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~ Quelques notes de musique et quantité de livres

Archives d’Auteur: anne7500

Ce que je ne veux pas savoir

09 vendredi Juin 2023

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots britanniques, Non Fiction

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Deborah Levy, Editions du Sous-sol

Quatrième de couverture :

Deborah Levy revient sur sa vie. Elle fuit à Majorque pour réfléchir et se retrouver, et pense à l’Afrique du Sud, ce pays qu’elle a quitté, à son enfance, à l’apartheid, à son père – militant de l’ANC emprisonné –, aux oiseaux en cage, et à l’Angleterre, son pays d’adoption. À cette adolescente qu’elle fut, griffonnant son exil sur des serviettes en papier. Telle la marquise Cabrera se délectant du “chocolat magique”, elle est devenue écrivaine en lisant Marguerite Duras et Virginia Woolf. En flirtant, sensuelle, avec les mots, qui nous conduisent parfois dans des lieux qu’on ne veut pas revoir. Ce dessin toujours inédit que forme le chemin d’une existence.

Ce que je ne veux pas savoir est une œuvre littéraire d’une clarté éblouissante et d’un profond secours. Avec esprit et calme, Deborah Levy revient sur ce territoire qu’il faut conquérir pour écrire.

Il faut – me semble-t-il – avoir lu tout ce petit ouvrage 135 pages) pour en apprécier la portée. Il est de toute façon construit en boucle, avec un élément commun au début et à la fin.

Deborah Levy raconte d’abord la dépression qui l’assaille en Angleterre, où elle pleure comme une fontaine sur les escaliers roulants. Elle se réfugie à Majorque, où il neige en mars, dans un hôtel tenu par une femme. Elle rencontre un épicier chinois à qui elle va raconter quelques souvenirs de son enfance en Afrique du Sud et « en Exil » : l’image du bonhomme de neige construit avec son père et fondu, disparu, tout comme ce père arrêté et longuement emprisonné pour faire partie de l’ANC, l’African National Congress ; la petite fille qui parle peu et pas assez fort, dont sa cousine va essayer de libérer la voix (« Les filles doivent parler haut puisque personne ne les écoute de toute façon. ») ; l’oncle tellement différent de son père, raciste sans complexe ; l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ; puis, à quinze ans, l’Exil en Angleterre, la naissance inconfortable de sa vocation d’écrivain, l’impression de n’appartenir ni à l’Afrique du Sud ni à « l’Ingerland ».

Au passage, nourrie par ses lectures de Marguerite Duras et de Virginia Woolf, Deborah Levy parle de la condition féminine, de la maternité, de la voix des femmes. Aucune amertume dans sa voix mais un constat lucide et décomplexé. La voix de l’écrivaine en devenir, puis de celle qui ne sait plus comment orienter sa vie, peut toucher tous ses lecteurs : comme le dit l’épicier chinois, « Parfois, dans la vie, la question n’est pas de savoir où commencer, mais où s’arrêter. » (p. 129)

« Parler haut, ce n’est pas parler plus fort, c’est se sentir autorisé à énoncer un désir. On hésite toujours, quand on désire quelque chose. Dans mon théâtre, je préfère montrer l’hésitation plutôt que de la cacher. Une hésitation n’est pas la même chose qu’une pause. C’est une tentative de rejeter le désir. Mais quand vous êtes prêts à vous saisir de ce désir et à mettre des mots dessus, alors même un murmure, les spectateurs l’entendront. » (p. 20)

« Si la maternité est le seul signifiant féminin, nous savons que le bébé sur nos genoux, à supposer qu’il soit en bonne santé et qu’on s’occupe bien de lui, finira forcément par se détourner de notre sein et ira voir ailleurs. Il ira voir quelqu’un d’autre. Il ira voir le monde et en tombera amoureux. Certaines mères deviennent folles parce que le monde qui les a fait se sentir inutiles est le monde dont leurs enfants tomberont amoureux. La banlieue de la féminité n’est pas un endroit où il fait bon vivre. De même qu’il n’est pas sage de chercher refuge auprès de nos enfants parce qu’ils ont toujours tendance à courir le monde pour y rencontrer quelqu’un d’autre. » (p. 29-30)

