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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Catégorie: De la Belgitude

L’âge des possibles

30 vendredi Sep 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin, Des Mots en Jeunesse

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L'école des loisirs, Marie Chartres

Quatrième de couverture :

Saul et Rachel ont un avenir tout tracé : chez les Amish, la vie est une ligne droite. Leur Rumspringa, cette parenthèse hors de la communauté, leur permettra de découvrir le monde moderne pour le rejeter en toute connaissance de cause. Temple doit quitter sa petite vie casanière pour rejoindre sa soeur à Chicago, mais la peur la paralyse. Dans l’immense ville, celle qui se pose trop de questions et ceux qui devraient ne pas s’en poser vont se perdre et se trouver. Mais ils vont aussi trouver des réponses qu’ils auraient peut-être préféré ignorer.

Pour être honnête, j’avais une idée très basique et totalement cliché des Amish, genre des gens qui vivent volontairement à l’époque et dans le style de La petite maison dans la prairie et qui ont complètement coupés du monde moderne. Rachel et Saul, deux jeunes Amish amoureux l’un de l’autre, font leur rumspringa, c’est-à-dire un séjour hors de la communauté, dans ce monde moderne, au terme duquel ils choisiront soit la vie amish, rurale, soit la vie moderne, urbaine. L’escapade des deux amoureux est quand même originale car Saul a décidé de les emmener à Chicago. C’est là qu’ils rencontreront Temple, une ado timorée, anxieuse, qui vient rejoindre sa soeur aînée dans la grande ville pour voir le spectacle de sa danseuse étoile préférée. Les trois ados vont faire des rencontres, découvrir la ville et en repartiront changés à jamais.

Ce roman initiatique alterne les points de vue de ces trois personnages principaux : Saul, d’abord intrépide et confiant mais que la grande ville va choquer en profondeur, Rachel, qui paraît douce et soumise mais va se révéler plus ouverte à la nouveauté qu’il n’y paraît et Temple, rongée d’inquiétude et d’indécision en permanence et que l’absence de sa soeur à l’arrivée va obliger à « grandir ».

La force de Marie Chartres est de ne pas aborder ses personnages de façon manichéenne : les jeunes Amish sont certes attachés à leurs valeurs et à leur mode de vie mais ces valeurs aident à porter un autre regard sur la vie trépidante de Chicago et ses habitants. L’autrice leur fait vivre des expériences pleines de bienveillance – certains diront que ce n’est pas vraisemblable – et passer de la sécurité à l’aventure sans filet ou presque. Le tout avec une très belle plume, ce qui ne gâte rien. N’hésitez donc pas à découvrir tous ces possibles à Chicago !

« Je ne sais pas non plus comment se porte un sac à main. J’ignore cela. Je les regarde lorsque je me promène en ville : je vois toutes les filles de mon âge avec leur sac coincé dans le creux du coude, comme si c’était un prolongement naturel de leur corps ou de leur personnalité, elles sont légères et aériennes. Il y a quelques années, je me suis entraînée avec un sac de courses, j’ai fait des allers et retours studieux entre ma chambre et la cuisine pour voir ce que ça faisait. Je n’y suis pas arrivée, je me suis sentie ridicule. Maman m’a ensuite appelée pour que je descende au poulailler. En ces lieux, je suis la reine. Je porte le panier à œufs à merveille. Je n’en ai jamais fait tomber un seul. Chaque matin, c’est une gloire silencieuse. C’est la mienne. Ma petite gloire silencieuse. »

« Rachel est comme cela, elle aime quand l’intime surgit accidentellement, tel un animal sauvage au détour d’un virage. Elle aime, malgré tout, les joyeux petits accidents dans les phrases et les yeux des gens. »

« La vie des amish, c’est une bobine de fil qui se déroule tranquillement du début jusqu’à la fin, c’est plat, il n’y a aucun nœud, aucun accroc, aucun incident. Ce que nous faisons, la manière dont nous agissons, c’est l’ouvrage de Dieu, c’est ce qu’Il veut de nous. Une ligne droite. Et toi, tu es… tu es un joli nœud. »

