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Archives de Tag: Wilfred Owen

Wilfred Owen 4 novembre 1918

04 dimanche Nov 2018

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Première guerre mondiale, Wilfred Owen

Le poète anglais Wilfred Owen, que j’ai déjà largement évoqué sur ce blog, est mort le 4 novembre 1918, sur le canal de la Sambre à Ors, non loin du Cateau-Cambresis. Je reprends ici une présentation que j’avais faite en 2010 :

Wilfred Edward Salter Owen est né en 1893, dans une famille de petits bourgeois, dont il gardera un fort attachement à sa mère, l’aspiration à une situation plus élevée et un certain dandysme. Il s’est enthousiasmé très jeune pour la poésie et n’a cessé d’écrire. Il est arrivé en 1913 à Bordeaux, où il a enseigné l’anglais à l’école Berlitz. La guerre éclate alors qu’il est en France; il rentre en Angleterre en 1915, s’engage aux Artists’s Rifles, puis au régiment de Manchester et rejoint le front de la Somme en 1917. Gravement blessé il est rapatrié en Angleterre, et rencontre Siegfried Sassoon, lui aussi officier et héros décoré, qui vient de signer une déclaration pacifiste. Sassoon encourage Owen à utiliser son expérience dans ses écrits. C’est cela qui va faire réellement éclore la voix et le talent poétique de Wilfred.

Alors qu’il pourrait très bien se faire réformer, le jeune lieutenant repart au front, continue à écrire à sa famille. Il meurt à Ors, dans le Nord de la France, lors du franchissement du canal de la Sambre, le …4 novembre 1918. Il n’aura publié que 4 poèmes de son vivant, dans la presse nationale, mais ses amis, son frère rassembleront ses textes qui seront édités pour la première fois en 1920. Neuf d’entre eux ont été utilisés par le compositeur Benjamin Britten dans son War Requiem. On peut aussi lire, avec ceux de Sassoon, quelques-uns de ses vers au Flanders field, très beau musée interactif sur la 1e guerre mondiale en territoire flamand.

La tombe de Wilfred Owen au cimetière d’Ors

ilfred Owen parlait ainsi de ses poèmes en 1918 :

« Ce livre ne parle pas de héros. La poésie anglaise n’est pas encore de taille à parler d’eux.

   Il ne traite pas davantage d’exploits ou de patries, ni de quoi que ce soit concernant gloire, honneur, puissance, majesté, domination, pouvoir – sauf la Guerre.

   Surtout, la Poésie n’est pas mon souci.

   Mon sujet, c’est la Guerre, et le malheur de la Guerre.

   La Poésie est dans la compassion.

   Cependant, pour cette génération, ces élégies n’ont rien de consolatoire. Elles pourraient l’être pour la suivante. Aujourd’hui, tout ce qu’un poète peut faire, c’est avertir. C’est pourquoi les vrais poètes doivent demeurer fidèles à la vérité. »

 

Voici deux de ses poèmes :

Hymne à la jeunesse condamnée

Quel glas pour ceux-là qui meurent comme du bétail ?

– Seule la monstrueuse colère des canons.

Seuls les crépitements rapides des fusils

Peuvent encore marmotter leurs hâtives oraisons.

Plus de singeries pour eux, de prières ni de cloches,

Aucune voix de deuil sinon les choeurs –

Les choeurs aigus, déments des obus qui pleurent,

Et les bugles qui les appellent du fond de comtés tristes.

Quels cierges portera-t-on pour leur dernier voyage ?

Les mains des gosses resteront vides, mais dans leurs yeux

Brûlera la flamme sacrée des au revoir.

Le front pâle des filles sera leur linceul,

Leurs fleurs la tendresse d’âmes patientes

Et chaque lent crépuscule, un volet qui se ferme.