« Comment les gens deviennent-ils cruels et pervertis ? Si on torture quelqu’un, est-on fou ou normal ? Si un homme blanc lance son chien sur un enfant noir et que tout le monde dit que c’est acceptable, si les voisins, la police, les juges et les enseignants disent : « moi ça me va », la vie vaut-elle d’être vécue ? Et qu’en est-il des gens qui pensent que ce n’est pas acceptable ? Sont-ils assez nombreux dans le monde ? » (p. 124)

« Cette façon que nous avons de rire. De nos propres désirs. Cette façon que nous avons de nous moquer de nous-mêmes. Pour devancer les autres. Cette façon dont nous sommes programmées pour tuer. Nous tuer. Mieux vaut ne pas y penser. » (p.132 – 133)

Deborah LEVY, Ce que je ne veux pas savoir, traduit de l’anglais par Céline Leroy, Editions du Sous-sol, 2020

Le Mois anglais 2023 – Journée essai/document/biographie/autobiographie

Les notes du jeudi : Rois et reines (5) Ludwig von Beethoven

08 jeudi Juin 2023

Posted by anne7500 in Des Notes de Musique

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Bertrand Chamayou, Ludwig von Beethoven

Avançons dans les années : après Haydn et Mozart, voici Beethoven et son Concerto pour piano n°5, dit L’Empereur. Il n’est pas dédié à Napoléon, ce n’est pas Beethoven qui lui a donné ce titre (il admirait Napoléon au début, mais quand celui-ci s’est couronné empereur, Beethoven, de rage, a rayé la dédicace de sa troisième symphonie). « Il semble en définitive que cet intitulé lui ait été donné par un compositeur allemand installé en Grande-Bretagne et ami du musicien : J. B. Cramer. Également facteur de pianos et éditeur de musique, celui-ci voulut probablement souligner que le dernier concerto de Beethoven était le plus grand, l′« Empereur ». » (Source : Wikipedia)

Voici l’interprétation de Bertrand Chamayou avec l’Orchestre philharmonique de Radio-France dirigé par Mikko Franck.

La meilleure compagnie

07 mercredi Juin 2023

Posted by anne7500 in Des Mots en Poésie

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Edward Hopper, Philip Larkin

Nous sommes le premier mercredi du mois et pour ce rendez-vous poétique avec Marilyne, qui vous invite à lire La Peinture en poèmes de Paul Eluard, je vous propose un poème anglais (car c’est aussi le Mois anglais), un texte de Philip Larkin (1922-1985).

Quand j’étais enfant, je pensais,
Comme ça, que la solitude
N’avait pas besoin d’être recherchée.
Quelque chose que chacun avait,
Comme la nudité, à portée de main,
Pas spécialement bonne ou spécialement mauvaise,
Une chose abondante et évidente
Pas du tout dure à comprendre.

Puis, après vingt ans, elle est devenue
À la fois plus difficile à obtenir
Et plus désirée – quoique
Plus indésirable ; car ce que
Vous êtes, seul, doit, pour atteindre
À la dignité d’un fait, être exprimé
En fonction des autres, ou alors c’est juste
Un faire-semblant compensatoire.

Mieux vaut rester en compagnie !
Pour aimer vous devez avoir quelqu’un d’autre,
Donner requiert un légataire,
Les bons voisins aspirent à à des paroisses entières
Sur qui pratiquer – en bref,
Nos vertus sont toutes sociales ; si,
Privé de solitude, vous rongez votre frein,
Il est clair que vous n’êtes pas de l’espèce vertueuse.

Rageusement, donc, je ferme ma porte à clef.
Le chauffage siffle doucement. Le vent au-dehors
Annonce un soir de pluie. Une fois de plus
La conciliante solitude
Me soutient sur sa paume géante ;
Et comme une anémone de mer
Ou un simple escargot, là, précautionneusement,
Se déploie, émerge, ce que je suis.