« J’ai fermé les yeux pour me concentrer, pour visualiser le fil sur lequel je me tenais en équilibre. Le moindre coup de vent et je tomberais. Rachel savait que j’étais près du bord. Ou alors c’était le contraire. Peut-être que c’est elle qui tombait progressivement et moi, j’étais là à regarder, sans bouger, sans broncher. J’étais perdu. Dans un monde à l’envers, comment peut-on savoir si l’on tombe ou si l’on reste debout? »

Marie CHARTRES, L’âge des possibles, L’école des loisirs, 2020

Les notes du jeudi : Hommages (3) Philippe Boesmans

19 jeudi Mai 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Notes de Musique

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Philippe Boesmans

Le compositeur belge Philippe Boesmans, dont je vous ai déjà fait écouter Fanfare II pour orgue, reconnu comme un grand compositeur d’opéras contemporains, est mort à Bruxelles le 10 avril dernier. Vous trouverez facilement sur Youtube une vidéo de Pinocchio, opéra composé sur un livret de Joël Pommerat, mais je vous propose d’écouter une pièce instrumentale plus courte : Chambres d’à côté par l’ensemmble Musiques nouvelles dirigé par Jean-Paul Dessy.

Deux lectures décevantes

14 samedi Mai 2022

Posted by anne7500 in Abandons, De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Pour terminer ma ligne belge du Petit Bac, fin avril, j’ai lu deux livres très différents… et tous deux des déceptions à des titres divers. J’ai hésité mais je me suis dit que j’en ferais quand même un billet.

Tout d’abord, j’ai lu l’avant-dernier roman de Valérie Cohen, auparavant éditée par Luce Wilquin en Belgique et maintenant éditée chez Flammarion en France. Une attachée de presse me l’a proposé en « envoi surprise » que j’ai accepté sans réfléchir.

Quatrième de couverture :

Joli brin de femme épanouie à la carrière radieuse, Emma semble avoir une vie toute tracée. Développer son entreprise de prêt-à-porter, cultiver ses amitiés, aimer paisiblement son mari et son fils.
Mais une fois par an, elle revient à ce jour, il y a vingt ans, où son amour de jeunesse l’a quittée. Quand elle apprend que cet homme est actif sur un site de rencontre pour personnes mariées, la tentation est grande de revisiter ses souvenirs.
Quelle trace laisse un premier amour ? Est-il possible d’apprivoiser le passé quand il s’immisce dans le présent ? Peut-on tourner la page sans renoncer à hier ?

Bon, je suis bien ennuyée mais comme Le hasard a un goût de cake au chocolat, je n’ai pas aimé ce roman, je l’ai même abandonné à la page 119/378. Je savais que Valérie Cohen a retrouvé un éditeur français, mais rien que la formulation de ce titre m’avait retenue. J’ai l’impression d’avoir lu un roman feel-good ou romance, je n’ai pas du tout l’habitude de ces genres (même pas des romans basés essentiellement sur une histoire d’amour) et mon avis sera sans doute lapidaire mais franchement, j’avais l’impression qu’à la page 119, on était toujours dans la présentation des personnages principaux, qu’il ne s’était encore rien passé de décisif. Le style m’a très vite lassée : on sait tout des moindres actions, du moindre détail physique des personnages avec pléthore d’adjectifs. Pas vraiment de place à l’imagination du lecteur, tout vous est servi sur un plateau… indigeste. Et bien sûr, on est dans le registre « gentil », avec plein de valeurs morales que je respecte infiniment, comme Valérie Cohen l’est dans la vie, mais… je préfère des personnages et des histoires plus rudes, avec des failles, des aspérités, des travers (qui, me semble-t-il, donnent des romans plus attrayants mais ce n’est que mon avis…). Pardon mais je crois que je vais en rester là…

Valérie COHEN, Depuis, mon coeur a un battement de retard, J’ai lu, 2022 (Flammarion, 2019)

Ensuite j’ai sorti un livre des éditions Esperluète parce que je n’en avais même pas lu pour le Mois belge. J’ai choisi le court texte (87 pages) de Véronika Mabardi, Pour ne plus jamais perdre, illustré par Alexandra Duprez. Ici aussi je vous copie la quatrième de couverture pour que vous ayez une idée du récit.

