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Archives de Catégorie: Des Mots en Poésie

Dédicace

04 mercredi Mai 2022

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie, Des Mots européens

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Czeslaw Milosz, Marc Chagall

Toi que je n’ai pu sauver
Entends-moi.
Tu dois comprendre ces mots simples, d’autres me feraient honte.
Je te jure, mon langage n’est pas ensorceleur.
Je te parle au moyen du silence,
Tel un nuage, tel un arbre.

Ce qui me fortifiait était pour toi mortel.
Tu confondais l’adieu à une époque et le commencement d’une époque nouvelle

Le langage de la haine et la beauté lyrique,
La force aveugle et la forme accomplie.

Voici la vallée polonaise aux fleuves peu profonds. Et un immense pont
S’avançant dans un brouillard blanc. Voici une ville brisée,
Et le vent sur ta tombe jette des cris d’oiseaux
Pendant que je te parle.

Que signifie une poésie qui ne sauve
ni peuple ni nation ?
Une complicité avec les mensonges officiels,
La chanson d’un pochard dont la gorge sera tranchée demain,
Lectures pour jeunes étudiantes.
J’ai désiré sans le savoir une bonne poésie,
Et découvert, tardivement, son but salvateur ;
Cela, et cela seul, peut sauver les valeurs.

Ils versaient sur les tombes du millet ou des grains de pavot
Pour nourrir les morts qui reviendraient en oiseaux.
Je dépose ici ce livre pour toi, qui vécus autrefois,
Pour que tu ne nous visites plus.

Czesław MILOSZ,  Enfant d’Europe, traduit du polonais par Monique Tschui et Jil Silberstein, L’Âge d’Homme, 1980

Voilà le poème que j’ai choisi pour ce rendez-vous poétique avec Marilyne. Czeslaw Milosz (1911–2004) est un poète polonais, qui a participé à la résistance contre les nazis, a fui le régime de Varsovie au début des années cinquante. Le thème de l’exil et du déracinement est très présent dans son oeuvre. Il était très proche du mouvement Solidarnosc mais il n’a pu rentrer vraiment en Pologne qu’en 1993. Il a reçu le prix Nobel en 1980. Il était également le traducteur de nombreux poètes en polonais.

J’ai choisi ce poète un peu en lien avec mes dernières lectures de Diane Meur et Henri Roanne-Rosenblatt, et du coup je vous propose cette peinture de Marc Chagall, Homme-coq au-dessus de Vitebsk (1925). Ca n’a rien à voir avec la poésie mais c’est tout un contexte de lectures qui m’y ont fait penser.

Aujourd’hui, Marilyne vous propose deux poèmes du Mexicain Octavio Paz.

For intérieur Haïbuns

06 mercredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Pippa, Poésie, Thierry Werts

Place Louise

Deux heures à tenir encore
Ma permanence nocturne s’achève enfin
J’ai de plus en plus de mal à tenir
Toutes ces années à supporter les
misères de cette ville
Trouver des solutions qui n’en sont pas
Vingt-quatre heures déjà sans dormir
Ce travail si humain l’est-il vraiment ?
Dans deux stations de métro un café m’attend
J’ai froid

Sans doute la fatigue
J’engouffre un second pain au chocolat
pour compenser
Lentement je refais surface
au rythme de l’escalator
et comme à chaque fois nos regards
se croisent

Dernières gelées

Dans les yeux du sans abri

Un croissant de lune

Pour ce mercredi poésie d’avril, il fallait évidemment du belge. Et je ne pouvais que choisir ce recueil choisi chez Pippa (adorable librairie du Quartier latin consacrée à l’édition indépendante et maison d’édition solidaire) et offert par Marilyne.

Thierry Werts est un magistrat belge, procureur dont les matières de prédilection sont les homicides, le droit international humanitaire et la protection de la jeunesse. Il aime la randonnée et l’écriture.

