• Anniversaires Maisons d’édition
  • Je remplis ma PAL…
  • Je vide ma PAL…
  • Le Mois belge
  • Lectures thématiques
  • Mémoire 14-18
  • Mots amis à visiter
  • Présentation et contact
  • Quelques projets et challenges

~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives de Tag: 10/18

L’inconnue de Blackheath

18 vendredi Nov 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots noirs

≈ 4 Commentaires

Étiquettes

10/18, Anne Perry

Quatrième de couverture :

En 1897, alors que la Grande-Bretagne est lancée dans une course à l’armement, l’inspecteur Pitt doit trouver celui qui a sauvagement tué puis défiguré une jeune femme ressemblant fort à la servante du haut fonctionnaire Dudley Kynaston.
Derrière ce meurtre sanglant, chercherait-on à atteindre cet expert du gouvernement détenteur de nombreux secrets sur la stratégie navale britannique ?
Tandis que d’autres meurtres surviennent, Pitt aura besoin de tout le secours de Charlotte et de sa sœur Emily, dont le mari vient d’obtenir un siège de député au Parlement.

Une des dernières enquêtes de Thomas Pitt avec l’aide de sa femme Charlotte (je sais déjà que bientôt, c’st son fils Daniel qui sera en première ligne). Mon billet sera court vu l’habitude – toujours aussi agréable – que j’ai de cette série.

Ici il est question de meurtres d’une femme, affreusement mutilée, dont on essaye difficilement de savoir si elle est la femme de chambre de Mrs Kynaston. Tomas Pitt et son adjoint Stoker prennent l’enquête en charge puisque Dudley Kynaston est un expert en stratégie navale. En cette fin de siècle où les grandes puissances s’équipent de matériel sophistiqué (les premiers sous-marins) en vue d’un éventuel conflit, l’affaire est sensible et regarde donc bien la Special Branch. Si la femme de chambre a été témoin de ce qu’elle ne devait pas voir, il est urgent de la retrouver ou de l’identifier.

Comme toujours chez Anne Perry, l’enquête démarre et avance lentement, c’est toujours le petit défaut. Le thème ici, c’est la place de la femme dans la société : qu’elles fassent ou non partie de la haute société, elles sont complètement dépendantes de leurs pères ou de leurs maris ; si elles sont servantes, elles dépendent de leurs maîtres et ne peuvent se permettre le moindre écart de conduite. Toutes ont des droits quasi inexistants. Et quand elles commencent à vieillir, elles peinent souvent à compenser la fuite du temps et de la beauté. C’est ce qui transparaît à travers les personnages de la femme de chambre Kitty Ryder, la soeur de Charlotte, Emily et tante Vespasia. Il est également question de secrets d’Etat et Thomas Pitt va grâce à cette enquête acquérir plus d’assurance dans son poste de hef de la Special Branch.

A bientôt donc, chers amis de papier !

Anne PERRY, L’inconnue de Blackheath, traduit de l’anglais par Florence Bertrand, 10/18, 2014

British Mysteries 2022

Petit Bac 2022 – Lieu 4

Cet été-là

09 vendredi Sep 2022

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

≈ 10 Commentaires

Étiquettes

10/18, Lee Martin

Quatrième de couverture :

Ce soir-là, dans une petite ville de l’Indiana où tous se connaissent, Katie Mackey, neuf ans, est partie rendre ses livres à la bibliothèque. Elle n’en est jamais revenue. On n’a retrouvé que son vélo.

Trente ans plus tard, quatre voix s’élèvent pour raconter. Tous se confessent, car tous ont quelque chose à se reprocher. Gilley, le frère de Katie ; Raymond R., ‘homme qui a été fortement soupçonné du kidnapping ; Clare, sa femme, tellement reconnaissante que Raymond l’ait choisie et l’ait empêchée de finir ses jours seule. Et le gentil M. Henry Dees, singulier professeur de mathématiques qui vouait à Katie une adoration trouble.

Une disparition d’enfant, des recherches, des battues, l’identification de suspects probables… Une histoire malheureusement déjà vue. Sauf que nous sommes dans une petite ville imaginaire de l’Indiana, « un des trois états que l’on survole (l’Illinois, l’Indiana et l’Iowa) » comme l’explique l’auteur à la fin du roman. Celui-ci s’est inspiré de la ville où il a passé son enfance et son adolescence pour créer Cet été-là. Une petite ville où tout le monde se connaît, où les différences sociales sont bien marquées par les quartiers de résidence : les plus aisés, dont la famille de Katie Mackey, habitent les Heights tandis que les moins favorisés habitent Gooseneck, non loin de la verrerie dirigée par le père de Katie. C’est dans ce quartier pauvre que vivent Clare et Raymond R. Wright (une veuve qui s’est remariée avec un homme plus jeune qui l’a facilement séduite dans sa solitude) et Henry Dees, professeur de mathématique qui donne des leçons particulières durant l’été. Raymond, Clare, Henry Dees et Gilley, le frère aîné de Katie, voilà les quatre points de vue par lesquels nous découvrons, trente ans plus tard, l’histoire de l’enlèvement de Katie.

Dans ce roman polyphonique, tous les personnages qui gravitent autour de Katie portent une souffrance cachée, une solitude profonde, un désespérant besoin d’être aimé. Au coeur de cet été étouffant, les événements vont s’enchaîner, dont ils seront responsables à des degrés divers. Chacun aura quelque chose à se reprocher dans cette tragédie mais les personnages ne sont pas manichéens : ils sont à plaindre de par leur histoire personnelle mais ils sont détestables aussi par leur naïveté mal placée ou par leur arrogance. Les pages se tournent toutes seules tandis que l’on avance vers l’épilogue du drame auquel on ne peut qu’assister impuissant.

« Nous n’étions qu’une minuscule ville de l’Indiana, dans la grand plaine au-delà des collines ondoyantes de la forêt Hoosier – une ville qui abritait une verrerie, proche de la White River qui serpentait vers le sud-ouest avant de se jeter dans la Wabash et de s’écouler jusqu’à la rivière Ohio. Ce jour-là, un mercredi, la température avait atteint les trente-quatre degrés, et l’humidité qui s’était installée avait assommé tout le monde. L’air était chargé de l’odeur des fumées des fours de la verrerie, de la puanteur de poisson mort de la rivière, des sons de la vie de tous les jours : glaçons qui s’entrechoquaient dans les verres, pots d’échappement qui produisaient un bruit de ferraille, portes-écrans qui grinçaient, mères qui appelaient leurs enfants pour rentrer à la maison. »

« Vous devez savoir combien l’été peut être merveilleux dans cette partie de l ‘ Indiana. Du moins, le début de l’été, avant qu’il ne commence à faire trop chaud et que l’ai devienne lourd. Des colins s’appellent dans les prairies, et les tourterelles tristes roucoulent. Les fleurs de chicorée forment des taches bleues au bord des routes, et les rudbeckias à trois lobes revêtent leurs soleils jaunes . Les monarques viennent se nourrir sur le laiteron, et les colibris volètent au dessus des clochettes rouge orangé des trompettes de Virginie. C’est assez , disait ma mère, pour vous faire chanter à vos fourneaux. »

« Peut-être croyez-vous déjà connaître la fin. Peut-être avez-vous décidé qui est bon et qui est mauvais. Mais si c’est le cas – si vous êtes ce genre de personne – , que Dieu vous aide. Demandez à quiconque s’est trouvé au cœur de cette affaire et il vous dira : ça n’avait rien à voir avec le bien et le mal, il ne s’agissait que d’amour. »

« Quand une personne qu’on aime disparaît, c’est comme si la lumière faiblissait, et on se retrouve dans la pénombre. On essaie de faire ce que nous disent les autres : mettre un pied devant l’autre ; relever la tête ; s’abandonner aux secondes, aux minutes et aux heures. Mais il y a toujours cette petite lumière – cette vie qu’on vivait auparavant. Elle est un peu estompée et embrumée, comme un croissant de lune par une nuit d’hiver, quand l’air est plein de glace et de nuages, mais elle est tout de même présente, flottant juste au-dessus de notre tête. On pense qu’elle n’est pas loin. On pense qu’à n’importe quel moment on pourra l’attraper. »

Lee MARTIN, Cet été-là, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau, 10/18, 2018 (Sonatine éditions, 2017)

Petit Bac 2022 – Ponctuation 3

Le Bureau du mariage idéal

27 lundi Juin 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

≈ 11 Commentaires

Étiquettes

10/18, Allison Montclair

Quatrième de couverture :

