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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Tag: Le Livre de poche

La troisième fille

28 samedi Jan 2023

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

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Agatha Christie, Hercule Poirot, Le Livre de poche

Quatrième de couverture :

Fermement décidé à jouir d’un repos bien mérité, Hercule Poirot, le roi des détectives, unanimement reconnu comme tel, reçoit la visite d’une jeune femme qui lui déclare qu’il est trop vieux pour l’aider ! Trop vieux, lui ? Non, mais…

Ce roman a été publié en 1966. Nous sommes donc en pleine période de changement dans la jeunesse britannique, dans les goûts vestimentaires, musicaux, dans l’art de vivre, etc. Hercule Poirot ne serait-il plus à la page, comme le lui lâche la jeune fille venue interrompre son petit déjeuner (shocking !) en lui disant avoir cru commettre un crime ?

Cette jeune fille, c’est « la troisième fille », comme l’expliquera à Poirot son amie Ariadne Oliver, c’est-à-dire la troisième colocataire d’un appartement de jeunes filles, celle qui occupe la chambre la plus moche, autrement dit. En l’occurrence, après recherches, les deux amis l’identifient comme Norma Restarick, fille d’un riche hommes d’affaires rentré en Angleterre avec une seconde épouse après avoir roulé sa bosse en Afrique du Sud. Norma ne supporte pas sa jeune belle-mère et son supposé crime pourrait avoir été de tenter d’empoisonner cette belle-mère. Oui, elle semble bien confuse, ou bien barrée, Norma, et les jeunes gens qui l’entourent sont-ils tous dignes de confiance ?

C’est un écheveau bien compliqué que va devoir détricoter Hercule Poirot, aidé (ou pas ?) par l’ébouriffante Mrs Oliver, et le lecteur peut craindre un instant que les célèbres petites cellules grises ne soient effectivement trop vieilles pour résoudre l’affaire. Il n’en sera rien, bien entendu, mais il n’empêche que pour une fois, j’ai eu l’impression de m’ennuyer un peu face à toutes les ratiocinations du petit Belge au crâne d’oeuf et aux moustaches inoubliables. Pour une fois aussi, j’ai eu quelques intuitions qui se sont avérées justes mais il fallait évidemment le génie de Poirot pour tout mettre au clair. Parmi tous les Poirot lus pour cette ligne de Petit Bac 2022, j’ai quand même eu le plaisir de lire une enquête où apparaissent la romancière Ariadne Oliver et la secrétaire miss Lemon (que j’ai imaginées sous les traits des actrices de la série avec David Suchet dans le rôle d’Hercule Poirot) et le « ping-pong entre Poirotet Oliver m’a bien fait rire.

« Et comment avez-vous su qui j’étais, si je puis me permettre ? Qu’est-ce qui vous a fait me reconnaître ?
— Vos moustaches, répondit aussitôt Norma. On ne peut les confondre avec nulles autres.
Flatté par la remarque, il les lissa avec un orgueil et une volupté que lui seul également était capable de manifester en de telles occasions :
— Oh ! non, c’est bien vrai. Non, on ne voit guère de moustaches aussi splendides que les miennes. Elles sont magnifiques, n’est-ce pas ?
— Oui… euh… enfin, j’imagine que oui.
— Ah ! sans doute n’êtes-vous pas très ferrée dans le domaine de la moustache, mais je peux vous affirmer, miss Restarick — miss Norma Restarick, n’est-il pas vrai ? — que les miennes sont en tous points remarquables. »

« C’est ainsi que les jeunes filles aiment à vivre, à présent. C’est mieux qu’une pension de famille. La première loue l’appartement meublé et se dispose à en partager le loyer. La seconde est habituellement une de ses amies. Ensemble, si elles ne connaissent personne, elles en trouvent une troisième par les petites annonces. Et comme vous le voyez, très souvent, elles arrivent à caser une quatrième locataire dans l’appartement. La première garde la meilleure pièce, la seconde paie un loyer moins élevé, la troisième presque rien mais niche dans une alcôve. Elles décident entre elles, laquelle aura la jouissance du logement, une soirée par semaine… Ce système marche généralement assez bien. »

« Probablement un type du genre beatnick, avec les cheveux longs et les ongles sales. J’en ai vu plus d’un errer chez nous. On n’ose pas leur demander « Qui diable êtes-vous ? » parce qu’il est difficile de se rendre compte si l’on s’adresse à une fille ou à un garçon, ce qui est bien embarrassant. Je suppose que ce sont des amis de Norma. De mon temps, ils n’auraient jamais franchi le seuil de notre demeure. Et si vous essayez de vous débarrasser cavalièrement d’eux, vous découvrez alors que vous avez affaire au vicomte Endersleigh ou à Lady Charlotte Marjoribanks. Ah ! Oui, le monde a bien changé. »

Agatha CHRISTIE, La troisième fille, traduit de l’anglais par Michel Averlant, Le Livre de poche, 2020 (1è publication en 1996)

Petit Bac 2022 – Ligne Agatha Christie – Famille

Challenge British Mysteries 2023

Le Livre de poche a 70 ans en 2023

Thérèse Desqueyroux

15 dimanche Jan 2023

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Classique, François Mauriac, Le Livre de poche, Thérèse Desqueyroux

Quatrième de couverture :

A Argelouse, petit village entouré de landes et de pins, les mariages sont arrangés pour aller les familles et réunir les terrains. Thérèse Larroque devient ainsi Mme Desqueyroux, femme singulière d’un homme ordnaire, enfermée dans sa solitude, piégée par le poids du clan et des intérêts, les convenances et les rumeurs.