Cette première page du recueil For intérieur donne le ton de l’ouvrage qui alternera un poème et un haïku quelque part dans Bruxelles, jamais loin du Palais de justice ou à Braine-le-Château (où se situe un centre fermé pour les jeunes délinquants) et un poème et un haïku liés à une mission ou un voyage à l’étranger, en Afghanistan, au Liban, au Sénégal, entre autres. Poèmes et haïkus ou plutôt haïbuns, comme le titre nous le précise. « Le haïbun est une composition littéraire dans laquelle prose et haïku se mêlent en une brève narration poétique d’une expérience réelle ou imaginaire » nous explique l’Association francophone des auteurs de haïbuns. En lignes épurées, Thierry Werts évoque de douloureuses histoires d’enfants placés, des violences familiales en Belgique, la violence toujours aux aguets en Afghanistan, les couleurs de l’Afrique ou la partition de Chypre. L’écriture sert d’exutoire, d’apaisement face aux sentiments de dégoût et d’impuissance, une tentative pour prendre de la hauteur et goûter la vie au jour le jour malgré les horreurs du monde.

Les aquarelles à l’encre de Chine d’Alexia Calvet accompagnent les textes de Thierry Werts avec une grande délicatesse. Elles offrent un joli contrepoint tout en douceur et appellent à l’harmonie.

« Un hiver sans fin
La juge écarte une larme
Entre deux destins »

« L’ombre d’un oiseau
Traverse le citronnier
Qui s’en souviendra ? »

Thierry WERTZ, For intérieur Haïbuns, Editions Pippa, 2016

Allons découvrir le billet de Marilyne sur Les ennuagements du coeur d’Yves Namur.

Le Mois belge 2022

Au prince

09 mercredi Mar 2022

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie, Des Mots italiens

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Ennio Morricone, Pier Paolo Pasolini

Pour ce rendez-vous poétique avec Marilyne, je vous propose un seul poème de Pier Paolo Pasolini, né il y a cent ans le 5 mars 1922.

Si le soleil revient, si le soir descend
si la nuit a un goût de nuits à venir,
si un après-midi pluvieux semble revenir
d’époques trop aimées et jamais entièrement obtenues,
je ne suis plus heureux, ni d’en jouir ni d’en souffrir ;
je ne sens plus, devant moi, la vie entière…
Pour être poètes, il faut avoir beaucoup de temps ;
des heures et des heures de solitude sont la seule
façon pour que quelque chose se forme, force,
abandon, vice, liberté, pour donner un style au chaos.
Moi je n’ai plus guère de temps : à cause de la mort
qui approche, au crépuscule de la jeunesse.
Mais à cause aussi de notre monde humain,
qui vole le pain aux pauvres et la paix aux poètes.

Pier Paolo PASOLINI, La persécution – Une anthologie (1954-1970), traduit de l’italien par René de Ceccatty, Points Poésie, 2014

A écouter en lisant : une musique d’Ennio Morricone, ami de Pasolini.

Allons voir le choix de Marilyne qui nous propose des haïkus de printemps.

A l’intérieur de la nuit

02 mercredi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie, Des Mots français

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Editions Cheyne, Jean-Pierre Siméon, Poésie

Quatrième de couverture :

Le meilleur de la nuit
Se prend à pleines lèvres
A corps perdu

A brassées d’herbes et de brumes

Avec les gestes du dénouement
Avec l’oreille du loup

En écho à notre premier rendez-vous poétique avec Marilyne (qui vous présentait le Petit éloge de la poésie de Jean-Pierre Siméon), je vous propose aujourd’hui ce recueil consacré à la nuit. Difficile de ne pas craquer devant ce magnifique objet-livre, à la couverture à rabats bleu nuit et argent, au papier épais, du « papier recyclé Keaykolour poussière de lune et Keaykolour bleu de Chine 120g », illustré des images lunaires de Yann Bagot.

La citation épigraphe nous donne la clé de ce recueil : « La nuit est notre vérité, elle nous invite à rejoindre un lieu plus ancien qu’on appelle parfois l’âme, et dont la langue nous est indéchiffrable. » (Anne DUFOURMANTELLE, Eloge du risque) Silence, profondeur, lenteur, retrait et compréhension intime, réflexion paradoxalement plus éclairée qu’en plein jour, voilà ce que permet la nuit, « jamais seulement l’extinction du jour ».