Alors que Londres se remet lentement de la Seconde Guerre mondiale, deux femmes que tout oppose s’associent pour monter une société au cœur du quartier de Mayfair, le Bureau du Mariage Idéal. L’impulsive Miss Iris Sparks à l’esprit vif et Mrs Gwendolyn Bainbridge, veuve pragmatique et mère d’un jeune garçon, sont résolues à s’imposer dans un monde qui change à toute vitesse.
Mais les débuts prometteurs de leur agence matrimoniale sont menacés quand leur nouvelle cliente, Tillie La Salle, est retrouvée morte et que l’homme arrêté pour le meurtre se trouve être le mari potentiel qu’elles lui avaient trouvé. La police est convaincue de tenir le coupable mais Miss Sparks et Mrs Bainbridge ne sont pas du même avis. Afin de laver le nom du suspect – et rétablir la fragile réputation de leur agence – Sparks et Bainbridge décident de mener leur propre enquête. Elles ne savent pas encore qu’elles vont mettre leur vie en danger…

J’ai beaucoup aimé ce duo d’enquêtrices à la fois si différentes et si complémentaires qui ouvrent leur agence matrimoniale dans le Londres d’après guerre pour gagner leur vie et prouver (aux autres et à elles-mêmes surtout) qu’elles sont parfaitement aptes à mener leur vie de manière indépendante : Iris Sparks, qui manie le couteau à cran d’arrêt comme personne et multiplie les amants pour cacher le manque terrible qu’elle a vécu pendant la guerre (mais que diable faisait-elle exactement pendant cette guerre ?) et Gwen Bainbridge, veuve d’un fils de lord mort au combat, mère d’un adorable petit garçon de six ans, qui tente courageusement de remonter la pente pour surmonter le deuil terrible de son mari et pour gagner son indépendance.

Les faits ne jouent pas pour elles puisque, à peine mise en contact avec un époux potentiel, une de leurs clientes est assassinée et le candidat mari emprisonné car il semble le coupable idéal. Iris et Gwen vont donner de leur personne pour blanchir Dick Trouwer. Elles vont mettre au jour de sombres trafics liés au rationnement et au marché noir et côtoyer des personnes peu recommandables. Et elles ne seront pas à bout de leurs surprises pour désigner le véritable assassin…

Outre ce duo d’enquêtrices fort attachant, les personnages secondaires sont hauts en couleurs, notamment Sally. La thématique de l’émancipation des femmes, le parcours dans Londres encore terriblement marquée des blessures des bombardements, l’humour flegmatique, autant d’atouts pour cette série qui ressemble presque à du cosy mystery et ne manque pas d’intérêt ! Je serai ravie de découvrir la suite !

« Tillie fut invitée à s’asseoir sur une chaise dont le bois craqua de façon alarmante. Deux bureaux lui faisaient face, de chaque côté d’une unique fenêtre. A les voir, on aurait dit qu’ils avaient eux aussi servi pendant la guerre et survécu, éclopés mais victorieux, à une embuscade tendue par du mobilier allemand ; celui de gauche s’appuyait contre la cloison, un livre glissé sous l’un de ses pieds, plus court que les trois autres. »

« Ah, encore une chose, dit Parham. Sur votre plaque il est écrit « Entrepreneurs ».
– En effet.
– C’est un terme réservé aux hommes, non ?
– « Entrepreneuses » eût sonné ridicule, non ? rétorqua Sparks.
– Et « entreprenantes » eût prêté à confusion. Qui nous aurait prises au sérieux ? ajouta Mrs Bainbridge.
Le lieutenant Kinsey, debout derrière son chef, eut un sourire en coin.
– Eh bien, je n’aime pas ça, bougonna Parham.
Mrs Bainbridge baissa la tête et répondit humblement :
– Nous nous efforcerons de poursuivre notre activité sous le joug de votre désapprobation. Bonne journée, messieurs, et bonne chasse »

Allison MONTCLAIR, Le Bureau du mariage idéal, traduit de l’anglais par Anne-Marie Carrière, 10/18, 2020

Le Mois anglais 2022

Petit Bac 2022 – Famille 2

Bienvenue à High Rising

12 mercredi Jan 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

≈ 16 Commentaires

Étiquettes

10/18, Angela Thirkell

Bienvenue à High Rising

Présentation de l’éditeur :

L’auteure à succès Laura Morland et son turbulent fils Tony ont décidé d’aller passer les fêtes de fin d’année dans leur maison de campagne. Mais l’ami et voisin de Laura, George Knox, a embauché une secrétaire sournoise qui a décidé de se marier avec son employeur, perturbant ainsi le fragile équilibre du village.
Laura pourra-t-elle sauver George des griffes de Miss Grey et aider sa fille, Miss Sibyl Knox, à se fiancer avec celui qu’elle aime ?

Nous sommes en 1930. Laura Morland, veuve très jeune, s’est prise en main pour assurer son autonomie et l’éducation de ses quatre garçons. Elle a réussi : en écrivant de bonnes romances, elle gagne très bien sa vie, en n’étant pas dupe de son statut littéraire, elle a plusieurs bons amis, notamment dans le village de sa maison de vacances, High Rising, où elle emmène pour les vacances de Noël Tony, son dernier fils, pensionnaire polisson fou de trains miniatures. Laura découvre que son vieil ami George Knox, historien, veuf lui aussi, est sous la coupe de Miss Grey, sa jolie secrétaire, et que Sybil, la fille de George, ne parvient pas pas à s’affirmer devant « le succube ». Avec l’aide d’autres habitants du village, Laura va comploter à coups de potins, de manoeuvres raffinées, de tasses de thé pour que les choses s’arrangent.

Voilà un délicieux bonbon anglais à consommer sans modération si vous aimez la campagne anglaise, les intrigues de village, les petites jalousies entre amis… et les trains miniatures. Bienvenue à High Rising est le premier grand succès d’Angela Thirkell, publié en 1931. Vous y croiserez une servante aux usages un peu cavaliers, un médecin amoureux transi, un écrivain grandiloquent, une célibataire aux petits soins pour sa mère grabataire… Il ne s’y passe rien de rocambolesque, de bruyant, d’haletant… mais les amateurs succomberont au charme du village et de ses habitants et à l’humour bien trempé de son auteure.

« – Si vous écrivez vraiment un roman, j’aimerais beaucoup le lire quand vous l’aurez terminé.
– Vous risquez de ne pas l’apprécier, l’avait prévenu Laura de sa voix suave. Il n’a rien d’intellectuel. L’écriture est pour moi un gagne-pain. Voyez-vous, de son vivant, mon mari était un boulet. Naturellement, il m’est encore moins utile à présent qu’il est mort, même s’il me coûte moins cher. Mais l’idée m’est venue que, si je parvenais à commettre de bons mauvais romans, je pourrais peut-être financer les études de mon fils.
– De bons mauvais romans ?
– Oui. Des romans médiocres, mais bons dans leur genre : des romans de seconde zone. C’est tout ce dont je suis capable, lui avait-elle expliqué avec le plus grand sérieux. »

« – Quel soulagement de vous entendre hésiter sur les pronoms relatifs, George. Il m’arrive si souvent de douter ! Et quelle plaie que la ponctuation ! Le meilleur moyen de s’exprimer clairement est de souligner quatre fois un mot sur deux, comme la reine Victoria. »

Angela THIRKELL, Bienvenue à High Rising, traduit de l’anglais par Elisabeth Luc, 10/18, 2019 (Charleston, 2018)

Défi Un hiver au chalet Catégorie Soir d’hiver (une couverture enneigée)

Petit Bac 2022 : Lieu 1

10/18 fête ses 60 ans en 2022

Cottage, fantômes et guet-apens

24 vendredi Sep 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

≈ 15 Commentaires

Étiquettes

10/18, Ann Granger, cosy mystery

Cottage, fantômes et guet-apens

Quatrième de couverture :

Lucas Burton déteste la campagne ; de la boue, du fumier, des charognes, et c’est tout. Il a bien raison. En se rendant pour affaires dans une ferme abandonnée au milieu de nulle part, il tombe sur le cadavre d’une jeune fille. Ses ennuis ne font que commencer : Penny Gower, qui travaille au centre équestre du coin, a vu sa Mercedes grise quitter les lieux du crime. Les choses commencent à sentir le roussi pour Lucas…
L’inspectrice Jess Campbell est chargée de l’enquête, mais entre l’absence de piste solide et son nouveau commissaire, Ian Carter qui la surveille en permanence, elle est sous pression. C’est alors qu’on découvre un nouveau cadavre…

Soyons honnête, la quatrième de couverture tourne l’histoire d’une manière un peu bizarre et le titre original (Mud, muck and dead things) est bien plus amusant que le titre français. Mais cela n’enlève rien au côté plaisant de cette lecture, un cosy mystery dans le Gloucestershire, où Jess Campbell, une jeune inspectrice sympathique, compose tant avec un collègue bougon et un nouveau chef mystérieux qu’avec un vieil homme apparemment buté – mais surtout très choqué – sur la propriété duquel a été abandonné le corps d’une jeune femme que les enquêteurs mettront plusieurs jours à identifier. Il se trouve que dans la ferme du vieux Eli, a eu lieu un autre drame trente ans plus tôt : le frère jumeau d’Eli a assassiné leurs parents, apparemment sans raison. Immédiatement Eli a condamné la maison et ne parle pas plus que nécessaire.

