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Archives de Tag: Emile Verhaeren

En hiver

27 dimanche Jan 2019

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Emile Verhaeren, hiver, Poésie

Le sol trempé se gerce aux froidures premières,
La neige blanche essaime au loin ses duvets blancs,
Et met, au bord des toits et des chaumes branlants,
Des coussinets de laine irisés de lumières.

Passent dans les champs nus les plaintes coutumières,
A travers le désert des silences dolents,
Où de grands corbeaux lourds abattent leurs vols lents
Et s’en viennent de faim rôder près des chaumières.

Mais depuis que le ciel de gris s’était couvert,
Dans la ferme riait une gaieté d’hiver,
On s’assemblait en rond autour du foyer rouge,

Et l’amour s’éveillait, le soir, de gars à gouge,
Au bouillonnement gras et siffleur, du brassin
Qui grouillait, comme un ventre, en son chaudron d’airain.

Emile VERHAEREN

Clarté froide

25 dimanche Mar 2018

Posted by anne7500 in Non classé

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Emile Verhaeren, Poésie

C’est un beau soir de mars, rugueux et froid .

L’après-midi, quelques fragiles anémones

Ont fleuri toutes à la fois.

A cette heure tombe le soleil jaune.

Merles et grives

S’interpellent et se poursuivent

Et s’écoutent siffler à pleine voix,

Ou bien encore grincent et se chamaillent

Parmi les mailles

Des rameaux fins et divergents du bois.

Au ras du sol poussent les herbes

A petits brins, frêles et lisses.

La surface des eaux se plisse

Au vent acerbe.

 

Les villages, lavés par la neige et la pluie,

Au bord de la grand-route et des mares s’appuient

Et reluisent, de loin en loin, parmi les champs:

Tuiles rouges et volets verts et pignons blancs.

 

Emile VERHAEREN, Toute la Flandre, Mercure de France, 1911

Dans une semaine commence le Mois belge, avec un rendez-vous poétique le dimanche 1er avril.

Décembre

10 dimanche Déc 2017

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Décembre, Emile Verhaeren, Poésie

(Les hôtes)

– Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
je frappe au seuil et à l’auvent,
ouvrez, les gens, je suis le vent,
qui s’habille de feuilles mortes.

– Entrez, monsieur, entrez, le vent,
voici pour vous la cheminée
et sa niche badigeonnée ;
entrez chez nous, monsieur le vent.

– Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
je suis la veuve en robe grise
dont la trame s’indéfinise,
dans un brouillard couleur de suie.

– Entrez, la veuve, entrez chez nous,
entrez, la froide et la livide,
les lézardes du mur humide
s’ouvrent pour vous loger chez nous.

– Levez, les gens, la barre en fer,
ouvrez, les gens, je suis la neige,
mon manteau blanc se désagrège
sur les routes du vieil hiver.

– Entrez, la neige, entrez, la dame,
avec vos pétales de lys
et semez-les par le taudis
jusque dans l’âtre où vit la flamme.

Car nous sommes les gens inquiétants
qui habitent le Nord des régions désertes,
qui vous aimons – dites, depuis quels temps ? –
pour les peines que nous avons par vous souffertes.

Emile Verhaeren

Novembre

27 dimanche Nov 2016

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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anniversaire, Emile Verhaeren, Novembre, Poésie

Les grand’routes tracent des croix
A l’infini, à travers bois ;
Les grand’routes tracent des croix lointaines
A l’infini, à travers plaines ;
Les grand’routes tracent des croix
Dans l’air livide et froid,
Où voyagent les vents déchevelés
A l’infini, par les allées.

Arbres et vents pareils aux pèlerins,
Arbres tristes et fous où l’orage s’accroche,
Arbres pareils au défilé de tous les saints,
Au défilé de tous les morts
Au son des cloches,

Arbres qui combattez au Nord
Et vents qui déchirez le monde,
Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords
Se débattant et s’engouffrant dans les âmes profondes !

Voici novembre assis auprès de l’âtre,
Avec ses maigres doigts chauffés au feu ;
Oh ! tous ces morts là-bas, sans feu ni lieu,
Oh ! tous ces vents cognant les murs opiniâtres
Et repoussés et rejetés
Vers l’inconnu, de tous côtés.

