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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Tag: Folio

Là-haut, tout est calme

21 vendredi Août 2020

Posted by anne7500 in Des mots néerlandais

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à la ferme, Folio, Gerbrand Bakker

Quatrième de couverture :

Helmer van Wonderen vit depuis trente-cinq ans dans la ferme familiale, malgré lui. C’est Henk, son frère jumeau, qui aurait dû reprendre l’affaire. Mais il a disparu dans un tragique accident, à l’âge de vingt ans. Alors Helmer travaille, accomplissant les mêmes gestes, invariablement, machinalement. Un jour, sans raison apparente, il décide d’installer son vieux père au premier étage, de changer de meubles, de refaire la décoration de la maison. Le besoin de rompre la monotonie de sa vie et l’envie de mettre fin à ce face-à-face presque silencieux avec un homme devenu grabataire le font agir, plein de colère retenue. Les choses s’accélèrent le jour où il reçoit une lettre de Riet lui demandant de l’aide : Riet était la fiancée de son frère. Elle fut aussi à l’origine de son accident mortel… 

Comme dans L’Annonce, un fermier hollandais de 55 ans décide de prendre sa vie en main, de changer les choses : cela fait 35 ans qu’il travaille malgré lui avec son père, 35 ans que son frère jumeau Henk est mort dans un accident et que lui, Helmer, a dû abandonner ses études de lettres pour « remplacer » son frère à la ferme. 

Comme dans L’Annonce, il y a aussi une dualité entre le dedans et le dehors, à un double titre : le dedans de la ferme qu’Helmer se décide à changer, à rafraîchir pour vivre selon ses goûts et le dehors dont il est finalement assez lointain, les visites du collecteur de lait, du marchand de bestiaux ou celles de sa voisine ne semblent pas troubler un quotidien bien établi ; le dedans, l’intimité d’Helmer, les sentiments ui se font peu à peu droit de cité, qui remuent profondément l’homme et le dehors, la nature, les canaux, les saisons, les oiseaux et le travail avec les animaux de la ferme qui paraissent immuables, hors du temps.

C’est un magnifique roman, lent et intense, dont les pages se déroulent toutes seules pour dire avec simplicité le deuil, la gémellité, le corps, la nature. Pour tenter de faire la paix avec le passé, avec le père, pour crever le plafond de solitude qui pèse sur Helmer, pour oser être soi-même. Cela m’a un peu fait penser aux Chaussures italiennes de Henning Mankell avec l’arrivée inattendue d’un personnage surgi du passé mais Gerbrand Baker possède une voix bien personnelle que je retrouverai avec joie dans d’autres lectures.

« – Comment c’est d’avoir un frère jumeau ?
– C’est la plus belle chose qui soit, Henk.
– À présent, tu te sens diminué de moitié?
Je veux dire quelque chose, mais n’y parvient pas. je suis même obligé de m’agripper à l’une des barres métalliques pour ne pas tomber. J’ai toujours été ignoré, j’étais le frère, papa et maman comptaient davantage, Riet a revendiqué – si peu que cela ait duré – son veuvage, et voilà le fils de Riet ici, face à moi, en train de me demander si je me sens diminué de moitié. Henk m’attrape par les épaules, je lui fais lâcher prise.
– Pourquoi pleures-tu ? demande-t-il.
-Pour tout, dis-je. »

« Tout ça n’est jamais venu. Je ne l’ai plus jamais revu. A l’automne je suis entré quelquefois dans la maison d’ouvrier vide. C’est là que j’avais été quelqu’un. L’odeur du tabac a persisté longtemps. Sept mois après, Henk était mort et, quelques jours plus tard, j’avais la tête sous les vaches.

Je ne l’ai plus jamais sortie de là. »

« Nous appartenions l’un à l’autre, nous étions deux garçons et un seul corps.
Mais il y a eu Riet. Lorsqu’en janvier 1966 je suis entré dans sa chambre [celle de Henk] et ai voulu me coucher près de lui, il m’a renvoyé. « Fous le camp », a-t-il fait. Je lui ai demandé pourquoi. « Idiot », m’a-t-il répondu. En quittant sa chambre je l’entendais pousser des soupirs de mépris. J’ai regagné mon lit en frissonnant. Il gelait, la nouvelle année venait de commencer et, le matin d’après, la fenêtre était couverte de haut en bas de fleurs de givre. Nous étions désormais deux jumeaux et deux corps. »

Gerbrand BAKKER, Là-haut, tout est calme, traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Folio, 2011 (Gallimard, 2009)

L’Annonce

18 mardi Août 2020

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

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à la ferme, Folio, L'Annonce, Marie-Hélène Lafon

Quatrième de couverture :

«À Nevers, la deuxième fois, Annette et Paul avait apporté des photos. Ils avaient eu l’idée le premier jour, en novembre. Ils ne savaient plus qui l’avait pensé et proposé d’abord. Ils avaient été du même avis ; ça aiderait pour raconter pour faire comprendre ; ils n’étaient pas seuls dans cette affaire, ils n’étaient pas neufs ; l’enfant la mère les sœurs les oncles, on les imaginerait mieux, chacun de son côté, avant de les connaître en vrai.»

