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Retour en Argentine pour ce quatrième et dernier jeudi en Amérique du Sud avec Marilyne. Honneur à Astor Piazzolla (1921-1992) qui interprète ici son Concerto pour Bandoneon, Orchestre à cordes et Percussions (1985).
22 jeudi Fév 2018
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Retour en Argentine pour ce quatrième et dernier jeudi en Amérique du Sud avec Marilyne. Honneur à Astor Piazzolla (1921-1992) qui interprète ici son Concerto pour Bandoneon, Orchestre à cordes et Percussions (1985).
20 mardi Fév 2018
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Quatrième de couverture :
Un garage au milieu de nulle part, province du Chaco, nord de l’Argentine. La chaleur est étouffante, les carcasses de voiture rôtissent au soleil, les chiens tournent en rond. Le Révérend Pearson et sa fille Leni, seize ans, sont tombés en panne ; ils sont bloqués là, le temps que la voiture soit réparée. El Gringo Brauer s’échine sur le moteur tandis que son jeune protégé Tapioca le ravitaille en bières fraîches et maté, et regarde avec curiosité ces gens si différents qui lui parlent de Dieu. Dans ce huis clos en plein air, le temps est suspendu, entre-deux, l’instant est crucial : les personnages se rencontrent, se toisent, s’affrontent. C’est peut-être toute leur vie qui se joue là, sur cette route poussiéreuse, dans ce paysage hostile et désolé, alors que l’orage approche. Selva Almada signe ici un premier roman époustouflant de maîtrise, avec une prose sobre, cinématographique, éminemment poétique.
C’est un roman court, et c’est sans doute cette brièveté qui le rend percutant, mais pas seulement.
Il fait chaud, très chaud dans ce coin perdu d’Argentine (on doit être pas très loin de la ville de Rosario, à l’Est), la sécheresse est à son maximum, on observe la terre qui se craquelle, on sent les mains poisseuses, la sueur qui dégouline dans le dos, et voilà que les tuyaux brûlants d’une automobile en panne viennent ajouter au malaise ambiant. La voiture, c’est celle du Révérend Pearson, un pasteur itinérant qui se déplace seul (se faisant passer pour un veuf) avec sa fille Leni. Le pasteur attend que Mr Brauer, dit El Gringo, la répare. Le garagiste vit lui aussi seul avec un adolescent, José dit Tapioca, que sa mère a abandonné un jour au garage avant de s’enfuir pour toujours. On dirait que le temps s’est arrêté sur ce bord de route, mais Selva Almada installe une confrontation et un suspense taillé au cordeau. On sent le désir du pasteur de happer Tapioca qu’il ressent comme une âme pure. Le révérend face au garagiste, le self-made man charismatique face au mécanicien taiseux, la connaissance livresque face à l’intuition, la fille face à son père, la jeune fille qui n’a pas encore tout à fait conscience de son pouvoir face au jeune homme naïf, sans compter la chaleur et l’orage qui menace.. Je me suis régulièrement demandé si le pasteur était un homme réellement bon et charismatique ou un homme machiavélique, marqué par un passé suggéré. Car c’est cela aussi, la force de Selva Almada : suggérer les choses, révéler certains éléments par petites touches, sans tout dire, même quand la voiture sera réparée et que l’orage salvateur (?) sera passé.
Un premier roman très visuel, sensuel et intelligent.
« Elle fit quelques pas sur la route jonchée de fissures et de nids-de-poule, ses talons résonnaient sur l’asphalte.
Ce lieu semblait avoir été oublié des hommes. Elle regarda le paysage alentour, avec ses petits arbres secs et tordus, l’herbe haute qui recouvrait les champs… »
« De temps en temps, ils pénétraient dans la forêt pour observer ce qui s’y passait. La forêt était comme une grande entité où la vie bouillonnait. Un homme pouvait apprendre tout ce qu’il lui fallait rien qu’en observant la nature. Là-bas, dans la forêt, tout était sans cesse en train de s’écrire comme dans un livre à la sagesse inépuisable. Le mystère et sa révélation. Tout y était, si l’on apprenait à écouter et à voir ce que la nature avait à dire et à montrer. »
Selva ALMADA, Après l’orage, traduit de l’espagnol (Argentine) par Laura Alcoba, Métailié, 2014
Je suis en Argentine et Marilyne est en Colombie aujourd’hui avec Retourner dans la vallée obscure de Santiago Gamboa.