La nuit parfois est cette eau très pure
Qui donne raison
A notre soif d’amour
(p. 13)

La poésie c’est la nuit
Bergère des ombres
Et des clartés égarées

Etoile des étoiles
Dans l’abîme des villes
Et le lit des massacres

C’est la nuit
Dans sa chevelure de branches
Et de rivières dormantes

Elle ferme nos paupières
Pour que s’entende
Enfin
Le bruissement de l’âme
(p. 17)

Les textes, les vers sont courts, imagés avec simplicité : « La nuit / La vraie / Très simple : / Un enfant / Pieds nus dans l’herbe / Avec le chat / L’oeil rond » (p. 38) Poésie dépouillée, minimaliste, nourrie pourtant de multiples références artistiques à Michaud, Reverdy, Soulages, aux contes ou à la mythologie. Jean-Pierre Siméon évoque toutes les nuits, de printemps, d’hiver, à l’hôpital, de violence, entre autres.

Toutes les nuits

La nuit comme une forêt
Qui avale

La nuit comme une colline
Où le ciel repose

La nuit comme une mer
Par gros temps

La nuit comme une frondaison
La nuit comme un rivage aux oiseaux

La nuit comme un cri sans fond
La nuit comme une joue aimée

La nuit comme un seuil
Vers plus de nuit

La nuit qui abandonne
Ou qui embrasse

Toutes les nuits
Sont dans la nuit
(p. 50-51)

Le livre se termine sur une coda manuscrite mais je vous laisse en compagnie de ce court texte pour conclure :

Nous n’aimerons bien le jour
Que pour avoir aimé
La nuit
(p. 57)

A contempler pour accompagner cette lecture : cette toile de Pierre Soulages datée de 1975, en écoutant un Nocturne de Chopin.

Montpellier : une toile de Soulages adjugée 1,6 million d'euros aux  enchères ! - midilibre.fr

Jean-Pierre SIMEON, A l’intérieur de la nuit, Images de Yann BAGOT, Cheyne, 2021

Marilyne vous emmène aujourd’hui dans une anthologie consacrée aux Poètes en partance.

Petit Bac 2022 – Couleur 1

Comme résonne la vie

05 mercredi Jan 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des mots du Québec, Des Mots en Poésie

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Editions Bruno Doucey, Hélène Dorion, Poésie

Pour commencer cette nouvelle année, j’inaugure un nouveau rendez-vous mensuel autour de la poésie avec ma copine Marilyne. Chaque premier mercredi du mois (sauf exceptions tout à fait plausibles), nous vous présenterons de la poésie : un texte, un auteur, un recueil… avec des liens avec d’autres formes artistiques. Ca me fait plaisir qu’on se rejoigne sur ce projet, car s’il y a longtemps que je n’ai plus présenté de poésie ici, j’en lis et j’en achète régulièrement. (Mais je ne vous présenterai pas spécialement des nouveautés…)

En ce mois de janvier, je vous invite à découvrir la poétesse québécoise Hélène Dorion, née en 1958, à travers ce recueil Comme résonne la vie, dont voici le poème inaugural :

Comme résonne étrangement la vie
que tu vois se lever, au milieu du brouillard
de l’enfant que tu étais, hier encore
à la table où ton père, où ta mère
fouillaient le quotidien, sarclaient
la terre, arrachaient les herbes égarées
parmi les tulipes hautes
qui flottent encore dans le jardin comme
des étoffes, et mesurent les vents à venir.

Alors, comme résonne étrangement la vie
derrière la tempête qui broie ton corps
d’enfant, jette des marées de solitude
sur tes rêves, crois-tu, un mouvement
de lumière gagne sur la brume
peu à peu tu défriches la forêt
du passé, vois le chemin
où naissent et glissent
dans la terre les fragiles espérances.