Paul, quarante-six ans, paysan à Fridières dans le Cantal, ne veut pas finir seul. 
Annette, trente-sept ans, vit à Bailleul dans le Nord. Après avoir rompu avec le père de son fils, elle doit s’en aller, recommencer ailleurs… 
Marie-Hélène Lafon nous raconte leur rencontre, née d’une petite annonce dans un journal, lue et découpée. C’est une histoire d’amour.

Avec ce petit roman de 151 pages, j’ai enfin découvert la plume de Marie-Hélène Lafon et j’ai été épatée par la finesse de son regard, l’intelligence de son histoire et la richesse de sa langue.

Ce roman confronte des mondes et des êtres : le Cantal rural, rude et le Nord urbain et grouillant ; le travail à la ferme et le travail en usine ou à la caisse d’un supermarché ; un homme de 46 ans qui décide soudain de construire un couple face aux habitudes bien ancrées de sa soeur et de ses oncles et une femme de 37 ans séparée d’un compagnon alcoolique et violent qui l’a laissée sans force sur le bord de la route ; les pensées du dedans, les mots qui ne peuvent ou ne savent pas sortir et ce que l’on montre au dehors. Mais ce qui rassemble sans doute Paul et Annette (avec des nuances très différentes qu’ils ne peuvent entièrement exprimer), c’est la solitude et le silence. Et c’est avec ces fragilités incertaines et leur désir inavoué de changement qu’ils osent (re)commencer quelque chose ensemble, avec aussi Eric, le fils d’Annette, qui noue d’emblée une amitié avec Lola, la chienne de la ferme.

En quelques pages, Marie-Hélène passe d’un personnage à l’autre et plonge dans son histoire personnelle, son intimité, ses motivations, ses secrets, tout en maintenant cette tension entre le dedans et le dehors. Hommes et bêtes, rien n’est oublié de ce Cantal rude à apprivoiser ni de la construction d’une vie nouvelle, ou plutôt renouvelée de l’intérieur. La langue riche de la romancière contraste avec l’économie de langage de ses personnages : elle coule en de longues phrases abondantes, resserre le propos avec une ponctuation particulière, évoque par tous les sens la vie à la ferme et les sentiments intimes.

C’est un petit roman captivant par sa densité et l’acuité de son regard. Une belle inauguration d’une série de lectures « à la ferme » et le désir de poursuivre l’exploration de l’oeuvre de Marie-Hélène Lafon.

« Annette regardait la nuit. Elle comprenait que, avant de venir vivre à Fridières, elle ne l’avait pas connue. La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l’assaut, elle prenait les maisons, les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s’insinuait, noyait d’encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait. Les phares des voitures et le réverbère de la commune la trouaient à peine, l’effleuraient seulement, en vain. Elle était grasse de présences aveugles qui se signalaient par force craquements, crissements, feulements, la nuit avait des mains et un souffle, elle faisait battre le volet disjoint et la porte mal fermée, elle avait un regard sans fond qui vous prenait dans son étau par les fenêtres, et ne vous lâchait pas, vous les humains réfugiés blottis dans les pièces éclairées des maisons dérisoires. »

« En juin le pays était un bouquet, une folie. Les deux tilleuls dans la cour, l’érable au fond du jardin, le lilas sur le mur, tout bruissait frémissait ondulait ; c’était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d’ombre, une gloire inouïe qui, les jours de vent léger, vous saisissait, vous coupait les mots, les engorgeait dans le ventre où ils restaient tapis, insuffisants, inaudibles. Sans les mots on se tenait éberlué dans cette rutilance somptueuse. C’était de tout temps; cette confluence de juin, ce rassemblement des forces, lumière vent eau feuilles herbes fleurs bêtes, pour terrasser l’homme, l’impétrant, le bipède aventuré, confiné dans sa peau étroite, infime. »

« A Nevers, le lundi 19 novembre, Annette avait vu sans le voir le corps de Paul. Toute son attention avait été happée, dévorée par les mots de Paul. Et par ses mains. Qui parlaient avec lui, soutenaient sa parole, la relançaient ou reposaient à plat sur la table, dans les creux de silence, et frémissaient comme mues de l’intérieur par de sourds tressaillements qui disaient ou tentaient de dire ce que Paul taisait, ce qu’il gardait tapi sous le flot des choses audibles. Ni Annette ni Paul n’iraient extirper ce qui restait, s’incrustait, dessous. On ne gratterait pas les vieilles plaies de solitude et de peur, on n’était pas armé pour ça, pas équipé ; on s’arrangerait autrement. »

