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Archives de Tag: Poésie

For intérieur Haïbuns

06 mercredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Pippa, Poésie, Thierry Werts

Place Louise

Deux heures à tenir encore
Ma permanence nocturne s’achève enfin
J’ai de plus en plus de mal à tenir
Toutes ces années à supporter les
misères de cette ville
Trouver des solutions qui n’en sont pas
Vingt-quatre heures déjà sans dormir
Ce travail si humain l’est-il vraiment ?
Dans deux stations de métro un café m’attend
J’ai froid

Sans doute la fatigue
J’engouffre un second pain au chocolat
pour compenser
Lentement je refais surface
au rythme de l’escalator
et comme à chaque fois nos regards
se croisent

Dernières gelées

Dans les yeux du sans abri

Un croissant de lune

Pour ce mercredi poésie d’avril, il fallait évidemment du belge. Et je ne pouvais que choisir ce recueil choisi chez Pippa (adorable librairie du Quartier latin consacrée à l’édition indépendante et maison d’édition solidaire) et offert par Marilyne.

Thierry Werts est un magistrat belge, procureur dont les matières de prédilection sont les homicides, le droit international humanitaire et la protection de la jeunesse. Il aime la randonnée et l’écriture.

Cette première page du recueil For intérieur donne le ton de l’ouvrage qui alternera un poème et un haïku quelque part dans Bruxelles, jamais loin du Palais de justice ou à Braine-le-Château (où se situe un centre fermé pour les jeunes délinquants) et un poème et un haïku liés à une mission ou un voyage à l’étranger, en Afghanistan, au Liban, au Sénégal, entre autres. Poèmes et haïkus ou plutôt haïbuns, comme le titre nous le précise. « Le haïbun est une composition littéraire dans laquelle prose et haïku se mêlent en une brève narration poétique d’une expérience réelle ou imaginaire » nous explique l’Association francophone des auteurs de haïbuns. En lignes épurées, Thierry Werts évoque de douloureuses histoires d’enfants placés, des violences familiales en Belgique, la violence toujours aux aguets en Afghanistan, les couleurs de l’Afrique ou la partition de Chypre. L’écriture sert d’exutoire, d’apaisement face aux sentiments de dégoût et d’impuissance, une tentative pour prendre de la hauteur et goûter la vie au jour le jour malgré les horreurs du monde.

Les aquarelles à l’encre de Chine d’Alexia Calvet accompagnent les textes de Thierry Werts avec une grande délicatesse. Elles offrent un joli contrepoint tout en douceur et appellent à l’harmonie.

« Un hiver sans fin
La juge écarte une larme
Entre deux destins »

« L’ombre d’un oiseau
Traverse le citronnier
Qui s’en souviendra ? »

Thierry WERTZ, For intérieur Haïbuns, Editions Pippa, 2016

Allons découvrir le billet de Marilyne sur Les ennuagements du coeur d’Yves Namur.

Le Mois belge 2022

A l’intérieur de la nuit

02 mercredi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie, Des Mots français

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Editions Cheyne, Jean-Pierre Siméon, Poésie

Quatrième de couverture :

Le meilleur de la nuit
Se prend à pleines lèvres
A corps perdu

A brassées d’herbes et de brumes

Avec les gestes du dénouement
Avec l’oreille du loup

En écho à notre premier rendez-vous poétique avec Marilyne (qui vous présentait le Petit éloge de la poésie de Jean-Pierre Siméon), je vous propose aujourd’hui ce recueil consacré à la nuit. Difficile de ne pas craquer devant ce magnifique objet-livre, à la couverture à rabats bleu nuit et argent, au papier épais, du « papier recyclé Keaykolour poussière de lune et Keaykolour bleu de Chine 120g », illustré des images lunaires de Yann Bagot.

La citation épigraphe nous donne la clé de ce recueil : « La nuit est notre vérité, elle nous invite à rejoindre un lieu plus ancien qu’on appelle parfois l’âme, et dont la langue nous est indéchiffrable. » (Anne DUFOURMANTELLE, Eloge du risque) Silence, profondeur, lenteur, retrait et compréhension intime, réflexion paradoxalement plus éclairée qu’en plein jour, voilà ce que permet la nuit, « jamais seulement l’extinction du jour ».