Quatrième de couverture :

bientôt tu tomberas, malgré la coquille et le nid. tu traîneras tes pieds dans les feuilles mortes, le long des trottoirs, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de nuits, d’herbe
ni de cailloux.
tu apprendras la ville et la nuit, les hommes qui tendent des mains aux paumes crasseuses. tu liras dans ces lignes un poème, tu écouteras les rengaines et les rumeurs. penchée sur le rebord du pont, plus rien ne pourra te retenir. un abandon plus facile que les tempêtes.

Trois moments pour dérouler le temps et arpenter la mémoire : une femme nous emmène dans la maison d’une grand-mère, vers les sentiers au fond du jardin et là où tout se trouble. La marche et l’errance urbaine y réveillent le souvenir et dessinent un nouveau territoire à parcourir.

Texte de passage, de prise de conscience, de renoncement à un temps idéal qui passe par le deuil – pas seulement des proches, mais d’une idée du monde, d’une liberté de rêver. Une écriture puissante, à vif, qui nous entraîne là où le quotidien devient poésie, là où le souvenir tisse sa trame.

Ici mon sentiment principal est plutôt la perplexité : si j’ai compris le but de la première partie, je me suis perdue dans les deux suivantes. Il est question de deuil, et du coup la narratrice (je crois que c’est une ou non un narrateur) erre dans la ville en s’arrêtant devant des personnes marginales, des sans abri, des jeunes en décrochage, entre autres. Elle explore ainsi le sentiment de la perte. L’écriture est poétique mais elle s’est révélée opaque pour moi, tantôt des blocs de texte, tantôt des lignes plus épurées, sans aucune majuscule. J’avoue que cette lecture ne me laisse aucun souvenir… Ce texte est paru trois ans avant le premier roman de l’autrice, Les Cerfs, que j’avais beaucoup aimé. J’ai encore deux titres de Véronika Mabardi à lire et je ne me laisserai pas décourager par la déception présente !

Véronika MABARDI et Alexandra DUPREZ, Pour ne plus jamais perdre, Esperluète, 2011

Petit Bac 2022 – ligne Belge Ponctuation et Verbe

Le mois belge 2022 : la conclusion

06 vendredi Mai 2022

Posted by anne7500 in Challenges, De la Belgitude

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Le Mois belge 2022

Me voilà enfin pour clôturer ce Mois belge 2022. Le nombre de participants et de billets a baissé mais l’enthousiasme y était toujours et nous avons fait de belles découvertes. Personnellement je retiens la lecture de Diane Meur.

Et vous, que gardez-vous en tête de cette édition 2022 ? Peut-être avez-vous des suggestions pour la dixième édition ? Je vous invite à m’en faire part dans les commentaires, merci !

Comme chaque année, deux livres sont à gagner grâce aux éditions Quadrature et aux éditions M.E.O. que je remercie chaleureusement !

Tout d’abord, L’alphabet du destin de Liliane Schraûwen, un recueil de nouvelles publié par Quadrature, qui ressemble à un roman et que j’avais beaucoup aimé.

Ensuite, Le cinéma de Saül Birnbaum d’Henri Roanne-Rosenblatt, publié par M.E.O. et que je vous ai présenté ce matin. (Cliquez sur les titres pour lire mon avis.)

Je vous avoue que je n’ai pas eu d’idée spéciale pour un concours. Aussi je vous laisse jusqu’à mardi 10 mai minuit pour déposer un commentaire (un livre que vous retenez du mois belge, un auteur, une suggestion…) et je tirerai au sort parmi vous les gagnants de ces deux livres.