« Pour les oncles la conduite de la voiture se pratiquait à deux, et Paul ne se souvenait pas qu’ils eussent jamais dérogé à cet usage, même en pleine force de l’âge. Désormais, et ce depuis onze ans, depuis l’achat de la languide Citroën BX diesel vert sapin métallisé, chaque dimanche en fin de matinée entre onze heures et midi, les oncles dégourdissaient la voiture. On la démarrait, et elle vrombissait longuement dans le garage étroit dont les portes avaient été au préalable ouvertes au plus large ; une marche arrière et quelques manœuvres délicates se révélant nécessaires pour extraire le précieux véhicule de son étui et de la cour, directives mimées et injonctions vociférées se succédaient, l’un des oncles s’évertuant au volant tandis que l’autre se plantait en sémaphore devant les cages à lapins en toutes circonstances et saisons. Seule la neige empêchait la cérémonie, et encore fallait-il que la couche tombée fût assez sérieuse pour dissuader les coéquipiers intrépides. On n’allait pas loin ; selon un itinéraire immuable, on se rendait aux limites de la propriété afin d’examiner les terres les plus écartées, et, le cas échéant, bêtes et clôtures, d’un regard que la vigilance requise pour la bonne conduite du véhicule, toujours à moins de cinquante kilomètre à l’heure, ne privait qu’en partie de sa coutumière acuité. L’affaire était connue dans le pays, le dimanche entre onze heures et midi les oncles de Fridières dégourdissaient la voiture ; s’ils n’étaient pas passés sur le pont des Chêvres à onze heures et quart et sur la place à onze heures vingt, on pouvait sonner le tocsin, la guerre était déclarée, le canton se trouvait à la dernière extrémité. Un détail, enfin, ravissait les habitués et fortifiait auprès d’eux la solide réputation d’originaux qui auréolait les oncles faussement jumeaux ; non contents de se succéder au volant d’un dimanche à l’autre, Louis et Pierre n’auraient pour rien au monde renoncé à la compagnie de Lola. Elle trônait, magnanime, la truffe écrasée contre la vitre, à la droite du conducteur tandis que le frère réduit au rôle de passager tenait le milieu de la banquette arrière. »

Marie-Hélène LAFON, L’Annonce, Folio, 2011 (Buchet-Chastel, 2009)

Noyau d’olive

21 mardi Mai 2019

Posted by anne7500 in Des Mots italiens, Non Fiction

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Erri De Luca, Folio, Noyau d'olive

Quatrième de couverture :

Erri De Luca fréquente la Bible depuis longtemps. Sa connaissance des Écritures ne doit pourtant rien à la foi ou à un quelconque sentiment religieux : De Luca se dit non croyant, incapable de prier ou de pardonner. Il est néanmoins habité par le texte biblique au point de commencer presque chaque journée par la lecture et la traduction d’un passage. Les courts textes rassemblés ici témoignent de ce corps-à-corps quotidien avec la Bible et de ces exercices matinaux qui lui donnent matière à réfléchir, comme un noyau d’olive qu’il retournerait dans la bouche tout au long de la journée.

Je ne savais pas qu’Erri De Luca traduit tous les matins un texte biblique auquel il se confronte et dont les enseignements « littéraux » (j’entends par là la traduction littérale de l’hébreu biblique) le nourrissent chaque jour :

« Lire les Saintes Écritures c’est obéir à une priorité de l’écoute. J’inaugure mes réveils par une poignée de vers, et le cours de la journée prend ainsi son fil initiateur. Je peux ensuite déraper le reste du temps au fil des vétilles de mes occupations. En attendant, j’ai retenu pour moi un acompte de mots durs, un noyau d’olive à retourner dans ma bouche.

Tant que, chaque jour, je peux rester ne fût-ce que sur une seule ligne de ces Écritures, j’arrive à ne pas me défaire de la surprise d’être vivant. » (p. 43)

La première partie du livre est consacrée au Christ , de l’annonce de sa naissance à sa résurrection et à son Ascension ; la seconde, plus longue, explore des passages plus ou moins célèbres de l’Ancien Testament, particulièrement dans les premiers livres de ce dernier (la Genèse, l’Exode, le Deutéronome ou le Livre des Nombres), certains personnages comme le roi David et quelques prophètes comme Isaïe, Jonas ou Jérémie.

Les Ecritures, avant d’être un texte mis par écrit, c’est d’abord et avant tout la Parole de Elohim (ou Yod, la première lettre du tétragramme YHVH, un autre nom de Dieu suivant les traditions bibliques) et Erri De Luca souligne combien cette Parole révélée a provoqué comme un séisme dans la langue hébraïque qui ne possède pas de voyelles, « une langue aux mots pauvres, hostile à tout concept abstrait » (p. 42), au point que de nombreuses phrases commencent par « Et Dieu dit » ou plutôt (toujours littéralement) « Et dit Dieu » tant la force du dire est primordiale pour ce Dieu qui intervient dans l’histoire humaine.

Les traductions littérales peuvent paraître rudes mais elles révèlent un sens auquel nous n’avons pas accès quand nous lisons une traduction plus élaborée, un sens qui interpelle dans le monde d’aujourd’hui, par rapport à certaines questions éthiques ou sociétales (tiens, tiens, Elohim serait-il féministe ?), un sens rafraîchissant. J’avais envie de noter des idées à chaque chapitre de ce petit livre passionnant.

Et pourtant, le savez-vous ? Je ne vous en parle qu’en fin de billet mais lui s’en explique dès l’introduction : Erri De Luca n’est pas croyant. Pas besoin donc d’être croyant pour apprécier son texte. Bien plus, ses explications sur la Bible sont d’autant plus percutantes, interpellantes et rejoignent certainement (du moins, à mon sens) le goût des Ecritures d’un croyant, d’une croyante ouverts d’esprit.

