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Archives de Tag: Rentrée littéraire 2012

Les Immortelles

27 samedi Juil 2013

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Les Immortelles, Makenzy Orcel, Rentrée littéraire 2012, Zulma

Présentation de l’éditeur :

Les Immortelles, ce sont les prostituées de Port-au-Prince. L’une d’elles prend à parti l’inconnu monté la voir au bordel. Apprenant qu’il est écrivain, elle lui propose un marché : contre son corps, écrire l’histoire des putains défuntes, emportées par le séisme sous les décombres de béton. D’une surtout : la petite, la fugueuse Shakira venue sous son aile un jour dans la haine de sa bigote de mère. De la belle et orgueilleuse Shakira toute pénétrée d’une passion dévorante pour Jacques Stephen Alexis, l’immense écrivain qui fait battre le cœur d’Haïti. Shakira la révoltée devenue la plus convoitée des putains de la Grand-Rue.
Avec ce roman de feu, qui marie le Ciel et l’Enfer, la transgression par le sexe et la mort atteint à la plus authentique humanité, la plus bouleversante, celle qu’aucune morale ne contrefait.
Avec une liberté absolue de ton, Makenzy Orcel prête voix à tout un monde. « La petite. Elle le disait souvent. Les personnages dans les livres ne meurent jamais. Sont les maîtres du temps. »

—

Beaucoup de choses ont été écrites sur ce « petit » roman de la dernière rentrée littéraire (mes propres blablas me permettront d’afficher 4 % de cette rentrée 2012 au compteur, je ne suis pas mécontente de moi). En fait, il s’agit d’une relecture, car le livre a été sélectionné pour le Prix Premiière, mais quand je l’ai lu en janvier, je ne lui ai pas accoré de conditions assez favorables, je sentais qu’il fallait à nouveau me pencher sur lui. C’est chose faite.

Comme à la découverte, j’ai été happée par la voix rude, âpre, douloureuse de cette femme qui veut faire mémoire des Immortelles de Port-au-Prince, et surtout de Shakira, « la petite », titre qu’elle répète de manière presque incantatoire, comme des sorts de vaudou de l’île qui feraient revenir la jeune prostituée à force de parler d’elle. Cette douleur insoutenable liée à toutes ces morts du tremblement de terre, ce sentiment d’injustice terrible face au sort qui frappe parmi les plus pauvres trouve un exutoire dans les mots, dans la répétition, on sent la nécessité de parler pour que la tragédie soit vraiment appréhendée, pour qu’on parvienne à vivre avec. C’est ce qui explique sans doute la fin un peu abrupte : tout à coup, la narratrice semble avoir fait son devoir, avoir évoqué suffisamment Shakira et les autres putes de la Grand-Rue pour que leur mort lui apparaisse dans toute sa réalité.

Les mots, c’est aussi ce qui passionnait la petite, lectrice acharnée de l’écrivain haïtien Jacques Stephen Alexis. Et malgré l’agacement de la narratrice devant cet amour des livres, elle se sert de ces mots, elle paie l’écrivain de son corps puisque « les personnages dans les livres ne meurent jamais. » 

Comme à la première lecture aussi, j’ai été un peu perdue dans les voix qui s’élèvent dans ce récit. Il y a bien sûr la prostituée qui a recueilli Shakira, l’a initiée au métier, il y a aussi quelques extraits du carnet intime de la petite. Mais Shakira a fugué, a quitté sa mère, et elle a elle-même eu un enfant ; d’autre part, la narratrice semble avoir eu aussi une fille qui l’a quittée. Du coup, j’ai cru parfois que certaines pages étaient dites par la mère de Shakira. J’ai peut-être tort, et cela m’a moins perturbée que la première fois : il suffisait peut-être de se laisser porter par la (les) voix du roman, une manière peut-être pour l’auteur de nous chambouler un peu, oh si peu, comme le tremblement de terre qui a ravagé Haïti en 2010.

Son grand art aura été de nous faire entendre ces voix, de nous laisser toucher par ces femmes qui sont moins que rien mais assument fièrement leur métier. Les Immortelles est un grand roman oral, me semble-t-il, en tout cas j’ai adoré lire de nombreux passages à voix haute, pour entendre au plus près la douleur, la colère, la lassitude, le deuil des immortelles. Et leur soif de vie.

« Imagine un instant que le ciel est fait de béton. Que cette chose a duré une éternité. Que la terre ne peut plus arrêter de trembler. Que le soleil ne peut plus jamais se lever. Qu’on est les seuls habitants de la terre. » (p. 79)

Makenzy ORCEL, Les Immortelles, Zulma, 2012

De nombreux avis sur Libfly

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La mer, le matin

26 vendredi Juil 2013

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots italiens, Non classé

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Margaret Mazzantini, Rentrée littéraire 2012

Quatrième de couverture :

« Elle ne pensait qu’à ça. Ramener sa vie à ce point précis.

Le point où elle s’était interrompue.

Il s’agissait de réunir deux morceaux de terre, deux morceaux de temps. Au milieu, il y avait la mer.

Elle posait des figues ouvertes en deux sur ses yeux pour retrouver cette saveur douce et granuleuse. Elle voyait rouge à travers les fruits. Elle cherchait le coeur de ce monde qu’elle avait dû abandonner. »

Deux mères et deux fils que la Méditerranée sépare.
Deux rives, deux pays, deux histoires que l’Histoire avec un grand H relie pourtant.