Oh ! tous ces noms de saints semés en litanies,
Tous ces arbres, là-bas,
Ces vocables de saints dont la monotonie
S’allonge infiniment dans la mémoire ;
Oh ! tous ces bras invocatoires
Tous ces rameaux éperdument tendus
Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu.

Voici novembre en son manteau grisâtre
Qui se blottit de peur au fond de l’âtre
Et dont les yeux soudain regardent,
Par les carreaux cassés de la croisée,
Les vents et les arbres se convulser
Dans l’étendue effarante et blafarde,

Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Oh l’identique et affolant cortège
Qui tourne et tourne, au long des soirs de neige ;
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Dites comme ils se confondent dans la mémoire
Quand les marteaux battants
A coups de bonds dans les bourdons,
Ecartèlent leur deuil aux horizons,
Du haut des tours imprécatoires.

Et novembre, près de l’âtre qui flambe,
Allume, avec des mains d’espoir, la lampe
Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ;
Et novembre si humblement supplie et pleure
Pour attendrir le coeur mécanique des heures !

Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer,
Voici les vents, les saints, les morts
Et la procession profonde
Des arbres fous et des branchages tords
Qui voyagent de l’un à l’autre bout du monde.
Voici les grand’routes comme des croix
A l’infini parmi les plaines
Les grand’routes et puis leurs croix lointaines
A l’infini, sur les vallons et dans les bois !

Emile Verhaeren, Les vignes de ma muraille

Aujourd’hui, 27 novembre, cela fait cent ans qu’Emile Verhaeren mourait dans un accident en gare de Rouen. J’ai choisi un poème de saison (pas très gai, je vous l’accorde, mais l’univers d’Emile Verhaeren exprime souvent de la grisaille, du tourment, mais aussi l’Escaut, la Flandre, une certaine placidité). Pour cet héritage de mots, d’art, de poésie, de patrimoine, merci, Monsieur Verhaeren.

James Ensor, Verhaeren taillant un crayon (1890)

La glycine est fanée et morte l’aubépine

23 dimanche Oct 2016

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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automne, Emile Verhaeren, Poésie

La glycine est fanée et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur
Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
T’apporte les parfums de la pauvre Campine.

Aime et respire-les, en songeant à son sort
Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
Et le peu qu’on lui laisse, elle le donne encor.

En automne, jadis, nous avons vécu d’elle,
De sa plaine et ses bois, de sa pluie et son ciel,
Jusqu’en décembre où les anges de la Noël
Traversaient sa légende avec leurs grands coups d’aile.

Ton coeur s’y fit plus sûr, plus simple et plus humain ;
Nous y avons aimé les gens des vieux villages,
Et les femmes qui nous parlaient de leur grand âge
Et de rouets déchus qu’avaient usés leurs mains.

Notre calme maison dans la lande brumeuse
Etait claire aux regards et facile à l’accueil,
Son toit nous était cher et sa porte et son seuil
Et son âtre noirci par la tourbe fumeuse.

Quand la nuit étalait sa totale splendeur
Sur l’innombrable et pâle et vaste somnolence,
Nous y avons reçu des leçons du silence
Dont notre âme jamais n’a oublié l’ardeur.

A nous sentir plus seuls dans la plaine profonde
Les aubes et les soirs pénétraient plus en nous ;
Nos yeux étaient plus francs, nos coeurs étaient plus doux
Et remplis jusqu’aux bords de la ferveur du monde.

Nous trouvions le bonheur en ne l’exigeant pas,
La tristesse des jours même nous était bonne
Et le peu de soleil de cette fin d’automne
Nous charmait d’autant plus qu’il semblait faible et las.

La glycine est fanée, et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur.
Ressouviens-toi, ce soir, et laisse au vent frôleur
T’apporter les parfums de la pauvre Campine.

Emile Verhaeren, Les heures du soir

A voir à Tournai, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 10 décembre 2016 : Emile Verhaeren – Lumières de l’Escaut, lumière des arts

Louis Artan, Clocher de Blankenberge

Londres

19 dimanche Juin 2016

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Emile Verhaeren, Le mois anglais, Londres, Poésie

Et ce Londres de fonte et de bronze, mon âme,
Où des plaques de fer claquent sous des hangars,
Où des voiles s’en vont, sans Notre-Dame
Pour étoile, s’en vont, là-bas, vers les hasards.

Gares de suie et de fumée, où du gaz pleure
Ses spleens d’argent lointain vers des chemins d’éclair,
Où des bêtes d’ennui bâillent à l’heure
Dolente immensément, qui tinte à Westminster.