« Tout au long des Evangiles, nous lisons les jets d’un discours qui fut torrentiel. Une providence fait ressembler ces écrits à des citernes d’eau de pluie, qui retiennent du moins quelque chose selon leur capacité. Nous ignorons le timbre de sa voix et l’hébreu, l’araméen, ses langues, n’existent même plus.Et pourtant, les Evangiles ont suffi à ne pas faire oublier les paroles de celui qui ne voulut pas écrire ni laisser écrit. Celui qui n’a pas la foi ne se désaltère pas. Mais celui qui a la grâce de l’avoir est lié par un devoir énorme: donner de cette eau bue un témoignage tout au long de sa vie. Ce faisant, il remplit les pages que les Évangiles ont dû laisser vides. Ce faisant, il rapporte à la surface l’eau qui s’est perdue hors des citernes. » (p. 86-87)

Erri DE LUCA, Noyau d’olive, traduit de l’italien par Danièle Valin, Folio, 2006 (Gallimard, 2004)

Challenge italien chez Martine

Challenge Petit Bac – Littérature générale – Couleur

La vie devant soi

22 mardi Mai 2018

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Emile Ajar, Folio, La vie devant soi, Romain Gary

Quatrième de couverture :

Signé Ajar, ce roman reçut le prix Goncourt en 1975. Histoire d’amour d’un petit garçon arabe pour une très vieille femme juive : Momo se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que «ça ne pardonne pas» et parce qu’il n’est «pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peur». Le petit garçon l’aidera à se cacher dans son «trou juif», elle n’ira pas mourir à l’hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré «des peuples à disposer d’eux-mêmes» qui n’est pas respecté par l’Ordre des médecins. Il lui tiendra compagnie jusqu’à ce qu’elle meure et même au-delà de la mort.

Après avoir lu deux romans sur Romain Gary (ici et ici), je ne pouvais pas ne pas ouvrir un de ses romans à lui ! Celui-ci était dans ma PAL sur les conseils enthousiastes d’Ariane de chez TuliTu et comme j’ai déjà lu La promesse de l’aube, c’était parfait.

Autant le dire tout de suite, j’ai adoré ce livre ! Le personnage de Momo et celui de Madame Rosa sont tout simplement touchants, inoubliables.La galerie de personnages secondaires est savoureuse elle aussi, la solidarité qui s’installe envers Madame Rosa est solaire. L’inventivité du langage est jubilatoire.

Quand on sait que ce roman a été écrit sous pseudo par un homme qui se voyait vieillir, qui craignait la mort et qui cherchait le moyen de se renouveler dans son art littéraire, on ne peut qu’être ébloui par l’histoire et le langage qu’il a mis en place, sans compter la supercherie littéraire qui participera à sa légende et le rendra évidemment inoubliable.

Je n’ai pu m’empêcher de trouver des points communs avec La promesse de l’aube, dans le lien privilégié entre Momo et Rosa, un gamin sans père ni mère et une vieille Juive qui « se défend » bec et ongles contre le destin, dans les allusions à Nice (la ville où a vécu le jeune Romain Gary avec sa mère), dans l’abondance, le flot de mots un peu foutraque de Momo.

C’est un roman où la magie et les démons de Romain Gary se déploient pour un moment de lecture inoubliable, je le répète. « Parce qu’on ne peut pas vivre sans quelqu’un à aimer ».

« Mais je tiens pas tellement à être heureux, je préfère encore la vie. Le bonheur, c’est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre à vivre. On est pas du même bord, lui et moi, et j’en ai rien à foutre. »

« – C’est là que je viens me cacher quand j’ai peur.
– Peur de quoi, Madame Rosa ?
– C’est pas nécessaire d’avoir des raisons pour avoir peu, Momo.
Ça, j’ai jamais oublié, parce que c’est la chose la plus vraie que j’aie jamais entendue. »

« Moi ce qui m’a toujours paru bizarre, c’est que les larmes ont été prévues au programme. Ça veut dire qu’on a été prévu pour pleurer. Il fallait y penser. Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça. »

Romain GARY (Emile AJAR), La vie devant soi, Folio, 2017( (1è édition : Mercure de France, 1975)

Dernier titrede ces quelques jours avec Romain Gary

La petite et le vieux

17 vendredi Nov 2017

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des mots du Québec

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Folio, La petite et le vieux, Marie-Renée Lavoie, Québec

Quatrième de couverture :

«Certaines nuits, j’étais tenaillée par d’horribles crampes aux mollets, et là, pas de Roger possible. Et quand ma carapace d’héroïne se fissurait de partout comme un hublot de sous-marin plongé à des profondeurs abyssales, il y avait maman. Je me projetais sur un champ de bataille, la jambe en charpie, les fourmis qui la rongeaient dans mon lit devenant du sang qui se répandait en me brûlant la chair. Il ne fallait pas crier ni geindre, rien. Endurer en silence pour faire honneur à la compagnie. Avaler la douleur pour m’en trouver grandie.»

Elle se fait appeler Joe. Elle aimerait vivre au XVIIIe siècle car elle a l’âme romantique et le goût pour les drames. Elle vit dans un quartier peuplé de gens cabossés par la vie. Le plus étrange est son nouveau voisin, M. Roger, un vieil homme aux dons chamaniques qui passe son temps à jurer comme un charretier tout en attendant sa dernière heure. 