Tu entends soudain la pulsation du monde
déjà tu touches sa beauté inattendue.
Dans ta bouche fondent les nuages
des ans de lutte et de nuées noires
où tu cherchais le passage
vers l’autre saison

et comme résonne étrangement l’aube
à l’horizon, enfin résonne ta vie.

A travers ses poèmes, Hélène Dorion dit le voyage personnel, l’histoire humaine, souvent marqués de grands vents et d’hivers froids, mais toujours reliés à la nature, une ancre qui permet de ne pas se noyer dans les grands fonds, de comprendre le chemin, de se révéler au bout de la nuit. Plusieurs poèmes sont écrits tantôt en tu, tantôt en je, creusant le mystère de notre présence au monde.

Horizons 2

Tout ce qu’il faut de lumière, tout
ce qu’il faut d’ombre pour tenir au faîte
de soi-même, être libre, crois-tu, être vraie
pour autant que cela veuille toujours dire
quelque chose, aujourd’hui que soufflent
sur tes pas les vents durs
ta main s’agrippe où persiste l’éclaircie.

C’est en haut, tout en haut qu’est ta vie
tu entres par le feu, tu sais
désormais le mensonge, désormais la trahison, l’orage
a secoué le navire, arraché les mâts, le choc
t’a projetée si loin — soudain tu n’entends
ni ne vois d’horizon, ne touches
ni l’amour ni l’oubli de l’amour.

Mais la rive, tu devines une rive au milieu de nulle part
une voix creuse et affouille l’obscurité
le temps bientôt remuera de nouveau
— chaque heure contient ta destinée.

(p. 38)

Quelques textes disent aussi la richesse des mots, des poèmes sur lesquels on peut compter pour creuser la fragilité et s’accrocher aux branches solides ou aux frêles bourgeons.

Les mots dans la bouche
d’un livre qui les abrite et les confie
à l’or et au plomb, tu ouvres
la porte du jardin d’encre
et de papier, jardin de roses et de soie.

Une phrase recompose l’espace
en détache le passé incertain
comme une empreinte rejoint ce qu’il efface
il est temps de rendre les mots
à ce qui les tient à l’abri

comme un nid fragile
au bout de la branche, de les recueillir
qu’ils épuisent le manque
et couvrent chaque chose
de leur souffle, disent
la matière lumineuse
qu’ils ramènent vers nous.

(p. 52)

Impossible de ne pas sourire et noter l’un des derniers poèmes du lire, p. 63 :

Tu aurais lu tous les livres sur les rayons
les nouveaux comme les anciens, les grands
et petits formats, ceux qui traînent
depuis des mois, entamés
ou pas même ouverts, ceux
d’auteurs complices

Tu aurais lu les plus sombres
les légers, les illisibles et même ceux
qui cassent comme
glaces du fleuve, t’inventent un estuaire
ceux qui bousculent
t’abandonnent au milieu ou te poussent
du haut d’une falaise vers ton dénouement
ceux qui creusent, touchent ton cœur
remuent encore, une fois rangés
sur le rayons, ceux

qui ont mis ta vie sens dessus dessous
et ne se referment pas, tournent encore
autour de toi, ceux qui s’accumulent
sur la table du sommeil
que tu croyais connaître
par cœur, n’entrent pas
dans la poche des heures, courbent
l’échine, ont l’épine à l’envers, restent
sur le dos de la couverture
cachent leur vrai visage, ceux qui
à la fin, te diront que la vie tient aussi
aux histoires qui la racontent,
aux mots qui surgissent par la fenêtre
à ce qu’ils éclairent
dans la forêt de tes pas.

Pour accompagner ce billet, comme il est souvent question d’hiver et d’arbres dans ce recueil, je vous propose de contempler ce tableau de Camille Pissarro, Paysage enneigé à Eragny avec un pommier. Et pourquoi pas, d’écouter L’hiver des Quatre saisons de Vivaldi ?