04 dimanche Fév 2018
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Toujours au bord.
Mais au bord de quoi ?
Nous savons seulement que quelque chose tombe
de l’autre côté de ce bord
et qu’une fois parvenu à sa limite
il n’est plus possible de reculer.
Vertige devant un pressentiment
et devant un soupçon :
lorsqu’on arrive à ce bord
cela aussi qui fut auparavant
devient abîme.
Hypnotisés sur une arête
qui a perdu les surfaces
qui l’avaient formée
et resta en suspens dans l’air.
Acrobates sur un bord nu,
équilibristes sur le vide,
dans un cirque sans autre chapiteau que le ciel
et dont les spectateurs sont partis.
Roberto JUARROZ, Treizième poésie verticale, traduit de l’espagnol (Argentine) par Roger Munier, José Corti, 1993
Un mois en Amérique du Sud avec Marilyne
Poème trouvé chez schabrières
01 jeudi Fév 2018
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Alberto Ginastera, Argentine, ballet, Estancia, Gustavo Dudamel
Après le voyage nordique, changement d’hémisphère pour ce mois de février : avec Marilyne, nous avons l’intention d’explorer la littérature sud-américaine – eh oui c’est une thématique qui nous plaît – (mais pas seulement : nous ne publierons pas que des billets sur ce thème). Aussi bien sûr, les notes du jeudi et la poésie du dimanche s’accorderont avec les billets de lecture.
Comme Marilyne vous propose aujoursd’hui des nouvelles d’Argentine, je vous invite à écouter la suite de ballet Estancia, d’Alberto Ginastera (1916-1983), un des compositeurs latino-américains les plus connus. C’est un ballet en cinq scènes sur la vie campagnarde en Argentine, la vie des gauchos telle que décrite dans un poème de José Hernandez.
Gustavo Dudamel (chef enthousiasmant) dirige l’Orchestre des jeunes du Venezuela, ainsi interprètes et compositeurs sont complètement dans le thème. Dans ce concert (des BBC Proms) c’est la version « suite pour orchestre » où quatre danses ont été extraites du ballet. Aussi je vous mets la version complète en plus.
06 dimanche Sep 2015
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Jorge Luis BORGES, La proximité de la mer – Une anthologie de 99 poèmes, traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet, Gallimard, 2010
J’ai choisi ce poème « classique » pour terminer cette semaine en Argentine, petit clin d’oeil au premier roman lu en avant-première, Le chanteur de tango, qui évoquait largement José Luis Borges. J’ai été ravie de voyager avec Marilyne qui vous présente aujourd’hui la poésie de Juan Gelman, je ne pouvais rêver meilleure compagne de voyage, merci à toi !
04 vendredi Sep 2015
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Argentine, Dernier train pour Buenos Aires, Hernan Ronsino, Liana Levi
Quatrième de couverture :
D’abord il y a un salon de coiffure. C’est de là que Vicente, le taciturne, observe. Il observe les ouvriers qui démontent les rails. Des rails qui ne conduiront plus à ce bourg perdu, loin de Buenos Aires. Des rails qui laisseront une balafre dans la terre comme dans les têtes. Ensuite il y a le Don Pedrín, ce bistrot où l’on commente. On commente le film projeté dans l’unique cinéma, et le passé… Pourquoi la Negra a-t-elle pris un jour le train pour Buenos Aires et n’est jamais revenue? Elle avait des jambes sublimes, la Negra Miranda, de quoi faire tourner la tête des jeunes hommes, de quoi rendre fou de jalousie un mari policier… À soi-même ou à d’autres, chacun dit ce qu’il sait, les souvenirs estompés, l’abandon, la vengeance. Et c’est seulement à la dernière ligne que tout prend sens.
Dernier train pour Buenos Aires est un roman très court (91 pages) dont l’auteur resserre peu à peu les noeuds jusqu’à la révélation finale qui permet de comprendre les liens entre Ramon Folcada, Vardemann, Miguelito Barrios et Bicho Souza, les quatre protagonistes mâles de ce drame. Quant à la Negra, celle qui a fait tourner toutes les têtes, elle plane tel un fantôme sur cette histoire sombre.