 

Sur une plaque d’identité

Si jamais j’avais un jour rêvé voir mon nom mort

Haut perché au coeur de Londres, à l’épreuve

Définitive du temps, la fugitive renommée

Ayant choisi d’y chercher enfin long asile –

Autant pour moi. Et j’évoque avec honte

Ce vieux désir : dérober ce nom aux ardeurs de la vie

Sous les cyprès sacrés qui baignent de leur ombre

La tombe de John Keats.

Aujourd’hui, je remercie Dieu : aucun risque

De voir ce nom gravé nulle part en formules fleuries.

J’aime mieux ma mort notée sur cette plaque.

Porte-la, cher ami. N’inscris ni date ni haut fait.

Mais que le battement de mon coeur l’embrasse nuit et jour

Jusqu’à ce que le nom se brouille puis s’efface.

Wilfred OWEN, Et chaque lent crépuscule… Poèmes et lettres de guerre (1916-1918), traduits par Xavier Hanotte, Le Castor astral, 2003

Wilfred Owen et Siegried Sassoon, lui aussi poète et soldat – En fond, l’original du poème Hymne à une jeunesse sacrifiée 

 

Les notes du jeudi : Guerre et paix (3) Benjamin Britten

20 jeudi Nov 2014

Posted by anne7500 in Des Notes de Musique

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Benjamin Britten, War Requiem, Wilfred Owen

Voici aujourd’hui un extrait du War Requiem de Benjamin Britten. Celui-ci est une oeuvre non liturgique créée en 1962 pour célébrer la reconsécration de la cathédrale de Coventry, ville détruite par les bombardements allemands en novembre 1940. Mais pour cette mémoire liée à la Seconde guerre mondiale, Britten a utilisé les poèmes d’un héros de la Première guerre, Wilfred Owen, un poète qui, bien que pacifiste, a continué à servir son pays et est mort le 4 novembre 1918.

Voici (en trois vidéos) une des dernières parties du War Requiem, le Libera me, avec le poème Strange meeting que je vous ai déjà présenté ici. Le Bach Choir, le Highgate School Choir, le London Sympony Chorus et le London Symphony Orchestra sont placés sous la direction de Benjamin Britten lui-même. Les solistes sont Galina Vishnevskaya (soprano), Peter Pears (ténor), Dietrich Fischer-Dieskau (baryton).

 

Régénération

18 mardi Nov 2014

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Non classé

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14-18, Actes Sud, Pat Barker, Régénération, Siegfried Sassoon, Wilfred Owen

Présentation de l’éditeur :

Derrière les façades massives de l’hôpital militaire de Craiglockhart, le docteur Rivers a pour mission de soigner, pour les renvoyer au combat, les officiers britanniques revenus, corps blessé et raison ébranlée, des champs de bataille de la Grande Guerre. Parmi les patients se trouve le poète Siegfried Sassoon, auquel ses déclarations pacifistes ont valu d’être « banni » en ce lieu par les autorités militaires malgré sa conduite héroïque au front.
Nuit et jour, de cauchemars en hallucinations, les rescapés de la boucherie, devenus étrangers à eux-mêmes, poursuivent dans leurs chambres d’hôpital leur voyage au bout de la souffrance et de l’horreur. Ces hommes détruits que Rivers et Siegfried Sassoon accueillent chacun à sa manière, avant de prononcer, en leur nom, la condamnation de toute guerre, forment le chœur de l’éternelle et universelle tragédie dont ce roman de Pat Barker offre une illustration romanesque sensible et exigeante.

J’ai lu ce roman, partagée entre intérêt, passion et émotion.

Passion parce que, bien sûr, le cadre, c’est la guerre 14-18 et plus particulièrement l’année 1917, celle où les armées commencent à se révolter contre des généraux et des hommes au pouvoir qui pourraient faire cesser la guerre mais n’ont ni le courage ni la volonté d’entamer des négociations de paix. Le livre commence sur l’appel pacifiste du poète Siegfried Sassoon, qu’un ami officier a fait hospitaliser à Craiglockart, où il pourrait être déclaré inapte au service par le docteur Rivers, en raison d’une santé mentale chancelante, et éviter ainsi la cour martiale. Car on le sait, dans l’armée à l’époque, être contre la guerre, c’était passer en cour martiale. Et être vraisemblablement condamné à mort pour l’exemple.