Paysage enneigé à Eragny avec un pommier

Hélène DORION, Comme résonne la vie, éditions Bruno Doucey, 2018

Marilyne vous présente Petit éloge de la poésie de Jean-Pierre Siméon.

Défi Un hiver au chalet – Catégorie Ah ! comme la neige a neigé ! (un recueil de poésie)

Et j’inaugure avec ce titre le Petit Bac 2022 – Verbe 1.

Verlaine d’ardoise et de pluie

25 dimanche Avr 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

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Folio, Guy Goffette, Paul Verlaine

Verlaine d'ardoise et de pluie par Goffette

Quatrième de couverture :

Parce que, tout de même, un homme, c’est bien autre chose que le petit tas de secrets qu’on a cent fois dit.
Bien autre chose, en deçà et au-delà de l’histoire qui le concerne, comme un pays sans frontière, et l’horizon ne tient la longe qu’aux yeux. C’est un pays rêvé quand on ne rêvait pas encore, et c’est le rêve d’un pays qui vous mène quand tout dort, quand on est soi-même endormi. Au réveil, ça vous colle à la peau. Ça vous remplit et ça vous vide tour à tour. La plénitude et le manque, systole, diastole, flux, reflux, qui font aller l’homme comme la mer, d’un bord à l’autre de lui-même. Parce qu’un poète, c’est toujours un pays qui marche, dressé comme une forêt, et traînant dans sa langue une terre d’exil, un paradis d’échos.

Comme j’ai publié chaque dimanche d’avril un livre en rapport avec la poésie, je continue avec cette biographie originale de Verlaine par le poète et romancier belge Guy Goffette.

Ce n’est pas un livre récent mais il n’est absolument pas périmé : dans cette biographie pas classique du tout, un poète évoque un poète, un Ardennais présente Verlaine sous l’angle de la route (pas rectiligne du tout) et sous son rapport à l’Ardenne, à laquelle il est revenu le plus possible pendant une bonne partie de sa vie pour retrouver un peu de calme, de droiture dans sa vie.

Les chapitres sont très courts, ils sont écrits comme un poème en prose pour raconter la naissance de Verlaine après trois fausses couches, l’enfance gâtée, la révolte contre le père (pas aussi forte que celle de Rimbaud), l’alcoolisme ravageur, le mariage rêvé et complètement raté avec Mathilde, l’attrait pour les garçons, la folle équipée avec Rimbaud, la prison, la fin de vie misérable. Mais Guy Goffette nous attache à cet homme, à ce poète et compose lui aussi quelques poèmes pour accompagner le parcours verlainien. Un petit livre qui « explique » tout par l’enfance ardennaise de l’auteur des Fêtes galantes.

« Quoi qu’il fasse, Verlaine a l’Ardenne infuse. Elle coule dans ses veines comme du petit-lait, pas blanchâtre, pas bleu de Marie, comme voulait sa mère, mais verte et sombre comme le schiste sous la pluie.

À cause d’elle, il préférera toujours le Nord au Sud et ses errances ne le porteront pas au-delà de la Loire. (…)

L’Ardenne, c’est encore et toujours là que, fuyant le bagne parisien, il viendra se refaire une santé, se consoler d’un chagrin, reprendre goût à l’amour et à l’amitié.

L’Ardenne infuse, c’est du bon sens paysan à revendre, et de la verdeur verte; c’est le front rembruni du taiseux, l’ œil du maquignon, la sourde violence du taureau. Et aussi la placide indifférence de la vache, l’ondulation des coteaux sous le vent, la longue laisse des plateaux que module la pluie, le balancement des sapins noirs et l’interminable ennui de la plaine.

Et c’est de là, bien sûr, des mouvements contrastés et vagues à la fois de cette terre qui l’habite comme l’exil, de cette rencontre en lui du féminin et du viril, de la fragilité et de la brute, du schiste et de la pluie, que Verlaine tirera la native et sensuelle musicalité de son vers, sans égale dans la poésie française. (…)

O verre verdoyant  des étangs

où, calme, les loups gris s’en allaient

boire la nuit, et leurs grands yeux blancs

signaient l’ombre comme en un ballet.