Un roman réjouissant sur l’amitié et les désillusions de l’enfance.

Quelle galerie de personnages attachants dans ce roman ! Difficile de ne pas penser à La grosse femme d’à côté est enceinte pour le décor, un quartier populaire où vivent des gens isolés, des oubliés de la vie et de l’administration (ou presque), des gens border line et des familles comme celle d’Hélène ou plutôt Joe. Une gamine de huit ans au coeur et au courage grands comme ça, qui puise de la noblesse et du courage dans les aventures de son héroïne télévisuelle (on est dans les années 80), Lady Oscar, qui se faitpasser pour un homme à la fin du 18è siècle. Alors Hélène se fait appeler Joe et s’imagine un destin merveilleux pour transcender un peu son quotidien ordinaire. Alors Hélène livre des journaux tôt le matin pour améliorer discrètement l’ordinaire de sa famille, de ses parents et de ses trois soeurs. Son père qui noie ses doutes dans l’alcool (c’est la première fois que je trouve un alcoolique sympathique), sa mère qui tient la maison d’une main de fer pour cacher le velours de son coeur de maman.

Il y a plein d’amour et de tendresse dans ce roman, de l’humour, cette proximité de Joe avec la mort, son bon sens instinctif. Et l’art de la romancière de se mettre dans la peau d’une petite fille puis d’une jeune adolescente. Et la collection inénarrable de jurons de Roger dont on découvre l’émouvant secret à la fin du roman.

Bon, encore une fois j’ai du mal à parler de ce (premier !) roman, mais c’est parce que je l’ai tellement aimé !!

« Roger m’avait expliqué que les sœurs étaient toutes mariées au même homme et qu’elles devaient prier très fort pour ne pas mourir d’ennui. Le cercle posé sur la tête du gars en question illustrait très bien le caractère cercle-vicieux de la vie qu’il leur réservait : prier pour survivre à une infernale vie de prière. » 

« Ça devenait supportable de souffrir seulement quand elle se flanquait à mes côtés pour me regarder faire. Autrement, ça débordait. Comme quand j’étais seule à regarder quelque chose de trop beau — une pleine lune sur le toit d’un immeuble, par exemple — et que je sentais que la beauté se gaspillait parce que ça me semblait beau au moins pour deux.

C’était une femme au visage complètement fané dont les yeux sans couleur ne s’accrochaient à rien. Des ombres floues dans des flaques d’une gélatine inconsistante. Même ses cheveux de paille séchée avaient renoncé à faire vivre ce visage déserté.

Je ne savais même pas qu’il fallait mourir de quelque chose. Et encore moins qu’il y avait une meilleure façon de le faire.

Toutes les éternités ont une fin.

Ma mère savait tout et devinait le reste. »

« Elle était si belle quand elle oubliait d’être dure ma mère. J’avais depuis longtemps compris que maman C’est-Toute, ce n’était pas pour moi ni pour mes sœurs, mais pour elle, une façon de tenir le coup et de ne pas ramollir ses enfants, une façon de se convaincre qu’elle était dure, alors qu’en réalité c’était tout friable en dedans. Ma mère était une gaufrette. « 

Marie-Renée LAVOIE, La petite et le vieux, Folio, 2015 (première édition au Québec chez XYZ en 2010)

C’était mon frère… Théo et Vincent Van Gogh

23 mercredi Août 2017

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français, Non Fiction

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C'était mon frère, Folio, Judith Perrignon, Théo Van Gogh, Vincent Van Gogh

Quatrième de couverture :

«J’ai pensé dire quelques mots. Mais je n’ai pas pu, j’ai bafouillé des remerciements, rien de plus. Le docteur Gachet s’en est chargé. Il pleurait, lui aussi. Il a dit l’essentiel. Que tu étais un homme honnête, un grand artiste, qu’il n’y avait que deux buts à ta vie, l’humanité et l’art. Et que c’est l’art que tu chérissais au-dessus de tout, qui te ferait vivre encore. Moi, simple marchand des peintres morts et trop peu des vivants, je ne sais rien de ce présage. J’aurais voulu ajouter : c’était mon frère.»

Théo n’a pas survécu plus de six mois à la mort de Vincent… Au jeune frère, Judith Perrignon a emprunté sa voix et ses souvenirs pour écrire une histoire en forme de compte à rebours, un court moment où le nom de Vincent Van Gogh évoque un homme parmi d’autres et pas encore un mythe.

Judith Perrignon s’est glissée dans la peau de Théo Van Gogh à partir de la nuit où il veille son frère mourant (elle garde la thèse du suicide – forcément, puisqu’elle accompagne Théo et n’est pas là pour remettre cette « théorie » en cause – celle-ci paraît d’ailleurs tout à fait plausible sur le moment) jusqu’au jour où il est interné dans un asile psychiatrique, souffrant de démence et de paralysie progressive, sans doute des suites de la syphilis.