Et ces quais infinis de lanternes fatales,
Parques dont les fuseaux plongent aux profondeurs,
Et ces marins noyés, sous des pétales
De fleurs de boue où la flamme met des lueurs.

Et ces châles et ces gestes de femmes soûles,
Et ces alcools en lettres d’or jusques au toit,
Et tout à coup la mort parmi ces foules,
O mon âme du soir, ce Londres noir qui traîne en toi !

Emile Verhaeren

Sir Luke Fides, Asile de nuit, 1874

Mois anglais 1

Ce 15 juin, les Victoriens étaient à l’honneur dans le mois anglais. Je trouve que ce poème de notre Emile Verhaeren national ne dépare pas, avec ses accents de révolution industrielle et de misère…

Le voyage

17 dimanche Avr 2016

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Emile Verhaeren, Johan Jongkind, Le Mois belge, Le voyage, Poésie

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.

Le soir se fait, un soir ami du paysage,
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain, dorment encor.

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
An fouet soudain des montantes marées !
Oh ce regonflement de vie immense et lourd
Et ces grands flots, oiseaux d’écume,
Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes,
Et reviennent sans cesse et repartent toujours !

La mer est belle et claire et pleine de voyages.
A quoi bon s’attarder près des phares du soir
Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs
Réverbérer au loin des lumières trop sages ?
La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages.

Partez, partez, sans regarder qui vous regarde,
Sans nuls adieux tristes et doux,
Partez, avec le seul amour en vous
De l’étendue éclatante et hagarde.
Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains,
Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires,
N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère
Et le résoudre et tout à coup s’en revenir,
Du bout des mers de la terre,
Vers l’avenir,
Avec les dépouilles de ce mystère
Triomphales, entre les mains !

Ou bien là-bas, se frayer des chemins,
A travers des forêts que la peur accapare
Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims
De peuples nains, défiants et bizarres.
Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit
Et surprendre leur culte et ses tortures,
Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit,
Toute la sournoise étrangeté de la nature !

Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor
La pâle et lucide splendeur des pôles
Que le monde retient, sur ses épaules,
Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ?
Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires,
Et les minuits monumentaux des gels polaires,
Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc,
Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs,
Et la neige qui choit, comme une somnolence,
Des jours, des jours, des jours, dans le total silence.

Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins,
Avec son seul orgueil têtu, comme témoin,
Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge
Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge –
Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni
Et rencontrer, malgré les volontés adverses,
Quand même, un jour, ce chemin qui traverse,
De part en part, le coeur glacé de l’infini.

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées
Aux coups de fouet soudains des montantes marées !

Emile Verhaeren, Les forces tumultueuses, 1902

Johan Barthod Jongkind, Quai à Honfleur

Mois belge Logo Khnopff

Le voyage

24 dimanche Jan 2016

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Emile Verhaeren, Johan Jongkind, mer, voyage

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.

Le soir se fait, un soir ami du paysage,
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain, dorment encor.

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées,
An fouet soudain des montantes marées !
Oh ce regonflement de vie immense et lourd
Et ces grands flots, oiseaux d’écume,
Qui s’abattent du large, en un effroi de plumes,
Et reviennent sans cesse et repartent toujours !

La mer est belle et claire et pleine de voyages.
A quoi bon s’attarder près des phares du soir
Et regarder le jeu tournant de leurs miroirs
Réverbérer au loin des lumières trop sages ?
La mer est belle et claire et pleine de voyages
Et les flammes des horizons, comme des dents,
Mordent le désir fou, dans chaque coeur ardent :
L’inconnu est seul roi des volontés sauvages.

Partez, partez, sans regarder qui vous regarde,
Sans nuls adieux tristes et doux,
Partez, avec le seul amour en vous
De l’étendue éclatante et hagarde.
Oh voir ce que personne, avec ses yeux humains,
Avant vos yeux à vous, dardés et volontaires,
N’a vu ! voir et surprendre et dompter un mystère
Et le résoudre et tout à coup s’en revenir,
Du bout des mers de la terre,
Vers l’avenir,
Avec les dépouilles de ce mystère
Triomphales, entre les mains !