—

Ce livre m’avait d’abord attirée rien que pour sa couverture : des tons bleus, une belle image marine, il n’en faut pas plus pour me faire faire un achat compulsif (et en général je ne suis pas déçue, je le précise). Mais il y avait aussi le nom de l’auteur, Margaret Mazzantini, dont j’avais beaucoup aimé Venir au monde.

Ce court roman m’a d’abord séduite, d’emblée, par son écriture, très évocatrice, fluide, précise et poétique à la fois. Margaret Mazzantini a un réel talent pour parler de la douleur de l’exil, pour évoquer le bonheur perdu, et pourtant ce thème n’est (hélas) pas nouveau sous le soleil. Mais il m’a aussi appris quelque chose : côté méditerranéen, on est souvent branché sur le retour d’Algérie en France (en tout cas cela correspond à mes quelques lectures sur ce sujet) ; je ne connaissais pas l’histoire de ces liens bousculés entre l’Italie et la Libye, des Italiens partis vivre et développer la Libye, repoussés, revenus triomphalement avec Mussolini et ensuite violemment poussés au retour vers l’Italie par le jeune Mouammar Khadafi.

On connaît aussi la fin de ce dictateur, en toile de fond de la première partie du roman, où nous suivons Farid et sa mère, Jamila. Exilés de ce printemps arabe, ils se retrouvent sur un bateau pourri, affrontés à la mer alors qu’ils ne connaissaient que le désert, boat people désorientés, affamés, assoiffés, qui tentent de survivre en convoquant les souvenirs enfuis.

Ceux qui parviennent à atteindre les côtes italiennes, Vito les voit tous les jours sur la plage de la petite île où il passe les vacances d’été. A dix-huit ans, le jeune homme est un peu désorienté lui aussi : il a toujours détesté l’école et ne sait pas encore quel avenir professionnel il va choisir. Il porte en lui la mélancolie de sa mère, Angelina, arrivée de Libye en Sicile à l’âge de onze ans, avec ses parents qui n’ont jamais pu se réadapter à la vie en Italie. Le petit-fils, sa mère et sa grand-mère auront l’occasion de retourner à Tripoli, à la recherche des parfums, des couleurs, des bonheurs perdus.

Après cette deuxième partie âpre et nostalgique, tous les personnages se retrouvent dans un dernier tableau, point d’orgue du drame qui s’est joué sur la mer. Des pages qui se lisent la gorge nouée…

« Il y a quelque chose qui n’appartient qu’au lieu où on est né. Tout le monde ne le sait pas. Il n’y a que ceux qui sont arrachés de force qui le savent.

Un cordon enfoui dans le sable.

Une douleur qui te cloue et te fait haïr les pas que tu feras ensuite.

Tu as perdu le sens de l’orientation, cette étoile qui te suivait et que tu suivais dans l’obscurité incandescente de ces nuits qui ne sont jamais tout à fait noires. » (p. 73)

Margaret MAZZANTINI, La mer, le matin, traduit de l’italien par Delphine Gachet, Pavillons, Robert Laffont, 2012

Les avis de Minou, Clara, Kathel et Jostein

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Un repas en hiver

20 samedi Juil 2013

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Hubert Mingarelli, Rentrée littéraire 2012, Un repas en hiver

Quatrième de couverture :

Ce jour-là, trois hommes prennent la route, avancent péniblement dans la neige sans autre choix que de se prêter à une chasse à l’homme décrétée par leur hiérarchie militaire. Ils débusquent presque malgré eux un Juif caché dans la forêt, et, soucieux de se nourrir et de retarder le retour à la compagnie, procèdent à la laborieuse préparation d’un repas dans une maison abandonnée, avec le peu de vivres dont ils disposent. Les hommes doivent trouver de quoi faire du feu et réussir à porter à ébullition une casserole d’eau. Ils en viennent à brûler les chaises sur lesquelles ils sont assis, ainsi que la porte derrière laquelle ils ont isolé leur proie.
Le tour de force d’Hubert Mingarelli, dans ce roman aussi implacable que vertigineux, consiste à mettre à la même table trois soldats allemands, un jeune Juif et un Polonais dont l’antisémitisme affiché va réveiller chez les soldats un sentiment de fraternité vis-à-vis de leur prisonnier.

En ce temps de grande chaleur estivale, ce roman (emprunté à la bibliothèque) a toutes les qualités pour vous rafraîchir… voire vous refroidir.

Ce n’est rien de dire qu’Hubert Mingarelli a le chic pour nous faire ressentir le froid polaire qui sévit alors que trois soldats réussissent à éviter une « corvée » de masse et se mettent en route dans la forêt, pour aller littéralement à la chasse au Juif. La neige, le gel qui perce jusqu’aux os, les couches de vêtements qui tentent de protéger, la nature figée : le froid est terrible. Mais il y a pire : on sent ces trois hommes broyés par leurs conditions de vie, par le « travail » qu’ils ont à exécuter. Ils n’ont plus que des désirs de base, des instincts de survie à satisfaire : se mettre à l’abri, se réchauffer, manger. Et retrouver le chemin du camp. Malgré tout, des préoccupations, des obsessions affleurent : comment écrire à son fils pour l’empêcher de fumer sans le terroriser en ces temps de guerre et d’incertitude, comment empêcher les rêves d’envahir les journées et de faire souffrir, comment se blinder pour résister à cette mission atroce qui est la leur ? On les sent fragiles, épuisés, sur le fil du rasoir.