Pour installer ce climat étouffant, Hernan Ronsino joue sur la « densité » des quatre parties qui se situent chacune dans une année clé de l’histoire de l’argentine depuis 1946 et l’élection de Peron (heureusement des repères chronologiques sont fournis en fin de roman pour comprendre les allusions un peu elliptiques aux événements historiques) : la première partie se déroule en chapitres très courts, la deuxième voit ses pages s’allonger, la troisième propose un récit aux nombreux paragraphes encore séparés par des interlignes doubles tandis que la dernière développe d’un seul souffle une confession en plusieurs pages. L’auteur joue aussi sur les répétitions d’une phrase ou d’une page à l’autre, un procédé qui m’a un peu donné le tournis à la longue (mais très efficace du point de vue de l’étouffement recherché).
Le présent garde les traces et les sentiments indélébiles des passions du passé, qui se sont tissées sur fond de troubles politiques et militaires. Des passions et une noirceur intéressantes, certes, mais qui ne me laisseront sans doute pas un souvenir ineffaçable, je dois l’avouer.
« Un jour les trains cessent de passer. Et puis vient une équipe d’ouvriers. Six ou sept hommes descendent d’un camion, avec des casques jaunes. Ils commencent à démonter les voies. Je les regarde d’ici. Je les regarde travailler. Ils travaillent jusqu’à six heures. Ils s’en vont avant que sortent les ouvriers de la Glaxo. Ils laissent de grands fûts enflammés, pour dévier la circulation. Quand ils s’en vont, je ferme le salon de coiffure. » (p. 11)
Hernan RONSINO, Dernier train pour Buenos Aires, traduit de l’espagnol (Argentine) par Dominique Lepreux, Liana Levi, 2010
Une semaine en Argentine avec Marilyne qui présente aujourd’hui Ton avant-dernier nom de guerre de Raul Argemi.
Et un cinquième titre pour le challenge d’Eimelle
03 jeudi Sep 2015
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Il n’y a pas que le tango, il y a d’autres Danses argentines. Celles composées par Alberto Ginastera (1916-1983) pour la piano virevoltent et se font murmure, elles sont d’une virtuosité époustouflante ! Voici l’opus 2 interprété par Roerto Plano.
Aujourd’hui c’est l’étape artistique de notre voyage en Argentine : Marilyne vous présente le photographe Aldo Sessa.
02 mercredi Sep 2015
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Quatrième de couverture :
Le Pire, c’est la nuit de l’enlèvement. La nuit où les parents, militants montoneros, sont arrêtés chez eux. La nuit où tout bascule pour la fillette narratrice et son petit frère qui dorment à poings fermés. Au réveil, ils doivent quitter leur maison, avec la grand mère reine du crochet, pour aller vivre avec l’autre grand-mère rescapée du ghetto de Varsovie chez l’oncle et la tante, à Buenos Aires. Ce qu’ils emportent? Les slogans révolutionnaires entendus chez eux en ce début de dictature militaire : L’Impérialisme yankee est notre ennemi, La Religion est l’opium du peuple, Avec l’Ennemi, on perd quand on ne gagne pas… Dans une clandestinité soudée et grave, et une envie forcenée de coller au modèle de leurs parents, ils vont devenir des petits combattants, portés par l’espoir de les retrouver un jour. Un roman vrai, drôle, émouvant.
Après la dictature vécue du fond d’un petit village dans L’autobus, voici la dictature vue à hauteur d’enfant et Raquel Robles sait de quoi elle parle : « Les parents de Raquel Robles, Flora Pasatir et Gastón Robles, qui était secrétaire d’Etat à l’Agriculture du gouvernement de Héctor Cámpora, furent arrêtés le 5 avril 1976 à leur domicile, alors que leurs deux enfants Raquel, 5 ans, et Mariano, 3 ans, dormaient. C’est cet événement qui constitue le point de départ de Petits Combattants. » (info tirée du site de Liana Levi où vous pourrez aussi trouver une interview de l’auteure).