Ce roman envoûtant de Mauriac est celui d’une femme prisonnière, un être « coupé de tout, de tous les côtés », une héroïne sombre qui tentera ainsi, quoi qu’il en coûte, sans plus de scrupules, de se libérer du joug de son mariage et du destin qu’on lui impose.

Quand, il y a quelques semaines, Marilyne a proposé une lecture commune autour de l’auteur François Mauriac, j’ai sauté sur l’occasion pour relire ce roman au personnage assez fort pour lui donner son titre. Je l’ai lu il y a longtemps, en fin de secondaire, et j’ai pris beaucoup de plaisir à sa relecture. Je craignais qu’il ne soit vieilli, mais pas du tout, du moins à mes yeux. Bien sûr, il a été publié en 1927, à l’époque les jeunes femmes passent de la tutelle de leur père à celle de leur mari et il faut le lire ainsi, dans ce contexte social. Désolée pour ceux qui ne l’ont pas lu, je vais sans doute dévoiler des éléments importants de l’intrigue.

C’est un roman très court, 140 pages environ, où les choix narratifs et le traitement du temps son très intéressants. Dans la majeure partie du texte, un narrateur externe raconte la fin de journée et la longue soirée où Thérèse Desqueyroux vient de bénéficier d’un non-lieu pour la tentative d’empoisonnement de son mari Bernard et où elle rentre à Argelouse, en train et en carriole, pour retrouver son mari dans la maison familiale. Durant ce voyage interminable, Thérèse se souvient de sa propre histoire et dresse la confession qu’elle veut adresser à son mari. Jeune femme éduquée, intelligente, sans doute plus que les autres de son milieu, singulière – ne serait-ce que par les cigarettes qu’elle enchaîne régulièrement – elle a suivi les conventions de son milieu et a épousé Bernard Desqueyroux, lui apportant des pinèdes et des sources de revenus assez importantes. Très vite, elle va se lasser de cet homme aux goûts un peu frustes. Elle n’a pas non plus l’instinct maternel, sa jeune belle-soeur Anne semble avoir un meilleur contact avec sa propre fille. Une après-midi de canicule et d’incendie, elle saisit l’occasion d’empoisonner peu à peu Bernard à l’arsenic. Elle le fait apparemment sans affect particulier, avec détachement. Quand elle rentre à Argelouse, Bernard lui signifie sa décision : certes il a témoigné de telle sorte que le scandale soit étouffé mais il ne veut plus rien avoir d’intime avec Thérèse, qu’il garde pourtant sous surveillance étroite. Quelques pages pour narrer l’enfermement physique et mental de la jeune femme et quelques pages encore pour comprendre comment elle en sort.

Un roman très court donc, très ramassé, dont le personnage féminin est omniprésent et complexe, sans doute parce qu’elle ne comprend pas clairement elle-même ses propres aspirations ni comment les réaliser sans passer par le modèle tout fait proposé aux femmes de son milieu et de sa génération. J’ai lu dans la postface que Thérèse Desqueyroux est sans doute homosexuelle et qu’elle n’a même pas conscience de cette orientation sexuelle (on est dans les année 1920, rappelons-le). J’avoue que cette « explication » ne m’a même pas effleuré l’esprit mais c’est vrai qu’en contrepoint du couple formé par Thérèse et Bernard, il y a Anne, la soeur de Bernard, à qui Thérèse était très liée avant son mariage, et Jean Azévedo, un jeune homme dont Anne s’est entichée avec passion et que sa famille refuse de la voir épouser sous peine de mésalliance.

Pour me souvenir un peu du Mystère Frontenac, lu aussi en secondaire, je croyais que la religion tenait une grande place aussi dans ce roman , mais en fait pas vraiment, sinon que Thérèse n’a aucun scrupule, on la sent athée, elle suit simplement les convenances de sa belle-famille, en pressentant dans la solitude du jeune prêtre de la paroisse la même solitude que la sienne, le même enchaînement.

« Que peut-elle redouter ? Cette nuit passera, comme toutes les nuits ; le soleil se lèvera demain : elle est assurée d’en sortir, quoi qu’il arrive. Et rien ne peut arriver de pire que cette indifférence, que ce détachement total qui la sépare du monde et de son être même. Oui, la mort dans la vie : elle goûte la mort autant que la peut goûter une vivante. »

« Elle ne comprendrait pas que je suis remplie de moi-même, que je m’occupe toute entière. Anne, elle, n’attend que d’avoir des enfants pour s’anéantir en eux, comme à fait sa mère, comme font toutes les femmes de la famille. Moi, il faut toujours que je me retrouve; je m’efforce de me rejoindre… »

« Les êtres que nous connaissons le mieux, comme nous les déformons dès qu’ils ne sont plus là ! Durant tout ce voyage, elle s’était efforcée à son insu, de recréer un Bernard capable de la comprendre, d’essayer de la comprendre ; mais, du premier coup d’œil, il lui apparaissait tel qu’il était réellement, celui qui ne s’est jamais mis, fût-ce une fois dans sa vie, à la place d’autrui ; qui ignore cet effort pour sortir de soi-même, pour voir ce que l’adversaire voit. »

Merci à Marilyne d’avoir proposé cette lecture commune autour de François Mauriac, j’ai vraiment apprécié ma relecture et le style de l’auteur, son intelligence romanesque, son art de faire sentir l’enfermement intime de Thérèse en le liant à la nature environnante.