Jess va mener son enquête dans un haras proche de la ferme, dans un pub chic des environs et dans la maison d’un homme d’affaires parvenu. On ne s’ennuie pas, les personnages sont sympas (et plus intéressants que l’intrigue dans ce type de polar) mais ce n’est pas la lecture du siècle. Dans le genre, j’ai préféré les Détectives du Yorkshire. Cela dit, mes neurones bien mobilisés en cette rentrée scolaire se sont bien reposés avec cette lecture 😉

Ann GRANGER, Cottage, fantômes et guet-apens, traduit de l’anglais par Elisabeth Kern, 10/18, 2020

Une dernière participation au challenge Cottagecore chez Missycornish, catégorie Retour aux sources

Lectures d’été 2

30 lundi Août 2021

Posted by anne7500 in Des Mots autrichiens, Des Mots français

≈ 20 Commentaires

Étiquettes

10/18, Babel, Eric Maneval, Folio, Julie Wolkenstein, Le Castor astral, Michael Köhlmeier, René Guy Cadou

Encore quelques lectures d’été à ajouter à ma jolie moisson. Celles-ci étaient un peu moins captivantes…

Quatrième de couverture :

Un jour, s’étant échappés d’une fête hollywoodienne, Charlie Chaplin et Winston Churchill se promènent ensemble sur une plage de Californie et se confessent mutuellement un secret bien gardé : leurs crises de mélancolie et leurs tendances suicidaires. À cette occasion, ils décident que, chaque fois que l’un d’eux sera la proie de ce qu’ils nomment leur “chien noir”, il appellera l’autre au secours.
À travers les rendez-vous réguliers, tout au long de leur vie, de ces deux monstres sacrés, Michael Köhlmeier fait se rencontrer des univers à première vue incompatibles : Hollywood et l’Angleterre avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Touchant ces hommes exceptionnels au plus intime, il retranscrit les interrogations qui ont été les leurs, qu’elles concernent l’art du mime et du cinéma pour Chaplin, ou la peinture et l’écriture pour Churchill.

Le titre peut faire penser à l’été, aux vacances mais à nouveau, c’est tout à fait trompeur : je ne vais pas répéter l’excellente quatrième de couverture, tout est dit.

Je savais déjà que Churchill souffrait depuis toujours de crises de dépression, qu’il appelait son « black dog » mais j’ignorais tout de l’amitié particulière entre lui et Charlie Chaplin et de la même dépression dont souffrait celui-ci. Les deux hommes se sont rencontrés et ont reconnu leur mal commun en Californie, sur une plage de Santa Monica, en 1931. A ce moment-là, Churchill semblait fini sur le plan politique, Chaplin se débattait dans la création très compliquée d’un film, en butte aux critiques et aux attaques incessantes à Hollywood, suite à son divorce. Ils se jurent de faire appel l’un à l’autre si le chien noir vient les tirer au bord du précipice du suicide. Le roman se place donc du point de vue de cette maladie de la dépression, mais aussi de la création de chacun des protagonistes : Chaplin était non seulement acteur et réalisateur mais aussi compositeur des musiques de ses propres films, Churchill passait son temps libre à peindre à écrire (il a reçu le prix Nobel de littérature en 1953). Tout comme le début de leur rencontre est marqué par la difficulté et l’échec, la fin du roman les voit lutter chacun à leur manière contre le nazisme, avec ô combien plus de succès (mais pas sans échapper au black dog) : Churchill est celui qui a su triompher de Hitler et Chaplin réalise Le Dictateur.

Le père du narrateur (il s’agit bien d’une fiction même si la majorité des faits rapportés est bien réelle) a recueilli le témoignage du secrétaire particulier de Churchill et le narrateur se base aussi sur une longue confession que Chaplin a accordée à la fin de sa vie. Le roman est extrêmement bien documenté mais il m’a semblé assez froid, il m’a manqué de la chaleur humaine, de l’émotion. Mais peut-être cela risquait-il de noyer l’essentiel du propos.

« Peu importe ce qu’on pouvait raconter sur lui, Churchill s’en fichait. Et quand bien même il serait la vile crapule que décrivaient au monde entier Lita, ses avocats et leurs complices de la presse, Churchill s’en fichait. Leurs opinions politiques diamétralement opposées ; le fait que l’un voie en Gandhi un fakir insignifiant, et l’autre un grand homme politique qui pouvait mettre l’Empire à rude épreuve ; le fait que l’un pense que le communisme pourrait faire disparaître l’injustice, tandis que l’autre le décrivait comme une machine de répartition égalitaire de la misère ; le fait que l’un ait ordonné, il y a un an à peine, de briser la grève générale des ouvriers britanniques, alors que l’autre assurait les syndicats de sa solidarité par un télégramme envoyé d’Amérique ; le fait que l’un soit le chancelier en exercice de Sa Majesté, et l’autre l’acteur le plus célèbre de tous les temps – tout cela, ils s’en fichaient. Ils avaient un ennemi commun, et celui-ci se trouvait en eux ; il ne les guettait pas dans la salle de restaurant vanille et or du très mondain hôtel Biltmore, ni à Hollywood, monde avide de scandales, ni dans le cerveau de quelque journaliste idiot, dans un cabinet d’avocats ou derrière le bureau d’un juge, ni au sein d’un parti ou dans une tranchée hérissée de barbelés – il était en eux, et c’est contre cet ennemi qu’ils formaient un pacte ; le reste n’était pas à l’ordre du jour, et ne le serait jamais. »

Michael KOHLMEIER, Deux messieurs sur la plage, traduit de l’allemand (Autriche) par Stéphanie Lux, Babel, 2017 (Actes Sud, 2015)

Petit Bac 2021 – Etre humain 4

Quatrième de couverture :

Gilles, déchiré entre la solitude de la grande ville et le mirage de la vie simple et rustique, se trouve confronté à la question mythique : peut-on retrouver le lieu de la pureté ?

Initialement paru en 1955, La Maison d’été est l’unique roman de René Guy Cadou. Une prose colorée, inventive, frémissante. Un livre où la poésie s’invite à chaque page.

Dans ce récit aux accents autobiographiques, testament spirituel et sorte de nouveau Chant du monde, on retrouve le souffle lyrique du chantre du pays nantais.

René Guy Cadou (1920-1951), instituteur rural, a été l’un des animateurs de l’école de Rochefort, mouvement littéraire fondé en 1941. Disparu prématurément à l’âge de 31 ans, il reste cependant l’un des rares poètes du XXe siècle à conserver aujourd’hui une réelle aura populaire.

Ce roman met en scène Gilles, un jeune homme dont on devine le parcours en ville (à Paris) marqué par la fascination et la pauvreté. Il décide de retourner à la campagne, chez sa vieille nourrice, et se met au service d’un fermier du coin. On est sans doute dans les années trente, car les paysans du coin parlent des séquelles de la Grande Guerre vingt ans après. Le travail est dur, mais les hommes sont solidaires et rudes à la tâche. Les femmes sont à leur service, et quand les moissons et les vendanges sont terminées, la fête se fait sensuelle grâce aux mets abondants, au vin et aux regards des filles. C’est ainsi que Gilles se laisse « happer » par Bertine, une fille que l’on dit facile. « Je me croyais plein d’immenses possibilités, voisin des arbres et comme une présence végétale sur la terre, je croyais à l’amour et voilà ce que j’ai fait de l’amour : une saloperie avec une fille. » Gilles retourne alors à sa solitude en ville. Il reviendra plus tard à la maison d’été avec Agna.

Ce roman où coulent la poésie, le soleil et le végétal à chaque page, n’est pas sans rappeler Le grand Meaulnes, il a aussi des accents autobiographiques : René Guy Cadou avait des liens forts avec la campagne de Brières il eut du mal à supporter la vie en ville ; l’amour entre Gilles et Agna fait évidemment penser à l’amour fusionnel que vécurent René Guy et Hélène Cadou, au point qu’on les appelait « Renélène ». C’est un court et unique roman où se côtoient le tourment et la sérénité, la faute et la rédemption, où la nature accompagne intimement l’humain. Une petite pépite découverte grâce au Furet du Nord.