Les deux enfants de ce court roman sont plus âgés, la soeur a sans doute 7-8 ans et son frère est un peu plus jeune. La petite fille se sent investie d’une mission : pour tenir, continuer le combat de ses parents, garder leurs idées (sans doute proche du communisme) vivantes, tenter de conscientiser les camarades d’école, les autres membres de la famille à la lutte pour les droits de l’homme. Tenir, fortifier son caractère, s’entraîner à résister, à ne montrer aucun sentiment ni réaction au cas où on serait arrêté comme papa et maman. Espérer, tant bien que mal, les retrouver un jour. Et ce faisant, acquérir une maturité inédite. Une force morale qui se noie parfois dans des torrents de larmes quand un souvenir inattendu (un ballon, un livre d’histoires que leur mère leur lisait pour les endormir) resurgit et que l’on redevient tout simplement un petit enfant privé de parents. Un combat souvent teinté d’humour aussi, puisque les idées politiques, les acteurs de la dictature sont observés par des enfants qui ne comprennent pas tout comme les adultes et font parfois trembler ceux-ci.
Autour de ces deux enfants, les adultes (l’oncle et la tante, les grands-mères, l’amie de leurs parents, les animateurs des centres de loisirs) vivent d’abord le choc de l’enlèvement et tentent d’entourer le frère et la soeur qui s’attachent l’un à l’autre avec une force et une maturité que le malheur leur impose et qui dépasse parfois celle des adultes. Jusqu’à avoir le courage d’affronter la vérité en face. Si la romancière montre à quel point la dictature annihile ses personnages en ne leur donnant aucun nom, juste leur degré de relation, elle démontre aussi que les oppresseurs ne viendront pas à bout des idées ni de l’amour de ceux qu’elle a séparés.
Les Petits combattants de Raquel Robles luttent pour la justice, contre l’oubli, et ils sont bouleversants à chaque page.
« Je savais parfaitement que la religion était l’opium du peuple. Je n’étais pas bien sûre de ce qu’était l’opium, sans doute quelque chose de très mauvais, qui une fois avalé par le peuple retardait irrémédiablement le Processus révolutionnaire. Non seulement dieu n’existait pas, mais croire en son existence nous causait du tort à tous. Je savais aussi que nous étions en train de traverser une période de Résistance et qu’il fallait dissimuler. Il était évident que le Peuple avait l’opium sur l’estomac parce que le Processus révolutionnaire était très en retard. Et personne ne semblait se rendre compte que la Révolution était au bout du chemin. Il se pouvait que les activités de simulation soient en train de porter leurs fruits, mais c’est justement là le problème de la clandestinité : il n’y a personne à qui poser la question. » (p. 27)
« Après m’être un peu calmée, je lui [à l’amie des parents] pourquoi mon papa n’avait pas tiré puisqu’il avait une arme à portée de la main. « Je suppose que c’était pour vous protéger. » La même ânerie, une fois de plus, j’étais scandalisée. « De quoi ? » je lui ai crié. « De la mort, elle a dit. S’il avait tiré, ils auraient répondu et ils vous auraient tous tués. » « Mais là, c’est pire » je lui ai dit. « Non, la mort c’est pire que tout, mon coeur, tu vas avoir une vie difficile mais tu vas aussi vivre de belles choses. » Je ne lui ai rien dit, je n’en étais pas si sûre. Je ne voulais pas être morte, mais je ne voulais pas non plus être si triste. » (p. 97)
Raquel ROBLES, Petits combattants, traduit de l’espagnol (Argentine) par Dominique Lepreux, Liana Levi, 2014
Aujourd’hui, dans ce périple argentin, Marilyne vous propose un classique : Cronopes et Fameux, de Julio Cortazar. Marilyne a également présenté Petits combattants ici.