La nuit parfois est cette eau très pure
Qui donne raison
A notre soif d’amour
(p. 13)

La poésie c’est la nuit
Bergère des ombres
Et des clartés égarées

Etoile des étoiles
Dans l’abîme des villes
Et le lit des massacres

C’est la nuit
Dans sa chevelure de branches
Et de rivières dormantes

Elle ferme nos paupières
Pour que s’entende
Enfin
Le bruissement de l’âme
(p. 17)

Les textes, les vers sont courts, imagés avec simplicité : « La nuit / La vraie / Très simple : / Un enfant / Pieds nus dans l’herbe / Avec le chat / L’oeil rond » (p. 38) Poésie dépouillée, minimaliste, nourrie pourtant de multiples références artistiques à Michaud, Reverdy, Soulages, aux contes ou à la mythologie. Jean-Pierre Siméon évoque toutes les nuits, de printemps, d’hiver, à l’hôpital, de violence, entre autres.

Toutes les nuits

La nuit comme une forêt
Qui avale

La nuit comme une colline
Où le ciel repose

La nuit comme une mer
Par gros temps

La nuit comme une frondaison
La nuit comme un rivage aux oiseaux

La nuit comme un cri sans fond
La nuit comme une joue aimée

La nuit comme un seuil
Vers plus de nuit

La nuit qui abandonne
Ou qui embrasse

Toutes les nuits
Sont dans la nuit
(p. 50-51)

Le livre se termine sur une coda manuscrite mais je vous laisse en compagnie de ce court texte pour conclure :

Nous n’aimerons bien le jour
Que pour avoir aimé
La nuit
(p. 57)

A contempler pour accompagner cette lecture : cette toile de Pierre Soulages datée de 1975, en écoutant un Nocturne de Chopin.

Montpellier : une toile de Soulages adjugée 1,6 million d'euros aux  enchères ! - midilibre.fr

Jean-Pierre SIMEON, A l’intérieur de la nuit, Images de Yann BAGOT, Cheyne, 2021

Marilyne vous emmène aujourd’hui dans une anthologie consacrée aux Poètes en partance.

Petit Bac 2022 – Couleur 1

Comme résonne la vie

05 mercredi Jan 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots du Québec, Des Mots en Poésie

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Editions Bruno Doucey, Hélène Dorion, Poésie

Pour commencer cette nouvelle année, j’inaugure un nouveau rendez-vous mensuel autour de la poésie avec ma copine Marilyne. Chaque premier mercredi du mois (sauf exceptions tout à fait plausibles), nous vous présenterons de la poésie : un texte, un auteur, un recueil… avec des liens avec d’autres formes artistiques. Ca me fait plaisir qu’on se rejoigne sur ce projet, car s’il y a longtemps que je n’ai plus présenté de poésie ici, j’en lis et j’en achète régulièrement. (Mais je ne vous présenterai pas spécialement des nouveautés…)

En ce mois de janvier, je vous invite à découvrir la poétesse québécoise Hélène Dorion, née en 1958, à travers ce recueil Comme résonne la vie, dont voici le poème inaugural :

Comme résonne étrangement la vie
que tu vois se lever, au milieu du brouillard
de l’enfant que tu étais, hier encore
à la table où ton père, où ta mère
fouillaient le quotidien, sarclaient
la terre, arrachaient les herbes égarées
parmi les tulipes hautes
qui flottent encore dans le jardin comme
des étoffes, et mesurent les vents à venir.

Alors, comme résonne étrangement la vie
derrière la tempête qui broie ton corps
d’enfant, jette des marées de solitude
sur tes rêves, crois-tu, un mouvement
de lumière gagne sur la brume
peu à peu tu défriches la forêt
du passé, vois le chemin
où naissent et glissent
dans la terre les fragiles espérances.

Tu entends soudain la pulsation du monde
déjà tu touches sa beauté inattendue.
Dans ta bouche fondent les nuages
des ans de lutte et de nuées noires
où tu cherchais le passage
vers l’autre saison

et comme résonne étrangement l’aube
à l’horizon, enfin résonne ta vie.

A travers ses poèmes, Hélène Dorion dit le voyage personnel, l’histoire humaine, souvent marqués de grands vents et d’hivers froids, mais toujours reliés à la nature, une ancre qui permet de ne pas se noyer dans les grands fonds, de comprendre le chemin, de se révéler au bout de la nuit. Plusieurs poèmes sont écrits tantôt en tu, tantôt en je, creusant le mystère de notre présence au monde.

