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Archives de Tag: Stanké

Moi aussi j’aime les hommes

27 vendredi Nov 2020

Posted by anne7500 in Des mots du Québec, Non Fiction

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Alain Labonté, Simon Boulerice, Stanké

Quatrième de couverture :

Octobre 2015, Alain est assis dans son salon. À la télévision, des images défilent : un jeune homme, les yeux bandés et les mains liées, est amené au sommet de la plus haute tour d’une ville, puis poussé dans le vide. Parce qu’il est homosexuel. Habité par la colère et l’incompréhension, Alain écrit à la première personne à laquelle il pense : Simon. Celui-ci, dans les nuages entre Montréal et Baie-Comeau, lui répond.

C’est ainsi que s’amorcent entre les deux auteurs des échanges qui abordent leurs parcours, leurs aspirations, leur joie face aux avancées des droits LGBTQ ici, leurs réactions face aux horreurs perpétrées ailleurs, l’importance de la famille et de la création.

Un ouvrage désarmant de sincérité, où deux hommes se révèlent à travers leur perception de ce qui secoue notre monde.

Ce livre commence donc sur une sorte d’appel au secours d’Alain Labonté, qui découvre à la télévision les images d’un atroce assassinat homophobe perpétré par l’Etat Islamique et ouvre son coeur au premier ami auquel il pense, plus jeune que lui : Simon Boulerice, lui aussi homosexuel. Alain, la bonne cinquantaine, d’un tempérament calme et réfléchi, dirige une boîte de communication, Simon est auteur, notamment de théâtre et est amené à voyager un peu partout en francophonie pour donner des conférences, assister à la mise en scène de ses pièces, c’est un hyperactif boulimique de travail. Une correspondance démarre donc entre les deux hommes, qui deviendra un projet de livre, où ils se racontent leur enfance, leur jeunesse, la découverte de leur homosexualité, les réactions et le soutien de leur entourage, leur travail. Ils parlent aussi avec délicatesse de ceux et celles qui n’ont pas eu autant de chance qu’eux, qui ont subi violence et rejet à cause de leur orientation sexuelle. Ils évoquent (surtout Alain, qui en a été le témoin direct) les années sida ; avec lucidité, Alain prévoit l’arrivée d’autres virus dévastateurs pour l’humanité (avec Ebola et d’autres encore inconnus en 2015… il est visionnaire, Alain).

Alain, qui porte bien son nom de famille, et Simon sont tous deux bien dans leurs baskets, ils se connaissent bien et s’assument complètement, et c’est sans doute pour cela que leurs échanges paraissent si paisibles, si lumineux et si sensibles à la fois. Car le livre, qui s’est ouvert sur un acte terroriste, se termine aussi sur la violence avec l’attaque sanglante d’une boîte gay à Orlando aux Etats-Unis, en ayant passé par les attentats de Paris puisque cet échange épistolaire se déroule en 2015-2016. Et pourtant on ressort de cette lecture plein de la bienveillance (espérons-le) déployée par les auteurs.

« Je me suis toujours dit que dans les écoles on devrait t’enseigner la dignité et la joie de vivre et mettre la bio et la géographie en option.

N’ai-je pas le droit de rêver ? » (Page 83)

« Dans tes récentes lettres, tu parles aussi du « courage de tes vertiges ». C’est joliment dit, et c’est exactement ça, je trouve. Récemment, j’ai appris que j’avais tort de croire que le vertige c’est la peur des hauteurs. Ce n’est pas ça, c’est l’acrophobie. Le vertige, on peut le ressentir à même le sol, du moment que l’on est étourdi. Qu’on a le tournis. Et c’est précisément ce que donne la vie : le tournis. Rester debout, avec le tournis, c’est tout un projet. J’en connais qui préfèrent se mettre en boule, le temps que ça redevienne calme et plat. » (Page 99)

« Beaucoup de gens ont cessé d’avoir peur du sida. On a compris que cela ne s’attrapait pas en prenant une bouchée dans le carré aux dattes de son voisin ou en avalant une gorgée dans le même verre de bière. Les gens ont appris. Les gens en ont entendu parler.