« Je vois les campagnes comme elles sont au printemps avec leurs forêts et leurs jonquilles, le toit de la grange est couvert de fleurs blanches, un train passe au loin et un peu de fumée se mêle au plumage du ciel.
Des hirondelles sont venues se poser sur les fils.
Amélie, Carnage, la chatte qui a fait des petits, le coq qui chante.
Décidément, il y a de beaux jours à venir. »

« Courbé sur les ceps, les mains déjà violettes, des mains d’écolier tachées d’encre, j’eus malgré moi un frisson. Alors le soleil sortit de son oeuf, jaune encore, un peu ébouriffé, embarrassé dans ses plumes et un nouveau frisson, doux comme une caresse, passa sur moi. »

René Guy CADOU, La Maison d’été, Le Castor astral, 2020

Quatrième de couverture :

Antoine a 8 ans. C’est la fin du mois d’août dans la Creuse. Il joue dans une rivière dangereuse lorsque des troncs d’arbre portés par le courant l’assomment. Il se réveille dans un fourgon en compagnie d’un inconnu qui lui apprend qu’il vient de lui sauver la vie. L’homme le dépose à l’hôpital de Limoges et disparaît. Vingt ans plus tard, Antoine est veilleur de nuit dans un centre pour ados. A la télévision, on reparle de l’affaire du « découpeur » suite à la découverte de nouveaux témoignages. Lors de la reconstitution de l’enquête, Antoine reconnaît dans un portrait-robot l’homme qui lui a sauvé la vie dans la rivière.

En arrivant à la fin de court roman noir, je me suis dit qu’il faudrait le relire pour essayer de comprendre ce que j’avais loupé à la première lecture : comment l’auteur en est-il arrivé à cette fin ?? Elle est surprenante, frustrante, inexpliquée… Est-elle acceptable, vraisemblable… ? A chacun de se faire sa propre idée. Le lecteur y sera arrivé au terme d’un texte court (initialement publié en 2009 aux éditions Ecorce et lauréat du prix du polar lycéen d’Aubusson) qui, après tout, commence de façon très mystérieuse aussi, par ce défi que se lance seul Antoine, un gamin de 8 ans, qui se jette dans une rivière en crue, est grièvement blessé par un arbre et est sauvé par un inconnu inquiétant.

« – Écoute-moi bien, Antoine. Tu as eu de la chance que je sois là. Tu comprends ?
Oui.
– Je t’ai sauvé la vie. Regarde-moi dans les yeux : je t’ai sauvé la vie, Antoine. Mais si tu veux te faire du mal, je peux te faire du mal. Je peux le faire à ta place. Tu comprends ?
Non.
– Tu as peur ?
Oui.
– Tu as peur de moi, mais tu n’as pas peur de plonger dans une rivière en crue ? T’es un drôle de numéro toi. Tu vois la bouteille que j’ai dans la main ? C’est de l’alcool à 90°. Je vais en mettre sur tes blessures. Ça va faire très mal. Ça va te brûler et tu vas hurler. C’est moi qui vais te faire mal. N’oublie pas ça : moi je peux te faire du mal. Tu t’en souviendras la prochaine fois que tu voudras mourir. »
(p. 11-12)

Un accident qui nourrit encore les cauchemars d’Antoine, devenu gardien de nuit dans un centre pour ados en difficulté, placés là par les services sociaux ou le juge de la jeunesse. Antoine se sent bien dans la nuit, certains jeunes profitent de cette « relâche » pour se confier à lui, même si cela n’entre pas dans ses attributions et si cela risque de se révéler dangereux, notamment avec la jeune Ouria.

Une nuit, alors qu’il regarde la télé pour se tenir éveillé, passe un numéro de Faites entrer l’accusé dans lequel Antoine reconnaît l’inconnu qui lui a sauvé la vie vingt ans plus tôt. Un homme soupçonné de crimes atroces et toujours en liberté, alors qu’un innocent emprisonné et condamné pour un de ces crimes continue à clamer son innocence. Le veilleur de nuit va alors contacter le journaliste qui a consacré une grande partie de son énergie à cette affaire. A partir de ce moment, les événements vont se précipiter dans la vie d’Antoine et celle du centre social, les questions et l’angoisse vont aller crescendo… jusqu’à une fin qui correspond bien au titre : le noir va en s’opacifiant et la fin nous laisse avec bien des questions sans réponses…

Eric MANEVAL, Retour à la nuit, 10/18, 2016 (La Manufacture de Livres, 2015)

Petit Bac 2021 – Voyage 5

Et toujours en été par Wolkenstein

Quatrième de couverture :

« Un escape game, c’est comme la vie. Surtout lorsque cette vie (la mienne) est d’abord un lieu, une maison aux multiples pièces, chacune encombrée de souvenirs et peuplée de fantômes. »

Dans sa maison de Saint-Pair-sur-Mer, la narratrice remonte le temps. De l’été 1980 à des époques plus lointaines, elle part à la recherche des deux grands absents de sa vie : son père, puis son frère disparu soudainement.
Les pièces, les meubles, les objets de toutes sortes forment un drôle de puzzle à reconstituer. À mesure qu’elle progresse, les indices assemblés font apparaître l’histoire d’une famille, ses failles et ses secrets.

(Vous avez remarqué le lien entre les deux dernières livres de cette chronique et les notes du jeudi en ce moment…)

Pour terminer ces lectures d’été, partons en Normandie, à Saint-Pair-sur-Mer, pas loin de Granville, dans la maison de famille et de vacances de Julie Wolkenstein. Elle nous fait visiter cette maison comme si nous étions dans un escape game : elle nous donne le mode d’emploi du jeu dans son premier chapitre, puis s’amuse à nous faire passer de l’entrée à la bibliothèque, en passant par la cave et la cuisine, sans oublier les chambres ou le salon. Comme dans un vrai escape game, le lecteur est invité à collecter des objets hétéroclites qui lui serviront à passer de pièce en pièce, parfois même à retourner en 1980 pour revenir à 2017, l’année de la mort accidentelle de son frère aîné. Chaque lieu de la maison est décrit avec précision et fait remonter la mémoire des vacances familiales et l’ombre des deux morts, le père et le frère, toujours très présents dans les souvenirs de cette maison. La maison a vécu, elle a failli succomber à la mérule, elle est défraîchie voire délabrée mais la force des souvenirs et l’attachement l’emportent sur le reste.

En général, j’aime les romans où une maison particulière tient un rôle très fort. Ici, le choix narratif de l’escape game a engendré des descriptions parfois longues, des répétitions un peu ennuyeuses à la longue (heureusement le roman ne fait que 206 pages) et a – du moins pour ma part – tenu l’émotion bien réelle liée à cette maison (bien réelle, elle aussi) à distance. Sans doute était-ce une manière de tenir le chagrin de l’auteure à distance lui aussi mais c’était un eu dommage…

De Julia Wolkenstein, je me souviens avoir beaucoup aimé – il y a de nombreuses années – L’heure anglaise. J’ai encore dans mes étagères Adèle et moi, qui parle de son arrière-grand-mère et où cette maison est, paraît-il, déjà présente. Ce sera peut-être le pavé d’un prochain été…

« Mais puisqu’il s’agit, même lorsqu’on explore un archipel, de résoudre des énigmes pour se déplacer d’un lieu à un autre, ou d’une époque à une autre, et que ces lieux sont, avant la résolution de ces énigmes, des lieux clos, je campe sur mes positions : ouvrir successivement les pièces de ma maison, franchir un à un ses seuils et libérer chaque fois un pan de sa mémoire, relier ces fragments d’histoire entre eux, pour moi, c’est un escape game. Sans doute parce que j’écris ce livre pour me sortir d’une autre sorte de cage, de prison où m’enfermait la crainte de ne plus aimer écrire, ni cette maison. » (p. 159)

« Le jardin attendra ; la plage, de l’autre côté de la maison, à l’ouest, attendra aussi : ils ont attendu pendant des années, de la fin de l’enfance à la fin de l’adolescence, quand j’aimais mieux lire dans ma chambre qu’aller « jouer dehors », comme le préconisaient avec insistance les grandes personnes pourtant favorables à la lecture : « va jouer dehors, il ne pleut pas », ou « pas beaucoup » ou, plus rarement, « il fait un temps sublime ». Comme le réclamaient avec encore plus d’insistance les copines invitées là à passer des vacances, et plus sensibles au charme de la pêche aux coques qu’aux romans, ces très longs romans parfaits à lire en vacances, justement, et qui me clouaient sur mon lit, réduisant les copines en question à la compagnie d’enfants plus petits ; tous, grandes personnes, copines et enfants plus petits finissaient l’été nettement plus bronzés que moi ces années-là. »

Julie WOLKENSTEIN, Et toujours en été, Folio, 2021 (P.O.L., 2020)

Petit Bac 2021 – Météo 5

Lectures d’été 1

20 vendredi Août 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Des Mots italiens

≈ 22 Commentaires

Étiquettes

10/18, Commissaire Ricciardi, Helen Simonson, Paula Hawkins, Pocket, Rivages noir

Cet été, j’ai voulu sortir de la PAL quelques titres contenant le mot « été » (ou pas…). Une thématique… de saison !

