmentées.
La chaussée goudronnée serpentait au milieu d’un plateau de calcaire recouvert de touffes de végétation rase. L’ambiance était différente de celle qui régnait au sud. On disait cette côte désertique. A l’inverse, Mila trouvait qu’elle était pleine de vie. Elle s’arrêta, posa son vélo à terre et s’accroupit pour mieux observer le sol. Les buissons épineux qui, à travers la pierre, trouvaient à se hisser vers la lumière. Les disparitions furtives des lézards dérangés par son arrivée. Les fuchsias, les orangés des fleurs qui s’épanouissaient sur les aréoles de certains cactus, délicates étoiles comme déposées par erreur au milieu des épines. L’odeur du vent. La texture de la terre qu’elle écrasa entre ses doigts. Le cri des mouettes, qui annonçaient qu’au-delà des falaises commençait le règne de la mer.
Mila se releva, grisée par l’intensité de ses sensations.
Elle plissa les yeux : au loin, elle distinguait les voiles claires des bateaux de plaisance qui gravitaient autour de la côte. D’où venaient-ils ? Certains avaient peut-être déjà fait escale dans les ports d’Asie ou d’Afrique avant d’atteindre Lampedusa. » (p. 85)

« Je le sais depuis que je suis tout petit : l’Europe, c’est la promesse d’une vie meilleure. Je suis fort, courageux. La fatigue ne me fait pas peur. Là-bas, je serai discret, laborieux, je ferai les travaux dont personne ne veut. Je serai heureux de ce qu’on me donnera. Je n’irai pas pour prendre la place de qui que ce soit. J’irai parce que je suis né au mauvais endroit. J’irai parce que j’ai envie de vivre. » (p. 167)

Annelise HEURTIER, Refuges, Casterman, 2015

Deuxième titre de ma mini-série « Exils »

Eldorado

15 lundi Août 2016

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Eldorado, exil, J'ai lu, Laurent Gaudé, migrations

Quatrième de couverture : 

« Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »

Pour fuir leur misère et rejoindre l’« Eldorado », les émigrants risquent leur vie sur des bateaux de fortune… avant d’être impitoyablement repoussés par les gardes-côtes, quand ils ne sont pas victimes de passeurs sans scrupules. Le commandant Piracci fait partie de ceux qui sillonnent les mers à la recherche de clandestins, les sauvant parfois de la noyade. Mais la mort est-elle pire que le rêve brisé ? En recueillant une jeune survivante, Salvatore laisse la compassion et l’humanité l’emporter sur ses certitudes…

« Voyage initiatique, sacrifice, vengeance, rédemption : le romancier au lyrisme aride manie les thèmes de la tragédie antique avec un souffle toujours épique. » L’Express

Cet été 2016 (je rédige ce billet au tout début août), on n’entend guère parler dans l’actualité de bateaux chargés d’immigrants clandestins comme ce fut le cas en 2015, on ne parle plus de la charge subie par la Grèce avec tous ces candidats à l’exil. Normal, me direz-vous, les accords avec la Turquie ont découragé les gens de prendre cette route maritime ; et les attentats multiples commis cet été ont plutôt mis l’accent sur des faits de violence (isolés) mettant en cause des candidats réfugiés ou sur des terroristes en puissance qui ont passé les mailles du filet.

On dit que le passage méditerranéen entre le Nord de l’Afrique et l’Italie va « reprendre du service » : bien avant 2015, Laurent Gaudé a écrit et publié ce roman en 2006. Il y mettait en scène un capitaine de frégate italien chargé de repérer, d’arraisonner et éventuellement de porter secours aux barques, aux bateaux chargés de migrants, qui seront conduits dans un centre de rétention de Lampedusa et reconduits dans leur pays d’origine. Suite à la rencontre fortuite avec une femme « sauvée » des eaux, Salvatore Piracci sent ses lignes bouger. Tout ce qui faisait sens dans son métier de marin vacille devant ces dizaines de visages que l’espoir a désertés et qui le hantent désormais… Le capitaine va alors entamer une sorte de migration à l’envers, de l’autre côté de la mer.

En parallèle à ce voyage, Jamal nous conte le récit de sa migration vers l’Europe. Les passeurs, le prix à payer encore et encore, la séparation, l’errance, la trahison, le désespoir, une sorte de solidarité, un camp pas loin du mur de Ceuta (dont la description et l’organisation font penser à la jungle de Calais, un déplacement ou plutôt une multiplication, des années plus tard, de la misère et de l’attente) : Laurent Gaudé place son lecteur au coeur de l’exil grâce à ses descriptions imagées, ses accélérations de rythme et la riche palette d’émotions qu’il lui fait traverser.

« L’herbe sera grasse, dit il, et les arbres chargés de fruits. De l’or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières de diamants à ciel ouvert réverbéreront les rayons du soleil. Les forets frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux la bas. Et la vie passera comme une caresse. L’eldorado commandant. Ils l’avaient au fond des yeux. Ils l’ont voulu jusqu’à ce que leur embarcation se retourne. En cela ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l’œil sec nous autres et nos vies sont lentes. » 

« Je me suis trompé. Aucune frontière n’est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s’arracher la peau pour quitter son pays. Et qu’il n’y ait ni fils barbelés ni poste frontière n’y change rien. J’ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l’on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »

Le capitaine Piracci et Jamal cherchent chacun leur Eldorado : le prix du passage sera lourd. Rester humain malgré tout, ôter ses masques un à un, se laisser dépouiller à l’extrême dans l’espoir de mener une vie nouvelle, oser (re)commencer, tenir, vivre et mourir, mourir et vivre.

Un grand, un très beau roman de Laurent Gaudé, âpre et sensible.

Laurent GAUDE, Eldorado, Actes Sud, 2006 (et J’ai lu, 2009)

Après avoir lu Le promeneur d’Alep, j’ai sorti trois titres de ma PAL sur l’exil et les réfugiés. Voici donc le premier d’une petite semaine consacrée à ce thème.

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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