Le sida a maintenant laisser les lumières de la scène à des maladies telles que l’Ebola. Et quand on aura trouvé un remède à cette fièvre hémorragique, je parie qu’une autre épidémie nous assaillira. » (Page 109 110)

J’adore l’humour de début et de fin de cette lettre :

« Depuis ma dernière lettre, j’ai atteint l’âge vénérable de 34 ans. Il n’y a plus rien de christique chez moi. (…)

Moi aussi j’aime les hommes. Et j’ai envie de répandre le plus possible la bonne nouvelle. » (Page 119 et 123)

Parmi de nombreuses références littéraires, clin d’oeil à « Kim Thuy, superbe entremetteuse de mon cœur. » (Page 135 136) 

« Depuis quelques années, je me dis que je n’ai pas à attendre que la vie me fasse de cadeaux puisque je reconnais que c’est la vie elle-même qui en est un. Depuis que j’avance avec cette vision, j’attends moins des autres. Aujourd’hui, c’est surtout de moi que j’attends le plus. J’espère qu’à chacun des jours qui passent la sagesse me gagnera de plus en plus pour m’amener à pardonner davantage, à accepter davantage et à aimer davantage. Je veux me coller à la beauté et la faire naître de tout ce qui est susceptible d’en donner.

Être là pour l’autre, c’est ce que je ferai tant que je le pourrai. » ( Page 144) 

« Te souviens-tu, Simon, vers la fin de mon livre Une âme et sa quincaillerie, je parle de mon usine à rêves dans laquelle je souhaite que le premier ministre Harper devienne un vague souvenir ? Mes souhaits ont été exaucés. Il semble que de nouvelles pages de l’histoire s’écrivent sous nos yeux. De belles pages. Ne cessons jamais de les partager. » (Page 174)

Simon BOULERICE et Alain LABONTE, Moi aussi j’aime les hommes, Stanké, 2017

Québec en novembre – Catégorie Les cow-boys fringants (un livre engagé) et Fracture du crâne (livre issu de la diversité)

 

Abattre la bête

04 mercredi Nov 2020

Posted by anne7500 in Des mots du Québec

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David Goudreault, Québec, Stanké

Quatrième de couverture :

« À la fin de ce récit, je vais me tuer. Et puis mourir. C’est ainsi. Toute bonne chose a une fin, mais moi aussi. »

Après les retentissants succès de La Bête à sa mère et La Bête et sa cage, David Goudreault conclut sa trilogie avec Abattre la bête ; des explosions d’amour et de violence pour une finale apocalyptique digne de ce nom.

Et voilà, David Goudreault met un point final à sa trilogie décalée, déjantée, et il s’impose comme une voix originale dans la littérature québécoise. Mon billet sera court car je n’ai pas grand-chose à dire de plus par rapport aux deux premiers de la série, La bête à sa mère et La bête et sa cage. Sauf que, cette fois-ci – et pourtant j’ai lu le tome 2 en février, il n’y a pas si longtemps – j’ai eu un peu de mal à me détendre, à retrouver le second degré (voire plus) qui est pourtant la marque de fabrique de David Goudreault. (Attention, si vous n’avez pas lu les autres, je spoile.) Après ses « débordements » en prison, la Bête (le narrateur) a été placée en hôpital psychiatrique et bien entendu, sa priorité est de s’évader, selon un plan particulièrement violent qu’il exécute à la perfection. Et son seul but dans la vie… évidemment, c’est de retrouver sa mère. Cette violence initiale va parcourir tout le roman, sous les yeux éberlués du lecteur (de la lectrice), et bien sûr, dès qu’on réussit à se mettre au second degré (au trente-sixième, carrément), on ne peut qu’admirer les références cinématographiques, Vol au-dessus d’un nid de coucous, par exemple, picturales (la Bête recrée L’origine du monde en découvrant le sexe de Maple), littéraires (il y a du Hemingway et du Yves Duteil – si, si). On ne peut que rire devant ce héros psychopathe et parfaitement benêt qui se « fond dans la masse » en se déguisant en punk, crête d’Iroquois rousse sur la tête et cible (!!!) tatouée sur le front. On ne peut que déguster la richesse et la variété de son style unique. J’imagine aussi que l’auteur met dans ce roman tout ce qu’il aime et tout ce qu’il veut dénoncer de Montréal et de son Québec.

Tout compte fait, il échappe à tout, notre narrateur – dont on découvre le prénom à la fin – quelle pirouette ! Et son final est carrément… christique. Bah oui, tant qu’à faire il mérite le meilleur.

Bravo, David Goudreault, bravo le Québec ! Et définitivement, j’adore l’expression québécoise « les bobettes » 😉

Plein de citations à déguster sur Babelio – et une mention spéciale à Axel Pérez de León pour les illustrations de couverture de la série. Celles-ci sont reprises sur l’édition de poche française, chez 10/18 (et elles sont bien plus belles – à mon goût – que l’édition de Philippe Rey).

