Gaspard de la nuit : Trois poèmes pour piano d’après Aloysius Bertrand est un triptyque de Maurice Ravel (1875-1937). Ondine, Le Gibet et Scarbo sont les trois parties de cette oeuvre noire, devenue l’emblème de son compositeur.
Je vous propose d’écouter l’interprétation de Martha Argerich.
Pour terminer ce mois de novembre marqué de mélancolie, je vous propose d’écouter la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. C’est une oeuvre composée d’abord pour le piano en 1899 puis orchestrée par Ravel en 1910.
La pavane est une danse lente, grave, nostalgique et de caractère noble au 17è siècle. C’est une des oeuvres les plus connues de Ravel, dédiée à la princesse de Polignac.
Je vous propose d’écouter les deux versions, celle au piano jouée par Ravel lui-même et celle à l’orchestre jouée par le Chicago Symphony Orchestra dirigé par Daniel Barenboïm.
Je suis ravie qu’un de mes compositeurs préférés ait composé un air de cloches 😉
La vallée des cloches est une des cinq pièces de Miroirs de Maurice Ravel (1875-1937): « L’intention de Ravel était de montrer les images visuelles et les ambiances de cinq personnages différents se regardant chacun dans un miroir. Elles participent du style impressionniste de Ravel, ce qui justifia le titre de ce recueil, citant Shakespeare : La vue ne se connaît pas elle-même avant d’avoir voyagé et rencontré un miroir où elle peut se reconnaître. (Jules César, acte I, scène 2) » (source : Wikipedia)
Voici cette Vallée des cloches jouée par le compositeur lui-même.
Dès 1906, Ravel avait le projet de créer une Apothéose de la valse en hommage à Johann Strauss. Mais bien sûr, la Première guerre mondiale a complètement éloigné Ravel (et la société tout entière d’ailleurs) de cette vision romantique de la valse, typiquement 19è siècle. Le compositeur français fera donc percevoir dans son oeuvre la décadence de la civilisation, toujours menacée par la barbarie.
Le musicien composa selon sa propre expression un « tourbillon fantastique et fatal », somptueuse évocation de la grandeur, de la décadence puis de la destruction de la civilisation occidentale. Il écrit lui-même à propos de sa partition : « Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir, par éclaircies, des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu : on distingue A) une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au ff. Une Cour impériale, vers 1855. »
Voici La Valse, interprétée par l’Orchestre national de France dirigé par Leonard Bernstein.
Maurice Ravel était trop petit et chétif pour faire son service militaire, il avait été réformé bien avant 1914. Mais il voulait faire la guerre et devint ambulancier du côté de Bar-le-Duc et de Verdun. Victime de dysenterie puis d’une péritonite, il sera opéré en octobre 1916 et démobilisé en mars 1917. Entre temps il a appris le décès de sa mère, qui le marquera durablement.
De 1914 à 1917, il a composé Le Tombeau de Couperin, une oeuvre qui peut être jouée au piano ou à l’orchestre. Un Prélude précède quatre danses (Fugue, Forlane, Rigaudon, Menuet) et une Toccata, dans l’esprit des danses françaises du 18è siècle, mais surtout chaque partie est un hommage à un soldat français ami du compositeur tombé pendant la guerre.
Au piano par Samson François
A l’orchestre avec l’Orchestre symphonique de Francfort dirigé par Jaime Martin
«Quand Ravel leva la tête, il aperçut, à distance, debout dans l’entrée et sur les marches de l’escalier, une assistance muette. Elle ne bougeait ni n’applaudissait, dans l’espoir peut-être que le concert impromptu se prolongeât. Ils étaient ainsi quelques médecins, infirmiers et convalescents, que la musique, traversant portes et cloisons, avait un à un silencieusement rassemblés. Le pianiste joua encore la Mazurka en ré majeur, puis une pièce délicate et lente que personne n’identifia. Son doigt pressant la touche de la note ultime la fit longtemps résonner.»
En mars 1916, peu après avoir achevé son Trio en la mineur, Maurice Ravel rejoint Bar-le-Duc, puis Verdun. Il a quarante et un ans. Engagé volontaire, conducteur d’ambulance, il est chargé de transporter jusqu’aux hôpitaux de campagne des hommes broyés par l’offensive allemande. Michel Bernard le saisit à ce tournant de sa vie, l’accompagne dans son difficile retour à la vie civile et montre comment, jusqu’à son dernier soupir, «l’énorme concerto du front» n’a cessé de résonner dans l’âme de Ravel.