Ce repas si fruste qu’ils prennent tant de temps à préparer (en démolissant sans vergogne l’intérieur d’une « sale petite maison polonaise »), on pourrait croire qu’il va réveiller, réchauffer cette part d’humanité qui est toujours au fond d’eux. Un repas qui permette de faire mémoire de ce qu’il y a de plus sensible en eux, qui ouvre une fenêtre sur un peu de lumière intérieure… les qualités d’un repas symbolique dans tout ce qu’il a de plus rassembleur. Mais la solidarité qui unit ces trois hommes va être mise à rude épreuve. Et là aussi, le style d’Hubert Mingarelli est implacable, comme l’histoire qu’il nous conte.

Quelle est la frontière entre humanité et bestialité, qu’est-ce qui fait que l’on continue à être un homme malgré tout ? Voilà quelques-unes des questions qu’il nous pose, sous un point de vue original et coupant comme le froid d’un hiver polonais.

« Je n’avais pas mis mes gants. Je tassais la neige dans les quarts et mes doigts me faisaient si mal que dans le dernier, le mien, je me contentai de récolter de la neige, comme ça d’un seul geste, sans la tasser. Je retournai en courant vers la maison. Sans la cagoule et le casque, le silence était une pierre tranchante. » (p. 70)

Hubert MNGARELLI, Un repas en hiver, Stock, août 2012

Les avis (très contrastés) d’Aifelle, de Clara et de Valou

Un roman de la REntrée littéraire 2012 (j’y arriverai, aux 4 % avant la fin juillet !) et une saison… Et il correspond à la contrainte du challenge Jacques a dit de Métaphore (nourriture)

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22 Britannia Road

16 mardi Juil 2013

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques

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Belfond, Rentrée littéraire 2012

Présentation de l’éditeur :

Séparé par la guerre, un couple se retrouve après sept années d’absence. Loin de la Pologne, dans cette petite maison anglaise du 22 Britannia Road, parviendront-ils à reconstruire leur foyer ? À s’aimer de nouveau alors que chacun porte en lui un très lourd secret ? Émouvant et poétique, un premier roman plein de charme par l’une des nouvelles voix de la littérature féminine.

Ample et envoûtant, un premier roman qui entremêle les voix et les époques pour évoquer le déracinement, la force de l’amour et l’incroyable volonté de survie de ceux qui ont affronté les drames de l’Histoire. 

22 Britannia Road : c’est ici que Janusz, soldat polonais réfugié en Angleterre, s’apprête à retrouver sa femme Silvana et leur fils Aurek. Après sept ans de séparation, un nouveau pays, une nouvelle adresse pour se reconstruire loin de la Pologne dévastée. 

Mais sur le bateau qui la ramène, Silvana s’interroge : comment renouer le fil ? Et si Janusz ne les reconnaissait pas, elle et Aurek ? Et si l’amour n’était plus là ? 
Car la guerre a laissé des traces. L’exode, la faim et la souffrance ont imprimé de la tristesse dans les yeux de Silvana. Sans parler de leur fils Aurek, muet et méfiant devant ce père qu’il nomme l’Ennemi. Face au malaise, Janusz choisit le silence. 

Quelques lettres jaunies dans une boîte à chaussure, des soupçons qu’on refuse de formuler… Et un terrible secret qui pourrait bien détruire à jamais cette famille.

—

J’ai beaucoup aimé ce premier roman, très maîtrisé, dont l’histoire m’a captivée. C’est l’alternance des chapitres entre la Pologne et la petite ville d’Ipswich, entre le point de vue de Silvana (et Aurek) et celui de Janusz jusqu’à la convergence finale qui fait le suspense et l’intérêt de ce roman.

Bon, évidement, un roman qui se passe avant, pendant et surtout juste après la deuxième guerre mondiale, entre Pologne et Angleterre, une histoire de couple, de famille, un secret… tout était là pour me plaire et cela a bien fonctionné ! L’histoire de ce jeune couple encore fragile, et très vite séparé par le fracas de l’invasion de la Pologne par les troupes d’Hitler est touchante : ils sont plus que séparés, Silvana, Aurek et Janusz, la guerre va les broyer, les diviser profondément. Jusqu’à l’espoir d’improbables retrouvailles dans une petite maison emblématique du désir de reconstruction, d’intégration de Janusz au 22, Britannia Road (sans oublier les voisins, personnages secondaires piquants…)

Ce rêve d’adaptation m’a touchée aussi : il a voulu être Français d’abord puis Anglais. Même s’il a envie de prendre un nouveau départ, il se rendra compte que ses racines polonaises compteront toujours pour lui, mais il est vraiment ancré en Angleterre. La preuve : le jardin de la maison anglaise, témoin symbolique de l’évolution des personnages. (Il faut absolument que je lise Jack Rosenblum rêve en anglais maintenant !)

Le parcours de Silvana et Aurek est quant à lui ahurissant : dans un pays qui n’en est plus un, ils survivent dans la forêt comme des créatures sauvages, presque des animaux. De quelle résistance fait preuve cette jeune femme boxée par le destin… Et ce que cet enfant a subi, et sa capacité de résilience malgré tout… En lisant l’histoire de Silvana dans la Pologne envahie par les Allemands et les Russes, celles de gens ordinaires qui se sont volés, trahis, ont changé de camp pour survivre, j’ai repensé aux traces profondes laissées par cette guerre évoquées dans le roman de Charles T. Powers, En mémoire de la forêt.

Même s’il souffre de quelques longueurs et si ce fameux secret se laisse deviner assez facilement (quoique.. l’auteur est quand même assez habile pour nous interroger sur son exactitude et il faut le lire jusqu’au bout pour tout comprendre !), j’ai vraiment beaucoup aimé ce premier roman, une bonne histoire britannique, à la fois vivante et sensible !

Un grand merci à Enna pour avoir fait voyager ce livre !