« Et c’était le silence : le silence d’Argelouse ! Les gens qui ne connaissent pas cette lande perdue ne savent pas ce qu’est le silence : il cerne la maison, comme solidifié dans cette masse épaisse de forêt où rien ne vit, hors parfois une chouette ululante (nous croyons entendre, dans la nuit, le sanglot que nous retenions). »

François MAURIAC, Thérèse Desqueyroux, Le Livre de poche, 2022 (c’est la 95è édition au Livre de poche !) (Bernard Grasset, 1927)

Marilyne a choisi Le Noeud de de vipères. Voyons aussi les choix des autres participants.

Et maintenant j’aimerais vraiment relire Madame Bovary et Le grand Meaulnes.

Le Poète

13 mardi Sep 2022

Posted by anne7500 in Des Mots noirs, Des Mots nord-américains

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Le Livre de poche, Michael Connelly

Quatrième de couverture :

Chroniqueur judiciaire, Jack McEvoy ne peut croire au suicide de son frère jumeau. Si Sean, inspecteur de police, s’est bien tiré une balle dans la bouche, que vient faire ce Hors de l’espace, hors du temps d’Edgar Allan Poe écrit sur le pare-brise de sa voiture ? Et pourquoi Rusher, un indic qu’il devait voir ce jour-là, reste-t-il introuvable ? En s’immisçant dans une base de données du FBI pour les besoins d’un article, McEvoy découvre avec stupéfaction que beaucoup de policiers se suicident et que le FBI mène l’enquête sur la mort de son frère. Il comprend alors que cette affaire est en passe de lui fournir son plus gros scoop sur des meurtres en série. Mais il pressent aussi qu’il est devenu la prochaine cible du suspect…

« La mort, c’est mon truc. » Voilà un début de roman inoubliable, qui marque aussi ma découverte (enfin !) de l’écrivain Michael Connelly. Ce n’est pas son premier roman mais c’est, comme il l’explique dans la préface, le premier publié en tant qu’écrivain pur. Auparavant il travaillait comme journaliste spécialisé dans les affaires criminelles, et c’est avec Le Poète qu’il lâche ce premier métier pour se consacrer uniquement à l’écriture.

Jack McEvoy, le narrateur et héros de ce roman, journaliste et auteur d’au moins un roman pas encore publié, est sans doute un double de l’auteur, rien que ce jeu de miroirs est déjà intéressant. Autre jeu de miroirs : la relation avec son jumeau, désormais lourdement marquée de culpabilité suite à l’assassinat de celui-ci. Les autres personnages du roman sont eux aussi marqués d’ambiguïtés, de secrets, à commencer par le fameux Gladden dont les « péripéties » entrecoupent le récit de Jack, mais aussi les enquêteurs du FBI, dont fait partie Rachel Walling, l’élément féminin de l’enquête et du roman.

On ne s’ennuie pas une minute avec Michael Connelly : les pages se tournent rapidement, les révélations et rebondissements s’enchaînent, les motivations encore nébuleuses du tueur en série assombrissent à souhait l’intrigue, les liens avec Edgar Allan Poe donnent de la profondeur au sujet et lorsqu’un suspect semble neutralisé plus de cent pages avant la fin, on pressent que celle-ci sera bien tordue (en effet, je ne l’avais pas vue venir…).

Une excellente découverte donc et un très bon pavé pour l’été !

Michael CONNELLY, Le Poète, traduit de l’anglais par Jean Esch, Le Livre de poche, 2017 – 759 pages

Le Pavé de l’été chez Brize

Petit Bac 2022 – Art 3

Je viens de découvrir un Mois américain alternatif parce que hélas, pour des raisons de « hameçonnage » sans-gêne, Titine ne l’organise plus : Le mois américain 2022 en solitaire perpétué par Pativore et Belette2991. Je noterai donc cette référence dans mes prochains billets.

La traversée de l’été

06 mardi Sep 2022

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

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Le Livre de poche, Truman Capote

Quatrième de couverture :

Grady McNeil a dix-sept ans et l’âme passionnée. Alors que ses riches parents vont passer l’été en Europe, elle se retrouve seule dans un New York vibrant sous la canicule. Délaissant le luxe de la Cinquième Avenue, elle tombe amoureuse de Clyde, gardien de parking à Broadway. Ils s’aiment, mais de façon différente. La fierté provocante de Grady et la nonchalance de Clyde vont peu à peu les entraîner vers de dangereux précipices. (…)

Ce court roman, écrit par Truman Capote au tout début de sa carrière d’écrivain, travaillé et retravaillé, mais qu’il n’a jamais voulu publier, est réapparu en 2004 dans un lot d’archives qui devaient être mises en vente par Sotheby’s. On sait qu’il est inachevé en quelque sorte mais il se tient tel quel et après une série de négociations, l’avocat et ami de Truman Capote a décidé de le publier.