Sa constitution chétive l’avait fait réformer bien avant 1914 mais Maurice Ravel tenait absolument à participer à l’effort de guerre. A l’âge de quarante ans, il fut donc affecté dans un service à l’arrière du front, au volant d’une camionnette qu’il surnomme Adélaïde, il achemine du matériel, il ramène du front les soldats blessés pendant la longue et terrible bataille de Verdun. Au coeur de la guerre, le soldat Ravel est attentif aux sons des obus, des canons et se détend comme il le peut en écoutant chanter les oiseaux dans les forêts de l’Argonne et du Barrois, entre Marne et Meuse. De retour à la vie civile, Ravel retrouve la source de la composition, à la fois semblable et à jamais changée, sans doute nourrie, approfondie par la présence rassurante, immémoriale de la forêt et des longues promenades pendant lesquelles Ravel se ressource et se livre aux rêves inspirants. Forêt du Vexin normand, forêt d’Ardèche, et jusqu’à la forêt de Rambouillet que Ravel aperçoit de la maison étroite et pleine de charme qu’il a achetée à Montfort-L’Amaury et où il vit seul, en compagnie de ses deux siamois et de sa gouvernante. Il alterne moments de solitude et de création et rencontres variées à Paris et un peu partout en Europe où il est reconnu comme le plus grand compositeur de son époque. C’est lors d’un voyage en Autriche (dont il a défendu, même en 14-18, les compositeurs) qu’il rencontrera Paul Wittgenstein, célèbre pianiste amputé du bras droit pendant la Grande Guerre et qui lui commandera un concerto pour la main gauche. Etonnamment c’est cette demande qui le replongeait dans la guerre qui fit aussi avancer la composition du Concerto en sol majeur, bien plus léger.
Vous l’aurez sans doute compris, j’ai été passionnée par ce roman de Michel Bernard, auteur manifestement très bien documenté sur la première guerre mondiale et sur Maurice Ravel. Passionnée et tellement touchée de suivre le soldat Ravel, l’homme petit et mince, raffiné, apparemment froid mais hypersensible, le gourmet bienveillant, le collectionneur d’objets liés à l’enfance, le fils inconsolable d’avoir perdu sa mère en 1916, l’ami et le Basque fidèle à ses racines, le grand lecteur, le compositeur éclectique. (Peut-être que j’aime tellement ce compositeur parce que j’ai – en toute modestie évidemment – l’un ou l’autre petit point commun avec lui, mystérieusement ?) J’ai aimé aussi l’évocation du roman Le grand Meaulnes, d’Alain-Fournier, mort dans les premiers jours de la guerre le 22 septembre 1914 et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
L’écriture de Michel Bernard est élégante, musicale, à la fois sobre et évocatrice : il raconte la guerre vue de l’arrière sans rien enlever à son atrocité, il décrit les forêts comme des êtres vivants, il explique quelques pièces de Ravel sans lourdeur, il évoque avec sensibilité la mélancolie qui a accompagné le musicien toute sa vie. Et à travers ses mots discrets, j’ai vu la maladie dégénérative qui a affecté Ravel pendant quatre ans, le privant de la parole et de sa faculté d’écrire la musique qu’il portait en lui, comme une soeur jumelle de la grande guerre qu’il a menée pour la France.
Cela fait du bien de terminer l’année sur une telle note romanesque.