Théo est terrassé par la mort de Vincent, ce frère aîné qu’il n’a cessé d’aimer, de soutenir, financièrement et oralement et dont il a cherché en vain à faire reconnaître la peinture du vivant de l’artiste. Fiévreusement il continue ce combat dans les semaines qui suivent la mort de Vincent pour finalement, devant la froideur des plus grands galeristes de l’époque, organiser une exposition dans son propre appartement. Bien sûr, des peintres comme Pissarro, Toulouse-Lautrec ou le seul journaliste qui a écrit une critique enthousiaste sur les toiles de Van Gogh, le soutiennent. En préparant cette expo, Théo mène une observation très intéressante sur les auto-portraits de Vincent, à qui il ressemble tant…

Mais la maladie rattrape Théo, et à partir du moment où il est rapatrié dans un asile aux Pays-Bas, Judith Perrignon laisse la place au rapport médical (bien réel) observant le comportement et les soins donnés à Théo durant ses dernières semaines. Constat froid et désolant sur un homme qui a coupé tout contact ou presque avec la réalité sensible. Le livre s’achève en 1914, quand le corps de Théo est à nouveau rapatrié en France, pour reposer aux côtés de son frère dans le cimetière d’Auvers-Sur-Oise.

J’ai vraiment aimé ce témoignage d’amour fraternel, très bien écrit, très sensible, qui parle aussi du rapport à la mère, au père, à la foi et qui nous offre un regard frais sur la peinture de celui qui signait Vincent.

« Qu’il est beau ce premier soir où tout le monde est venu. L’arrivée d’un ami est toujours la même : il y a au bord des lèvres le sourire, quelques mots pleins d’émotion et puis, en quelques secondes, tout chavire, le rituel s’interrompt, les yeux sont aspirés par la lumière et la couleur. Ceux qui sont là connaissent Vincent, ils ont vu sa peinture par bribes, au café, chez Tanguy, chez moi, encore humide sous son bras, ou même parmi les chèvres et la paille dans une grange à Auvers-sur-Oise, mais jamais ils n’ont vu l’ensemble. A cette première exposition de Vincent, on ne chemine pas de toile en toile, en observant là les courbes et les grâces féminines, là les harmonies de gris, les subtilités du ciel, ici le puits de lumière, ou encore la patte de l’artiste. C’est un assaut, c’est brutal, c’est bouillonnant comme le feu du soleil, la sève impatiente de la nature, les rêves et les émotions d’un peintre sans école dont la main était une torche, qui trouvait plus de lumière dans les yeux des hommes que dans les cathédrales. » (p. 100)

Judith PERRIGNON, C’était mon frère… Théo et Vincent Van Gogh, L’Iconoclaste, 2006 (et Folio 2009 et 2014)

Une semaine avec les Van Gogh – lecture 2

Autoportrait avec chapeau de feutre gris

Le chanteur de tango

24 lundi Août 2015

Posted by anne7500 in Des Mots sud-américains

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Argentine, Folio, Gallimard, Le chanteur de tango, Tomas Eloy Martinez

Quatrième de couverture :

On dit qu’il ne chante plus que dans quelques cabarets malfamés du port. On dit aussi qu’il est très malade mais qu’il chante parfois dans un vieux bar du centre ville. Certains affirment qu’ils l’ont entendu chanter dans un square de Palerme, l’ancien quartier italien, et d’autres vont jusqu’à dire qu’il se produit inopinément sur les marchés populaires des faubourgs. Bruno Cadogan regarde perplexe la carte de Buenos Aires et essaie de déceler la logique qui commande les dernières apparitions de Julio Martel. Car ce légendaire chanteur de tango à la voix obscure et envoûtante, l’homme qui n’a jamais voulu enregistrer de disques, est bien plus qu’un mythe urbain. Martel est un artiste accompli qui ne laisse rien au hasard et qui dessine par sa présence (et son absence) une autre carte de la ville, les traits d’une énigme.
Volontaire, résolu, le jeune Américain est prêt à tout pour le rencontrer et pour l’entendre chanter ces étranges morceaux dont il est le seul à connaître les paroles et le sens. Mais sa quête va le conduire là où il ne l’attend pas : au cœur même de l’insurrection populaire de 2001 qui fait chuter les présidents les uns après les autres. Bruno Cadogan se trouve ainsi emporté par le tourbillon de l’histoire dans un Buenos Aires rebelle et assoiffé de justice où la voix de Julio Martel est devenue l’un des symboles de l’espoir.

Je crois bien que c’est la première fois que je mets le pied en littérature argentine et à Buenos Aires… et si l’auteur Tomas Eloy Martinez est bien argentin, il m’a fait entrer dans son univers par la médiation de Bruno Cadogan, étudiant américain venu pour quelques mois écrire sa thèse sur Borges grâce à une bourse. Ce n’est qu’après lecture que je me suis rendu compte de la subtilité et de la richesse du procédé littéraire. Partir avec Bruno sur les traces de Julio Martel, c’est accepter que le sol tangue sous vos pieds de lecteur, que vous vous perdiez dans le dédale des rues, que vous soyez attentif aux détails insoupçonnés du décor, points d’entrée dans les histoires qui font l’Histoire du pays et de la ville, accepter aussi de ne pas tout maîtriser et toujours revenir à votre point d’ancrage pour relancer votre quête. Un peu comme la musique et les pas, un peu comme les valeurs du tango, abandon et retenue, que Marilyne vous présente ici.