Intérêt aussi parce que le roman met largement en scène ces soldats aux blessures mentales, psychiques, qui les handicapent lourdement et les couvrent de honte : paralysies, tics, tremblements, cauchemars, bégaiement, aphasie… autant de signes de ces névroses de guerre que les psychiatres tentent de traiter, le but premier étant de renvoyer ces soldats et ces officiers au front. Eh oui, la chair à canon ne peut faire défaut.

Et c’est vraiment intéressant de suivre la relation thérapeutique qui se noue entre le docteur Rivers et ses patients, l’approche humaniste qu’il a envers ses malades. Des hommes qui ne comprennent pas toujours le traumatisme qui les a rendus si fragiles, qui tentent désespérément de le refouler et dont le corps parle de façon criante. Quand, à la fin du livre, on assiste à une séance de « soins » du docteur Yealland, on est révulsé devant sa conception du travail psychiatrique.

Face à Siegried Sassoon (que sa mère a prénommé ainsi par amour pour Wagner !), Rivers, lui-même au bord du burn out, se trouve un peu démuni : le poète refuse de jouer le jeu de la folie mais se rebelle un peu face au médecin. Les deux hommes vont évoluer l’un grâce à l’autre, la relation ne sera pas exempte d’ambiguïté, d’ambivalence et ce face à face donne vraiment de l’épaisseur à ce roman.

L’émotion est venue de ce qu’un des personnages du roman, lui aussi envoyé pour trois mois de repos et de soins à Craiglockart n’est autre que Wilfred Owen, grand admirateur de Sassoon qui va l’aider, lors de ce séjour, à trouver sa voix de poète. Les deux écrivains vont voir leur écriture évoluer, s’améliorer durant ces quelques semaines, et tous deux retourneront en France. (On sait que Siegried Sassoon survivra à la guerre, tandis que Wilfred Owen sera tué une semaine avant l’armistice.)

Vous l’aurez compris, le grand intérêt de ce roman est son côté très bien documenté : les médecins Rivers et Yealland ont vraiment existé et ont publié sur leurs observations et leurs soins des névroses post-traumatiques, et les deux poètes sont bien sûr tout à fait authentiques, de même que l’évolution de leur plume. Quant aux personnages secondaires, comme les soldats Burns et Prior ou la jeune Sarah qui a choisi de travailler à la fabrication des munitions de guerre, ils sont traités avec beaucoup de soin et de respect par Pat Barker, qui brosse ainsi un tableau instructif de ce qui se passait « à l’arrière », en Grande-Bretagne (Craiglockart est en Ecosse). Elle n’oublie pas une petite pointe bienvenue d’humour anglais parfois et j’espère vraiment que ses deux autres romans (car il s’agit, paraît-il, d’une trilogie) seront un jour traduits en français.

J’ai encore trouvé une perle sur (ou plutôt contre) les Belges :

« Une voix de mégère s’éleva du fond de la maison.

– Ma logeuse, dit Sarah en réapparaissant. Une Belge, elle a épousé un Ecossais, le pauvre crétin. J’pense pas qu’il savait quel lot il avait décroché. Enfin, elle me fait payer un shilling pour la lessive et, quand on sait que les draps sortent du lit jaune vif, faut pas se plaindre. » (p. 171)