Amanda HODGKINSON, 22 Britannia Road, traduit de l’anglais par Françoise Rose, Belfond, octobre 2012

D’autres avis chez Aifelle, Theoma, Liliba, Evalire, Bonheur de lire

Un premier roman féminin de la rentrée littéraire 2012, britannique donc européen et un chiffre pour le Petit Bac

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Brioche

05 mardi Fév 2013

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Premier Roman, Prix Première, Rentrée littéraire 2012

Présentation de l’éditeur :

« Il paraît que tu n’es pas très beau. Tout le monde me le dit et c’est sans doute un fait. Je le vois. Je le sais. Tu transpires un peu. Et j’ai rarement vu quelqu’un d’aussi mal fagoté. Quand tu marches, tu te dandines. Tes jambes sont arquées. Ta silhouette est un peu voûtée comme si ta tête était trop grosse, trop lourde pour le reste de ton corps. Tu as largement dix kilos de trop. J’ai bien vu tout ça. Mieux que personne. Mais j’aime chacun de tes défauts. Comme je suis seule à les chérir, tes faiblesses n’appartiennent qu’à moi.
 Et puis, un jour, j’ai appris que tu étais marié. C’est là que j’aurais dû poser les armes, mais je ne l’ai pas fait parce qu’on ne change pas les rayures d’un zèbre. »

Elle croise à longueur de journée des stars de cinéma, enchaîne les voyages exotiques, est mariée à un homme formidable qui lui a donné un petit garçon modèle. Bien sûr, elle s’ennuie. 
Jusqu’au jour où elle le rencontre, au hasard d’une interview. Avant lui, elle ne savait rien de l’amour. 
On ne soupçonne jamais les folies qui sommeillent en nous.

S’il n’avait pas été dans une liste de j**y, je ne pense pas que j’aurais lu ce livre… et je crois bien qu’il ne fera pas long feu dans ma mémoire. J’en garderai peut-être le sentiment d’ébahissement général qu’il a provoqué : tout ça pour ça !

Dès la première page, on sait que la narratrice a commis un acte répréhensible envers celui qu’elle ne peut plus nommer que par ces signes : (…) (si, si) et durant toute la première partie, très longue (168 pages sur 219 au total), elle nous raconte sa vie ennuyeuse, son indifférence totale envers tous les gens qui l’entourent, y compris son mari et son fils (qu’elle ne nomme jamais que par des couples de marques célèbres du genre Marks & Spencer, Dolce & Gabbana…) (en fait c’est de la pub déguisée pour les marques et les acteurs, ce bouquin), et son métier de critique de cinéma où elle enchaîne visionnages de films, interviews de célébrités formatées par les attachés de presse et voyages divers dans des festivals assez connus.  On s’en contenterait bien… Jusqu’au jour où cette « vie de m… » (à ses yeux) est enfin illuminée par la rencontre d’un acteur pas beau, pas mince, pas bronzé, à la vie familiale sans excès… (o se demande qui a inspiré ce personnage mystérieux…) Et notre narratrice, aussi anonyme que l’objet de son adoration, n’a de cesse que de rencontrer cet homme et de le posséder. Tout au long de cette première partie, trèèèès longue, je l’ai déjà dit, on comprend que cette possession a viré à une forme mystérieuse de sadisme que l’on comprendra seulement (et encore) dans la deuxième partie du roman. Et c’est là qu’on se dit (pardon, JE me suis dit) : tout ça pour ça ?? et ça finit comme ça ? et ça peut vraiment exister, ce genre de truc ?

Si on peut s’amuser de la critique du monde de la critique de cinéma, des caprices de stars, de la suffisance des attachés de presse que Caroline Vié connaît de l’intérieur puisqu’elle est elle-même journaliste de cinéma, si l’on peut goûter à l’humour cruel de la narratrice, ce premier roman ne m’a pas convaincue : pas très crédible, cette folie amoureuse et cette forme de possession… trop répétitif, trop féroce, trop… bref, trop artificiel à mon goût. Comme les comparaisons du malheureux acteur à la brioche, friandise qui a inspiré l’auteur, comme elle l’explique à la fin du livre… tout ça m’a laissée de (sucre) glace.

Les méchants sont des personnages intéressants en littérature et au cinéma, et ils peuvent même nous éclairer sur nos propres zones d’ombre, sur les travers de notre société. Rien de tout cela ici, face à cette femme à laquelle il est difficile de s’attacher et même de s’identifier. Le « méchant pour le méchant » ne m’intéresse pas, il me paraît même malsain à l’heure d’aujourd’hui.

Quant au style, il m’a semblé soit un peu sec, des phrases courtes, un peu hachées (il faut dire qu’après la lecture d’Hubert Haddad, j’étais peut-être trop exigeante) soit un peu lourd : les jeux de mots fondés sur les sonorités, c’est bien, mais quand c’est répété à l’envi, ça fait soupirer très fort à la longue… Mais – je vais je vous révéler une de mes manies de lectrice… – ça passait bien à l’oral : j’aime lire à haute voix, depuis toujours, et ce texte passait bien, qualité cinématographique, journalistique, de cette écriture.

Voilà, c’est lu. En fait, c’est le genre d’humour au trente-sixième degré qui ne me plaît pas vraiment… Et je vous laisse quand même un extrait dont le culot m’a sidérée :

« Tout s’était métamorphosé en signe du jour où je te reverrais. Les plaques minéralogiques des voitures étaient devenues mon oracle favori. Il suffisait que j’y lise nos initiales pour me persuader que nous étions prédestinés. C’est sans doute à ce moment-là que j’aurais dû consulter. J’avais dû démarré au quart de tour passant de l’indifférence totale à l’obsession absolue. Ton nom que je ne pouvais dire, je l’écrivais partout. (…) Paul Eluard et sa liberté, c’était de la gnognotte à côté. » (p. 70)

Caroline VIE, Brioche, Jean-Claude Lattès, 2012

Les avis très mitigés de Jostein et Valbouquine, et celui beaucoup plus positif de Stephie

Un premier roman de la Rentrée littéraire 2012, au titre qui se mange.