Horizons 2

Tout ce qu’il faut de lumière, tout
ce qu’il faut d’ombre pour tenir au faîte
de soi-même, être libre, crois-tu, être vraie
pour autant que cela veuille toujours dire
quelque chose, aujourd’hui que soufflent
sur tes pas les vents durs
ta main s’agrippe où persiste l’éclaircie.

C’est en haut, tout en haut qu’est ta vie
tu entres par le feu, tu sais
désormais le mensonge, désormais la trahison, l’orage
a secoué le navire, arraché les mâts, le choc
t’a projetée si loin — soudain tu n’entends
ni ne vois d’horizon, ne touches
ni l’amour ni l’oubli de l’amour.

Mais la rive, tu devines une rive au milieu de nulle part
une voix creuse et affouille l’obscurité
le temps bientôt remuera de nouveau
— chaque heure contient ta destinée.

(p. 38)

Quelques textes disent aussi la richesse des mots, des poèmes sur lesquels on peut compter pour creuser la fragilité et s’accrocher aux branches solides ou aux frêles bourgeons.

Les mots dans la bouche
d’un livre qui les abrite et les confie
à l’or et au plomb, tu ouvres
la porte du jardin d’encre
et de papier, jardin de roses et de soie.

Une phrase recompose l’espace
en détache le passé incertain
comme une empreinte rejoint ce qu’il efface
il est temps de rendre les mots
à ce qui les tient à l’abri

comme un nid fragile
au bout de la branche, de les recueillir
qu’ils épuisent le manque
et couvrent chaque chose
de leur souffle, disent
la matière lumineuse
qu’ils ramènent vers nous.

(p. 52)

Impossible de ne pas sourire et noter l’un des derniers poèmes du lire, p. 63 :

Tu aurais lu tous les livres sur les rayons
les nouveaux comme les anciens, les grands
et petits formats, ceux qui traînent
depuis des mois, entamés
ou pas même ouverts, ceux
d’auteurs complices

Tu aurais lu les plus sombres
les légers, les illisibles et même ceux
qui cassent comme
glaces du fleuve, t’inventent un estuaire
ceux qui bousculent
t’abandonnent au milieu ou te poussent
du haut d’une falaise vers ton dénouement
ceux qui creusent, touchent ton cœur
remuent encore, une fois rangés
sur le rayons, ceux

qui ont mis ta vie sens dessus dessous
et ne se referment pas, tournent encore
autour de toi, ceux qui s’accumulent
sur la table du sommeil
que tu croyais connaître
par cœur, n’entrent pas
dans la poche des heures, courbent
l’échine, ont l’épine à l’envers, restent
sur le dos de la couverture
cachent leur vrai visage, ceux qui
à la fin, te diront que la vie tient aussi
aux histoires qui la racontent,
aux mots qui surgissent par la fenêtre
à ce qu’ils éclairent
dans la forêt de tes pas.

Pour accompagner ce billet, comme il est souvent question d’hiver et d’arbres dans ce recueil, je vous propose de contempler ce tableau de Camille Pissarro, Paysage enneigé à Eragny avec un pommier. Et pourquoi pas, d’écouter L’hiver des Quatre saisons de Vivaldi ?

Paysage enneigé à Eragny avec un pommier

Hélène DORION, Comme résonne la vie, éditions Bruno Doucey, 2018

Marilyne vous présente Petit éloge de la poésie de Jean-Pierre Siméon.

Défi Un hiver au chalet – Catégorie Ah ! comme la neige a neigé ! (un recueil de poésie)

Et j’inaugure avec ce titre le Petit Bac 2022 – Verbe 1.

Venus poetica / Brûler Brûler Brûler

18 dimanche Avr 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Des Mots en Poésie

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L'Arbre à paroles, L'Iconoclaste, L'Iconopop, Lisette Lombé, Poésie

Venus poetica par Lombé

Ce livre est présenté comme un premier roman, mais il est inspiré de la propre vie de Lisette Lombé qui raconte sa vie sous le prisme de la féminité, du sexe, du racisme et de la création littéraire. Femme, noire, artiste slameuse notamment, le parcours est digne d’intérêt. Mais franchement, ce qui ressort du texte pour moi, ce sont ces expériences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, sans aucun complexe, il y en a à toutes les pages et pour tous les goûts (ok ok c’est un mauvais jeu de mots). J’assume totalement mon côté naïf et prude, et/ou que je n’ai rien compris au propos réel du livre mais franchement ça m’a saoulée : heureusement que le livre ne fait qu’une soixantaine de pages sinon je l’aurais abandonné. J’espérais que Lisette Lomé parlerait davantage de son travail d’artiste et de sa création littéraire, je suis restée sur ma faim et j’ai ouvert un de ses recueils de textes publiés par ailleurs.