Ou bien là-bas, se frayer des chemins,
A travers des forêts que la peur accapare
Dieu sait vers quels tourbillonnants essaims
De peuples nains, défiants et bizarres.
Et pénétrer leurs moeurs, leur race et leur esprit
Et surprendre leur culte et ses tortures,
Pour éclairer, dans ses recoins et dans sa nuit,
Toute la sournoise étrangeté de la nature !

Oh ! les torridités du Sud – ou bien encor
La pâle et lucide splendeur des pôles
Que le monde retient, sur ses épaules,
Depuis combien de milliers d’ans, au Nord ?
Dites, l’errance au loin en des ténèbres claires,
Et les minuits monumentaux des gels polaires,
Et l’hivernage, au fond d’un large bateau blanc,
Et les étaux du froid qui font craquer ses flancs,
Et la neige qui choit, comme une somnolence,
Des jours, des jours, des jours, dans le total silence.

Dites, agoniser là-bas, mais néanmoins,
Avec son seul orgueil têtu, comme témoin,
Vivre pour s’en aller – dès que le printemps rouge
Aura cassé l’hiver compact qui déjà bouge –
Trouer toujours plus loin ces blocs de gel uni
Et rencontrer, malgré les volontés adverses,
Quand même, un jour, ce chemin qui traverse,
De part en part, le coeur glacé de l’infini.

Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages.
Le soir se fait, un soir ami du paysage
Où les bateaux, sur le sable du port,
En attendant le flux prochain dorment encor…

Oh ce premier sursaut de leurs quilles cabrées
Aux coups de fouet soudains des montantes marées !

Emile Verhaeren, Les forces tumultueuses, 1902

Johan Barthold Jongkind, Voilier dans le port de Honfleur, Huile sur papier, 1863

L’Escaut

26 dimanche Avr 2015

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Emile Verhaeren, L'Escaut, Le Mois belge, Poésie

Et celui-ci puissant, compact, pâle et vermeil,
Remue, en ses mains d’eau, du gel et du soleil ;
Et celui-là étale, entre ses rives brunes,
Un jardin sombre et clair pour les jeux de la lune ;

Et cet autre se jette à travers le désert,
Pour suspendre ses flots aux lèvres de la mer
Et tel autre, dont les lueurs percent les brumes
Et tout à coup s’allument,
Figure un Wahallah de verre et d’or,

Où des gnomes velus gardent les vieux trésors.
En Touraine, tel fleuve est un manteau de gloire.
Leurs noms ? L’Oural, l’Oder, le Nil, le Rhin, la Loire.
Gestes de Dieux, cris de héros, marche de Rois,
Vous les solennisez du bruit de vos exploits.

Leurs bords sont grands de votre orgueil ; des palais vastes
Y soulèvent jusques aux nuages leur faste.
Tous sont guerriers : des couronnes cruelles
S’y reflètent – tours, burgs, donjons et citadelles –
Dont les grands murs unis sont pareils aux linceuls.

Il n’est qu’un fleuve, un seul,
Qui mêle au déploiement de ses méandres
Mieux que de la grandeur et de la cruauté,
Et celui-là se voue au peuple – et aux cités
Où vit, travaille et se redresse encor, la Flandre !

Tu es doux ou rugueux, paisible ou arrogant,
Escaut des Nords – vagues pâles et verts rivages –
Route du vent et du soleil, cirque sauvage
Où se cabre l’étalon noir des ouragans,
Où l’hiver blanc s’accoude à des glaçons torpides,
Où l’été luit dans l’or des facettes rapides
Que remuaient les bras nerveux de tes courants.

T’ai-je adoré durant ma prime enfance !
Surtout alors qu’on me faisait défense
De manier
Voile ou rames de marinier,
Et de rôder parmi tes barques mal gardées.

Les plus belles idées
Qui réchauffent mon front,
Tu me les as données :
Ce qu’est l’espace immense et l’horizon profond,
Ce qu’est le temps et ses heures bien mesurées,
Au va-et-vient de tes marées,
Je l’ai appris par ta grandeur.

Mes yeux ont pu cueillir les fleurs trémières,
Des plus rouges lumières,
Dans les plaines de ta splendeur.
Tes brouillards roux et farouches furent les tentes
Où s’abrita la douleur haletante
Dont j’ai longtemps, pour ma gloire, souffert ;

Tes flots ont ameuté, de leurs rythmes, mes vers ;
Tu m’as pétri le corps, tu m’as exalté l’âme ;
Tes tempêtes, tes vents, tes courants forts, tes flammes,
Ont traversé comme un crible, ma chair ;
Tu m’as trempé, tel un acier qu’on forge,
Mon être est tien, et quand ma voix
Te nomme, un brusque et violent émoi
M’angoisse et me serre la gorge.