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L’homme-joie

31 jeudi Jan 2013

Posted by anne7500 in Des Mots français

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Christian Bobin, l'homme-joie, Rentrée littéraire 2012

Présentation de l’éditeur :

Christian Bobin renoue avec la fibre narrative de ses grands livres  : Le Très-Bas, Prisonnier au berceau, et construit celui-ci en quinze récits  : des portraits d’êtres aimés (son père), des rencontres (Maria l’enfant gitane, une mendiante) des figures emblématiques (Soulages, Glenn Gould, Matisse, Pascal), des visions (une branche de mimosa, une cathédrale) et une longue lettre à la femme aimée et perdue, «  la plus que vive  ». Entre ces récits, viennent des paragraphes courts, parfois écrits à la main, condensés sur une pensée, fulgurants de profondeur et d’humanité. Un même fil rouge unifie tous ces textes, c’est la voix de Bobin, à nulle autre pareille et son regard de poète qui transfigure le quotidien.

La quatrième de couverture parle bien de ce livre… mais elle ne dit pas tout, elle invite à se glisser entre les pages, entre les mots de Christian Bobin, qui nous écrit aussi sur la quatrième de couverture : « J’ai rêvé d’un livre qu’on ouvrirait comme on pousse la grille d’un jardin abandonné.« 

Dans ce livre, en dix-sept chapitres plus ou moins longs, Bobin vagabonde de la voix d’une Gitane à une nef de cathédrale, d’un chat au jardin à la musique de Bach sous les doigts de Glenn Gould. C’est la qualité du regard, de l’attention aux toutes petites choses du quotidien que je retiendrai ici : regard contemplatif sur des choses connues comme le noir de Soulages, attention à « la vie faible, la vie pauvre, contrariée, absente – irrésistible » (page 52). Derrière le visible du réel, le trépidant de la vie, Christian Bobin recueille des éclats de lumière, des bribes d’invisible qui donnent du goût à la vie, qui aident à traverser le jour, malgré la nuit, le deuil, la fragilité de notre condition humaine.

J’ai bien aimé la façon dont il parle de l’absence, de son père, de la femme aimée, du soleil, des livres, de Glenn Gould. J’aime aussi la manière légère, qui ne se veut jamais péremptoire, de parler de sa recherche spirituelle. Comme toujours, j’ai aimé la poésie qui se dégage de son écriture, une poésie qui naît de l’épure, de l’amour des mots, de l’abandon.

Je ne peux pas ne pas parler de la beauté de cet objet-livre dont les chapitres sont entrecoupés de pages écrites de la main de l’auteur, et qui contient aussi un magnifique cahier bleu manuscrit lui aussi, lettre à la « plus que vive ». Christian Bobin, rencontré lors d’une présentation de son livre à Lille, a confié qu’il n’utilise pas l’ordinateur mais écrit toujours ses textes à la main avant de les faire taper. Un acte magnifié par cet objet-livre, dans la douceur du papier et la fraîcheur de l’encre à toucher, à renifler. Un plaisir de plus dans la découverte de Christian Bobin.

« Mon idéal de vie c’est un livre et et mon idéal de livre c’est une eau glacée comme celle qui sortait de la gueule du lion d’une fontaine sur une route du Jura, en été. » (p. 93)

« J’ai lu plus de livres qu’un alcoolique boit de bouteilles. Je ne peux m’éloigner d’eux plus d’un jour. Leurs lenteurs ont des manières de guérisseur. J’ai passé des étés dans leurs chapelles fraîches, taillées dans la falaise crayeuse d’un beau silence. Le poète qui a repeint les appartements du paradis et de l’enfer, je sors ses livres du buffet où ils prennent une teinte d’icône. J’ouvre la vie nouvelle au hasard et délivre deux enfants dont j’époussette le costume avant de les laisser courir dans la lumière. » (p. 113)

Christian BOBIN, L’homme-joie, L’Iconoclaste, 2012

L’avis de Mirontaine

Un livre de la rentrée littéraire 2012, avec un mot « sentiment » dans le titre, un deuxième titre pour le challenge Christian Bobin.

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L’Assassin à la pomme verte

21 lundi Jan 2013

Posted by anne7500 in Des Mots français

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assassin, Christophe Carlier, pomme verte, Premier Roman, Rentrée littéraire 2012

Quatrième de couverture :

« J’éprouvais pour Elena une tendre reconnaissance. J’avais toujours voulu tuer quelqu’un. Pour y parvenir, il me manquait simplement de l’avoir rencontrée » songe Craig, fraîchement débarqué des États-Unis comme Elena d’Italie. Tous deux se trouvent pour une semaine au Paradise : un palace, vrai monde en soi, où l’on croise parfois au bar d’étranges clients. Par exemple cet homme de Parme, mari volage et volubile, découvert assassiné au lendemain de leur arrivée. Entre Craig et Elena naît un sentiment obsédant, fait d’agacement et d’attirance, sous l’œil impitoyable du réceptionniste, auquel rien n’échappe. Ou presque.