Quatrième de couverture :

En ce mois d’août 1931 à Naples, les fêtes populaires où se côtoient danses endiablées et dévotions à la Vierge battent leur plein. Mais il n’y a pas de trêve estivale pour le crime. Pour le commissaire Ricciardi et son adjoint le brigadier Maione non plus. Ils travaillent même le dimanche, et on ne tarde pas à les prévenir que la duchesse de Camparino a été découverte sans vie dans sa somptueuse demeure. Une balle tirée à travers un coussin a suffi à la tuer. Si, pour le médecin légiste et la police, l’acte criminel ne fait aucun doute, il est en revanche plus difficile d’isoler un suspect. Le commissaire Ricciardi possède le don peu commun de voir, comme en un flash, les derniers instants des morts. Et ce qu’il perçoit le laisse perplexe : la duchesse parle d’un anneau qu’on lui aurait volé…

J’ai beaucoup aimé cette troisième enquête du commissaire napolitain, une enquête délicate où les femmes et la jalousie jouent un grand rôle, tant au niveau professionnel que dans la vie privée de Ricciardi. Si vous n’avez jamais lu cette série, attention, je risque de vous dévoiler certains éléments (il vaut mieux les lire dans l’ordre).

La duchesse de Camparino, seconde épouse du vieux duc, a été assassinée : elle trompait depuis longtemps son vieux mari agonisant avec un journaliste et les suspects sont nombreux. Le commissaire Ricciardi devra faire appel à toute son intelligence et à son fameux sixième sens pour dénouer tous les liens à la fois retors et finalement si prévisibles de ce crime.

Autour du commissaire, son adjoint Maione, qui se laisse mourir de faim par jalousie envers sa femme (qui est elle aussi jalouse de lui…) et un jeu (délicieusement mené par Maurizio De Giovanni) entre les deux femmes qui prennent de plus en plus de place dans la vie du policier taciturne, Enrica sa voisine d’en face dont il est secrètement amoureux et Livia, la veuve du ténor assassiné dans la première enquête, venue en vacances à Naples et qui ne le laisse pas non plus indifférent. Ricciardi commence à prendre conscience que peut-être, il n’est pas condamné éternellement au malheur et à la souffrance pesante que lui font subir tous les morts de mort violente croisés en chemin. Cette part de vie privée n’enlève rien à l’intérêt de l’enquête policière mais elle est bien palpitante dance ce roman et participe au charme de la série et de son héros.

Ce troisième roman de la série est marqué par le fascisme qui s’immisce davantage dans l’enquête : on découvre la police secrète du régime, un des suspects écrit des discours officiels pour le parti et comme on le devinait déjà dans la saison Hiver, le docteur Modo, le légiste, a intérêt à tenir sa langue s’il veut éviter les ennuis (mais après tout, heureusement que ce personnage résistant existe). Malgré les multiples tensions, l’humour subtil est toujours bien présent et l’évocation de Naples sous la chaleur estivale, un tableau aux couleurs et aux parfums étourdissants. Vivement l’automne pour la suite des aventures de ce commissaire si attachant !

« La faim, l’amour ; le désir de possession, l’attrait du pouvoir, le mensonge, l’infidélité. Le délits dont Ricciardi était quotidiennement le témoin naissaient de tout cela. »

« Alors qu’il marchait dans le soleil couchant, il pensait que l’amour est une racine empoisonnée qui cherche son chemin pour survivre : une maladie mortelle évoluant lentement à laquelle on peut s’adapter, et qui fait préférer la souffrance au bien-être, la douleur à la tranquillité, l’illusion à la certitude. »

« Le vendredi après-midi, la ville se moque de la chaleur, comme elle se moque du froid, de la pluie ou du vent.
La ville, le vendredi après-midi, a une ambiance qui n’appartient qu’à ce jour-là. C’est l’ambiance de l’attente délicieuse de deux journées dans lesquelles l’emprise du travail se relâche, dans lesquelles chacun peut enfin penser un peu à soi. Des jours pour les rencontres, la messe et le bal… La ville, le vendredi après-midi, comble ses rues par l’attente : c’est tellement mieux d’attendre le samedi tous ensemble, au lieu de rester enfermés à la maison. La via Toledo se remplit de voix et de bruits : le vendeur de pastèques qui promet la fraîcheur de sa marchandise, le marchand de café qui roule son pot géant sur un chariot, le marchand de citrons avec ses fruits qui pendent du décor de feuillage de son éventaire. Et les fouaces aux anchois frais, les fruits de mer, les jolies paysannes tenant d’une main une chèvre en laisse et de l’autre un broc en fer pour y recueillir le lait.
La ville, le vendredi après-midi ne veut pas entendre parler de pauvreté ou de faim. »

Maurizio DE GIOVANNI, L’été du commissaire Ricciardi, traduit de l’italien par Odile Rousseau, Rivages/Noir, 2019

Petit Bac 2021 – Météo 4

La Fille du train

Quatrième de couverture :

Entre la banlieue où elle habite et Londres, Rachel prend le train deux fois par jour : à 8 h 04 le matin, à 17 h 56 le soir. Et chaque jour elle observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par cœur, elle a même donné un nom à ses occupants : Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine parfait. Heureux, comme Rachel et son mari ont pu l’être par le passé, avant qu’il ne la trompe, avant qu’il ne la quitte.
Jusqu’à ce matin où Rachel voit Jess dans son jardin avec un autre homme que Jason. La jeune femme aurait-elle une liaison ? Bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, Rachel décide d’en savoir plus. Quelques jours plus tard, elle découvre avec stupeur la photo d’un visage désormais familier à la Une des journaux : Jess a mystérieusement disparu…

Non, le mot « été » ne figure pas dans ce titre mais l’histoire se passe notamment en juillet et le train est un bon moyen pour partir en vacances, non ? Mais de vacances, il n’en est pas question dans ce thriller, c’est plutôt la routine, le train-train quotidien (sans vouloir faire de mauvais jeu de mots) de Rachel, un quotidien chaotique marqué par la séparation conjugale, la perte de sa maison, de son travail, et même de sa mémoire parfois, car depuis longtemps, déjà avant sa séparation avec Tom, Rachel a sombré dans l’alcoolisme (on comprendra pourquoi dans le roman mais je ne veux vraiment pas en dire trop). Elle est tellement atteinte par le divorce et l’alcool qu’elle harcèle parfois son ex-mari et sa nouvelle compagne, Anna. Sa seule distraction, dans les trajets qu’elle fait tous les jours en train, c’est d’observer les maisons dans le quartier où elle habitait « avant » et d’imaginer une vie au couple idéal qu’elle observe dans son ancienne rue. Ceux qu’elle a baptisés Jess et Jason sont en réalité Megan et Scott, un couple pas si parfait que cela (évidemment). Quand Megan disparaît, Rachel intervient, se mêle de cette disparition : ça parait totalement invraisemblable au lecteur, cette « audace », cette intrusion dans les affaires de parfaits inconnus, mais c’est le début d’un enchaînement inéluctable dont la fin vous scotche et vous sonne durablement. L’histoire progresse à travers les voix des trois personnages féminins (être dans la tête de Rachel et vivre son alcoolisme est édifiant) et les aller-retours entre passé et présent de ce premier roman époustouflant !

Paula HAWKINS, La Fille du train, traduit de l’anglais par Corinne Daniellot, Pocket, 2016 (Sonatine, 2015)

Petit Bac 2021 – Voyage 4

L'été avant la guerre

Quatrième de couverture :

Été 1914. Beatrice Nash, jeune professeure, découvre le village de Rye et sa gentry locale. Elle a fait vœu de célibat et se rêve écrivain – des choix audacieux dans la société conservatrice de ce début de siècle, que l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne vient bouleverser. Les hommes s’engagent, et Beatrice voit partir Hugh, le neveu de sa chaperonne, avec un étrange sentiment… Helen Simonson signe un roman pétillant et mordant, entre comédie de mœurs, tableau romantique et portrait féministe, Downton Abbey et Jane Austen. Lumineux et… so british !

Voici le roman d’été qui m’a fait passer par toute une gamme d’émotions et a fini par me chavirer le coeur ! Je savais que ça ne pouvait que me plaire mais je ne m’attendis pas à sourire et à sangloter à ce point. Ce roman c’est…

C’est d’abord le portrait d’une jeune femme, Beatrice Nash, qui vient de perdre son père bien-aimé et se veut indépendante, malgré la curatelle imposée sur son héritage (dont elle ne pourra disposer pleinement qu’à son mariage) et qui obtient non sans difficulté le poste d’institutrice de latin dans la petite ville de Rye, dans le Sussex. Nous sommes au tout début d’août 1914 et très vite l’entrée en guerre et l’invasion de la Belgique agitent rapidement toute la ville. Le patriotisme anglais se réveille et se révèle dans des nuances parfois bien étroites d’esprit.

C’est donc aussi le portrait de la société anglaise, la « bonne société », et parmi eux ceux et celles qui s’efforcent avec honnêteté de faire avancer leur époque, comme Agatha et John Kent et leurs neveux Hugh et Daniel, et ceux qui sont corsetés dans leur code moral fermé… et font écrire à l’auteure des scènes et des dialogues pleins de piquant… ou à pleurer de bêtise. Dans cette ville de Rye, il y a aussi des réfugiés belges et des romanichels toujours en butte aux préjugés des bien-pensants, mais qui feront évoluer les mentalités de Beatrice et de Hugh. C’est aussi un état des lieux de la condition féminine anglaise en 1914, avec une diversité bien croquée de personnages féminins.