« Cependant un rétablissement n’était pas impossible. Rivers savait trop bien que les premiers stades de la guérison avaient souvent l’allure d’une détérioration. Ouvrez une chrysalide et vous apercevrez une chenille en train de pourrir. Mais jamais vous ne trouverez cette créature mythique, mi-chenille, mi-papillon, digne emblème de l’âme humaine, pour ceux dont la tournure d’esprit les pousse à chercher de tels emblèmes. Non, le processus de transformation est par essence presque exclusivement un processus de décomposition. Après tout, Burns était jeune. Si aujourd’hui marquait un véritable changement, une volonté de se confronter à ce qu’il avait vécu en France, alors son état s’améliorerait peut-être. On pouvait même imaginer qu’il reprenne ses études dans quelques années, pourquoi pas en cultivant cet intérêt inattendu pour la théologie. Cependant, on le voyait mal à l’université, au milieu d’étudiants de première année. Il avait raté l’occasion d’être ordinaire. » (p. 244)

Pat BARKER, Régénération, traduit de l’anglais par Jocelyne Gourand, Actes Sud, 1995

L’avis de Sandrine, que je remercie infiniment pour le prêt de ce roman, qui est désormais complètement épuisé, hélas ! Sandrine cite d’autres passages plus sérieux dans son billet.

Je publie ce billet aujourd’hui, alors que je vais visiter avec une de mes classes la très belle expo « J’avais 20 ans en 1914 » à Liège-Guillemins.

Poppy Thiepval

logo Challenge littérature anglaise

Etrange rencontre

11 dimanche Nov 2012

Posted by anne7500 in Des Mots britanniques, Des Mots en Poésie

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Première guerre mondiale, Thiepval Memorial, Wilfred Owen, Xavier Hanotte

En ce 11 novembre, vous ne serez sans doute pas étonnés que je vous propose un poème de Wilfred Owen traduit par Xavier Hanotte. Je suis un peu paresseuse, je ne reproduis que la dernière strophe en anglais, à la fin. Ce poème a été utilisé par Benjamin Britten dans son War Requiem. Il a très certainement influencé son traducteur dans un de ses propres romans, Derrière la colline, et particulièrement la scène « fantastique » après la bataille du 1e juillet 1916 dans la Somme. Les photos sont (encore, aussi) des vues du Mémorial de Thiepval (cadre du roman).

Etrange rencontre / Strange meeting

Il m’a semblé que j’échappais à la bataille

Par quelque tunnel profond et sombre, creusé depuis longtemps

Dans des granits qu’avaient voûtés des guerres titanesques.

 

Mais là aussi, couchés en tas, des dormeurs grognaient

Trop enfoncés dans leurs pensées ou leur mort pour s’émouvoir.

Alors, tandis que je tâtonnais, l’un d’eux bondit et me lança

Un regard fixe où se lisaient reconnaissance et pitié

Et dans ses mains, levées comme pour bénir, la détresse.

A son sourire, je reconnus ce lugubre séjour –

A son sourire mort, je sus qu’ici était l’Enfer.

 

Mille souffrances dardaient la face de cette apparition,

Mais aucune goutte de sang ne coulait plus ici,

Aucun canon ne cognait, ni ne faisait gémir aucun conduit.

« Etrange ami, dis-je, pour quelle raison te lamentes-tu ?

– Aucune, dit l’autre, sauf les années perdues,

Le désespoir. Quelle que puisse être ton espérance,

Ma vie en était faite aussi. Je chassais gaiement

La plus sauvage beauté du monde

Loin des yeux calmes et des cheveux tressés,

Celle qui méprise le cours régulier des heures

Et quand elle pleure, c’est avec plus de faste qu’ici.

Car par ma joie beaucoup d’hommes auraient ri.

Et de mes sanglots quelque chose est resté,

Qui doit mourir à présent. J’entends la vérité celée,

L’horreur de la guerre, l’horreur qu’elle distille.

Maintenant les hommes se satisferont de notre gâchis

Ou, mécontents, laisseront parler le sang et sront répandus.

Ils seront vifs comme la tigresse.

Aucun ne rompra les rangs, les nations fuiraient-elles le progrès.