Dans cette envoûtante et spirituelle fiction à plusieurs voix, chacun prenant à son tour la parole, chacun observant l’autre, épiant son voisin, amour et meurtre tendent à se confondre. En émule d’Agatha Christie et de Marivaux, Christophe Carlier prouve avec maestria que l’accidentel, dans le shaker du grand hôtel, a partie liée avec l’imaginaire. Et qu’un assassin peut être aussi discret que l’homme à chapeau melon de Magritte, au visage dissimulé à jamais derrière une pomme verte.

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Ce livre, comme on peut le voir chez l’éditeur (chez qui j’ai pompé l’image) a déjà reçu un prix de premier roman (mais où ? à Chambéry ?), et il est aussi en lice pour un autre j**y auquel je part**ipe.

Derrière ce titre original, se cache un huis-clos, mais ne vous méprenez pas, il n’y a ici rien de policier. Christophe Carlier campe le décor, un grand palace parisien, du côté de la rue de Rivoli, le bien nommé Paradise, où il va faire évoluer des personnages bien typés, Craig, un Anglais professeur de lettres françaises en Amérique, plutôt misanthrope, Elena, une belle Italienne qui travaille dans la mode, et un gros Italien, envahissant dragueur impénitent.

Quel rapport entre le Paradise et un assassin à la pomme verte ? Aucun, diront ceux qui ont l’habitude de fréquenter ce genre d’endroit. Sauf peut-être la pomme, cette prétendue pomme symbole de la tentation qui chassa le bienheureux premier couple du paradis terrestre ? Qui sait ? Christophe Carlier nous parle explicitement de la pomme verte derrière laquelle se cache le personnage au chapeau melon de Magritte. Car l’ambiance est feutrée au palace, chacun porte le masque adapté à son rôle social et dissimule soigneusement ses pensées et ses sentiments réels, occasion rêvée de céder justement à la tentation… Chacun sauf Sébastien, le concierge de nuit, celui qui garde un pied dans la réalité en arpentant les trottoirs de Paris et dont le regard est bien affûté.

Affûté, mordant comme les observations ironiques de l’auteur sur la vie de ce grand hôtel, sur la grande Bibliothèque de France. Affûté, fin comme son écriture bien balancée. Si la quatrième de couverture fait référence à Agatha Christie et à Marivaux, je préfère penser à Laclos et à ses Liaisons dangereuses, par le jeu subtil et maîtrisé de la séduction et de la manipulation, par les différentes voix de Craig, Elena et Sébastien qui se succèdent et se répondent inconsciemment.

Le seul bémol pour moi est l’impression de froideur qui se détache de l’ensemble, l’absence d’émotion dans le récit. Mais cela correspond sans aucun doute à ce jeu de masques et de miroirs entretenu par l’auteur, de façon assez originale.

« Craig

La salle de bains est un territoire mystérieux de la féminité. Mais, par une indiscrétion inhérente aux grands hôtels, je savais tout ce soir-là de l’intimité d’Elena : la texture du peignoir qu’elle jetterait sur ses épaules en sortant de son bain, la couleur de la serviette qu’elle nouerait autour de ses cheveux et l’odeur du savon au miel qui laissait une traînée dorée sur l’émail de sa baignoire. Je portais à mes pieds les mules en éponge dans lesquelles elle avait enfilé les siens. Je connaissais le chiffre de l’oreiller où elle poserait la tête en s’endormant. Pour éteindre la lampe de chevet, nous ferions le même geste, pratiquement à la même heure. » (p. 53)

« Sébastien

Le frère de la victime trinque au bar avec deux clients. A qui ont-ils porté un toast ? A la camarde qui nous emporte, à l’alcool qui nous réunit, à Dieu qui voit tout ça ? La mort n’existe pas entre nos murs. C’est tout au plus un prétexte pour fraterniser avec les buveurs de la table voisine. » (p. 104)

Christophe CARLIER, L’assassin à la pomme verte, Editions Serge Safran, 2012

L’avis de Constance

C’est donc un premier roman de la Rentrée littéraire 2012, avec un nom de couleur dans le titre. Et un roman à prix pour le challenge de Laure.

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Tout ce silence

21 vendredi Déc 2012

Posted by anne7500 in De la Belgitude, Des Mots au féminin

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Premier Roman, Prix Première, Rentrée littéraire 2012

Quatrième de couverture :

« Elle me fait promettre que je ne la forcerai pas à quitter sa maison. Je la rassure et, pour la première fois, je lui mens. Je l’embrasse tendrement et referme doucement la porte. Ça y est : le cancer s’apprête à nous emmener sur sa route et je n’ai pas d’autre choix que de l’y accompagner. »

C’est l’histoire d’une femme. Elle a soixante-dix-neuf ans. Elle est italienne. Immigrée. Témoin de Jehovah. On lui annonce un cancer des os. Durant une année, sa petite-fille va l’accompagner dans la maladie. Par des ponts lancés entre passé et présent, elle va tenter de comprendre le destin tragique de cette grand-mère discrète et courageuse qui payera de sa vie le poids de bien trop de non-dits.