Verlaine, et qu’importe le décor,

c’est toujours l’enfant frêle et rêveur

qui ne peut faire barre de son corps

à ce qui monte en lui, et qui pleure.

C’est le vent du nord qui le déchire

ou le schiste ouvert comme un canif,

ou c’est la plainte encore, le délire

du grand cerf blessé, qui met à vif

son âme gamine et qui s’ignore

comme tous ceux qu’un pays traverse

et qui ont beau marcher, leur effort

reste vain, et la nature verse

en eux le sang vert d’un lent poison,

plus lourd que toute mémoire et puis

plus long à mourir que la chanson

nue des blés sous les doigts de la pluie.

O fée verte d’ici, que n’es-tu

la belle qui ramène, naïve,

l’alme douceur à ce vieux têtu,

couché sur la table, qui dérive ? » (pp. 75-78)

Guy GOFFETTE, Verlaine d’ardoise et de pluie, Folio, 2009 (Gallimard, 1996)

Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine

Petit Bac 2021 – Météo

Venus poetica / Brûler Brûler Brûler

18 dimanche Avr 2021

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Des Mots en Poésie

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L'Arbre à paroles, L'Iconoclaste, L'Iconopop, Lisette Lombé, Poésie

Venus poetica par Lombé

Ce livre est présenté comme un premier roman, mais il est inspiré de la propre vie de Lisette Lombé qui raconte sa vie sous le prisme de la féminité, du sexe, du racisme et de la création littéraire. Femme, noire, artiste slameuse notamment, le parcours est digne d’intérêt. Mais franchement, ce qui ressort du texte pour moi, ce sont ces expériences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, sans aucun complexe, il y en a à toutes les pages et pour tous les goûts (ok ok c’est un mauvais jeu de mots). J’assume totalement mon côté naïf et prude, et/ou que je n’ai rien compris au propos réel du livre mais franchement ça m’a saoulée : heureusement que le livre ne fait qu’une soixantaine de pages sinon je l’aurais abandonné. J’espérais que Lisette Lomé parlerait davantage de son travail d’artiste et de sa création littéraire, je suis restée sur ma faim et j’ai ouvert un de ses recueils de textes publiés par ailleurs.

Brûler brûler brûler par Lombé

Quatrième de couverture :

« Te faire douter.
Te faire avoir peur.
Te faire avoir honte
De ta couleur.
Qui oubliera ?
Qu’à un noir,
On disait tu… »

Antiracistes, féministes, politiques, les mots de Lisette Lombé font battre le pavé et le cœur. Le poing levé, à coups de mots et de collages, elle dénonce les injustices et poursuit le combat de ses aînées, d’Angela Davis à Toni Morrison.

Les textes de Lisette Lombé sont rudes, durs, ils claquent, ils dénoncent le sexisme, la violence faite aux femmes, le harcèlement, le racisme, les exclus de notre société, ils réclament le droit à la liberté, le droit de disposer de son corps, surtout quand on est une femme, un changement de politique. Tout ce qui brûle de l’intérieur (et de l’extérieur). L’écriture slamée rythme ces textes qui ressemblent souvent (du moins dans la mise en page)à des poèmes en prose. Mais avec la colère, ils sont aussi empreints de compassion : j’ai été frappée par un texte écrit en mémoire de la petite Mawda, enfant de migrants tuée par la police belge en 2018 et par le texte sur la mère d’une fille radicalisée et partie en Syrie.

Cela valait la peine de lire autre chose que Venus poetica (à mon humble avis).

« Le collage, c’est pour les jours où je peux entendre,
dans les transports en commun :
« Dans quel monde on vit, Madame ! »

Ces jours-là
,jours de énième scandale pédophile,
énième bavure policière,
énième féminicide,
énième incident mortel dans une usine,
ces jours-là,
lendemains d’élections, d’attentat, de cataclysme,
ces jours-là,
une lave noire et visqueuse déboule dans ma gorge
et carbonise toutes mes belles petites phrases humanistes
qui me sauvent tous les jours sauf ces jours-là.