Merci encore à vous, toutes les participantes, aux éditeurs et merci pour vos commentaires !

Le cinéma de Saül Birnbaum

06 vendredi Mai 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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éditions M;E.O., Henri Roanne-Rosenblatt

Quatrième de couverture :

Saül Birnbaum, survivant d’une famille de restaurateurs judéo-polonais, fuit l’Autriche à l’âge de 6 ans, après la Nuit de cristal, par un Kindertransport, et trouve refuge à Bruxelles où il sera caché de 1942 à 1944. Fasciné par le cinéma hollywoodien qu’il découvre à la Libération, il réalise son rêve américain en ouvrant un delicatessen à New York. Une ébauche de scénario laissée en gage par un client impécunieux lui permet de devenir producteur de cinéma. Il parvient, par des méthodes peu orthodoxes de financement, à monter la production d’un film et à convaincre une star d’y jouer. Pourtant, Saül demeure hanté par sa jeunesse dramatique et par la nostalgie de son amour d’enfance, Hilde, nièce d’Hitler…

Ce roman de Henri Roanne-Rosenblatt a sans doute une part autobiographique : l’auteur est lui-même né à Vienne en 1932, a quitté l’Autriche après l’Anschluss et a été critique de cinéma à la RTB (Radio Télévision Belge). Il est également l’auteur de deux films documentaires. Je l’avoue, je ne connaissais pas l’existence des Kindertransporten, qui ont permis de sauver des enfants juifs de l’invasion allemande en Autriche.

Le roman alterne les chapitres sur l’enfance de Saül Birnbaum, né à Braunau-sur-Inn, comme Hitler, et sa vie adulte à New York. Le père de Saül est emprisonné à Dachau après l’Anschluss et sa mère se bat contre vents et marées pour sauver son mari et son fils. Elle n’obtiendra un visa que pour son mari – dont elle découvrira, ironie du sort, qu’il l’a trompée et qu’il a eu un autre fils – et se séparera la mort dans l’âme de son fils, en l’intégrant à un Kindertransport. Celui-ci arrive à Bruxelles et est « adopté » par un couple juif lui aussi. Grâce à Justine, il échappera aux rafles anti-juives. Après la guerre et de nombreuses péripéties familiales (que je vous laisse découvrir), il émigrera au Canada puis à New York où il pourra, avec la mystérieuse Hannah, vivre à fond sa passion du cinéma, passion qui l’a aidé à survivre pendant son adolescence. Et il deviendra même le producteur d’un film réalisé par son neveu, film qui lui permettra de revenir sur les traces du passé…

Cette alternance entre enfance et âge adulte donne du rythme et de l’émotion à l’histoire de Saül Birnbaum, qui doit apprivoiser les fantômes si douloureux de son histoire. S’il est parfois un peu difficile de démêler la vérité historique, ce roman évoque des événements bien réels et j’y ai encore appris des choses (comme les Kindertransporten). Plaisir non négligeable, l’auteur nous donne une leçon de cinéma, on revit ou on revoit les grands classiques français et américains, les acteurs et actrices qui ont fait la légende d’Hollywood et aussi la vie culturelle new-yorkaise. Vous le devinez, j’ai beaucoup aimé cette lecture !

Henri ROANNE-ROSENBLATT, Le cinéma de Saül Birnbaum, M.E.O., 2022 (première édition : Genèse, 2013)

Les éditions M.E.O. ont réédité ce roman à l’occasion de l’adaptation cinématographique qui sortira en salles en France et en Belgique le 22 juin.

Le Mois belge 2022 – catégorie Les Impressions nouvelles

Les notes du jeudi : Hommages (1) Toots Thielemans

05 jeudi Mai 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Notes de Musique

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Toots Thielemans

En avril, plusieurs personnalités musicales, belges et internationales, sont décédées. Je leur consacre les notes du jeudi à suivre. Mais auparavant rendons hommage à notre Toots Thielemans national qui aurait eu 100 ans le 29 avril !