——————————————–

J’ai beaucoup aimé ce roman, bref mais bien mené, « achevé » dans ses 109 pages. Une jeune femme raconte le parcours de vie de sa Nonna, depuis sa petite enfance, sa jeunesse difficile en Italie, jusqu’à sa mort des suites d’un cancer des os. La grand-mère, la vieille femme confrontée à l’épreuve de la maladie et de la mort a d’abord été une petite fille, une adolescente trop vite grandie, une jeune mariée, une jeune femme immigrée dans la région de Liège, l’épouse mal assortie d’un homme qui ne la comprenait pas, elle a élevé deux fils très différents qui feront toute sa joie et sa douleur de mère. Sa vie a été faite de travail, de courage physique et moral, de blessures muettes sur lesquelles elle ne savait pas mettre de mots : parce que cela ne se faisait pas de « parler » et parce qu’elle ne disposait pas des mots nécessaires en italien et surtout en français pour nommer les choses. On dirait qu’elle a vécu de manière presque animale, à l’instinct, les souffrances de son histoire. Celles-ci n’ont pas manqué, il y a des familles comme ça où le malheur est tenace et teigneux. Si les hommes de sa vie ont trouvé refuge dans l’alcool, elle s’est tournée vers les témoins de Jehovah, qui ont su la comprendre à un moment crucial, et elle a servi ce Dieu avec toute la force de son instinct. Mais la maladie a eu raison d’elle, Jehovah a semblé bien silencieux face à la mort qui s’approchait…

Ce récit  est mené en deux temps : la petite-fille raconte alternativement les derniers mois de sa grand-mère et le passé de cette femme à la fois simple et pleine de dignité. L’écriture est elle-même marquée de simplicité, de tendresse, de respect pour la Nonna.

Je l’ai trouvé touchant, ce livre, d’abord parce que l’histoire de cette femme venue d’Italie avec son mari est emblématique de cette immigration italienne qui a marqué l’histoire de la Wallonie (dans les années 1950, de nombreux Italiens sont venus, à la demande du gouvernement belge, travailller dans les charbonnages du Borinage, des régions de Charleroi et de Liège, ils ont vécu et travaillé dans des conditions souvent difficiles avant de s’installer durablement, jusqu’aux générations actuelles – le Premier Ministre belge est d’origine italienne…). Et puis, cette volonté de transmission, de mémoire de la petite-fille, qui veut garder le souvenir de sa grand-mère noyée de silence est elle-même belle et digne, toute ancrée dans le concret de la vie. Même si ce premier roman est largement autobiographique, il n’en a pas moins une dimension humaine dans laquelle beaucoup pourront se reconnaître.

Véronique GALLO, Tout ce silence, Desclée De Brouwer, 2012

Le site de l’auteur, comédienne et dramaturge belge

Un billet écrit bien sûr en toute indépendance d’esprit, et que j’inscris dans les challenges Premier Roman, Voisins voisines pour la Belgique, La littérature au féminin et 100 Pages. Et comme il est sorti le 6 septembre, il fait partie de la Rentrée littéraire 2012.

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Logo Voisins Voisines Calibri noir cadre blanc     Défi 100 pages

Que nos vies aient l’air d’un film parfait

07 vendredi Déc 2012

Posted by anne7500 in Des Mots français

≈ 29 Commentaires

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Carole Fives, Premier Roman, Rentrée littéraire 2012

Quatrième de couverture :

Certains pensent que le divorce, ça ne sépare que les adultes. Années 80. Déferlante rose sur la France. Première grosse vague de divorces aussi. à la télé, Gainsbourg, Benny Hill et le Top 50. Un frère et une sœur sont éloignés. Vacances, calendriers, zone A, zone B. La séparation est vécue différemment par chacun. Chacun son film, sa version, le père, la mère, la sœur. Chacun sa chanson. Un seul se tait, le cadet. Lui, ne parle pas, il attend. Huit ans, neuf ans, dix ans…

Dans les familles, les drames se jouent mais ne se disent pas. Huit ans, vingt ans trente ans… Que nos vies aient l’air d’un film parfait est un livre sur l’amour fraternel, celui qui seul permet de traverser ces années sauvages, ces plages d’enfance.

————————————————————————————–

Voilà un premier roman plein de fraîcheur, de sensibilité, il est assez court (120 pages environ) mais il n’en fallait pas plus. Comme Le premier été, l’histoire de ce divorce se passe dans les années 1980 et se nourrit de chansons populaires, cependant la comparaison s’arrête là. Ici c’est le drame de la séparation d’un frère et d’une sœur qui est évoqué, une petite fratrie ballotée entre une mère toxique et un père sensible mais faible, qui ne parvient pas à protéger ses enfants. Les enfants, devenus bien malgré eux l’enjeu d’une lutte mortelle entre le père et la mère, sont les victimes de leur jalousie, de leur haine, et traversent (plutôt mal que bien, vous vous en doutez) la tempête qui leur tombe dessus.

Malgré la brièveté de son roman, Carole Fives a utilisé plusieurs points de vue : la soeur, le père, la mère  racontent tour à tour leur vision des choses, mais jamais le petit frère, celui qui semble souffrir le plus de cette séparation. Aucun n’a de prénom, sans doute une manière de signifier à quel point le divorce peut être destructeur, quoi qu’on en dise aujourd’hui. A l’époque du livre, on ne parlait pas encore de garde alternée (et ce n’est sans doute pas une solution €pleinement satisfaisante), on laissait systématiquement les enfants en bas âge à la mère, les plus grands avaient le droit de donner leur avis, de dire chez qui ils voulaient vivre, et même le droit de changer d’avis. Au final, le roman de Carole Fives nous donne à vivre de l’intérieur le véritable deuil que vit chacun des membres de cette famille éclatée. Le point de vue du père m’a particulièrement touchée, mais qu’est-ce que des adultes peuvent se faire subir l’un l’autre et qu’est-ce que des parents peuvent faire souffrir à leurs enfants !

Je me suis demandé ce que voulait exprimer l’auteur à la fin de son roman : veut-elle montrer que le divorce ne fait pas tant de dégâts que ça ? ou que quelqu’un à qui on n’a jamais donné la parole peut vivre une forme originale de résilience  ? ou que l’enfance abîmée tombera dans une sorte de marginalisation, selon le point de vue que le lecteur adoptera ? A chacun de se faire son idée, je crois.