J’avais le courage et j’avais le mystère,

J’avais la sagesse et j’avais la maîtrise :

J’aurai manqué le départ en ce monde en retraite

Pour de vaines citadelles auxquelles manquent les murs.

Alors, beaucoup de sang ayant bloqué les roues de leurs chariots,

Je me serais levé, je les aurais lavées à l’eau douce des puits,

A coups de vérités trop profondes pour qu’on les souille.

J’aurais versé mon âme sans hésiter,

Mais pas par mes blessures, pas sur le fumier de la guerre.

Les fronts des hommes ont saigné sans plaies.

 

Je suis l’ennemi que tu as tué, mon ami.

Je t’ai reconnu dans cette obscurité : car ton regard fut pareil

Hier quand tu me perças, me tuas.

Je parai, mais mes mains étaient lasses et froides.

Dormons, maintenant… »

« I am the enemy you killed, my friend.

I knew you in this dark : for so you frowned

Yesterday through me as you jabbed and killed.

I parried : but my hands were loath and cold.

Let us sleep now… »

Wilfred OWEN, Et chaque lent crépuscule, Poèmes et lettres de guerre traduits par Xavier Hanotte, Le Castor astral, 2001

La nuit d’Ors

21 samedi Juil 2012

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Wilfred Owen, Xavier Hanotte

Quatrième de couverture :

Ors (Nord), 3 novembre 1918. Offensive finale. La nuit est tombée sur le Bois-l’Évêque. Quelques sapeurs achèvent de construire les passerelles qui, dès le petit matin, doivent permettre aux troupes britanniques de franchir le canal de la Sambre à l’Oise sous le feu de l’ennemi. La guerre touche à son terme. Qui sera le dernier à mourir ? C’est dans cette ambiance tendue, étrange que débarque un personnage encore plus étrange… Sans doute, le sapeur Smith ne sait pas tout, mais il en sait beaucoup. D’où lui vient donc la prescience dont il fait preuve, cette faculté qu’il a de deviner les pensées secrètes de ses nouveaux camarades et de leurs officiers ? Le sapeur Smith, c’est sûr, a une mission. Mais laquelle ? La première consiste à retrouver le lieutenant Wilfred Owen et à faire avec lui, l’air de rien, plus ample connaissance. Bien sûr, Smith a déjà lu l’œuvre de ce poète encore inconnu de tous… D’ailleurs, les poètes, Smith, ça le connaît ! Combien, et de célèbres, n’en a-t-il pas déjà « fait passer », comme il dit, puisque c’est son métier ? Peu à peu, entre l’officier-poète et l’homme qui n’en est peut-être pas un, se noue l’étonnante complicité d’une dernière nuit terrestre, placée sous le signe des grandes questions et des réponses qui se dérobent…

Et voilà le deuxième texte belge que je vous propose en ce 21 juillet de fête nationale. Celui-ci, c’est pour le plaisir, c’est un petit livre doudou sur lequel je me suis jetée quand je l’ai découvert chez mes libraires il y a quelques semaines. Un livre doudou puisqu’il s’agit d’un texte de Xavier Hanotte, mon écrivain belge préféré, et un texte sur Wilfred Owen, ce poète anglais mort une semaine avant la fin de la guerre 14-18 en franchissant le canal de la Sambre à Ors, un petit village français entre Landrecies et Le Cateau-Cambresis.

J’ai laissé la quatrième de couverture en entier, elle en dit long certes mais je crois que Xavier Hanotte a écrit cette mini-pièce de théâtre en trois tableaux pour mettre en valeur les lieux où le poète est tombé, et particulièrement la maison forestière du Pommereuil où il a passé sa dernière nuit, en compagnie de ses frères d’armes ; cette nuit-là, il a écrit sa dernière lettre à sa mère, lettre qui n’arrivera à Shresbury qu’après sa mort, alors que les cloches anglaises sonnent la fin de la guerre.