Ecoutons-le dans le générique de Jean de Florette, musique composée par Jean-Claude Petit.

La colère de Maigret

29 vendredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Georges Simenon, Le Livre de poche, Maigret

Quatrième de couverture :

Il était midi et quart quand Maigret franchit la voûte toujours fraîche, le portail flanqué de deux agents en uniforme qui se tenaient tout contre le mur pour jouir d’un peu d’ombre. Il les salua de la main, resta un moment immobile, indécis, à regarder vers la cour, puis vers la place Dauphine, puis vers la cour à nouveau.
Dans le couloir, là-haut, ensuite dans l’escalier poussiéreux, il s’était arrêté deux ou trois fois, faisant mine de rallumer sa pipe, avec l’espoir de voir surgir un de ses collègues ou de ses inspecteurs. Il était rare que l’escalier soit désert à cette heure, mais cette année, le 12 juin, la P.J. avait déjà son atmosphère de vacances.

Pour ce rendez-vous autour de Simenon, j’avais sous la main ce court roman, offert à l’achat de deux livres de poche il y a deux ou trois ans. Je n’ai pas l’impression que ce soit le Maigret le plus palpitant mais je m’en suis contentée.

Le patron de quatre cabarets de Montmartre a été assassiné : Emile Boulay a été retrouvé étranglé, déposé sur le trottoir devant une de ses boîtes de nuit. L’autopsie révélera qu’il a été tué quelques jours avant. C’était un homme sans histoire, un mari et un père de famille tranquille, un patron correct, aux habitudes précises, qui menait ses affaires avec bon sens. Maigret passe du temps à reconstituer l’emploi du temps de la victime le jour de sa mort et s’intéresse à sa famille, à ses proches, à ses collaborateurs, à son avocat… Rien de suspect, sauf un retrait à la banque d’une somme assez importante et des coups de téléphone sans succès. La mort de Boulay a-t-elle quelque chose à voir avec l’exécution d’un racketteur quelques semaines auparavant ? Maigret va résoudre l’enquête à force de tâtonnements, en épluchant d’anciennes affaires, en grommelant des bouts de phrases presque incantatoires qui aideront son cerveau à faire toute la lumière sur l’affaire. C’est la découverte du coupable qui déclenchera cette colère du titre.

On retrouve donc ici le fonctionnement classique du commissaire Maigret, de ses enquêtes avec les inspecteurs de son équipe, Lucas, Torrence et Lapointe, ses habitudes bien ancrées de déguster une bière bien fraîche ou un petit blanc dans une brasserie du quartier, de passer le week-end à pêcher en banlieue sous le regard de madame Maigret. Ici, on peut s’étonner du comportement du commissaire face au coupable à la toute fin de l’enquête : sans rien vouloir dévoiler, c’est comme si le divisionnaire décidait déjà de la manière dont justice doit (ou non) se faire. Il a vraiment beaucoup de pouvoir, ce commissaire…

Georges SIMENON, La colère de Maigret, Le Livre de poche, 2019 (première parution : 1963)

Le Mois belge 2022 – catégorie Noir Corbeau (un polar) Rendez-vous autour de Simenon ce 29 avril

Les vivants et les ombres

27 mercredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Quatrième de couverture :

1821. En Galicie, alors rattachée à l’empire habsbourgeois, l’obscure famille Zemka reconquiert le domaine fondé par un ancêtre issu de la noblesse et s’engage fiévreusement dans la lutte d’indépendance de la Pologne.
Pour retracer son ascension puis sa décadence, Diane Meur convoque une singulière narratrice : la maison elle-même qui, derrière sa façade blanche et son fronton néo-classique, épie ses habitants. Indiscrète et manipulatrice, elle attise les passions, entremêle les destins, guette l’écho des événements qui, des révolutions de 1848 aux tensions annonciatrices du désastre de 1914, font l’histoire de l’Europe. Les femmes surtout, condamnées à la réclusion dans la sphère domestique, la fascinent.
L’une d’elles, enfin, va réussir à s’en aller…