Un premier roman qui ne laissera peut-être pas de trace « longue en bouche » mais dont j’ai aimé l’écriture précise, sur le fil, et qui peut augurer d’autres œuvres sensibles et en phase avec leur époque.

« Tu as peur pour ton père, tu ne veux plus des dimanches soirs au McDo, tu détestes le McDo. Tu as peur pour ta mère, tu as peur. C’est une période qui ne va pas durer, tout change toujours, tout est susceptible de changer du jour au lendemain avec des parents comme les tiens. Et le froid, le grand froid qui glisse sous ta peau et qui s’installe comme une sale bête, atteint tes os et ton ventre, ce grand froid qui se distille aussi vite que tes parents changent d’humeur, d’avis, de vie, de sentiments, cette grande peur. » (p. 38-39)

Carole FIVES, Que nos vies aient l’air d’un film parfait, Editions Le Passage, 2012

   logo Rentrée littéraire 2012   Défi PR1Défi 100 pages

Pour seul cortège

21 mercredi Nov 2012

Posted by anne7500 in Des Mots français

≈ 47 Commentaires

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Alexandre le Grand, Babylone, Laurent Gaudé, Rentrée littéraire 2012

Quatrième de couverture :

En plein banquet, à Babylone, au milieu de la musique et des rires, soudain Alexandre s’écroule, terrassé par la fièvre.
Ses généraux se pressent autour de lui, redoutant la fin mais préparant la suite, se disputant déjà l’héritage – et le privilège d’emporter sa dépouille.
Des confins de l’Inde, un étrange messager se hâte vers Babylone. Et d’un temple éloigné où elle s’est réfugiée pour se cacher du monde, on tire une jeune femme de sang royal : le destin l’appelle à nouveau auprès de l’homme qui a vaincu son père…
Le devoir et l’ambition, l’amour et la fidélité, le deuil et l’errance mènent les personnages vers l’ivresse d’une dernière chevauchée.
Porté par une écriture au souffle épique, Pour seul cortège les accompagne dans cet ultime voyage qui les affranchit de l’Histoire, leur ouvrant l’infini de la légende.

——————————————————–

« A qui appartiens-tu, Alexandre ? » Cette question parcourt tout le roman de Laurent Gaudé. La réponse se cherche au long de ses 185 pages et n’est pas simple à saisir.  En tout cas, Laurent Gaudé s’est emparé du personnage d’Alexandre au moment où la maladie le surprend en pleine gloire, rassasié de conquêtes en tous genres, mais encore plein de l’appétit de la jeunesse, du feu qui coule en lui et qu’il ne peut éteindre. Il s’est surtout intéressé à ce long cortège qui se forme, emportant le corps d’Alexandre de Babylone jusqu’en Macédoine, où sa mère et son peuple d’origine pourront le pleurer. Mais voilà – et cela est une vérité historique – le corps d’Alexandre n’est jamais arrivé à destination…

Le romancier s’est intéressé aux lieutenants d’Alexandre, à ceux qui se partagent le pouvoir et l’empire, à ceux qui s’entre-déchirent pour la succession. Ceux qui ont compris que posséder le corps, c’est posséder le pouvoir… Face à ces appétits, d’étranges voix vont planer, qui appellent à la suprême liberté.

Il y avait longtemps que je n’avais lu de roman de Laurent Gaudé (je n’ai lu, bien avant le blog, que La mort du Roi Tsongor et Le soleil des Scorta, je crois…) et je dois avouer que j’ai eu un peu de mal à (presque) lâcher prise pour comprendre qui parlait et me laisser porter par les différentes voix dans les tout premiers chapitres. J’ai même failli m’ennuyer car je commençais à trouver le texte répétitif. Et puis… un déclic s’est produit au moment où « on » vole le corps d’Alexandre. La sauce a pris, le souffle épique que Laurent Gaudé a su créer m’a emportée.

Je n’ai peut-être pas tout compris de son livre, mais il faut reconnaître qu’il sait jouer avec le mythe et le mystère… Avec Alexandre le Grand, il tente d’apprivoiser la mort, il pense le pouvoir et les hommes, il chuchote à l’oreille des chevaux qui arpentent les plaines d’Asie…

Une femme accompagne les derniers compagnons d’Alexandre, Dryptéis, dont le courage et l’obstination, la fidélité et l’audace entraînent ces hommes au-delà d’eux-mêmes.

Cela dit, le genre même du roman, qui joue avec le mythe et l’épopée, m’a tenue éloignée d’une certaine forme d’empathie, le destin des héros les laisse à leur qualité de héros assez lointains… et malgré la qualité de l’écriture, marquée de profondeur et de simplicité à la fois, je ne suis pas sûre de garder un souvenir durable de cette lecture.

« ‘O Alexandre, ce qu’il m’aura été donné de vivre à tes côtés.’ L’air est doux, une caresse du monde qui lui rappelle les soirs heureux sur les terrasses de Babylone. » (p. 145)

Laurent GAUDE, Pour seul cortège, Actes Sud, 2012

L’avis de Kathel, d’Asphodèle et de Jeneen

J’ai lu ce livre dans le cadre de l’opération Les Matches de la Rentrée littéraire, de PriceMinister. Merci à Olivier, de PM, et aux éditions Actes Sud pour l’envoi de ce livre ! Et j’ai atteint 2 % du challenge de la Rentrée, en route vers le 3 %.

Il faut donner une note à ce roman, je dirais 15/20.

   

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