Au delà des descriptions bucoliques de cet été resplendissant, au delà de la peinture de la société anglaise, ce roman parle aussi de façon très concrète de la guerre en France, en emmenant ses personnages, leurs qualités, leurs fragilités, leurs contradictions sur les champs de bataille. Je me demandais comment Helen Simonson allait terminer son roman mais je dois avouer que la dernière partie et l’épilogue sont très habilement amenés et m’ont arraché de grosses larmes inoubliables.

« Ma chère enfant, je crains que nous ne soyons tous les esclaves de la société. Il n’y a pas moyen d’y échapper. S’agissant de vous, c’est parce que Lady Emily a approuvé votre embauche que les administrateurs de l’école se sont laissés convaincre alors que moi, qui suis également membre titulaire de ce conseil, j’avais été incapable de l’emporter. J’ai bien peur que votre indépendance aussi bien que mes tentatives pour faire évoluer les choses ne dépendent de notre amie titrée et des petits cartons d’invitation ornés de son chiffre qu’elle nous fait l’honneur de nous adresser. »

« Agatha n’empruntait ce passage que de très bonne heure et jamais elle ne se sentait plus chez elle dans sa propre demeure que lorsqu’elle glissait la tête par la porte de la cuisine pour demander à la cuisinière une tasse de thé de la grosse théière brune tenue au chaud toute la journée pour le personnel. Pendant un bref instant, dans la cuisine carrelée de noir et blanc, avec ses hautes fenêtres ensoleillées et son fourneau à gaz flambant neuf, rien ne les obligeait à être patronne et domestique, régnant sur des domaines distincts de part et d’autre d’une porte matelassée. Elles pouvaient se retrouver comme deux femmes, levées avant le reste de la maisonnée et ayant grand besoin de leur première tasse de thé de la journée. »

« Il s’était pris à espérer que la salle de classe, dont les contraintes étaient pourtant aussi pesantes que des chaînes, lui apporterait la clé de l’évasion.
Il comprenait désormais que jamais il ne pourrait échapper à la prison de sa condition. Ces gens-là auraient beau lui sourire, leurs yeux diraient toujours « sale romanichel ».
Il était condamné à vivre et à mourir à quelques kilomètres seulement de la forge fuligineuse de son père, et toute son instruction ne ferait sans doute que donner à penser aux autres qu’il était plus rusé et plus fourbe que son père qui n’avait jamais appris à lire. »

« Une fine veine de chagrin courait néanmoins sous son bonheur , dont des millions de femmes souffriraient comme elle durant de longues années . Ce chagrin n’empêchait pas leurs pieds de marcher, il ne leur interdisait pas d’accomplir les tâches quotidiennes de la vie; mais il parcourait la population comme les câbles de cuivre du réseau téléphonique, reliant toutes ces femmes les unes aux autres, les rattachant à la tragédie qui avaient dévasté leurs cœurs comme elle avait dévasté les champs qui s’étendaient devant sa fenêtre. »

Helen SIMONSON, L’été avant la guerre, traduit de l’anglais par Odile Demange, 10/18, 2017 (Nil éditions, 2016)

Le Pavé de l’été chez Brize fête ses 10 ans ! (671 pages dans l’édition 10/18, y compris les très beaux et intéressants remerciements de l’auteure à la fin)

Et aussi une première participation au challenge organisé par Blandine De 14-18 à nous

Lectures sportives

03 mardi Août 2021

Posted by anne7500 in Des Mots britanniques, Des Mots français

≈ 14 Commentaires

Étiquettes

10/18, Actes Sud, football, Lola Lafon, Nadia Comaneci, Nick Hornby

Cela n’aura échappé à personne, cet été 2021 a été marqué par deux événements sportifs – entre autres – qui étaient tous deux prévus en 2020 et ont été reportés à cette année : l’Euro de football et les Jeux olympiques à Tokyo. Aussi ai-je sorti de ma PAL les deux livres que voici.

Carton jaune

Présentation de l’éditeur :

A onze ans, Nick Hornby pénètre pour la première fois dans Highbury, l’antre du club d’Arsenal, à Londres. Saisi par les clameurs du stade et l’émotion de partager une passion avec son père, divorcé et absent, le petit Nick devient pratiquant de ce culte étrange qu’on nomme football. En grandissant, il voit son obsession dévorer peu à peu le reste de sa vie…

Il ne s’agit pas d’un roman mais d’une autobiographie de l’auteur sous l’éclairage du foot : Nick Hornby est en effet supporter de l’équipe d’Arsenal au nord de Londres depuis l’âge de dix ans. C’est son père qui l’a emmené au foot et le gamin est « tombé dans la marmite », à une époque où Arsenal n’était pas une très grande équipe – elle était même plutôt brocardée pour son jeu ennuyeux, agressif, son palmarès n’était pas fameux – et cela n’a pas beaucoup changé. Dès que le jeune Nick a été touché par le virus du foot, il a supporté son équipe dans la victoire comme dans la défaite. Le foot est même devenu un mode de vie, une manière d’être en lien avec son père quand ses parents ont divorcé, une manière de passer le cap de l’adolescence ; les émotions du foot se sont calquées sur les émotions de la vie déceptions amoureuses, exaltation du premier emploi, amitiés plus ou moins fortes… on peut même carrément dire que le foot est plus qu’une passion mais bien une obsession. Cela m’a fait penser à un autre livre lu en avril, Le Martyre d’un supporter de Maurice Carême, où le héros est fan du club d’Anderlecht bien avant sa notoriété belge et européenne.

Ce livre prouve s’il en était besoin qu’on peut être intellectuel et amateur de foot 😉 Nick Hornby jette un regard sur l’évolution de la société anglaise, sur le hooliganisme, l’argent dans le foot, et ses réflexions ne manquent pas d’intérêt mais il me faut avouer que la structure répétitive (comme un journal intime rythmé par les dates de matches de 1968 à 1992) a fini par me lasser. Peut-être est-ce l’effet de la fatigue (j’ai lu le livre au tout début juillet) mais je ne parvenais plus à me concentrer et j’ai finalement abandonné le livre à la moitié. Mais je le laisse à portée de main et j’en lis quelques pages de temps en temps, peut-être en viendrai-je à bout d’ici la fin de l’été…

Nick HORNBY, Carton jaune, traduit de l’anglais par Gabrielle Rolin, 10/18, 2018 (Plon 1998, 10/18 2000)

Petit Bac 2021 – Couleur 4

Quatrième de couverture :

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux jo de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?

J’ai sorti ce livre pendant la première semaine des Jeux Olympiques de Tokyo, alors que la Gymnastique artistique était au programme. Il a eu beaucoup de succès à sa sortie en 2014 et depuis le temps que Lola Lafon me l’a dédicacé à la Foire du livre de Bruxelles, c’est une fameuse sortie de PAL. Mais ma lecture ne m’a pas emportée, contrairement à ce que je pensais. Pourtant d’habitude, le mélange de fiction et de non fiction ne me dérange pas trop. Ici, Lola Lafon – qui a passé son enfance en Roumanie, raconte la vie de Nadia Comaneci, la jeune gymnaste prodige qui a fait sauter les compteurs des JO à Montréal en 1976 et a ébloui le monde entier, à une époque où la télévision prenait beaucoup moins de place que maintenant. Elle raconte cette vie en mettant en scène une admiratrice qui veut écrire la biographie de la championne et combler les trous de la réalité et qui se fait confirmer ou rabrouer par Nadia elle-même. Au passage, elle évoque évidemment la rudesse de l’entraînement, la faim obligée, les blessures réelles ou redoutées, la récupération par Ceaucescu de l’image glorieuse de la gymnaste, la réalité du régime roumain (avec sa fameuse police secrète la Securitate) qui, pourtant, jouissait d’une image favorable à l’Ouest avant la chute du mur de Berlin. Et bien sûr, l’évolution de Nadia Comaneci elle-même : le corps de cette athlète exceptionnelle, dressé, affûté par son entraîneur alors qu’elle est encore physiquement une enfant et qui, avec la puberté, perd de sa grâce originelle et est jeté en pâture aux commentaires aussi féroces qu’ils ont été dithyrambiques ; la tête, l’esprit de Nadia qui, avec la venue de l’âge adulte, semble accepter sa récupération par le régime mais subit la surveillance, les interdictions de quitter le territoire, la relation forcée avec le fils du dictateur. Une ambivalence des sentiments que fait bien ressentir Lola lafon, mais où est la vérité ? Ce mélange de fiction et de non fiction est vraiment très troublant. Peut-être aussi parce que la romancière veut aborder de très nombreux sujets à travers le personnage de la gymnaste ?