Et un de plus pour le challenge d’Eimelle
01 mardi Sep 2015
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Argentine, L'école des loisirs, Norma Huidobro, Octobre un crime
Quatrième de couverture :
Le 22 octobre 1958, à Buenos Aires, une jeune fille, prénommée Elena, envoie un appel au secours à une amie. Elle lui dit qu’on est en train d’empoisonner son père et que, s’il meurt, elle est certaine d’être la prochaine victime. Quarante ans plus tard, une autre jeune fille, Inès, achète une robe en organdi jaune dans un magasin de vieux vêtements… et découvre la lettre désespérée d’Elena, dissimulée dans l’ourlet de la robe. Le message n’est jamais parvenu à sa destinataire. En cachette de ses parents, qui ne prennent pas du tout cette histoire au sérieux, Inès décide de retrouver la trace d’Elena en se faisant passer pour une apprentie journaliste. C’est ainsi qu’elle rencontre Amparito, une femme qui n’a peur de rien et qui a travaillé autrefois pour la famille d’Elena. Elles vont mener l’enquête ensemble. Car elles sont persuadées qu’il y a eu meurtre. Et si le terrible destin d’Elena a été scellé il y a quarante ans, les assassins, eux, sont toujours en vie.
Ce roman jeunesse, recommandé par la section Jeunesse de la librairie Tropismes, a croisé ma route un jour de cet été. J’ai déjà un autre roman « adulte » de Norma Huidobro dans ma PAL mais j’ai préféré présenter un roman jeunesse dans ce voyage argentin.
Nous voilà donc embarqués à la suite d’Inès, une jeune fille de Buenos Aires, un peu coincée entre deux frères envahissants, dans une enquête sur cette « bouteille à la mer » qui lui est parvenue sous la forme d’une lettre cachée dans un ourlet. Avec Amparito, défenseuse inlassable des droits des retraités dans un pays qui ne leur offre pas grand-chose, elle va remonter le temps et chercher à savoir ce qui est arrivé à Elena, ce que sont devenus les habitants de cette maison de Buenos Aires si spéciale avec sa coupole effondrée. Elles devront mobiliser toutes leurs ressources d’observation, de déduction et d’audace pour oser affronter les fantômes du passé. De ce point de vue, Norma Huidobro nous offre une histoire plaisante qui réserve son lot de surprises et rien que cela vaut la peine de conseiller ce roman à des jeunes d’au moins 11-12 ans à mon avis (je suis un peu surprise qu’il soit paru dans la collection Neuf, il aurait pu être en Medium).
Mais le roman a aussi une portée morale non négligeable : les allusions au contexte social et historique de l’Argentine sont discrètes, mais il y a bien une référence à la dictature que les parents d’Inès ont fuie pendant plusieurs années et à la situation économique des personnes âgées qu’Amparito dénonce. Cette amitié et cette enquête la jeune flle et la vieille dame rappelle la nécessité de ne pas se taire, de dénoncer les injustices, de s’engager, de chercher à rendre le monde autour de soi meilleur et plus juste. Le tout sans moralisme pesant et cela donne vraiment une valeur ajoutée à cette belle histoire.
Plusieurs autres romans jeunesse de Norma Huidobro sont traduits à L’école des loisirs et j’aurai sûrement plaisir à lire Le lieu perdu, son premier roman adulte (une autre semaine en Argentine sera bien nécessaire !)
Norma HUIDOBRO, Octobre, un crime, traduit de l’espagnol (Argentine) par Myriam Amfreville, L’école des loisirs, 2015 (1è édition en Argentine en 2004) – avec une illustration de Soledad Bravi en couverture !
Une étape jeunesse dans ce voyage en Argentine que je poursuis avec Marilyne, qui vous présente aujourd’hui un titre plus qu’étrange et attirant… Journal de la guerre au cochon de Adolfo Bioy Casares !
Et toujours un titre pour le challenge d’Eimelle
31 lundi Août 2015
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Argentine, Eugenia Almeida, L'autobus, Métailié, Premier Roman
Quatrième de couverture :
Dans une petite ville du fond de l’Argentine, un homme et une très jeune femme attendent un autobus dans un café, il passe mais sans s’arrêter. Il y a quatre jours maintenant que l’avocat Ponce amène sa sœur pour prendre cet autobus et qu’il ne s’arrête pas. Les jeunes gens décident de partir à pied le long de la voie ferrée. Le village s’interroge. Il s’est passé quelque chose dans le pays que tout le monde ignore ici. Sous l’orage qui gronde sans jamais éclater, de chaque côté de la voie ferrée qui sépare parias et notables, la réalité se dégrade subtilement. Des livres disparaissent de la bibliothèque. Les militaires rôdent autour de la ville, des coups de feu éclatent. Les masques tombent à mesure qu’une effrayante vérité se dévoile. Sobre et dense, sans concession, ce court roman nous conduit, dans un style alerte et cinématographique, au cœur des pages les plus sombres de l’histoire de l’Argentine et parle du pouvoir sous ses formes les plus perverses.