J’ai enfin découvert la plume de Diane Meur, romancière belge qui est également traductrice. J’ai choisi ce roman historique pour commencer, un roman qui s’étend des années 1830 à la fin du 19è siècle environ. Il met en scène la famille Zemka, avec Jozef, fils de confiseur, qui parvient à devenir le régisseur d’un domaine de Galicie (une partie de l’actuelle Pologne) et, se glissant dans le lit de la fille de la maison, Clara von Kotz, va en devenir le propriétaire, rétablissant en cela le lien de la maison avec ses ancêtres aristocratiques. Grâce à ses liens familiaux (un frère exilé à Paris, un neveu très engagé), Jozef vit les révolutions et les mouvements d’indépendance qui secouent l’Europe autour de 1848. Plus tard, à la fin du siècle, on sent monter les crispations, les nationalismes qui conduiront à la première guerre mondiale. Même si tous les faits ne sont pas expliqués dans leur contexte, le roman est assez passionnant de ce point de vue historique.

Jozef, à son grand dam, n’aura que des filles. Et c’est un autre point de vue intéressant du livre : la place des femmes dans cette maison et dans la société d’alors. Clara, marquée dès le départ par cette liaison scandaleuse avec Jozef, devra se dévouer à son mari et à ses filles, à la maison. Les filles, après le temps précieux de l’enfance, seront d’abord des filles à marier et, même si certaines d’entre elles – comme leur mère – s’écartent de la voie tracée, elles restent sous la coupe de leur père ou de leur mari. Sauf Zofia, dont j’aurais aimé connaître le destin. Mais le lecteur ne peut y avoir accès car Diane Meur a choisi un point de vue narratif original : c’est la maison elle-même qui raconte la vie du domaine et de ses habitants. Ne reculant devant aucun indiscrétion, elle est particulièrement énergique pendant les années fastes et s’engourdit au fil des années, avec la mort de Clara et le départ des premières filles, se réveillant plus ou moins quand la génération des petits-enfants de Jozef revient au pays.

Diane Meur creuse la psychologie de ses personnages, nous attachant à eux malgré ou avec leurs défauts, leur caractère parfois imbuvable, leurs comportements odieux ou confinant à la folie. Elle sait jouer aussi avec le temps, maniant les retours en arrière et les effets de prolepse avec art. C’est aussi la grande force de ce roman que je ne peut que vous recommander.

« Jusqu’ici, j’avais toujours eu l’impression d’être une de ces maisons de poupée sans façade où l’oeil peut plonger innocemment jusqu’au fond de chaque pièce. Maintenant il me semble que tout s’est cloisonné. Les nombreuses portes qu’on ouvrait et refermait auparavant sans y prendre garde, chacun a eu l’occasion de s’interroger sur leur épaisseur, de les repousser soigneusement avant d’engager quelque conciliabule, voire –  eh oui, on aurait tort de croire ce passe-temps réservé aux domestiques – d’y coller une oreille pour surprendre ce que murmurent deux tiers qui se croient à l’abri. Cela explique que, même moi, qui d’habitude sais tout, j’ai quelquefois suivi de fausses pistes ou omis de voir ce qui se passait sous mes yeux.