Je me suis dit que ce roman est un peu comme une oeuvre d’art contemporain : les émotions artistiques ne sont pas spontanées, il faut faire un effort intellectuel pour comprendre la démarche. Ici rien n’est fait pour rendre sympathique le personnage de Nadia Comaneci, qui peut émouvoir, tout comme le destin de ses petites camarades gymnastes et celui du peuple roumain. Je reconnais la patte de la romancière mais sa démarche – tout aussi ambivalente que son personnage principal et donc intelligente – n’a pas emporté mon adhésion. (Si quelqu’un a des éclaircissements à m’apporterpour ma gouverne, qu’il ou elle n’hésite pas !) Par contre, la médaille d’or olympique de la Belge Nina Derwael aux barres asymétriques m’a mis des étoiles plein les yeux ce dimanche 1er août (peut-être ai-je mieux compris sa valeur et tout le travail que cela représente grâce à la lecture de ce roman 😉 )

Lola LAFON, La petite communiste qui ne souriait jamais, Actes Sud, 2014

Petit Bac 2021 – Adjectif 4

Little Rock, 1957

13 samedi Fév 2021

Posted by anne7500 in Non Fiction

≈ 22 Commentaires

Étiquettes

10/18, droits civiques, ségrégation raciale, Thomas Snégaroff

Quatrième de couverture :

4 septembre 1957, Little Rock, Arkansas, rentrée des classes sous le signe de la fin de la ségrégation scolaire. Les neuf enfants noirs inscrits au lycée jusque-là réservé aux seuls blancs sont encerclés par une foule hystérique.

La photographie de l’une des Neuf, Elizabeth Eckford, 15 ans, huée et insultée, fait la une des journaux le lendemain. L’Amérique est bouleversée. Commence alors un bras de fer qui oppose le gouverneur de l’Arkansas Orval Faubus au président des États-Unis Dwight Eisenhower. Thomas Snégaroff, spécialiste des États-Unis, est allé sur place pour enquêter sur cet épisode majeur de l’histoire de la lutte pour l’égalité des droits. Grâce à des témoignages inédits et des archives publiques exploitées pour la première fois, il nous livre un récit captivant et émouvant qui brosse un portrait de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui.

Le journaliste et historien Thomas Snégaroff (qui intervient notamment le dimanche soir dans C Politique sur France 5) s’est emparé de « L’histoire des neuf lycéens noirs qui ont bouleversé l’Amérique » (le sous-titre de son livre). C’est l’histoire dont s’est inspirée Annelise Heurtier pour son roman Sweet Sixteen dont je vous ai parlé il y a une semaine.

L’intérêt du livre de Thomas Snégaroff est qu’il contextualise cette fameuse rentrée scolaire de 1957 à Little Rock. Il rappelle les combats pour l’égalité scolaire dans les états du sud, il explique en détail comment la Cour suprême des Etats-Unis a ordonné de déségréger les écoles, il rappelle aussi les violences dont ont été victimes les noirs de l’Arkansas, notamment l’horrible lynchage de John Carter en mai 1927, dont l’ombre planait encore sur la communauté noire de Little Rock en 1957. Thomas Snégaroff démonte aussi les mensonges et les manigances électoralistes d’Orval Faubus, le gouverneur de l’Arkansas (cela ne l’a pas empêché d’être réélu en 1958…) Etonnamment, on apprend que le président Dwight Eisenhower, qui a certes soutenu officiellement les neuf étudiants, ne voulait pas intervenir trop fortement car il ne voulait pas enflammer les états du Sud. 

Thomas Snégaroff s’intéresse à chacun des neuf lycéens, il nous raconte leur histoire individuelle tout en les considérant aussi comme un ensemble (d’ailleurs les neuf garderont toujours des liens étroits, on parlera longtemps d’eux ;  devenus adultes, ils témoigneront longuement de cette année d’intégration et ils ont été invités à l’investiture de Barack Obama en janvier 2009). Les neuf n’auraient pas pu tenir bon sans Daisy Bates, militante de la NAACP (National Association for Advancement of Colored People), une femme qui aurait pu se laisser dévorer par la haine envers les Blancs mais qui a su (grâce à son père) tourner cette haine en combat pour les droits civiques.

« Tu es pleine de haine… La haine peut te détruire, Daisy. Ne hais pas les Blancs juste parce qu’ils sont blancs. Si tu hais, fais en sorte que ça soit pour quelque chose. Hais les humiliations que nous subissons dans le Sud. Hais la discrimination qui détruit l’âme de chaque homme et femme noirs. Hais les insultes hurlées par les Blancs. Et essaye de faire quelque chose de cette haine, sinon elle n’aura servi à rien. »

« Ce soir-là, dans ce salon balayé par le vent chaud du mois d’août qui pénétrait par le trou béant de la baie vitrée, Daisy Bates prit conscience qu’elle était une cible dans la guerre qui se profilait. Non qu’elle eût peur. Ce sentiment lui fut toujours étranger, mais elle comprit l’importance historique de l’événement qui s’annonçait . Et qu’il faudrait du courage. Pour elle, mais aussi, et davantage encore, pour les jeunes Noirs qui allait braver un interdit séculaire. Daisy refusa de faire réparer sa baie vitrée. Cela aurait été un trop bel encouragement à la détruire de nouveau. Et puis, il fallait que la ville sache que la violence était du côté des ségrégationnistes et non de la NAACP. »

Le livre de Thomas Snégaroff se lit facilement, c’est fluide, rythmé, il s’est documenté sur place, en rencontrant notamment quelques-uns des neuf lycéens de 1957 et on apprend (ou plutôt j’ai appris) de nombreuses informations sur les droits civiques (un certain pasteur Martin Luther King, pas encore célèbre, a soutenu les lycéens noirs de Little Rock) et sur la ségrégation « cachée » qui règne encore aux Etats-Unis (ainsi, le programme d’amélioration des routes lancé par Eisenhower a systématiquement fait passer les autoroutes urbaines par les quartiers noirs, les démantelant et les privant de leur vitalité, aucun quarter blanc n’a jamais été touché par des expropriations). C’était, malgré la rudesse du sujet, une lecture passionnante.

« Dans cette ville traumatisée par l’histoire, où le système « separate but equal » est encore bien vivant, Central High dénote. Comme si l’on avait voulu préserver le mythe, le grand lycée de la ville offre aujourd’hui le visage d’une déségrégation réussie. Central High, qui affiche un excellent niveau académique, moderne, dynamique, envoie chaque année des élèves dans les plus grandes universités du pays. Les parents blancs n’hésitent pas à parcourir de longues distances chaque matin pour conduire leurs enfants dans un lycée pourtant situé dans un quartier majoritairement noir. Aujourd’hui, 58% des élèves de Central High sont noirs, un chiffre étonnamment stable depuis les années 1980. Le lycée devait demeurer un symbole. Un symbole, quitte à être une exception. »

Thomas SNEGAROFF, Little Rock 1957, L’histoire des neuf lycéens noirs qui ont bouleversé l’Amérique, 10/18, 2019 (Taillandier, 2018)

Les sortilèges du Cap Cod

15 mardi Déc 2020

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

≈ 16 Commentaires

Étiquettes

10/18, Richard Russo

Quatrième de couverture :

Il suffit d’un mariage pour que celui de Joy et Jack Griffin, la soixantaine, vole en éclats. Un an plus tard, les noces de leur propre fille au cap Cod scellent leurs retrouvailles. De retour sur les lieux de son enfance, Jack vient y disperser les cendres de ses impitoyables et défunts parents. Le contexte invite à la crise existentielle. Et le bilan des ratés est lourd !

De Richard Russo, je n’ai lu jusqu’à présent – et il y a longtemps – que Le déclin de l’empire Whiting, dont je n’ai que le souvenir de l’avoir beaucoup aimé, au point d’acheter d’autres romans de l’auteur sans leur accorder de temps… Shame on me ! Aussi quand Ingamnic a proposé une LC Richard Russo pour ce 15 décembre, j’ai sauté sur l’occasion. J’ai choisi ce roman pour son format assez court (327 pages), je crois que j’aurais eu du mal à m’arrimer à un roman plus log en ce moment. Et la magie Russo (et Cap Cod) a fonctionné !

Deux mariages, une rupture, des souvenirs en masse, il ne se passe pas grand-chose dans Les sortilèges du Cap Cod, mais le regard à la fois acéré et empathique de l’auteur vous embarque dans l’histoire de ses personnages : le couple Jack Griffin et sa femme Joy, leur fille Laura et ses amis Kelsey et Sunny Kim, le fiancé de Laura, le coscénariste de Jack, Tommy,  et surtout les parents de Jack et de Joy.