Brûler brûler brûler par Lombé

Quatrième de couverture :

« Te faire douter.
Te faire avoir peur.
Te faire avoir honte
De ta couleur.
Qui oubliera ?
Qu’à un noir,
On disait tu… »

Antiracistes, féministes, politiques, les mots de Lisette Lombé font battre le pavé et le cœur. Le poing levé, à coups de mots et de collages, elle dénonce les injustices et poursuit le combat de ses aînées, d’Angela Davis à Toni Morrison.

Les textes de Lisette Lombé sont rudes, durs, ils claquent, ils dénoncent le sexisme, la violence faite aux femmes, le harcèlement, le racisme, les exclus de notre société, ils réclament le droit à la liberté, le droit de disposer de son corps, surtout quand on est une femme, un changement de politique. Tout ce qui brûle de l’intérieur (et de l’extérieur). L’écriture slamée rythme ces textes qui ressemblent souvent (du moins dans la mise en page)à des poèmes en prose. Mais avec la colère, ils sont aussi empreints de compassion : j’ai été frappée par un texte écrit en mémoire de la petite Mawda, enfant de migrants tuée par la police belge en 2018 et par le texte sur la mère d’une fille radicalisée et partie en Syrie.

Cela valait la peine de lire autre chose que Venus poetica (à mon humble avis).

« Le collage, c’est pour les jours où je peux entendre,
dans les transports en commun :
« Dans quel monde on vit, Madame ! »

Ces jours-là
,jours de énième scandale pédophile,
énième bavure policière,
énième féminicide,
énième incident mortel dans une usine,
ces jours-là,
lendemains d’élections, d’attentat, de cataclysme,
ces jours-là,
une lave noire et visqueuse déboule dans ma gorge
et carbonise toutes mes belles petites phrases humanistes
qui me sauvent tous les jours sauf ces jours-là.

Jours de paires de ciseaux, d’images en noir et blanc, de précision et de silence.
Une main qui tient une paire de ciseaux
ne peut rien faire d’autre que tenir une paire de ciseaux.

Soit tu découpes des corps dans le papier glacé,
soit tu t’enfonces la pointe de tes ciseaux dans l’œil.
Ces jours-là.

Mawda Shawri.
Tuée dans la nuit du 17 au 18 mai 2018.
Née le 14 avril 2016. »

« Mon fils est gay

Mon fils est gay.
Ce matin, il portait une raie de côté, un pull cintré, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché.
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez : une cravate pailletée.

Mon fils est gai.
Il aime les posters de pompiers, les sauces sucrées salées, son moniteur d’athlé.
La vie. La poésie.
De celle qui fait vibrer, de celle qui fait trembler nos arrière-cours d’humanité.
Et notre routine désaxée en une danse opiacée.
Et le Grevisse contorsionné en petits avions de papier.
La vie. La poésie.

Mon fils est gay.
Il a appris que, dès le collège et au lycée,
le meneurs d’ombres, les suiveurs nombres adorent
traquer le petit gibier.
Les roux qui puent, les pauvres qui schlinguent, les grosses qui suintent et les baltringues.
Les fiottes sucées, les folles tentées, les p’tits pédés coquets, guidés, endimanchés.
C’est le swing des charniers :
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans se confier !
Jamais, jamais, jamais, jamais !
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans balancer !
Jamais, jamais, jamais, jamais !

Mon fils est gay.
Et ce matin, exténué,
malgré, malgré, malgré, malgré,
il n’a plus pu y retourner.
Et ce matin, dans le grenier,
perdu, pendu,
mon fils portait une raie de côté, une veste cintrée, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché,
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez,
comme une ultime volonté :
une cravate pailletée.
Une cravate pailletée qui je crois bien m’appartenait.

Une cravate pailletée très bien nouée, trop bien serrée,
autour du cou, entortillée.
Une cravate pailletée,
de celle qui fait vibrer,
de celle qui fait trembler
nos arrière-cours d’humanité. »

Lisette LOMBE, Brûler Brûler Brûler, L’Iconoclaste, Collection L’Iconopop, 2020

Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine (poésie)

Still standing

04 dimanche Avr 2021

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Carl Norac, Poète national, Poésie

Je reprends la poésie du dimanche pour vous proposer le sixième poème qu’a écrit Carl Norac en tant que Poète national (toutes les explications sont ici). Ce poème fait écho à toutes les préoccupations et les actions du monde de la culture en ce temps de pandémie : Still Standing for culture.