Escaut,
Sauvage et bel Escaut,
Tout l’incendie
De ma jeunesse endurante et brandie,
Tu l’as épanoui :
Aussi,
Le jour que m’abattra le sort,
C’est dans ton sol, c’est sur tes bords,
Qu’on cachera mon corps,
Pour te sentir, même à travers la mort, encor !

Un poème d’Emile VERHAEREN, pour faire écho à quelques textes découverts en ce mois belge 2015.

La tombe d’Emile Verhaeren à Saint-Amand

Ceux de Liège

11 lundi Août 2014

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Ceux de Liège, Emile Verhaeren, Poésie, Première guerre mondiale

Dût la guerre mortelle et sacrilège
Broyer notre pays de combats en combats,
Jamais, sous le soleil, une âme n’oubliera
Ceux qui sont morts pour le monde, là-bas
A Liége.

Ainsi qu’une montagne
Qui marcherait et laisserait tomber par chocs
Ses blocs
Sur les villes et les campagnes,
S’avançait la pesante et féroce Allemagne.

Oh tragique moment !
Les gens fuyaient vers l’inconnu, éperdument ;
Seuls, ceux de Liége résistèrent
A ce sinistre écroulement
D’hommes et d’armes sur la terre.

S’ils agirent ainsi,
C’est qu’ils savaient qu’entre leurs mains était remis
Le sort
De la Bretagne grande et de la France claire,
Et qu’il fallait que leurs efforts,
Après s’être acharnés, se doublassent encor
En des efforts plus sanguinaires.

Peu importait
Qu’en ces temps sombres,
Contre l’innombrable empire qu’ils affrontaient,
Ils ne fassent qu’un petit nombre ;
A chaque heure du jour,
Défendant et leur ville, et ses forts tour à tour,
Ils livraient cent combats parmi les intervalles ;
Ils tuaient en courant, et ne se lassaient pas
D’ensanglanter le sol à chacun de leurs pas,
Et d’être prompts sous les rafales
Des balles.

Môme lorsque la nuit, dans le ciel sulfureux,
Un Zeppelin rôdeur passait au-dessus d’eux,
Les désignant aux coups par sa brusque lumière,
Nul ne reculait, fût-ce d’un pas, en arrière ;
Mais, tous ils bondissaient d’un si farouche élan
En avant,
Que la place qu’ils occupaient demeurait vide
Quand y frappait la mort rapide.

A l’attaque, sur les glacis,
Quand, rang par rang, se présentaient les ennemis,
Sous l’éclair courbe et régulier des mitrailleuses,
Un tir serré, qui, tout à coup, se dilatait,
Immensément les rejetait,
Et, rang par rang, les abattait
Sur la terre silencieuse.

Chaudfontaine et Loncin et Boncelle et Barchon
Retentissaient du bruit d’acier de leurs coupoles ;
Ils assumaient la nuit, le jour, sur leurs épaules,
La charge et le tonnerre et l’effroi des canons ;
A nos troupes couchées
Dans les tranchées,
Des gamines et des gamins
Distribuaient le pain
Et rapportaient la bière
Avec la bonne humeur indomptée et guerrière.
On y parlait d’exploits accomplis simplement,
Et comme, à tel moment,
Le meilleur des régiments
Fut à tel point fureur, carnage et foudroiement,
Que jamais troupe de guerre
Ne fut plus ferme et plus terrible sur la terre.

La ville entière s’exaltait
De vivre sous la foudre ;
L’héroïsme s’y respirait
Comme la poudre ;
Le coeur humain s’y composait
D’une neuve substance
Et le prodige y grandissait
Chaque existence.

Ô vous, les hommes de demain,
Dût la guerre mortelle et sacrilège
Nous écraser encor dans un dernier combat,
Jamais, sous le soleil, une âme n’oubliera
Ceux qui sont morts pour le monde, là-bas,
A Liége.

Emile VERHAEREN (1855-1946)

Evocation, hommage du poète belge aux soldats belges qui se sont battus vaillamment en août 1914 pour tenter de contrer l’armée allemande à Liège et dans les forts qui ceinturaient la ville.

Poppy Thiepval

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