Le chanteur de tango, c’est Julio Martel, chanteur inconnu, mystérieux, fuyant, une voix d’or sortant d’un corps difforme, malade, une voix jamais enregistrée mais captée ici et là au hasard des rues et des maisons qu’il choisit pour rendre hommage à des hommes et des femmes qui ont marqué l’histoire de Buenos Aires, comme Catalina Godel ou le Mocho, victimes de la dictature. Chaque lieu de mémoire est prétexte à évoquer des histoires, des destins, à évoquer le temps où Peron et Evita galvanisaient le peuple, à raconter comment Buenos Aires s’est bâtie. Un roman où la ville est un personnage à part entière, un personnage avec lequel fait corps le personnage (humain) principal, Julio Martel, épousant ses contours labyrinthiques ou plutôt se situant au milieu des lignes du labyrinthe mouvant des rues en courbe, et émouvant indiciblement ses auditeurs, les touchant au plus profond de leur mémoire. Les extraits en parlent bien sûr bien mieux que moi :

« Buenos Aires est ainsi, pensa alors Grete, et elle nous l’a répété plus tard : un faisceau de villes réunies en une seule ville, de petites villes anorexiques à l’intérieur de cette unique majesté obèse qui s’autorise des avenues madrilènes et des cafés catalans, à côté de volières napolitaines, de temples doriques et d’hôtels particuliers Rive Droite, et derrière tout cela – avait insisté le taxi – il y a malgré tout le marché au bétail, le mugissement des troupeaux avant le sacrifice et l’odeur de bouse, c’est-à-dire les relents de la plaine, et aussi une mélancolie qui ne vient pas d’ailleurs mais d’ici, de la sensation de fin du monde qu’on a quand on regarde les cartes et qu’on constate combien Buenos Aires est seule, à l’écart de tout. » (p. 75-76)

« Ce devait être un tango antédiluvien, car il le chantait avec des paroles encore moins compréhensibles que celles des autres morceaux de son répertoire ; c’étaient plutôt des salves phonétiques, des sons à la volée dans lesquels on pouvait reconnaître des sentiments comme la peine, l’abandon, le regret du bonheur perdu, la nostalgie du foyer, auxquels seule la voix de Martel donnait un sens. Que voulaient dire brenai, ayauu, panisola, car c’était plus ou moins ce qu’il chantait ? Je sentis que sur cette musique s’abattait non un seul passé mais tous ceux que la ville avait connus depuis des temps immémoriaux, quand elle n’était encore qu’une inutile volière. » (p. 93)

Si Le chanteur de tango est un chanteur de tango aussi insaisissable que le labyrinthe de Buenos Aires, il est aussi la figure de l’Aleph, nouvelle emblématique de Borges, une référence énigmatique et récurrente du roman (je précise que, autre lacune, je n’ai jamais lu Borges mais qu’il ne me semble pas nécessaire de l’avoir fait pour comprendre ce roman – toujours le principe d’accepter de se perdre…)

« J’aurais voulu dire à mon avis qu’en tant qu’étrangers à Buenos Aires, lui et moi étions peut-être plus sensibles à sa beauté que ceux qui y étaient nés. La ville avait été construite aux confins d’une plaine sans nuances, entre des étendues de foin aussi peu utiles à l’alimentation qu’à la fabrication des paniers sur les rives d’un fleuve dont l’unique charme est son exceptionnelle largeur. Bien que Borges ait essayé de lui forger un passé, celui qu’elle a à présent est lui aussi plat, sans autres faits héroïques que ceux imaginés par ses poètes et ses peintres, et chaque fois que l’on prend dans ses mains un quelconque fragment de passé, on le voit se dissoudre en un présent monotone. » (p. 178)

C’est cette « fusion » mouvante entre passé et présent qui fait le charme troublant de ce roman qui se termine au milieu de la révolte populaire de fin 2001, au paroxysme de la crise économique (impossible de ne pas penser à la Grèce aujourd’hui). Dans cette atmosphère de chaos, Bruno Cadogan arrive au bout de sa quête, dans la rencontre si émouvante avec Alcira et Martel, il rentre chez lui, où il commence à raconter cette histoire. Il m’a laissée avec un goût inimitable d’Argentine.

Tomas Eloy Martinez, Le chanteur de tango, traduit de l’espagnol (Argentine) par Vincent Raynaud, Gallimard, 2006 et Foio, 2007

Cette lecture commune avec Marilyne annonce la semaine  que nous passerons en Argentine du 31 août au 6 septembre. C’est une magnifique entrée en matière pour moi, merci de m’accompagner dans ce voyage !

Ce roman est parfait aussi pour le challenge d’Eimelle.

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Ce jour-là

06 mardi Jan 2015

Posted by anne7500 in Non Fiction

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Ce jour-là, Folio, Willy Ronis

Quatrième de couverture :

«  »J’ai la mémoire de toutes mes photos, elles forment le tissu de ma vie et parfois, bien sûr, elles se font des signes par-delà les années. Elles se répondent, elles conversent, elles tissent des secrets. »

A partir d’une cinquantaine de photos, Willy Ronis dessine son autoportrait. On le suit dans ses voyages, ses virées dans les rues de Paris et sur les bords de la Marne, ses reportages aussi. Une photo, c’est un moment pris sur le vif, mais c’est aussi l’histoire d’un jour. Ce jour-là : un autoportrait à la manière d’un « Je me souviens ». C’est avec émotion que ce livre feuillette à la fois son être le plus intime, son talent de photographe et son talent de conteur.