Bonne fête de Pâques à tous et à toutes !

Still standing

Sortant du train bondé,

de la fourmilière des gens

qui filent vers la mer pour emplir

la digue de souffles, de fleurs en papier

et soigner leurs fêlures,

il marche vers le théâtre

et entre dans la salle vide.

Aujourd’hui, il devait y confier ses chemins,

la simple égratignure du temps quand il devient lueur,

poème comme sable ou caillou, jamais cendre,

avec ces pointes d’ongles

que la paume adoucit vers le regard des autres.

Personne. Devant la porte scellée,

ces sièges rouges fermés comme des huîtres,

debout, il lit cependant. Pas pour lui-même.

Il envoie ses paroles aux quatre coins,

qu’elles fassent office de paysage, prennent place

pour les absents qui, peut-être,

se seraient laissés traverser.

À la dernière strophe, il hausse la voix,

avec fougue, comme si ses phrases

portaient juste un peu de poudre.

Qui sait ? La poésie parfois fait sauter les serrures.

Et c’est ce qu’il advient.

Par cet infime appel d’air vers la rue,

passantes et passants entrent lentement,

s’asseyent en forçant

les coquillages de velours rouge.

Plus rien ne bouge.

L’homme lui-même se tait un court instant

et ce premier silence, devant une assemblée,

ayant pour seule loi le bonheur

d’être rompu ensemble,

explose soudain tel un chant.

Ah comme il est bon de retrouver en soi

au moins un mot qui n’obéira pas.

 

Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine (poésie)

Bonne fête de Pâques !

12 dimanche Avr 2020

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Colette Nys-Masure, Poésie

Bonne fête de Pâques à tous et à toutes, même si cette année elle a une saveur très particulière. J’espère que vous avez l’occasion et le moyen d’être reliés à d’autres par la technologie.

Je me permets de remettre ici un poème que j’avais déjà proposé en avril 2017. Je suis « retombée dessus » en cherchant autre chose sur le blog et je le trouve vraiment et toujours d’actualité.

Je sais la mort, le vide, l’angoisse suante.
Je pourrais hurler au mal, à la nuit.
Crier le temps à l’œuvre en moi :
la lente corruption des sources,
la chair qui se défait
et le cœur qui s’effrite.
Les pans d’ombre dévorant le soleil
et la vie s’échappe et fuit par toutes les issues.
Les espoirs mort-nés,
les soifs mal étanchées.
Les folies douces et noires,
les suicides rêvés
et l’usure de l’être,
la solitude, le gel de l’âme,
les illusions fanées,
les amours avortées.

Je dis la beauté du monde toujours offerte,
là, sous mes doigts, sous mes yeux.
La joie pudique et la fête sans lendemain.
L’espérance apprise,
la sève obstinée,
la chanson patiente.
Les instants d’éternité et l’éternité entrevue.
L’aventure inouïe d’un réveil,
le jaillissement de la création
et l’invention de l’amour.
Le bonheur surpris et la mort apprivoisée.

Je ne maudirai pas les ténèbres,
je tiendrai haut la lampe.

Colette NYS-MASURE, La Vie à foison, éditions Foissart, 1975

Arbres du parc de mon école, que j’ai hâte de retrouver

Un espoir virulent

22 dimanche Mar 2020

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Carl Norac, Poésie

J’ai attrapé la poésie.

Je crois que j’ai serré la main

à une phrase qui s’éloignait déjà

ou à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.

J’ai dû embrasser les lèvres d’un hasard

qui ne s’était jamais retourné vers moi.

J’ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.

 

Voilà un moment que ce clair symptôme de jeter

les instants devant soi était devenu une chanson.

Ne plus être confiné dans un langage étudié,

s’emparer du mot libre, exister, résister

et prendre garde à ceux qui parlent d’un pays mort

alors que ce pays aujourd’hui nous regarde.

 

À présent, on m’interroge, c’était écrit :

« Votre langue maternelle ? »  Le souffle.

« Votre permis de séjour ? »  La parole.

« Vous avez chopé ça où ? »  Derrière votre miroir.

« C’est quoi alors votre dessein, étranger ? »

Que les mots soient au monde,

même quand le monde se tait.

 

J’ai attrapé la poésie.

Avec, sous les doigts, une légère fièvre,

je crève d’envie de vous la refiler,

comme ça, du bout des lèvres.