David GOUDREAULT, Abattre la bête, Stanké, 2017

Québec en novembre avec Karine et Yueyin, catégories Nos joies répétitives (série) et Place de la République (un roman qui a traversé l’océan)

 

La bête et sa cage

28 vendredi Fév 2020

Posted by anne7500 in Des mots du Québec

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David Goudreault, Stanké

Quatrième de couverture:

« J’ai encore tué quelqu’un. Je suis un tueur en série. D’accord, deux cadavres, c’est une petite série, mais c’est une série quand même. Et je suis jeune. Qui sait jusqu’où les opportunités me mèneront ? L’occasion fait le larron, le meurtrier ou la pâtissière. C’est documenté. »

La prison brise les hommes, mais la cage excite les bêtes.

On retrouve le héros (toujours anonyme) de La bête à sa mère, en prison évidemment suite à ses « aventures » du premier tome. Il est dans une aile psychiatrique mais dans une prison normale. Les pensionnaires de cette « wing » sont appelés les coucous. Et évidemment, dans ce microcosme fermé, notre narrateur va continuer à se faire des films, à interpréter les messages et comportements des autres dans le sens de sa mégalomanie : il croit que son agente pénitentiaire référente est amoureuse de lui, il cherche à attirer l’attention du caïd de service – et y réussit… et je ne vous raconte évidemment pas l’effet boule de neige qui fait monter la sauce. Sur la vie en prison, David Goudreault, travailleur social et animateur d’ateliers d’écriutre, est vraiment bien « documenté » 😉

Encore une fois, j’ai lu partagée entre les yeux ronds et le fou rire (l’horreur aussi (attention risque de spoiler) : oh punaise, je n’ai pas vu venir le coup des tourterelles et pourtant j’étais prévenue depuis le premier tome) mais ce que j’ai encore plus apprécié dans ce deuxième opus, ce sont les jeux de mots, les à peu près, les figures de style, les innombrables références culturelles (je suis sûre d’en avoir loupé plusieurs, surtout les typiquement québécoises, mais ce n’est pas grave). Je vous en livre quelques-uns pêle-mêle, en attendant de lire le dernier titre de la trilogie qui s’appelle Abattre la bête, ça promet !

« Les tourterelles profitaient alors du pain ou du riz que je leur avais réservés. Elles s’approchaient de plus en plus de moi. Au bout de trois mois, certaines venaient même manger dans ma main. Javais des airs de saint François, un ornithologue catholique de renommée mondiale. » (p. 37)

« Je n’aime pas la poésie. Que ce soit long ou court, c’est toujours con et lourd. »

« Le grand jour était venu. Et c’était mon anniversaire en plus. Vingt-deux ans l’âge du Christ. Paraît qu’il est mort ultérieurement, mais il a dû faire quelque chose d’impressionnant à vingt-deux ans, lui aussi. C’était un prolifique,le petit Jésus. » (p. 149)

« Les mauvaises surprises s’entassaient comme des Tutsis au fond d’une fosse. » (p. 147) (Eh oui, il ose tout, David Goudreault…)

« If you can’t be them, beat them, aimait ruminer Watson Churchill, un politicien de l’Europe de l’Ouest. J’ai vu un documentaire sur lui à Canal D, entre deux enquêtes policières. Churchill a été fort utile pendant une guerre mondiale pour battre les skinheads et les nazis allemands. C’est Staline qui a fait le gros de la job, mais le petit chauve a habilement tiré son épingle du jeu. Le plus important, ce n’est pas tant d’être celui qui gagne la guerre que celui qui en profite le plus. Il ‘inspirait, Churchill. Staline aussi, mais autrement. J’aspirais à utiliser les stratégies du premier pour vivre dans l’opulence du second. » (p. 173)

David GOUDREAULT, La bête et sa cage, Stanké, 2016

La bête à sa mère

02 vendredi Nov 2018

Posted by anne7500 in Des mots du Québec

≈ 28 Commentaires

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David Goudreault, La bête à sa mère, Premier Roman, Stanké

Quatrième de couverture :

« Ma mère se suicidait souvent. Elle a commencé toute jeune, en amatrice. Très vite, maman a su obtenir la reconnaissance des psychiatres et les égards réservés aux grands malades. Pendant que je collectionnais des cartes de hockey, elle accumulait les diagnostics. »

Le drame familial d’un homme seul. Et des chats qui croisent sa route.