Et moi aussi, j’ai ressenti dans mes fibres cette atmosphère de menace, de mystère et aussi d’espérance. Oui, d’espérance : je suis persuadé qu’en chaque homme, si attaché qu’il soit à l’état présent des choses, sommeille un goût caché pour la secousse qui change le monde et infléchit les vies. Cette secousse encore indistincte, j’affirme que tous, ici, la désiraient sans forcément se l’avouer, comme le corps finit par désirer le coup qu’il sait inévitable, ou comme la pucelle finit par désirer la blessure qui fera d’elle une épouse ou une déchue, mais du moins autre chose. » (p. 167)

« Wioletta me reste pour l’heure aussi opaque qu’à sa mère, et je me rends compte qu’elle m’est opaque depuis près de deux ans sans que j’y ai pris garde. Car il fut bien un temps où je la perçais à jour comme les autres, où j’entrais de plain-pied dans ses secrètes rêveries. Elle a dû employer toutes ses forces (et elle en a : les femmes de cette époque apparaissent souvent comme des sacrifiées, de faibles jouets entre les mains des mâles. C’est vrai, mais c’est aussi que leur force n’a pas le loisir de se traduire en action et se déploie toute entière vers l’intérieur, faisant d’elles des championnes de la résistance passive, voire de l’autodestruction) à se replier sur elle-même pour préserver son secret. » (p. 264)

« Voilà un de mes rares habitants mâles qui m’était devenu sympathique (car sans cela j’avais conçu, de la part virile de l’humanité, une assez piètre opinion : prédation, autoritarisme, abus de pouvoir et j’en passe) ; et il était parti sans se retourner, blessé dans son premier amour, le cœur plein de reproches qu’il ne savait pas injustes. Parti, en bref, pour ne  jamais revenir. C’était donc ça, la vie des hommes ? Se lier aux autres, se prendre d’intérêt pour eux, placer en eux son espérance et être cruellement frappé par leur départ ou par leur mort ? Je regrettais de ne pas être restée à ma place, d’avoir voulu sortir du lot commun des maisons, passives, sans affects et, partant, sans douleur. » (p. 334) 

Diane MEUR, Les vivants et les ombres, Le Livre de poche, 2016 (Sabine Wespieser éditeur, 2007)

Le Mois belge 2022 – catégorie On Lit (un pavé)

Petit Bac 2022 – ligne belge Couleur

Antigone à Molenbeek

25 lundi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude

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Le Castor astral, Stefan Hertmans

Présentation de l’éditeur :

Antigone à Molenbeek est une réécriture du célèbre mythe de cette jeune femme, fille d’Œdipe et de Jocaste, qui tenta jusqu’à la mort d’enterrer son frère, Polynice. Transposée dans l’actualité politique contemporaine, cette figure du dévouement s’incarne dans une sœur dont le frère a commis un attentat suicide à la bombe.

Stefan Hertmans dévoile la complexité des sentiments de cette Antigone moderne, livrée au mépris, empêchée, elle aussi, de rendre les derniers hommages à son frère. Bien loin d’en faire un cas d’étude, l’auteur révèle nos contradictions face à un sujet à la fois politique, social, et humain avant tout.

Dans cette réécriture du mythe d’Antigone, Stefan Hertmans en fait une jeune femme de Molenbeek, commune de l’entité bruxelloise qui, malgré tous ses efforts, restera longtemps marquée comme une des bases arrière des attentats de Paris et de Bruxelles en 2015 et 2016. Le frère de Nouria a commis un attentat suicide et elle veut à tout prix l’enterrer dignement. Mais les autorités, en la personne de l’agent de police Crénom – tout un symbole, ce nom ! – refusent de remettre le corps du jeune homme. Comme Antigone, Nouria va s’opposer par tous les moyens à cette décision : d’abord par la négociation puis en tentant de voler le corps à l’IML. Brutalement arrêtée, elle va subir la prison et les rebuffades de tous, jusqu’à son avocate, résolument du côté du pouvoir.

S’il y a de nombreux points de ressemblance avec le mythe original, il y a pas mal de différences aussi : pas de soeur, pas de fiancé, et surtout cette revendication de Nouria qui peut heurter le lecteur. Réclamer le corps d’un terroriste pour l’enterrer dignement, est-ce acceptable ? Stefan Hertmans nous répond en partie en citant des statistiques officielles à la fin du livre mais son texte ciselé, fait pour être proclamé au théâtre ou tel un slam, nous laisse avec cette question. Il a le mérite de nous faire ressentir avec lucidité le sort réservé aux terroristes en prison : l’isolement complet, la lumière en permanence, la perte de repères. Et rien que pour cela – bien entendu, je ne cautionne en rien les actes terroristes – ce texte vaut la peine d’être lu.