Jours de paires de ciseaux, d’images en noir et blanc, de précision et de silence.
Une main qui tient une paire de ciseaux
ne peut rien faire d’autre que tenir une paire de ciseaux.

Soit tu découpes des corps dans le papier glacé,
soit tu t’enfonces la pointe de tes ciseaux dans l’œil.
Ces jours-là.

Mawda Shawri.
Tuée dans la nuit du 17 au 18 mai 2018.
Née le 14 avril 2016. »

« Mon fils est gay

Mon fils est gay.
Ce matin, il portait une raie de côté, un pull cintré, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché.
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez : une cravate pailletée.

Mon fils est gai.
Il aime les posters de pompiers, les sauces sucrées salées, son moniteur d’athlé.
La vie. La poésie.
De celle qui fait vibrer, de celle qui fait trembler nos arrière-cours d’humanité.
Et notre routine désaxée en une danse opiacée.
Et le Grevisse contorsionné en petits avions de papier.
La vie. La poésie.

Mon fils est gay.
Il a appris que, dès le collège et au lycée,
le meneurs d’ombres, les suiveurs nombres adorent
traquer le petit gibier.
Les roux qui puent, les pauvres qui schlinguent, les grosses qui suintent et les baltringues.
Les fiottes sucées, les folles tentées, les p’tits pédés coquets, guidés, endimanchés.
C’est le swing des charniers :
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans se confier !
Jamais, jamais, jamais, jamais !
Etre tabassé, être humilié, être harcelé, sans balancer !
Jamais, jamais, jamais, jamais !

Mon fils est gay.
Et ce matin, exténué,
malgré, malgré, malgré, malgré,
il n’a plus pu y retourner.
Et ce matin, dans le grenier,
perdu, pendu,
mon fils portait une raie de côté, une veste cintrée, un jean serré.
Coquet, guindé, endimanché,
Imaginez sa toute dernière nouveauté, après le tatoo, le piercing dans le nez,
comme une ultime volonté :
une cravate pailletée.
Une cravate pailletée qui je crois bien m’appartenait.

Une cravate pailletée très bien nouée, trop bien serrée,
autour du cou, entortillée.
Une cravate pailletée,
de celle qui fait vibrer,
de celle qui fait trembler
nos arrière-cours d’humanité. »

Lisette LOMBE, Brûler Brûler Brûler, L’Iconoclaste, Collection L’Iconopop, 2020

Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine (poésie)

Still standing

04 dimanche Avr 2021

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Carl Norac, Poète national, Poésie

Je reprends la poésie du dimanche pour vous proposer le sixième poème qu’a écrit Carl Norac en tant que Poète national (toutes les explications sont ici). Ce poème fait écho à toutes les préoccupations et les actions du monde de la culture en ce temps de pandémie : Still Standing for culture.

Bonne fête de Pâques à tous et à toutes !

Still standing

Sortant du train bondé,

de la fourmilière des gens

qui filent vers la mer pour emplir

la digue de souffles, de fleurs en papier

et soigner leurs fêlures,

il marche vers le théâtre

et entre dans la salle vide.

Aujourd’hui, il devait y confier ses chemins,

la simple égratignure du temps quand il devient lueur,

poème comme sable ou caillou, jamais cendre,

avec ces pointes d’ongles

que la paume adoucit vers le regard des autres.

Personne. Devant la porte scellée,

ces sièges rouges fermés comme des huîtres,

debout, il lit cependant. Pas pour lui-même.

Il envoie ses paroles aux quatre coins,

qu’elles fassent office de paysage, prennent place

pour les absents qui, peut-être,

se seraient laissés traverser.

À la dernière strophe, il hausse la voix,

avec fougue, comme si ses phrases

portaient juste un peu de poudre.

Qui sait ? La poésie parfois fait sauter les serrures.

Et c’est ce qu’il advient.

Par cet infime appel d’air vers la rue,

passantes et passants entrent lentement,

s’asseyent en forçant

les coquillages de velours rouge.