C’est donc un texte court traversé de passion. L’héroïne, Grady McNeil, a seize ans. Elle se démarque des traditions propres à sa condition bourgeoise, comme le bal des débutantes. Elle peut compter sur son ami de toujours pour couvrir ses frasques. Elle a déjà passé un été brûlant en étant – sans jamais rien manifester ni être payée de retour – amoureuse d’un homme marié. Une passion retombée avec la fin de l’été et remplacée par un amour tout aussi hors-normes pour un gardien de parking dont elle ne connait pas grand-chose. Les deux mondes dont ils sont issus n’ont rien en commun mais la jeune femme tente de les rapprocher. Cela conduira tout ce monde vers une fin qu’on ne peut que pressentir dramatique.

En lisant ce roman, j’avais en tête la silhouette de Marlon Brando qui aurait pu interpréter le personnage de Clyde. C’est dire l’électricité qui règne entre les corps dans l’air caniculaire. Truman Capote sait évoquer la passion, l’attraction des corps et l’incommunicabilité des âmes. Il se glisse dans la tête et le coeur de cette jeune femme avec finesse. Son style est flamboyant et quand on sait qu’il a écrit ce texte à dix-neuf ans, ce n’en est que plus prenant.

« Le plus clair du temps, la vie est si monotone que cela ne vaut pas la peine d’en parler, et elle n’évolue guère avec l’âge. Quand nous changeons de marque de cigarette, déménageons, achetons un autre journal, entamons de nouvelles amours ou en brisons d’anciennes, c’est pour nous révolter, de manière à la fois frivole et grave, contre le train-train quotidien. Hélas les miroirs sont plus traîtres les uns que les autres et finissent toujours par révéler l’envers de la médaille. »

« – Pendant tout ce temps, moi je pensais que tu me fuyais, murmura Clyde.
– On ne fuit pas les gens, on se fuit soi-même, répondit Grady. Mais tout va bien maintenant.
– Bien sûr; dit-il. Tout va bien. »

« La chaleur ouvre le crâne de la ville, exposant au jour une cervelle blanche et des noeuds de nerfs vibrant comme les fils des ampoules électriques. L’air se charge d’une odeur surnaturelle dont la puissance âcre imbibe les pavés, les recouvrant d’une sorte de toile d’araignée sous laquelle on imagine les battements d’un cœur. »

Truman CAPOTE, La traversée de la nuit, Roman traduit de l’anglais par Gabrielle Rolin, Le Livre de poche, 2021

La colère de Maigret

29 vendredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Georges Simenon, Le Livre de poche, Maigret

Quatrième de couverture :

Il était midi et quart quand Maigret franchit la voûte toujours fraîche, le portail flanqué de deux agents en uniforme qui se tenaient tout contre le mur pour jouir d’un peu d’ombre. Il les salua de la main, resta un moment immobile, indécis, à regarder vers la cour, puis vers la place Dauphine, puis vers la cour à nouveau.
Dans le couloir, là-haut, ensuite dans l’escalier poussiéreux, il s’était arrêté deux ou trois fois, faisant mine de rallumer sa pipe, avec l’espoir de voir surgir un de ses collègues ou de ses inspecteurs. Il était rare que l’escalier soit désert à cette heure, mais cette année, le 12 juin, la P.J. avait déjà son atmosphère de vacances.

Pour ce rendez-vous autour de Simenon, j’avais sous la main ce court roman, offert à l’achat de deux livres de poche il y a deux ou trois ans. Je n’ai pas l’impression que ce soit le Maigret le plus palpitant mais je m’en suis contentée.

Le patron de quatre cabarets de Montmartre a été assassiné : Emile Boulay a été retrouvé étranglé, déposé sur le trottoir devant une de ses boîtes de nuit. L’autopsie révélera qu’il a été tué quelques jours avant. C’était un homme sans histoire, un mari et un père de famille tranquille, un patron correct, aux habitudes précises, qui menait ses affaires avec bon sens. Maigret passe du temps à reconstituer l’emploi du temps de la victime le jour de sa mort et s’intéresse à sa famille, à ses proches, à ses collaborateurs, à son avocat… Rien de suspect, sauf un retrait à la banque d’une somme assez importante et des coups de téléphone sans succès. La mort de Boulay a-t-elle quelque chose à voir avec l’exécution d’un racketteur quelques semaines auparavant ? Maigret va résoudre l’enquête à force de tâtonnements, en épluchant d’anciennes affaires, en grommelant des bouts de phrases presque incantatoires qui aideront son cerveau à faire toute la lumière sur l’affaire. C’est la découverte du coupable qui déclenchera cette colère du titre.

On retrouve donc ici le fonctionnement classique du commissaire Maigret, de ses enquêtes avec les inspecteurs de son équipe, Lucas, Torrence et Lapointe, ses habitudes bien ancrées de déguster une bière bien fraîche ou un petit blanc dans une brasserie du quartier, de passer le week-end à pêcher en banlieue sous le regard de madame Maigret. Ici, on peut s’étonner du comportement du commissaire face au coupable à la toute fin de l’enquête : sans rien vouloir dévoiler, c’est comme si le divisionnaire décidait déjà de la manière dont justice doit (ou non) se faire. Il a vraiment beaucoup de pouvoir, ce commissaire…

Georges SIMENON, La colère de Maigret, Le Livre de poche, 2019 (première parution : 1963)

Le Mois belge 2022 – catégorie Noir Corbeau (un polar) Rendez-vous autour de Simenon ce 29 avril

Le Tableau volé

05 mardi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots noirs

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Le Livre de poche, Pieter Aspe

Quatrième de couverture :

Les autorités de Bruges sont en ébullition… HiBrugia, la plus grande exposition d’art hispanique jamais organisée sur le continent, doit accueillir des tableaux de Vélazquez, Goya… et Guernica, le chef-d’œuvre de Picasso. Toutes les précautions ont été prises quand un agent de sécurité est passé à tabac dans le parc du lac d’Amour, avant d’être achevé à l’hôpital où il a été admis. Son meurtre a-t-il un rapport avec celui d’un Espagnol au moment où le gouvernement de son pays est en visite officielle en Belgique ? Et qu’y a-t-il de commun entre le vol du Jugement dernier de Jérôme Bosch, un des fleurons du musée Groningue, et l’ETA ? Voilà qui risque de donner du fil à retordre au commissaire Van Inn et à la juge Martens, sa compagne, s’ils veulent éviter une grave crise européenne.