Le sapeur Smith est en réalité un passeur, qui accompagnera le moment venu le lieutenant Owen vers on ne sait quel au-delà… Et comme les passeurs ne sont pas des « anges » dénués de sentiments, celui-ci fait connaissance avec le jeune lieutenant, ils parlent poésie, guerre, solitude et promiscuité des soldats, tandis que passent sur la scène deux officiers typiques des portraits déjà tracés par Xavier Hanotte dans d’autres romans : le major Waters, homme simple venu du civil, soucieux du meilleur bien-être possible pour ses hommes, et le lieutenant-colonel Marshall, vieux routard scrogneugneu, ont paraît-il réellement existé, tout comme Wilfred Owen.

« S’il n’y a plus de beauté en ce bas monde, la poésie peut encore témoigner, dénoncer. » (p. 48) « Voyez, la nuit est belle. Elle voile toutes les horreurs mais elle ne les nie pas… (…) La poésie ressemble peut-être à cette nuit ? Une façon de fermer les yeux pour mieux voir ? De laisser venir à soi les rêves et les cauchemars ? » (p. 49)

On le devine, écrire cette pièce a été une façon nouvelle pour Xavier Hanotte, traducteur de Wilfred Owen, de rendre hommage au poète à la voix singulière, trop tôt emporté par la guerre. Une manière de célébrer sa poésie, de lui offrir un nouveau lieu de mémoire vivante, et surtout de rejoindre par-delà les années l’homme qui est certainement devenu pour lui un vieil ami, avec qui, j’en suis sûre, il parle à bâtons rompus, comme le sapeur Smith et le lieutenant Owen…

Un petit ouvrage qui n’apporte sans doute rien de neuf dans l’oeuvre de Xavier Hanotte mais qui est très touchant

En même temps que ce texte est aussi parue une édition revue et augmentée des poèmes de Wilfred Owen, Et chaque lent crépuscule, également au Castor astral.

Xavier HANOTTE, La nuit d’Ors, Le Castor astral, 2012

Quand aura retenti l’éclair à l’orient,

La bruyante fanfare des nuages, le Trône du Chariot,

Quand auront roulé puis cessé les tambours du temps

Et que l’occident de bronze aura sonné la longue retraite,

La vie renaîtra-t-elle dans ces corps-là ? En vérité,

Frappera-t-elle toute mort de nullité, apaisera-t-elle toutes les larmes ?

Où emplira-t-elle ces veines vides d’une nouvelle jeunesse ?

Lavera-t-elle l’âge d’une eau immortelle ?

Quand je demande au vieux père Temps, il dit que non :

« Ma tête ploie sous la neige. »

Et quand j’écoute la Terre, elle dit :

« Mon coeur de feu s’éteint dans la douleur. C’est la mort.

Mes vieilles cicatrices resteront sans gloire

Et mes larmes titanesques, les mers, rien ne les sèchera. »

 

Jour 6 : Un livre qui vous a rendu triste

07 vendredi Jan 2011

Posted by anne7500 in La vie des mots et des notes

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Wilfred Owen, Xavier Hanotte

Je progresse dans cette revue de lectures, de bibliothèque, et ce n’est pas toujours évident de se rappeler tout, de trouver LA réponse qu’on souhaite la plus juste, la plus vraie, la plus proche de soi. Je prends le mot « triste » pour « un livre qui vous fait pleurer » et j’en choisis un dont je me souviens bien (il aurait pu être dans les livres relus aussi). Et c’est l’occasion de parler de mon chouchou, et d’un Belge, d’une pierre deux coups. Il s’agit de

Derrière la colline de Xavier Hanotte : « Dans un coin perdu de Picardie, non loin de croix de bois, un homme se souvient. Ses années de jeune professeur londonien, ses premiers succès de poète et d’écrivain. Un chagrin d’amour, brutal, inguérissable. La rencontre avec Wiliam Salter, son compatriote jardinier, auprès de qui il décide de rejoindre les troupes britanniques engagées dans la bataille de la Somme. A cet instant, peu lui importe de vivre ou de mourir. Mais dans la boucherie sanglante des tranchées, le destin lui offre une solution inattendue. » (4e de couverture de l’édtion poche, apparemment épuisée)