Les parents du premier sont des universitaires aigris de nature, qui ont tenté de compenser les années académiques qu’ils jugeaient pourries dans des vacances annuelles au Cap Cod, dans des locations plus ou moins chic selon l’état annuel de leurs finances. Jack a gardé en mémoire la valeur symbolique attachée à cet endroit et aussi les émotions liées à la rencontre un été d’une vraie famille bien plus aimante que la sienne. Quant à Joy, elle vient d’une famille nombreuse où tout le monde porte un prénom en J (je me rends compte en écrivant qu’elle a épousé un homme en J) et où la carrière universitaire importe bien moins que la convivialité, l’attachement, la fidélité indéfectible. Jack et Joy veulent construire leur vie de couple de façon personnelle, ils bâtissent leur parcours en tentant de rester fidèles à « la convention de Truro » qu’ils ont établie lors de leur voyage de noces. Mais quand vient le temps du mariage de leur fille unique, il faut se rendre à l’évidence : les modèles de leurs parents ont influencé, consciemment ou non, leur propre mode de vie de couple. A l’instar de sa mère, snob universitaire invétérée, Jack ne peut s’empêcher de mépriser sa belle-famille tout en acceptant, la mort dans l’âme, son aide financière et Joy souffre de la raideur affective de son mari.

Le mariage de Kelsey, un an avant celui de Laura, fait éclater les ressentiments dans le couple. Et remonter les souvenirs d’enfance, de jeunesse des uns et des autres à la surface. C’est par le regard de Jack Griffin que nous suivons ce remue-ménage psychologique. Un an plus tard, alors qu’il transporte toujours les cendres de ses parents, à disperser quelque part au Cap Cod, le mariage de Laura va dénouer tous les noeuds dans un dîner de répétition apocalyptique : qu’est-ce que j’ai ri, qu’est-ce que c’était bien fichu !

C’est un roman sur le couple, la famille, l’héritage plus ou moins encombrant des parents pour leurs enfants. Les sortilèges du Cap Cod sont à prendre à double sens : magie de l’enfance, magie du souvenir qui jette aussi un voile falsifié sur les personnages devenus adultes. Richard Russo nous emmène au coeur de ces sortilèges dans une construction impeccable, avec empathie et ironie mêlées. De quoi me donner envie de continuer à le lire !

« Pour Griffin, qui avait maintenant cinquante-sept ans – à peu près l’âge de ses parents lorsqu’il avait épousé Joy -, les noms de localités du cap avaient gardé toute leur magie : Falmouth, Woods Hole, Barnstable, Dennis, Orleans, Harwich. Ces toponymes le ramenaient à son enfance, au siège arrière de la voiture familiale, où il avait passé une bonne partie de sa jeunesse, sans ceinture, les bras posés sur les sièges avant, à tendre l’oreille pour attraper des bribes de ce qu’ils se disaient sans jamais essayer de l’inclure dans leurs conversations. Non pas qu’elles l’aient intéressé tant que ça, mais il était conscient que se prenaient là des décisions ayant des conséquences directes sur sa vie, et, s’il les interceptait assez tôt, peut-être aurait-il l’opportunité de donner son avis. Malheureusement, le simple fait que son menton soit posé sur l’appuie-tête semblait l’exclure d’emblée. Dans l’ensemble, les informations qu’il glanait ne valaient pas tant d’efforts. « Wellfleet, disait par exemple sa mère, le nez dans un atlas routier. Pourquoi est-ce qu’on n’a jamais essayé Wellfleet ? » L’année où Griffin entra en seconde, celle de leur dernier séjour au cap, ils avaient déjà ratissé les locations saisonnières de la région. Chaque été, au moment de rendre les clés à l’agence, on leur demandait s’ils envisageaient de revenir l’année suivante. Ils répondaient toujours par la négative, et Griffin commençait à douter que cet endroit rêvé existe pour de bon. Il finit par conclure que le chercher leur suffisait peut-être. »

« C’était au sujet de l’endroit où ils passeraient leur lune de miel qu’ils avaient connu leur premier vrai désaccord. Elle penchait pour les côtes du Maine où elle allait en vacances quand elle était petite. Chaque été, la famille louait la même vieille baraque à moitié en ruines non loin de l’endroit où sa propre mère avait grandi. Les huisseries laissaient passer les courants d’air, la charpente craquait, et le parquet était tellement voilé que si un pion des petits chevaux tombait de la table de la cuisine, on courait après jusque dans le salon pour le récupérer. Mais ils y étaient habitués, et il y avait assez de place pour loger les parents, les cinq enfants et les éventuels visiteurs du week-end. Joy se souvenait des dîners en famille et des excursions le soir vers un parc d’attraction de la région, des parties de Monopoly et des tournois de Cluedo qui duraient la journée entière quand il pleuvait. Même après la mutation de son père dans l’Ouest, ils retournaient passer le mois de juillet dans le Maine, malgré les plages de galets et l’eau trop froide pour s’y baigner. Joy était allée jusqu’à suggérer de louer cette même maison pour leur lune de miel. Ce qui appelait la Grande Question numéro un : pourquoi Griffin l’avait-il convaincue d’aller au cap à la place ? Puisque l’opportunité leur était donnée de suivre les traces d’un mariage heureux – celui des parents de Joy l’avait été, sans l’ombre d’un doute -, pourquoi choisir l’exemple misérable donné par ses propres parents ? »

« Griffin était obligé de reconnaître que la côte déchiquetée du Maine était époustouflante, et sa lumière d’une telle pureté qu’elle en était presque douloureuse. Il ne pouvait s’empêcher de se demander comment les choses auraient évolué si ses parents étaient tombés amoureux de cette partie du monde plutôt que du cap Cod. L’immobilier y aurait été beaucoup moins cher, d’où la question suivante : se seraient-ils satisfaits d’une propriété dans leurs moyens ? En définitive, tout l’attrait du cap, ou presque, résidait dans son inaccessibilité scintillante, sa capacité magique à leur échapper d’année en année, cette fameuse étoffe dont sont faits les songes. »

Richard RUSSO, Les sortilèges du Cap Cod, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, 10/18, 2012 (Quai Voltaire, 2010)

LC Richard Russo :

Retour à Martha’s Vineyard chez Ingamnic, Kathel, Krol, 

Le déclin de l’empire Whiting chez Aifelle, 

Et m…! chez Lilly, 

 

← Articles Précédents

"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

Les mots en cours

Un mariage royal par Montclair

Les challenges maison !

Le Mois belge d'Anne et Mina
Cliquez sur le logo pour accéder au récapitulatif 2022 et déposer vos liens


Mémoire 14-18


Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et recevoir des notifications de nouveaux articles par mail.

Rejoignez les 256 autres abonnés

Articles récents

  • Ce que je ne veux pas savoir
  • Les notes du jeudi : Rois et reines (5) Ludwig von Beethoven
  • La meilleure compagnie
  • Noblesse oblige
  • Les notes du jeudi : Rois et reines (4) G.F. Haendel (et le Mois anglais)

Vos mots récents

ToursEtCulture dans Ce que je ne veux pas sav…
belavalflorin dans Ce que je ne veux pas sav…
anne7500 dans La meilleure compagnie
anne7500 dans La meilleure compagnie
anne7500 dans Noblesse oblige

Les catégories de mots

Les Mots d’archives

Méta

  • Inscription
  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • WordPress.com
Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs

Étiquettes

10/18 14-18 2013 2015 2016 Actes Sud Agatha Christie Albin Michel Anne Perry Argentine Armel Job automne Babel BD BD du mercredi Camille Saint-Saëns Casterman Concours Reine Elisabeth Dargaud Didier Jeunesse Editions Bruno Doucey Editions Luce Wilquin Emile Verhaeren En train Espace Nord Esperluète éditions Flammarion Folio Gallimard Gallimard jeunesse Gallmeister Guy Goffette haïkus Hercule Poirot hiver Jacques Brel Jean Sébastien Bach Le Livre de poche Le mois anglais Le Mois belge Le Mois belge 2020 Le mois belge d'Anne et Mina Liana Levi Ludwig von Beethoven Maurice Ravel Mozart Mémoire d'encrier Métailié nouvelles Noël nuit Paris Paul Verlaine piano Pieter Aspe Pocket Points polar Poésie Premier Roman Première guerre mondiale printemps Prix Première Quadrature Québec Rentrée littéraire 2012 Rentrée littéraire 2013 Rentrée littéraire 2014 Résistance Symphonie violoncelle Weyrich Xavier Hanotte Zulma étoiles

Propulsé par WordPress.com.

  • Suivre Abonné∙e
    • desmotsetdesnotes.wordpress.com
    • Rejoignez 256 autres abonnés
    • Vous disposez déjà dʼun compte WordPress ? Connectez-vous maintenant.
    • desmotsetdesnotes.wordpress.com
    • Personnaliser
    • Suivre Abonné∙e
    • S’inscrire
    • Connexion
    • Signaler ce contenu
    • Voir le site dans le Lecteur
    • Gérer les abonnements
    • Réduire cette barre
 

Chargement des commentaires…