C’est Nadège (oui oui ma coloc du mois au Québec) qui m’a fait découvrir ce livre lors de la dernière Foire du livre à Bruxelles : un chat sur la couverture et des chats à l’intérieur, ça ne pouvait que m’attirer tout comme elle. Et puis j’ai entendu David Goudreault, en compagnie de Nicolas Dickner, Stéphane Larue et un quatrième dont j’ai oublié le nom, dans une rencontre du Festival America : quatre héros souffrant d’addictions diverses, quatre jeunes romanciers contemporains qui renouvellent vraiment le genre au Québec. Sachez aussi que David Goudreault est travailleur social mais aussi poète ; il anime des ateliers d’écriture dans des écoles et des prisons et il a remporté la Coupe du monde de slam à Paris. Lors du débat, parlant de son livre, il nous a prévenus : « la réalité dépasse la fiction ». Oufti, comme on dit à Liège (petite expression belge contre savoureux langage québécois) : je ne m’attendais pas à prendre pareille claque dans la figure !

La bête du titre, c’est le personnage principal qui nous raconte son histoire, dont nous ne connaîtrons jamais le nom : mère suicidaire, placé dans des familles d’accueil puis des centres fermés, très vite émancipé (à vrai dire pour se débarrasser de lui), il a appris sur le tas et est devenu un petit délinquant accro aux amphétamines et aux joints, au sexe (porno évidemment), masturbateur de compétition, avec un rapport… particulier aux animaux, entre autres exploits. Il ne manque pas de lettres (« c’est documenté »), il est sans cesse en train de chercher des coups (de plus en plus foireux) pour nourrir ses addictions (et se nourrir tout court) mais surtout il a gardé l’espoir de renouer avec sa mère. Il croit la retrouver à Sherbrooke, s’y installe, se fait engager à… la SPA et réfléchit à la meilleure manière d’approcher sa mère. « Les liens du sang sont plus forts que tout, c’est documenté. » (p. 71) De son point de vue personnel donc, nous assistons alors à ce qui est en réalité une descente aux enfers, alors qu’il se voit presque comme un bienfaiteur de l’humanité.

Il y a des pages de ce roman qui peuvent au minimum vous faire les yeux ronds, voire vous soulever de dégoût, et il me faut bien avouer que je me suis parfois demandé pourquoi je continuais à le lire. Mais comme je me souvenais de l’avertissement de l’auteur, je l’ai lu au trente-sixième degré, goûtant l’humour sans limite de David Goudreault et appréciant au passage la critique sociale que son personnage nous renvoie à la figure. Un personnage qu’on finit par trouver attachant, si si… Je suis curieuse de lire la suite c’est une trilogie), j’espère qu’elle monte en puissance.

« Je n’ai jamais aimé les familles d’accueil. Tout le monde disait croire en moi, mais personne ne croyait ce que je disais. Un paradoxe parmi tant d’autres. Évidemment, je mentais, mais tout le monde ment. Tout le temps. À soi, aux autres, au gouvernement et à je ne sais qui encore. Tout le monde le fait mais quand tu es pris en charge par l’État et que tu dépasses un certain quota, c’est cuit, on ne laisse plus rien passer. C’est un engrenage. Une menterie doit couvrir un mensonge qui couvrait une menterie, et finalement tu te retrouves avec une collection de couvertures, mais tu dors assez mal. De toute manière, même quand je disais la vérité, on ne m’écoutait pas. J’étais un malentendu. » (p. 19)

« Les diplômes, c’est juste bon à insuffler de l’estime aux sans-talent. C’est du bourrage de crâne aux frais du contribuable et puis c’est tout. Einstein n’a jamais fait de doctorat en relativité. Aucun grand auteur n’a étudié la littérature. Même les saints n’avaient pas de formation en théologie. Dans la vie, tu l’as ou tu l’as pas. Moi je l’ai. »

« Même le café goûtait le bonheur ce matin-là.Il est toujours meilleur dans un verre de carton. On n’a même pas à laver notre tasse, juste à savourer le café et à jeter le verre à la poubelle. Si, en plus, tu peux être assis dans un gros camion en fumant des cigarettes, c’est le rêve nord-américain. Et si tu es un homme et que tu es blanc, tu n’as plus qu’à rugir, c’est le rêve planétaire. » (p. 170)

« « Si la montagne ne vient pas à toi, va à la montagne » écrivait Laurence Darabie, une poétesse maghrébine. » (p. 181)

« Le soleil de midi est violent pour le peuple de l’ombre. Il faudrait noter cette réflexion, c’était un titre de recueil de poèmes, ça. Ca devrait être bien payant de publier de la poésie, c’est un genre noble. Ca devait aller chercher dans les six chiffres, un bon poète au Québec. Il devait aussi exister une grande fraternité entre les poètes, et plein de femmes qui veulent poser nues pour les inspirer. Oui, j’allais faire de la poésie, entre deux albums de rap. Avec les revenus des machines en plus, aucun doute, j’allais me faire des couilles en or et passer à l’histoire. Tant qu’à être au monde, autant le marquer. » (p. 208)