Voilà une enquête qui promet d’être palpitante à lire la quatrième de couverture : le cadre prestigieux est celui de l’expo HiBrugia qui accueillera le célèbre tableau de Picasso Guernica. Or quelques jours avant l’arrivée du tableau, un homosexuel est sévèrement battu dans le parc du Lac d’Amour, achevé à l’hôpital queques jours plus tard. Un ressortissant espagnol est également abattu à Bruges, avec un pistolet utilisé généralement par l’ETA. Et en fait de vol de tableau, c’est Le Jugement dernier de Jérôme Bosch qui est dérobé et fait l’objet d’une demande de rançon. Le commissaire Van In, chargé de la sécurité de l’inauguration de HiBrugia, est sous pression et tente de démêler les liens – s’il y en a – entre ces différents crimes. Il aura les coudées franches grâce à l’appui de la Sûreté de l’Etat, qui contourne habilement le commissaire De Kee (dit Ketounet) et fournit au commissaire les hommes et les moyens techniques nécessaires pour éviter que la Belgique soit la risée de l’Europe…

Dans cette enquête, Van In est comme sur un petit nuage (désolée si je spoile pour ceux et celles qui n’ont pas lu les enquêtes précédentes) : les soucis de santé d’Hannelore se sont envolés et le couple retrouve une grande ardeur amoureuse. Lui doit cependant faire attention à sa propre santé et éviter la Duvel mais c’est compliqué, on s’en doute. Dans son équipe, il doit faire face à la concurrence entre son fidèle brigadier Versavel et la « petite nouvelle » Carine Neels, qui ferait bien de lui on quatre-heures.

Pour ce qui est de l’intrigue même, le lecteur suit les choses en même temps ou presque que les enquêteurs, les intuitions de Van In se trouvent confortées par des faits que le lecteur découvre avant lui. Bien sûr, tout ne nous est pas révélé mais ce n’est pas l’enquête la plus palpitante de la série. De plus, certaines facilités sexistes dontuse Pieter Aspe m’ont cette fois franchement dérangées. J’ai encore deux ou trois livres de l’auteur dans la pile, on verra comment cela évolue et si je lui resterai fidèle, même si j’adore les séries.

Pieter ASPE, Le Tableau volé, traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Le Livre de poche, 2014 (Albin Michel, 2011)

Le Mois belge – catégorie Noir Corbeau ou Espace Nord

Pett Bac 2022 – ligne Belge Objet

Mort sur le Nil

18 vendredi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots noirs

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Agatha Christie, Hercule Poirot, Le Livre de poche

Quatrième de couverture :

Ce n’est pas très joli de voler son fiancé à sa meilleure amie pour se marier avec lui. Et même si l’amie en question semble se résigner, la ravissante et riche Linnet Ridgeway a bien des raisons d’être inquiète… Surtout quand le hasard les rassemble, pour une croisière sur le Nil, avec d’inquiétants personnages, dans une atmosphère lourde de sensualité et de cupidité.
Un petit revolver, un crime étrange, une énigme de plus à résoudre pour un passager pas comme les autres : Hercule Poirot.

En février, je suis allée voir l’adaptation de ce roman par Kenneth Branagh, dont j’avais apprécié la vision dans Le crime de l’Orient-Express. Ce film-ci, par contre, m’a assez déçue dans l’ensemble par son déluge de clinquant et de paillettes, l’ajout à Hercule Poirot d’une « fragilité » liée à la première guerre mondiale et pas du tout crédible et une fin bien trop rapide à mon goût. Trop de libertés par rapport au roman donc (et par rapport aux versions avec Peter Ustinov ou David Suchet). Aussi me suis-je précipitée en librairie pour relire le roman.

Ce fut un plaisir de retrouver tous ces personnages dans ce huis-clos sur un bateau sur le Nil et d’observer comment (quand on connaît le fin mot de l’énigme) Agatha Christie nous mène de détails en détails apparemment anodins à la résolution des trois meurtres, comment elle nous manoeuvre aussi, comment le traitement des personnages est mené et comment Hercule Poirot est vraiment un fin psychologue, outre les qualités de ses petites cellules grises. Sans oublier l’humour so british de la romancière.

Mon billet est très court, certes. Ne vous attardez pas ici, relisez cette perle du roman policier. Dame Agatha, vous êtes vraiment la Reine du crime !