« Y aurait-il une corde à tresser
dans ce drap blanc comme un suaire ?
Y aurait-il un crochet salvateur
tout en haut de ce mur sans fenêtre,
une sortie, une sortie de secours à travers le mur,
en dernier ressort, loin de ce maudit sort ? »

Stefan HERTMANS, Antigone à Molenbeek, traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, Le Castor astral, 2019

Le Mois belge 2022 – catégorie Editions du Sablon (ça se passe à Bruxelles)

Petit Bac 2022 – Lieu 3

Neige sur Liège

20 mercredi Avr 2022

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots noirs

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Agnès Dumont, Noir Corbeau, Patrick Dupuis, Weyrich

Quatrième de couverture :

Une disparition inquiétante, un appel au secours. Il n’en faut pas plus pour que Roger Staquet et Paul Ben Mimoun reprennent du service. Après Une mort pas très catholique, le vieux flic retraité et le jeune inspecteur sillonnent la région liégeoise à la recherche d’Honorine, réfugiée sans papiers qui s’est volatilisée… un soir d’été. Pas de flocons dans le ciel de la ville, mais une autre neige, addictive, illégale, pour laquelle on n’hésite pas à tuer. Une énigme difficile que nos amis auront beaucoup de mal à résoudre.

J’ai pris un grand plaisir à retrouver les deux compères de Une mort pas très catholique : Roger Staquet, le flic retraité qui entretient ses neurones en collaborant avec Paul Ben Mimoun, le jeune flic qui vole au secours de son amie (et plus si affinités de sa part à elle) Clarisse, une jeune femme toujours aussi engagée et très inquiète de la disparition de son amie Honorine. Les deux hommes enquêtent cette fois sans filet, aucune aide officielle de la police, ils ont bien du mal à trouver une piste mais ils vont vite découvrir des activités suspectes et dangereuses liées à une société de gardiennage et de sécurité. Jusqu’au bout, ils auront toutes les craintes pour la vie d’Honorine et même pour la leur. Une pointe de croustillant apporte de la légèreté à l’enquête avec les atermoiements amoureux de Paul et le regard de Roger, à la fois amusé et bienveillant.

Une mort pas très catholique se déroulait à Louvain-la-Neuve, ville de Patrick Dupuis. Ici, nous sommes dans la Cité ardente, la ville d’Agnès Dumont, et j’imagine que ceux qui connaissent bien la ville doivent la retrouver avec plaisir sous la plume des deux auteurs. Les autres apprécieront la visite, très détaillée. J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui a notamment pour thème les sans papiers, j’ai trouvé l’enquête enlevée, rythmée, toujours pleine d’humour. Agnès Dumont et Patrick Dupuis livrent un polar encore plus abouti que le premier et j’espère qu’ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin !

« Il appartenait à cette ville, en connaissait les moindres recoins et en contrepartie elle l’apaisait, lui procurait un sentiment de sécurité. Tout le contraire de ce que devaient ressentir les réfugiés, surtout les jeunes femmes sans doute, coincées entre un pays d’origine qui niait leurs droits et un pays d’accueil qui refusait de leur donner des papiers. »

« A défaut d’appeler Paul, elle essaierait alors au moins de semer des cailloux derrière elle, même
virtuels ; cette tactique ancestrale avait déjà fait ses preuves dans les contes pour enfants. Nul doute qu’elle pourrait encore être utile, même si l’ogre arborait cette fois un accent russe et des tatouages de crânes surmontant une paire de tibias entrecroisés. »

Agnès DUMONT et Patrick DUPUIS, Neige sur Liège, Weyrich, Collection Noir Corbeau, 2021

Le Mois belge 2022, catégorie Noir Corbeau / Liège

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Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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