Un court roman, tendu comme un arc entre le premier soir où l’autobus ne s’arrête pas dans le village et le soir où Victoria, la soeur de l’avocat Ponce, peut enfin reprendre le bus pour rentrer chez elle en ville. 127 pages en compagnie de villageois qui vivent simplement et qui vont observer, subir, essayer de comprendre pourquoi ce bus ne s’arrête pas quatre jours de suite, pourquoi la barrière du passage à niveau doit obstinément rester baissée alors qu’il ne passe un train que deux fois la semaine.
Le fin mot de l’affaire ne nous sera jamais livré mais avec Gomez, le coursier et Ruben, l’hôtelier, le lecteur aura eu le temps de découvrir, bouche bée, comment les différents niveaux du pouvoir envoient les ordres, cadenassent les décisions, morcellent les relations, détruisent les rapports, désinforment la population. L’atmosphère est lourde, l’orage menace mais ne craque pas, le mystère est opaque, épais et le rythme de l’écriture est vif, le tout produisant un premier roman inoubliable.
Eugenia Almeida entrelace le compte-rendu de ces quatre jours étouffants avec le portrait de l’avocat Ponce, sa femme et sa soeur. Elle introduit subtilement un parallèle entre les personnages de cette famille si différents les uns des autres et l’opposition entre les deux côtés du village de chaque côté de la voie ferrée et celle, plus implicite, entre la ville et la campagne. On devine que les gens de la ville, les militaires au pouvoir, croient sans doute qu’ils peuvent mater de « simples » villageois comme Ponce a soumis sa femme.
Mais on ne soumet pas la sensibilité des gens. La fin du roman m’a laissée à la fois plein d’espoir et d’appréhension pour les personnages qu’Eugenia Almeida a réussi à faire vivre en quelques pages vraiment marquantes.
La première page contient tout en germe :
« Cela fait trois soirs que l’autobus passe sans ouvrir ses portes. Le village est sous une chape métallique. Grise et légèrement ondulée. Le seuil des maisons est maculé de terre et l’absence de pluie rend les chiens nerveux. Par la fenêtre de l’hôtel, Rubén se penche machinalement pour regarder les gens qui traversent la voie. Ce sont les Ponce, qui habitent de l’autre côté. Ils accompagnent cette fois encore la belle-sœur pour voir si elle peut retourner en ville. Avant qu’ils ne parviennent à l’emplacement où l’autobus s’arrête, Rubén sort sur le pas de la porte. De loin on aperçoit sa main qui s’agite comme un pendule dans l’air, un battant de cloche accroché à rien, qui se secoue pour dire non.
Maître Ponce fait un autre geste, de la tête, pour l’aviser qu’il l’a bien vu.
Maître Ponce fait un autre geste, de la tête, pour l’aviser qu’il l’a bien vu.
– Il ne s’arrête pas, il faut rentrer.
Cela fait rire Marta. Victoria regarde vers l’hôtel et plisse à peine les yeux lorsque le vent soulève la terre sèche. Elle ne sait pas si elle doit secouer sa robe, ôter son chapeau ou faire demi-tour pour rentrer à la maison.
– Ne ris pas.
Marta baisse la tête pour cacher la bouche qu’elle a superbe, ouverte, immense.
Cela fait quatre jours que les Ponce rejoignent à la même heure l’arrêt situé près de l’hôtel. Lui met un costume, une cravate et des chaussures de ville. Il porte la valise de sa sœur en faisant mine de la trouver légère. Les femmes marchent à quelques pas derrière, en parlant et en agitant les mains. » (p. 11)
Eugenia ALMEIDA, L’autobus, traduit del’espagnol (Argentine) par René Solis, Métailié, 2007 et Suites Métailié, 2012
Une semaine en Argentine avec Marilyne qui vous présente aujourd’hui Salvatierra, de Pedro Mairal.
Sur L’autobus, les avis de Marilyne et Martine
Et encore une escale argentine pour Eimelle