« -C’est une idée qu’elle aurait pu trouver dans un roman policier. Les détails n’y sont pas toujors très exacts. » (p. 223)

« J’ai participé un jour à une expédition archéologique et cela m’a appris au moins une chose : quand tout à coup, au cours d’une fouille, un objet émerge de la terre, on fait soigneusement le ménage tout autour. On déblaye, on gratte tout autour avec un couteau et l’objet apparaît enfin, seul, prêt à être dessiné et photographié sans que rien d’étranger n’en déforme l’image. C’est ce que je cherche à faire ici : écarter tout ce qui est étranger à l’affaire de façon à ce que nous puissions voir la vérité – la vérité toute nue et dans son infinie splendeur. » (p. 318)

Agatha CHRISTIE, Mort sur le Nil, traduction révisée de Elise Champon et Robert Nobret, Le Livre de poche, 2021 (première parution en anglais en 1937)

Petite participation aux British Mysteries de mars chez Lou et Hilde

Petit Bac 2022 – Ligne Agatha Christie – Verbe (mort est aussi un participe passé)

A l’hôtel Bertram

31 lundi Jan 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots noirs

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Agatha Christie, Le Livre de poche, Miss Marple

A l'hôtel Bertram - Livre de Agatha Christie

Quatrième de couverture :

Ah ! les muffins de l’hôtel Bertram… Ils n’ont pas leur pareil. Non plus que le thé, le personnel stylé et les clients, ladies respectables, ecclésiastiques et officiers en retraite qui viennent y retrouver l’atmosphère d’antan… Vraiment, l’hôtel Bertram est plus victorien que nature, et Miss Marple se réjouit d’y passer une semaine. Et pourtant, quelques détails la troublent : cette jeune fille, Elvira, qui s’est amourachée d’un pilote de course peu recommandable, sa mère, une aventurière décidée, et ce pauvre chanoine Pennyfather qui disparaît… Il est bien étourdi, mais tout de même…
Décidément, tout n’est peut-être pas aussi paisible et feutré qu’il y paraît… à l’hôtel Bertram.

Agatha Christie a publié A l’hôtel Bertram en 1967 et elle y restitue le charme vieillot mais intact d’un hôtel de luxe londonien qui semble avoir parfaitement survécu à la guerre et aux épreuves du temps. C’est dans cet endroit qu’elle a connu enfant que Miss Marple prend quelques jours de vacances : rien ne semble avoir changé, le personnel est aux petits soins pour prévenir les moindres désirs d’une clientèle d’habitués ou de touristes, tous nostalgiques ou adeptes de la vieille Angleterre. C’est l’hôtel, ses employés et ses habitués qui sont au centre de l’intrigue : un vieux chanoine très distrait, une lady aventureuse, sa fille qu’elle a abandonnée enfant et qui va bientôt hériter d’une grosse fortune, un coureur automobile voyou, le majordome si prévenant, le portier si perspicace… Pendant ce temps, une série de cambriolages et d’attaques de plus en plus audacieux ont lieu un peu partout dans le pays et la police cherche désespérément une piste pour retrouver le cerveau de la bande de gangsters.

Miss Marple n’occupe donc pas une place centrale dans la résolution des divers mystères qui entourent l’hôtel Bertram mais sa discrétion, son sens de l’observation, les conversations surprises en secret vont aider l’inspecteur-chef Davy à comprendre ce qui se trame dans cet hôtel finalement trop beau pour être honnête. Ayant accepté que la vieille demoiselle ne peut tout mener à elle seule, on goûte les multiples rebondissements (en n’oubliant pas une tasse de thé et les célèbres muffins maison) et on apprécie la galerie de personnages mis en place par Dame Agatha.

J’ai enregistré et revu la version télé du roman, avec Geraldine McEwan dans le rôle de Miss Marple et quelle n’a pas été ma surprise de voir que l’intrigue avait été complètement transformée pour donner plus d’importance au personnage de Miss Marple. Roman et adaptation télé n’ont pas grand-chose à voir, à part les noms et certaines caractéristiques des personnages, j’ai nettement préféré le roman !

« Tout baignait dans une ambiance de riche velours rouge et de confort cossu. Les fauteuils aussi dataient d’un autre temps. Ils étaient assez hauts pour éviter aux vieilles dames rhumatisantes de se contorsionner pour se lever au péril de leur dignité. A l’inverse de ces fauteuils modernes tant prisés, les sièges ne s’arrêtaient pas à mi-chemin de la fesse et du genou, ce qui inflige le martyre aux arthritiques et aux victimes de la sciatique. Et ils n’étaient pas non plus tous du même modèle. Les uns avaient un dossier droit, d’autres un dossier incliné, et les largeurs d’assise variaient pour convenir aux maigres ou aux obèses. Au Bertram, les gabarits les plus extrêmes pouvaient se trouver un fauteuil confortable. »

« Miss Marple soupira:
– A première vue, c’était merveilleux… Rien n’avait changé, vous comprenez… On avait l’impression de retourner dans le passé… cette partie du passé qu’on avait aimée et dont on avait si longtemps savouré le souvenir.
Elle se tut un instant avant de reprendre:
– Mais bien sûr, ce n’était pas vraiment cela. J’ai appris – ce que je savais déjà, sans doute – qu’on ne revient jamais en arrière, qu’on ne devrait jamais revenir en arrière. L’essence de la vie, c’est d’aller de l’avant. En vérité, la vie est une rue à sens unique, vous ne croyez pas? »

Agatha CHRISTIE, A l’hôtel Bertram, traduit de l’anglais par Elise Champon, Le Livre de poche, 2010 (première publication 1992)

