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Quatrième de couverture :
Travailleur du cybersexe, Jonny doit rentrer à la réserve dans une semaine pour assister aux funérailles de son beau-père. Pendant ces sept jours, Jonny se raconte : enfance, amitié, amour, sexe, alcool, maquillage, musique, fantômes, espoirs. Le fil des liens familiaux se retisse avec sa mère, sa kokum, ses tantes et oncles. Surgit tout un monde de tendresse.
Poète et romancier bispirituel, Joshua Whitehead est membre oji-cri/nehiyaw de la Première Nation de Peguis, au Manitoba. Jonny Appleseed est son premier roman.
Ce premier roman est sans doute nourri de la propre expérience de son auteur : il nous met dans la peau du narrateur, Jonny Appleseed, qui est parti assez vite de sa réserve pour oser s’épanouir et devenir l’homme bispirituel qu’il est intimement. (Un être bispirituel, c’est, au Canada, quelqu’un qui possède un esprit masculin et un esprit féminin, et aussi quelqu’un qui considère que son genre ne correspond pas à son sexe.) En effet, depuis l’âge de huit ans, Jonny sait qu’il est gay, c’est la première phrase du roman. Son récit commence alors que son beau-père vient de mourir et qu’il doit en quelques jours gagner l’argent nécessaire au voyage vers la réserve de Péguis (Manitoba) pour rejoindre sa mère et la soutenir. Jonny gagne sa vie dans le cybersexe et assume parfaitement ses pratiques sexuelles qu’il nous raconte dans un langage sensuel, fleuri, parfois cru.
Tout en narrant ces quelques jours avant le retour, Jonny se souvient et évoque son enfance à la réserve, l’amour inconditionnel de sa kokum (sa grand-mère), le lien fort et chaotique avec sa mère et la relation tout aussi forte avec son ami d’enfance Tias, qui a lui aussi quitté la réserve pour aller vivre à Winnipeg. Comme dans d’autres romans d’auteurs autochtones, Joshua Whitehead raconte les conditions de vie dans la réserve, le désœuvrement, l’alcoolisme, les bagarres, mais ce qui fait l’originalité de ce premier roman, c’est son narrateur, ce personnage de Jonny Appleseed qui ose vivre sa sexualité sans complexe et qui déborde d’amour pour les femmes et pour l’ami qui lui ont permis d’être ce qu’il est au plus profond de lui-même. Son parcours est baigné d’émotions contradictoires et d’autodérision, ce qui le rend très attachant. Je suis contente d’avoir découvert ce livre, conseillé par ma dealeuse de Québec préférée, même si j’ai eu du mal à me concentrer sur la lecture (sans doute la morosité ambiante ???).
« Bon sang, j’ai joué les hétéros sur la réserve pour pouvoir être NDN, ici je joue les Blancs pour pouvoir être queer. On ne peut pas toujours tout avoir dans la vie. «
« La tradition allait me suivre toute ma vie : on s’attend à ce que je coupe du bois pour les cérémonies plutôt que de frire la bannique, que j’apprenne à chasser avec mes oncles plutôt qu’à tricoter avec mes tantes, que je performe la danse des plumes alors que tout ce que je veux c’est faire la danse des clochettes. “Fais de toi un homme” a été le mantra de mon enfance et de mon adolescence, parce que la verge entre mes jambes était pas suffisante pour prouver que j’étais porteur de la masculinité NDN. Il y a des millions de cellules en moi qui se contredisent, des millions de particules qui signalent l’extravagance. À mes yeux la masculinité est un nom féminin .
Et tout se termine en beauté. » (P. 92-93 )
« Ah les hommes, c’en est presque trop facile : ils sont tous un peu voyeurs et un peu explorateurs. Ils veulent moins jouer au docteur avec toi qu’être le Jacques Cartier de ta ceinture pelvienne. » (P. 177)
« J’ai perdu le compte du nombre de fois où on a dit “sacré calvaire” pendant le trajet. J’ai réfléchi au fait que si les NDN disent “sacré calvaire” aussi souvent, c’est sans doute parce qu’on a appris à vivre et à aimer dans le calvaire sacré de l’Apocalypse. » (P. 227)
Joshua WHITEHEAD, Jonny Appleseed, Mémoire d’encrier 2019
L’avis d’Ingamnic
keisha41 a dit:
Ah c’est inganmic qui en a parlé. Tu expliques ce qu’est bispirituel mais là j’avoue que je suis un peu paumée! ^_^
anne7500 a dit:
Je peux comprendre que ce livre paraisse un peu bizarre mais le personnage est très attachant finalement.
aifelle a dit:
Ah voilà, c’est chez Inganmic que je l’ai vu aussi. Elle avait des réserves que tu n’as pas l’air d’avoir.
anne7500 a dit:
J’ai aimé le personnage central, mais je dois avouer que j’ai mis longtemps à lire ce livre, j’ai eu du mal à me concentrer.
Ingannmic a dit:
Merci pour le lien ! En fait nos avis se rejoignent, même si ce n’est pas si évident : je suis moi aussi contente de la découverte, car l’auteur a une voix singulière, mais je me reconnais aussi et surtout dans « j’ai eu du mal à me concentrer ». Le côté déstructuré du récit, et certaines particularités langagières dont je n’ai pas compris le sens m’ont un peu laissée en-dehors…
anne7500 a dit:
Disons que je ne suis pas trop perdue par les expressions québécoises (si je ne comprends pas absolument tout, ce n’est pas grave) (et peut-^tre qu’à force d’en lire, je commence à m’habituer ?) et je n’ai pas été déstabilisée par les aller-retour entre passé et présent, j’aime bien ce procédé en général.
krolfranca a dit:
J’avais lu l’avis d’Ingannmic et j’ai toujours envie de le lire malgré vos « difficultés à vous concentrer ». Je l’ai mis sur ma liste de Noël…
anne7500 a dit:
Bonne idée ! C’était dépaysant à tous points de vue pour moi.
A_girl_from_earth a dit:
J’aime beaucoup ce terme, « bispirituel ». Ça semble être une belle découverte.
anne7500 a dit:
Je pense que ça te plairait 😉
eimelle Toursetculture a dit:
c’est bien d’avoir vos deux avis!
anne7500 a dit:
Pour ceux qui doutent, c’est peut-être possible de le louer en bibliothèque ?
coupsdecoeurgeraldine a dit:
Pas trop envie d’aller dans le cyber sex et compagnie. Bref, pas tentée par ce roman dont je trouvais pourtant la couverture très jolie et attrayante !
anne7500 a dit:
En effet, la couverture arc-en-ciel est bien faite ! Mais je comprends que tu ne sois pas attirée 😉