Xavier Hanotte est un de mes écrivains préférés, Derrière la colline est dans mon top 3 des livres préférés, c’est le premier que j’ai découvert de cet auteur. Il me tombe souvent dans les mains, au hasard des recherches dans ma bibliothèque, à chaque fois je l’ouvre, j’en lis un bout au début ou à la fin et à chaque fois… je pleure ! (à tout le moins je suis très émue) A cause de cette écriture tout en retenue et en émotion, qui sait se faire lyrique, qui sait briser le coeur du lecteur comme celui de son héros est déçu à jamais par sa Béatrice. A cause de ces thèmes de la guerre dans les tranchées, de l’identité, de la mort, de la poésie.

Les sites de la bataille de la Somme (avec l’assaut sanglant du 1e juillet 1916) dont il est question dans ce livre, ce n’est pas très loin de chez moi. Je suis allée visiter ces lieux de mémoire, j’ai vu « le Monstre » dont parle le héros, c’est le mémorial de Thiepval, j’ai vu le petit cimetière britannique d’Authuille, les trous d’obus de Beaumont-Hamel… C’est un petit coin de Picardie très vert, les traces blanches des croix du Commonwealth paraissent bien légères à côté du « Monstre » où sont gravés les noms de milliers de soldats disparus dans ces combats. Et j’aime ces lieux de mémoire, je suis touchée par la nostalgie et le calme qui règne là. Sans doute l’émotion provoquée par le livre est-elle liée à ces sentiments.

Dans Derrière la colline, Xavier Hanotte réussit à mettre en scène le vrai Wilfred Owen, dont il a traduit les vers. Et c’est touchant aussi de lire les passions de l’auteur.

Le livre est dédié à « Paul-L. Hanotte, honnête homme et meilleur ami. Papa, autrement dit. » Et c’est beau. Cela me permet de souligner que je ne pleure pas à cause de la guerre (groze malheur) mais à cause de la beauté du livre, du sujet, de l’écriture et de la douleur de cet homme qui n’a pas trouvé d’autre solution pour exister un peu, enfin, pour être libre.

Xavier HANOTTE, Derrière la colline, Belfond / Pocket, 2000

P.S. Lystig, si tu passes par ici : certes on peut abréger WilliamSalter en Bill, mais ce n’est pas le même que celui de Boule !!

Quelques vers de Wilfred Owen

20 vendredi Août 2010

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Wilfred Owen

Comme je baigne encore dans l’émotion suscitée par Le couteau de Jenufa, voici quelques vers de Wilfred Owen, « choisis et traduits par Bathélémy Dussert, avec la collaboration de Xavier Hanotte » (allez lire  Le couteau de Jenufa, de Xavier Hanotte  pour saisir le clin d’oeil). On peut me juger un peu dingue d’avoir des passions pareilles, certains crieront au morbide… Je n’aime pas la guerre mais je suis touchée par le côté humain de ce conflit, le devoir de mémoire ne doit pas se confondre avec le goût de la mort, et puis… chacun ses passions, isn’it ? D’ailleurs, si vous avez le courage de lire ce billet jusqu’au bout, vous lirez chez Wilfred lui-même une explication bien plus convaincante.

Je ne résiste pas au plaisir de les noter d’abord en anglais. Je ne connais pas assez bien l’anglais, mais les « anglomanes » apprécieront le rythme et les sonorités originales.

What passing-bells for these who die as cattle ?

          – Only the monstruous anger of the guns.

          Only the stuttering rifles’ rapid rattle

Can patter out their hasty orisons.