Plus rien ne bouge.

L’homme lui-même se tait un court instant

et ce premier silence, devant une assemblée,

ayant pour seule loi le bonheur

d’être rompu ensemble,

explose soudain tel un chant.

Ah comme il est bon de retrouver en soi

au moins un mot qui n’obéira pas.

 

Le Mois belge 2021 – catégorie L’Ane qui butine (poésie)

Jean-Loup Dabadie, Ma Préférence

24 dimanche Mai 2020

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie, Des Mots français, Des Notes de Musique

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Jean-Loup Dabadie, Julien Clerc Ma Préférence

Jean-Loup Dabadie s’en est allé ce 24 mai. Parolier, scénariste, académicien, ce beau monsieur au sourire et au phrasé délicieux  a écrit pendant longtemps des chansons pour Julien Clerc, mon chanteur chouchou. C’est ans doute la plus connue, mais c’est la signature de Julien Clerc, la chanson qui marque chaque fin de concert. Ma Préférence… Salut l’artiste.

Je le sais
Sa façon d’être moi parfois vous déplaît
Autour d’elle et moi le silence se fait
Mais elle est
Ma préférence à moi
Oui je sais
Cet air d’indifférence qui est sa défense
Vous fait souvent offense
Mais quand elle est parmi mes amis de faïence, de faïence
Je sais sa défaillance
Je le sais
On ne me croit pas fidèle ce qu’elle est
Et déjà vous parlez d’elle à l’imparfait
Mais elle est
Ma préférence à moi
Il faut le croire
Moi seul je sais quand elle a froid
Ses regards ne regardent que moi
Par hasard elle aime mon incertitude
Par hasard j’aime sa solitude
Il faut le croire
Moi seul je sais quand elle a froid
Ses regards ne regardent que moi
Par hasard elle aime mon incertitude
Par hasard j’aime sa solitude
Je le sais
Sa façon d’être à moi parfois vous déplaît
Autour d’elle et moi le silence se fait
Mais elle est
Elle est ma chance à moi
Ma préférence à moi
Ma préférence à moi
Lalala
Lalalalalalalalala
Lalala
Lalalalalalalalala
Lalala
Lalala
Ma préference à moi
Ma préference à moi
Ma préference à moi

Bonne fête de Pâques !

12 dimanche Avr 2020

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots en Poésie

≈ 8 Commentaires

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Colette Nys-Masure, Poésie

Bonne fête de Pâques à tous et à toutes, même si cette année elle a une saveur très particulière. J’espère que vous avez l’occasion et le moyen d’être reliés à d’autres par la technologie.

Je me permets de remettre ici un poème que j’avais déjà proposé en avril 2017. Je suis « retombée dessus » en cherchant autre chose sur le blog et je le trouve vraiment et toujours d’actualité.

Je sais la mort, le vide, l’angoisse suante.
Je pourrais hurler au mal, à la nuit.
Crier le temps à l’œuvre en moi :
la lente corruption des sources,
la chair qui se défait
et le cœur qui s’effrite.
Les pans d’ombre dévorant le soleil
et la vie s’échappe et fuit par toutes les issues.
Les espoirs mort-nés,
les soifs mal étanchées.
Les folies douces et noires,
les suicides rêvés
et l’usure de l’être,
la solitude, le gel de l’âme,
les illusions fanées,
les amours avortées.

Je dis la beauté du monde toujours offerte,
là, sous mes doigts, sous mes yeux.
La joie pudique et la fête sans lendemain.
L’espérance apprise,
la sève obstinée,
la chanson patiente.
Les instants d’éternité et l’éternité entrevue.
L’aventure inouïe d’un réveil,
le jaillissement de la création
et l’invention de l’amour.
Le bonheur surpris et la mort apprivoisée.

Je ne maudirai pas les ténèbres,
je tiendrai haut la lampe.

Colette NYS-MASURE, La Vie à foison, éditions Foissart, 1975

Arbres du parc de mon école, que j’ai hâte de retrouver

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