J’avais déjà lu quelques extraits de ce livre, je m’en suis notamment servie en classe pour travailler le thème du souvenir et de la mémoire. Cette fois je me suis décidée à tout lire d’une traite et cela m’a apporté un bien bel éclairage, une (re)découverte du travail de Willy Ronis.

Au cours de sa longue vie (1910-2009), le photographe a traversé le 20e siècle et a rendu compte de la petite et de la grande histoire, de la vie française sous toutes ses facettes avec ses images, ses photos « humanistes ». J’ai été touchée en particulier par les photos de l’après-guerre (la photo du retour des prisonniers Gare de l’Est), dans une France qui accueille la Libération dans les guinguettes, à Paris devant les vitrines des magasins ou aux Puces, pour ne citer que ces exemples. On sent chez Ronis un attrait pour les petites gens, les milieux populaires, le goût de la simplicité.

Simplicité, je trouve que c’est vraiment le maître mot de ce livre : la simplicité avec laquelle Willy Ronis nous raconte l’histoire de chaque photo, la simplicité apparente de son travail (juste être là, regarder, attendre le moment idéal pour la meilleure photo possible, savoir s’arrêter pour saisir l’instantané unique), la simplicité aussi avec laquelle il nous fait partager l’intimité de son travail de créateur, de sa vie de couple, de famille, et ô combien émouvante était l’histoire de la photo sur sa femme, Marie-Anne, atteinte de la maladie d’Alzheimer.

J’ai employé le mot de simplicité et j’y ajouterai la dignité, dans le sens de l’éminent respect de l’artiste envers ses sujets, sa bienveillance naturelle, qui transparaît naturellement de ses photos en noir et blanc.

Ce jour-là est un livre vraiment plaisant à lire, pour ces qualités artistiques, ces valeurs humaines que j’ai tenté de vous présenter. L’auteur ne manque pas d’un petit grain de fantaisie qui rend la lecture encore plus agréable !

Willy RONIS, Ce jour-là, Mercure de France, 2006 et Folio, 2008

Projet Non-Fiction avec Marilyne

Le canapé rouge

10 vendredi Oct 2014

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

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Folio, Le canapé rouge, Michèle Lesbre

Quatrième de couverture :

Dans le transsibérien qui la conduit à Irkoutsk, tandis que défilent les paysages, Anne songe à l’amitié qui la lie à une vieille dame, Clémence Barrot, laissée à Paris. Elle lisait à cette ancienne modiste la vie de femmes libres et courageuses telle Olympe de Gouges, auteur de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne… Et partageait avec elle des souvenirs tendres et douloureux : ceux des amours passées…
Le dixième livre de Michèle Lesbre est un roman lumineux sur le désir, un texte limpide sur le bonheur de vivre.

Difficile de parler de ce petit roman au charme délicat…

On y voyage en train, dans un compartiment aux fauteuils moelleux, jusqu’à Irkoutsk et au lac Baïkal, se laissant porter avec la narratrice par les paysages qui défilent, les rencontres incertaines, la chaleur du thé à la russe, une chanson des rues, des cerfs-volants lancés par des enfants, se laissant déstabiliser aussi par la langue étrangère et les attentes improbables, la quête des souvenirs, la déception qui guette au bout du chemin. Jusqu’à la révélation intime qui la ramène à Paris.

Paris, lieu d’un autre voyage plus immobile, sur le canapé rouge de Clémence, la vieille dame dont les souvenirs s’effilochent, mais pas la fantaisie ni la mémoire de l’amour.

Entre le train et le canapé, le rouge se décline sur les variations de l’amour, du sang, de l’Union soviétique, du communisme, de la vie, de la mort. Mais comme toujours avec Michèle Lesbre, rien de lourd ni de doctrinal dans ce voyage. Tout se dit sur le mode sensuel, lumineux, baigné de mots poétiques, de la rencontre entre un homme et une femme, entre une jeune et une vieille femme, entre passé et présent.

Après cette lecture, j’ai envie d’un long voyage alangui en train, de me promener en bord de Seine, coiffée d’un joli bibi et d’en savoir plus sur Olympe de Gouges…

« Puis le train avait repris sa course. J’étais à quelques heures seulement d’Irkoutsk. Les usines abandonnées se succédaient toujours, parfois le matériel était délaissé lui aussi, un monstrueux gaspillage qui, après le spectacle de ces femmes penchées vers les voies, suscitait la colère. Les forêts devenaient l’image d’un paradis possible dont les hommes n’étaient pas dignes mais que les arbres, eux, savaient incarner. Ce paysage grandiose et dévasté, empreint d’une grande mélancolie, me parlait de tout ce que je savais déjà mais avec une force, une cruauté à laquelle je ne m’attendais pas. Il ne me quitterait plus pendant plusieurs mois après mon retour, s’installerait dans ma vie comme d’autres voyages l’avaient fait, bâtissant ainsi un monde singulier, imparfait, émotionnel, imaginaire parfois, le mien. » ( p.62)

Michèle LESBRE, Le canapé rouge, Sabine Wespieser éditeur, 2007 et Folio, 2009

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