Petit Bac 2022 – Agatha Christie Lieu

Challenge British Mysteries (avec ses magnifiques logos auxquels je n’ai pu résister) (et avec l’élément « A table et petites douceurs »)

Le Noël d’Hercule Poirot

13 lundi Déc 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots noirs

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Agatha Christie, Hercule Poirot, Le Livre de poche, Noël

Merry Christmas (2 titres), Agatha Christie | Livre de Poche

Présentation de l’éditeur :

Est-ce une très bonne idée de réunir, à l’occasion des fêtes de fin d’année, des enfants qui ont tous de bonnes raisons de vous haïr ? Surtout quand il s’agit de leur annoncer que vous modifiez votre testament ?
Toujours est-il que, le 24 décembre, Simeon Lee, vieillard aussi riche que cynique, est sauvagement assassiné dans sa chambre. Et voici Hercule Poirot s’interrogeant sur Alfred et sa femme, tyrannisés depuis longtemps par leur père et beau-père ; sur Harry, qui ne lui pardonne pas les humiliations que sa mère a subies ; sur Pilar, la petite-fille espagnole, devant qui le vieil homme a peut-être imprudemment étalé ses diamants…
Beaucoup de monde. Et pour finir, un coupable présent dès le début, mais bien difficile à soupçonner…

Lecture de saison mais l’ambiance de Noël n’est pas vraiment au rendez-vous dans la maison familiale de Simeon Lee, un vieil homme « desséché » qui a voulu réunir tous ses enfants légitimes ainsi que la fille de sa fille défunte à l’occasion de Noël. Les fils Lee se retrouvent donc : le fidèle Alfred qui a repris l’affaire paternelle, le prétentieux George, membre du Parlement et radin invétéré, le fragile David qui n’a jamais pardonné à son père d’avoir fait mourir sa mère de chagrin et le fils prodigue Harry qui a roulé sa bosse dans des aventures plus ou moins honnêtes. S’y ajoutent les belles-filles ainsi que Pilar, la petite-fille espagnole qui charme son grand-père et Stephen Farr, le fils de l’ancien associé de Simeon Lee en Afrique du Sud. Le vieil homme a en effet eu une vie bien remplie, il ne s’est jamais embarrassé de scrupules et se dit très patient pour assouvir une vengeance si nécessaire. Le soir du 24 décembre, dans une mise en scène cynique, il se vantera de cette vie aventureuse, il reprochera à ses fils légitimes leur fadeur, leur incapacité à avoir des enfants et sa vantera d’avoir semé un peu partout des enfants illégitimes au caractère sans doute bien plus affirmé et conforme au sien.

On se doute que la victime du terrible meurtre de la veille de Noël sera ce vieil homme, que peu regretteront. Dans sa dédicace à son beau-frère qui lui reprochait des meurtres trop « épurés », Agatha Christie lui offre « un de ces bons vieux meurtres bien saignants » : et de fait, il y a énormément de sang dans la chambre de Simeon Lee, du sang et une sorte d’épais mystère de chambre close. C’est le superintendant Sugden qui va mener l’enquête, assisté du chef de la police locale Johnson et d’Hercule Poirot, qui séjournait chez ce dernier. L’audition de toutes les personnes présentes dans la maison permet de resserrer la liste des suspects mais c’est bien sûr grâce à des détails qui s’agencent comme des pièces de puzzle que le célèbre détective parviendra à démasquer le coupable – auquel je n’aurais jamais pensé mais ça c’est la magie de Noël d’Agatha Christie, la reine du crime ! L’enquête est assez classique même si le meurtre est plus sanglant mais c’est toujours un plaisir d’observer les petites cellules grises à l’oeuvre !

« Poirot promena dans la pièce un regard perplexe :
– Il règne ici une atmosphère de… de fureur brutale…Oui, c’est bien ça, de fureur brutale. Et de rage sanguinaire, d’emphase sur le côté sanglant… Il y a… comment dire ?… il y a trop de sang. Du sang sur les fauteuils, sur les tables, sur le tapis. Le sang rituel ? Le sang sacrifice ? Est-ce de cela qu’il s’ agit ? Peut-être… Un homme aussi frêle, aussi maigre, aussi desséché, et pourtant… dans la mort… tant de sang. »

« D’un pas lent, Hercule Poirot se promena le long de la terrasse.
Tout en marchant, il songeait : « Moi, je suis le père confesseur ! Et comme les femmes se confessent plus souvent que les hommes, ce matin, elles viennent me faire leurs confidences. Une autre éprouvera-t-elle le besoin de me parler ? »
Arrivé au bout de la terrasse, il fit demi-tour et comprit que sa question ne demeurerait pas longtemps sans réponse. »

Agatha CHRISTIE, Le Noël d’Hercule Poirot, traduit de l’anglais par Françoise Bouillot, Le Livre de poche, 2017

Petit Bac 2021 – Prénom 6 (j’ai terminé 6 lignes !)

Défi Un hiver au chalet – Catégorie Le Père Noël c’t’un Québécois ! (un livre de Noël, on est dans le thème, non ?)

L’Hibiscus pourpre

02 mardi Nov 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains, Des Mots au féminin

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Chimamanda Ngozi Adichie, Le Livre de poche

L'hibiscus pourpre - Poche - Chimamanda Ngozi Adichie - Achat Livre | fnac

Quatrième de couverture :

Kambili a quinze ans. Son monde est limité aux murs de la résidence luxueuse d’Enugu, au Nigeria, où elle vit avec ses parents et son frère Jaja. Son père, Eugène, est un riche notable qui régit son foyer selon des principes d’une rigueur implacable. Sa générosité et son courage politique en font un véritable héros de sa communauté. Mais Eugène est aussi un fondamentaliste catholique, qui conçoit l’éducation de ses enfants comme une chasse au péché.