No mockeries now for them ; no prayers nor bells ;

          Nor any voice of mourning save the choirs, –

The shrill, demented choirs of wailing shells ;

          And bugles calling for them from sad shires.

 

What candles may be held to speed them all ?

          Not in the hands of boys, but in their eyes

Shall shine the holy glimmers of good-byes.

          The pallor of girls’ brows shall be their pall ;

Their flowers the tenderness of patient minds,

And each slow dusk a drawing-down of blinds.

Et voici la traduction – parfois libre, mais qui ne manque pas de rythme non plus – de monsieur Dussert…

Quel glas pour ceux-là qui meurent comme du bétail ?

          – Seule la monstrueuse colère des canons.

          Seuls les crépitements rapides des fusils

Peuvent encore marmotter leurs hâtives oraisons.

Plus de singeries pour eux, de prières ni de cloches,

          Aucune voix de deuil sinon les choeurs –

Les choeurs aigus, déments des obus qui pleurent,

Et les bugles qui les appellent du fond de comtés tristes.

Quels cierges portera-t-on pour leur dernier voyage ?

          Les mains des gosses resteront vides, mais dans leurs yeux

Brûlera la flamme sacrée des au revoir.

          Le front pâle des filles sera leur linceul,

Leurs fleurs la tendresse d’âmes patientes

Et chaque lent crépuscule, un volet qui se ferme.

Pour situer ce poète, Wilfred Edward Salter Owen est né en 1893, dans une famille de petits bourgeois, dont il gardera un fort attachement à sa mère, l’aspiration à une situation plus élevée et un certain dandysme. Il s’est enthousiasmé très jeune pour la poésie et n’a cessé d’écrire. Il est arrivé en 1913 à Bordeaux, où il a enseigné l’anglais à l’école Berlitz. La guerre éclate alors qu’il est en France; il rentre en Angleterre en 1915, s’engage aux Artists’s Rifles, puis au régiment de Manchester et rejoint le front de la Somme en 1917. Gravement blessé il est rapatrié en Angleterre, et rencontre Siegfried Sassoon, lui aussi officier et héros décoré, qui vient de signer une déclaration pacifiste. Sassoon encourage Owen à utiliser son expérience dans ses écrits. C’est cela qui va faire réellement éclore la voix et le talent poétique de Wilfred.

Alors qu’il pourrait très bien se faire réformer, le jeune lieutenant repart au front, continue à écrire à sa famille. Il meurt à Ors, dans le Nord de la France, lors du franchissement du canal de la Sambre, le …4 novembre 1918. Il n’aura publié que 4 poèmes de son vivant, dans la presse nationale, mais ses amis, son frère rassembleront ses textes qui seront édités pour la première fois en 1920. Neuf d’entre eux ont été utilisés par le compositeur Benjamin Britten dans son War Requiem. On peut aussi lire, avec ceux de Sassoon, quelques-uns de ses vers au Flanders field, très beau musée interactif sur la 1e guerre mondiale en territoire flamand.

Et pour finir, voici comment Wilfred lui-même présente ses poèmes. De quoi alimenter mon goût pour la poésie en général, pour l’humanité du poète et faire encore un peu résonner sa voix :

   « Ce livre ne parle pas de héros. La poésie anglaise n’est pas encore de taille à parler d’eux.

   Il ne traite pas davantage d’exploits ou de patries, ni de quoi que ce soit concernant gloire, honneur, puissance, majesté, domination, pouvoir – sauf la Guerre.

   Surtout, la Poésie n’est pas mon souci.

   Mon sujet, c’est la Guerre, et le malheur de la Guerre.

   La Poésie est dasn la compassion.

   Cependant, pour cette génération, ces élégies n’ont rien de consolatoire. Elles pourraient l’être pour la suivante. Aujourd’hui, tout ce qu’un poète peut faire, c’est avertir. C’est pourquoi les vrais poètes doivent demeurer fidèles à la vérité. »

(1918)

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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