« Il lui arrivait de penser que la musique, c’était fini pour lui, qu’il avait tout donné, que son sac était vide, que la guerre l’avait crevé et qu’il n’était désormais plus bon qu’à mourir pour la patrie, quelque part sur le front. La guerre l’avait distrait de lui-même, avant de le soustraire à la vie. Elle avait bouché tout l’horizon, dévoré tout l’avenir et l’avait livré tout entier au présent. »
» Elle [la mère d’un ami] admirait l’artiste et devinait combien les singularités de l’homme, sa réserve ironique, sa mesure, son apparente froideur, la puérilité de ses manies étaient la cuirasse d’un artiste exceptionnel, le mur sur lequel s’élevait une oeuvre majeure. Elle en suivait, tendrement émerveillée, le sûr et puissant déploiement. Ravel lui était reconnaissant de l’avoir compris sans phrases et d’aimer sa musique sans l’assortir de commentaires. Qu’elle s’amusât par surcroît à flatter son goût pour la bonne cuisine nouait entre eux un lien d’affection simple, éloigné du climat des relations parisiennes. »
« Le sentiment d’un manque, un manque devenu si grand, si impérieux, que la rêverie n’arrivait plus à distraire, indiquait que le temps était venu d’écrire. Ravel le savait d’expérience, pourtant il n’était jamais parvenu à apprivoiser cette phase ingrate de la composition. Il travaillait dur, avec l’application butée des anciens cancres et des faux paresseux, jusqu’à ce que sa volonté et sa science soient soulevées par une autre force, douce et puissante. La mystérieuse inconnue n’avait jamais fait défaut. Le moment venu, elle l’enlèverait, comme la vague le nageur, et, soudain délivré de la pesanteur, l’emporterait et le déposerait, dans la surprise et le ravissement, là où il avait toujours voulu. »
Michel BERNARD, Les forêts de Ravel, La Table ronde, 2015
Le Tombeau de Couperin, une oeuvre commencée avant la guerre puis retravaillée en six mouvements dédiés chacun à un ou des amis morts au front, d’abord composée pour le piano et orchestrée ensuite en partie par Maurice Ravel
Ce jeudi, c’est au tour de Maurice Ravel (1875-1937) de réjouir nos oreilles. Représentant avec Claude Debussy du mouvement impressionniste en musique, il n’a pas composé un énorme volume d’oeuvres mais ses influences sont variées (de Couperin et Rameau au jazz et à l’Espagne) et il a touché à de nombreuses formes musicales. C’était un orchestrateur génial, tant pour certaines de ses propres oeuvres d’abord composées pour le piano que pour celles d’autres compositeurs (la plus célèbre étant sans doute les Tableaux d’une exposition de Moussorgski).
Aujourd’hui je vous propose une oeuvre pour piano à quatre mains composée entre 1908 et 1910, Ma Mère l’Oye : I. Pavane de la Belle au bois dormant – II. Petit Poucet – III. Laideronnette, impératrice des pagodes – IV. Les entretiens de la Belle et de la Bête – V. Le jardin féerique (des contes qui nous ouvrent à la magie de l’enfance et – peut-être à la magie de Noël ?)
Ce sont Martha Argerich et Cristina Marton qui se sont mises au piano pour nous. Si vous le souhaitez, vous trouverez facilement sur Youtube la version orchestrale de l’oeuvre.
Une autre pièce baptisée Jeux d’eau, également pianistique : c’est Maurice Ravel sous les doigts de Martha Argerich.
« Les Jeux d’eau, parus en 1901, sont à l’origine de toutes les nouveautés pianistiques qu’on a voulu remarquer dans mon œuvre. Cette pièce, inspirée du bruit de l’eau et des sons musicaux que font entendre les jets d’eau, les cascades et les ruisseaux, est fondée sur deux motifs à la façon d’un premier temps de sonate, sans toutefois s’assujettir au plan tonal classique. » (Maurice Ravel, esquisse autobiographique, 1928)
Nous sommes le 21 juillet. Y aura-t-il la drache nationale, ça fait partie du folklore. Bonne fête nationale à tous les Belges !
En 2015 on fête les 140 ans de la naissance de Maurice Ravel (1875-1937) et comme c’est un de mes compositeurs préférés, je ne peux pas ne pas le fêter, même si ce n’est pas la première fois que je vous en propose une oeuvre.
Aujourd’hui, pour suivre avec Jazz sous la lune que je vous ai présenté hier, voici la Sonate pour violon et piano dont le deuxième mouvement s’intitule « Blues », étant donné que son compositeur a été influencé par le jazz entendu lors d’un voyage en Amérique en 1928.
Au violon Schlomo Mintz et au piano Yefim Bronfman.
Aujourd’hui, dans la série « Guerre et paix » je vous propose une oeuvre virtuose et tragique, le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel. Cette oeuvre était une commande du pianiste autrichien Paul Wittgenstein, blessé et amputé du bras droit lors de la Première guerre mondiale. Ravel composa donc ce concerto, que le pianiste refusa d’abord, la jugeant trop difficile. Il est vrai que pour une seule main, on pourrait croire que le soliste fait appel à une main droite magique…
Dans cette version enregistrée aux BBC Proms 2010, Jean-Efflam Bavouzet est au piano, Esa-Pekka Salonen dirige le Philarmonia Orchestra.