 

Carl NORAC, poète national en Belgique pour 2020 et 2021

Carl Norac a publié cette semaine sur le site Poète national ce deuxième texte, bien dans l’air du temps. En ce début de printemps, je vous souhaite un beau dimanche, envers et contre tout !

Fin de saison

27 dimanche Oct 2019

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Poésie

J’étais si attentif
que le soir s’éteignait sur les coupoles
et que les sons gelaient à mes côtés,
se changeant en colonnes spiralées.

J’étais si attentif
que le flottement ondoyant des odeurs
s’affaissait dans l’obscurité
et que je me sentais comme si
je n’avais pas éprouvé le froid, jamais.

Soudain
je me suis réveillé si lointain
et si étranger,
déambulant derrière mon visage,
comme si, du relief insensé de la lune,
j’avais revêtu mes sens.

J’étais si attentif
que
je ne t’ai pas reconnue, et il se pourrait
que tu viennes encore,

chaque heure, chaque seconde,
et que tu passes à travers mon attente d’autrefois
comme à travers le spectre d’un arc de triomphe.

Nichita STANESCU, (1933–1983), Une vision des sentiments, in Les non-mots et autres poèmes, traduit du roumain par Linda Maria Baros, Textuel, 2005

Poèmes de Norge

20 dimanche Oct 2019

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Geo Norge, Poésie

Cette semaine en Belgique francophone, du 16 au 20 octobre, on fête La Fureur de lire dans tous les lieux où aime lire et où on a envie de faire aimer la lecture. A cette occasion, chaque année, la Fédération Wallonie-Bruxelles édite des plaquettes de nouvelles et aussi de poèmes, et cette année une des plaquettes est consacrée au poète Geo Norge.

« Le poète Geo Norge, pseudonyme de Georges Mogin, (1898-1990) est un poète belge francophone. Son parcours poétique débute dans l’avant-garde mais il s’en détache et développe un style poétique souvent qualifié d’inclassable. Sa poésie se complaît dans de diverses formes: poèmes-récits longs, virelangues, micro-fables, vers réguliers et versets, entre autres. Derrière un langage poétique d’apparence simple, quasi enfantin, sa poésie pose des questions métaphysiques. De ce fait, ses poèmes oscillent entre le plus petit détail terrestre et la plus grande soif d’absolu. Ses poèmes sont chantés par Jeanne Moreau sur des musiques de Philippe Gérard. » (Source : Les voix de la poésie)

Voici donc deux poèmes de Norge.

Monsieur

Je vous dis de m’aider,
Monsieur est lourd.
Je vous dis de crier,
Monsieur est sourd.
Je vous dis d’expliquer,
Monsieur est bête.
Je vous dis d’embarquer,
Monsieur regrette.
Je vous dis de l’aimer,
Monsieur est vieux.
Je vous dis de prier,
Monsieur est Dieu.
Éteignez la lumière,
Monsieur s’endort.
Je vous dis de vous taire,
Monsieur est mort.

Famines, 1950

 

D’enfance

Dieu, qu’elle était belle
Nue à la chandelle,
Ma sœur !
Elle attendait son
Aimable garçon-
Brasseur.

Dieu, qu’elle était nue,
Rosement charnue,
Adèle,
Au moment hélas
Qu’elle soufflait la
Chandelle.

Ténèbres bien faites
Pour ces longues fêtes
Et pour
Ces luttes, ces rages,
Ces fleuves, ces nages,
D’amour !

Je n’ai su jamais
Comment ils s’aimaient,
Ô drames !
La vie et la mort
Faisaient un seul corps
En flammes.

Jamais plus au monde
Je n’écoute rien,
Rien comme
Ces cris de ma blonde
Sœur et du vaurien,
Son homme.

Derrière la porte,
Le ciel commençait,
Torride !
Mon âme, sois forte,
Tout, sauf  l’amour, c’est
Le vide.

Poèmes 1923-1988, Gallimard/Poésie

Quelques vers de Cyrano

13 dimanche Oct 2019

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, Poésie, théâtre

Dimanche dernier, je suis allée admirer Cyrano de Bergerac, mis en scène par Thierry Debroux au Théâtre royal du Parc à Bruxelles, avec Bernard Yerlès dans le rôle-titre. C’est la même production qui a enchanté les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville cet été. Voici donc quelques vers d’Edmond Rostand, la célèbre tiradu du nez.

Cyrano
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.

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"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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