Quand un coup d’Etat vient secouer le Nigeria, Eugène, très impliqué dans la crise politique, est obligé d’envoyer Kambili et Jaja chez leur tante. Les deux adolescents y découvrent un foyer bruyant, plein de rires et de musique. Ils prennent goût à une vie simple et ouvrent les yeux sur la nature tyrannique de leur père. Lorsque Kambili et son frère reviennent sous le toit paternel, le conflit est inévitable…

L’hibiscus pourpre, c’est une plante ramenée de chez leur tante par Jaja et Kambili, c’est un symbole de liberté.

L’Hibiscus pourpre, c’est un regard sur le Nigeria dans les années 80, son instabilité politique, la corruption, la pénurie, les multiples ethnies et dialectes, les religions dominantes (le catholicisme apporté par les colons, l’islam et l’animisme). Le lecteur découvre tout cela à travers le récit de Kambili, une adolescente de quinze ans, qui fait partie de la classe aisée. Mais la jeune adolescente ne connaît le monde qu’à travers les lunettes de l’éducation plus que stricte régie par son père Eugène : certes, il a du courage politique (il possède le seul journal indépendant du pays), il fait preuve d’une générosité sans bornes à l’extérieur de sa maison mais au foyer, c’est un tyran violent qui surveille tout et tout le monde au nom de la foi qu’il a reçue des pères missionnaires et avalée dans sa radicalité la plus poussée. Il va jusqu’à refuser à son père, un vieil homme resté animiste (avec toute sa sagesse), de voir ses petits-enfants, parce qu’il le considère comme « un païen ». Quand Eugène est obligé d’accepter d’envoyer ses enfants à Nsukka, chez sa soeur Ifeoma pour quelques semaines, la vie change complètement pour Kambili et Jaja. Ils découvrent une vie plus légère, plus ouverte aux autres, une tante qui n’a pas la langue en poche, des cousins qui partagent le rire comme la nourriture, pourtant moins abondante qu’à Enugu.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie (devenue depuis très célèbre grâce à Americanah), c’est sa construction, la richesse des informations sur le Nigeria et surtout son sens de la nuance, voire de l’ambivalence, non seulement à travers le personnage d’Eugène (un personnage qui nous fait nous recroqueviller sur nous-mêmes dès qu’il apparaît) mais aussi de Kambili : si elle apprend peu à peu à libérer sa voix, son sourire, ses émotions, elle continue à aimer son père, elle ne le renie pas, et pourtant il y avait de quoi. L’auteure a sans doute puisé dans sa propre histoire pour évoquer aussi l’exil, seule voie possible parfois pour certains pour échapper à la corruption et aux restrictions de plus en plus fortes. Là aussi, ce n’est pas une décision facile à prendre ni à vivre.

L’Hibiscus pourpre, c’est un très beau premier roman, plein d’émotions et de réflexion.

« A la maison la débâcle a commencé lorsque Jaja, mon frère, n’est pas allé communier et que Papa a lancé son gros missel en travers de la pièce et cassé les figurines des étagères en verre. Nous venions de rentrer de l’église. Mama plaça les palmes fraîches, mouillées d’eau bénite, sur la table à manger. Plus tard, elle les tresserait pour en faire des croix, un peu avachies, qu’elle accrocgerait au mur, à côté de notre photo de famille dans son cadre doré. Elles y resteraient jusqu’au mercredi des Cendres, où nous les emporterions à l’église pour les donner à brûler et réduire en cendres. Papa, vêtu d’une longue robe grise comme les autres oblats, aidait tous les ans à distribuer les cendres. Sa file était la plus lente car il appuyait son pouce couvert de cendres bien fort sur chaque front pour tracer une croix parfaite et prononçait posément et avec conviction, en articulant chaque mot, le « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière ». »

« Le défi de Jaja me semblait à présent similaire aux hibiscus pourpres expérimentaux de tante Ifeoma: rare, chargé des parfums de la liberté, une liberté différente de celle que les foules agitant des feuilles vertes scandaient à Government Square après le coup d’Etat. Une liberté d’être, de faire. »

« Il rit et dit qu’il était convaincu qu’ils pouvaient sauter plus haut qu’ils ne le croyaient eux-mêmes, et qu’ils venaient tous de prouver qu’il avait raison.
C’était ce que faisait Tatie Ifeoma avec mes cousins, me rendis-je compte alors : leur placer la barre de plus en plus haut dans sa façon de leur parler , dans ce qu’elle attendait d’eux. Elle le faisait tout le temps, confiante qu’ils pouvaient franchir la barre. Et ils la franchissaient.
C’était différent pour Jaja et moi. Nous ne franchissions pas la barre parce que nous nous en croyions capables, nous la franchissions parce que nous étions terrifiés à la pensée de ne pas y arriver. »

Chimamanda NGOZI ADICHIE, L’Hibiscus pourpre, traduit de l’anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal, Le Livre de poche, 2006 (Editions Anne Carrière, 2004)

Une dernière participation un peu tardive au Mois africain  chez Jostein

Petit Bac 2021 – Couleur 5

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