David GOUDREAULT, La bête à sa mère, Stanké, 2015

RDV Littérature contemporaine aujourd’hui

Matisiwin

28 mardi Nov 2017

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des mots du Québec

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Marie-Christine Bernard, Matisiwin, Premières Nations, Québec, Stanké

Quatrième de couverture :

« Et puis, ma belle nosim, ma petite-fille, ma Sarah, ma Mikonic, ma Petite-Plume, je te regarde avancer dans ce monde et le prendre à bras-le-corps, et je comprends que tu marches vers ce que nous serons. »

En langue atikamekw, moteskano désigne le chemin parcouru dans les traces des ancêtres. Pour le peuple des Nehirowisiw, c’est un retour vers soi-même pour renouer avec le corps et avec le cœur, la voie qu’empruntera Sarah-Mikonic Ottawa, décidée à faire le trajet à la dernière minute. On la suivra, mais on entendra plutôt la voix de sa kokom, sa grand-mère morte, racontant les histoires entrelacées de toute une lignée de femmes.

Ce roman explore tout de l’identité transmise de femme en femme. Sarah marchera, réfléchira et trébuchera, mais choisira elle-même l’aboutissement de son chemin, celui de matisiwin… vivre.

La quatrième de couverture brosse à grands traits l’ensemble du livre mais ce n’est pas grave. Limite, ce n’est pas un livre à rebondissements, au contraire il appartient à l’ordre de l’intime, d’une quête à la fois spirituelle et universelle. Suivre le parcours chaotique de Sarah-Mikonic, personnage emblématique du désespoir et de la résilience des jeunes Amérndiens aujourd’hui , découvrir l’histoire de son père, emblème de l’atroce période des pensionnats de missionnaires qui ont arraché les enfants indiens à leurs parents pour les « civiliser » de force, écouter la voix de sa grand-mère qui, du haut des grands arbres où elle repose désormais, lui rappelle la vie originale, originelle de son peuple, c’est rencontrer un peuple particulier (les Atikamekw en l’occurrence) mais aussi se laisser interroger sur notre propre rapport à la nature, à la Terre, à la consommation, au temps qui passe, au vivre ensemble, au respect de la différence. 

En lisant Matisiwin, le dernier roman publié de Marie-Christine Bernard, j’ai éprouvé des sentiments mêlés : l’horreur, le dégoût, la tristesse mais aussi une grande sérénité grâce à la voix de la grand-mère, la kokom, qui rappelle avec infiniment de bienveillance la voix des Anciens, la vie, la langue, les coutumes du peuple atikamekw. La langue de la romancière est belle, fluide, très évocatrice, notamment par l’emploi du « tu » qui nous plonge plus directement dans ce mode de vie ancestral.

Le seul petit bémol serait peut-être que, à vouloir – comme elle l’explique en fin d’ouvrage – rendre hommage au peuple atikamekw, Marie-Christine Bernard rend celui-ci parfaitement idyllique – un peu trop peut-être ? En même temps, cette lecture m’a fait penser aux écrits de la poétesse innue Joséphine Bacon, aux romans de Naomi Fontaine et de Lucie Lachapelle (et j’ai hâte de lire ceux de Michel Jean sur le sujet) et je ne peux que me réjouir que l’histoire et la place des Premières Nations soient ainsi mises à l’honneur dans la littérature du Canada et du Québec.

« Moteskano, le Chemin tracé par les pas des Ancêtres. C’est ainsi qu’on a nommé le chemin que tu es en train de suivre, Nosim, parce qu’on a voulu rappeler à ceux qui l’accomplissent que, où qu’ils aillent dans le Nitaskinan, ils marchent dans les pas de leurs ancêtres. Moteskano. Il sera là pour tes filles, et pour les filles de tes filles, ce petit sentier large comme un pied de femme, où nous avons marché toutes, comme dans une round dance infinie, nous tenant par la main depuis toujours. Tu vois bien que le temps ne se mesure pas, puisqu’il ne finit ni ne commence nulle part. » (p. 34)

Marie-Christine BERNARD, Matisiwin, Stanké, 2015

Ma coloc Nadège a parlé de ce roman ici même, il y a un an, je vous invite à aller lire sa chronique et les très beaux extraits qu’elle cite.

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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