Philip LARKIN, La vie avec un trou dedans, traduit de l’anglais par Guy Le Gaufey et Denis Hirson, éditions Thierry Marchaisse, 2011

Pour accompagner ce texte, une toile parmi d’autres d’Edward Hopper (pas anglais, je sais, mais…) qui irradie de solitude, Nighthawks.

Noblesse oblige

05 lundi Juin 2023

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots italiens, Des Mots noirs

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Commissaire Brunetti, Donna Leon, Venise

Quatrième de couverture :

Des ossements humains. Peut-on imaginer plus insolite découverte dans un paisible village de la campagne vénitienne ? De ce puzzle macabre, on reconstitue un corps ; tout porte à croire qu’il s’agit d’un fils de bonne famille disparu deux ans plus tôt. Le commissaire Brunetti est chargé d’exhumer cette affaire un peu vite enterrée. Mais les secrets aristocratiques de Venise sont bien gardés, noblesse oblige…

Dans cet opus, le commissaire Brunetti rouvre donc l’enquête sur l’enlèvement de Roberto Lorenzoni, fils du comte Lorenzoni enlevé deux ans plus tôt. En effet, on vient de retrouver son corps, du moins ce qu’il en reste, enterré dans un champ du côté de Belluno dans la campagne. Brunetti ne peut compter sur la famille : la mère, déjà très atteinte par la disparition de son fils, sombre dans le chagrin et le mutisme, le père campe sur ses positions arrogantes et Maurizio, cousin de la victime, ne collabore guère plus avec la police. Celui-ci, bien plus malin et débrouillard en affaires que Roberto, semble à la fois l’héritier tout désigné et l’auteur de l’enlèvement. Mais le flair du commissaire lui souffle que quelque chose cloche dans cette affaire…

Très vite, Brunetti fait appel à son beau-père, le comte Falier, pour tenter de comprendre les secrets de la famille Lorenzoni. Le comte est de plus en plus ouvert avec son beau-fils mais il accuse celui-ci de ne pas rendre sa fille heureuse ! Un poids énorme sur la tête du commissaire qui cherche à savoir où il en est avec Paola…

Je me répète sans doute par rapport à d’autres romans mais l’enquête est donc intéressante par ses à-côtés familiaux (Guido et Paola), par les compétences innombrables de la signorina Ellettra, la secrétaire de la questure, par l’humour toujours bien présent et par l’humanité profonde du commissaire Brunetti, sa capacité à toujours se laisser toucher par les turpitudes qu’il côtoie chaque jour dans son métier mais aussi sa capacité à prendre du recul, notamment en s’aidant de ses chers auteurs classiques. L’énigme se débloquera en examinant l’état de santé du jeune homme avant son enlèvement…

« Si jamais c’est nécessaire, lui dit-il en passant la tête par l’entrebâillement de la porte, on pourra toujours aller manger une pizza chez Gianni. »
Elle leva les yeux.
« Peu importe comment elle va massacrer ces malheureux raviolis, répondit-elle, nous allons tous les manger, jusqu’au dernier, et j’en réclamerai même une seconde portion. »
Avant qu’il ait pu protester, elle tendait vers lui un crayon menaçant.
« C’est le premier repas qu’elle prépare toute seule, et il ne pourra être que fabuleux. »
Elle vit qu’il ne renonçait pas à ses objections et lui coupa une nouvelle fois la parole.
« Des champignons carbonisés, de la pasta qui aura la consistence de la colle à papier peint et un poulet qu’elle a décidé de faire mariner dans la sauce soja et qui sera donc à peu près aussi salé que la mer Morte.
– Ta description me donne envie de me précipiter à table. »
Au moins, songea Brunetti, elle ne pourra rien faire contre le vin.
« Et Raffi? Tu vas l’obliger à manger ça?
– Crois-tu donc qu’il n’aime pas sa petite soeur ? » rétorqua-t-elle avec un ton de fausse indignation qu’il connaissait bien.
Il ne répondit pas à cette question rhétorique.
« Bon d’accord, je lui ai promis dix mille lire s’il mangeait tout.
– A moi aussi ? » lança Brunetti avant de s’éclipser. »

« Je me rappelle encore le temps ou pour quelques milliers de lires, on pouvait faire un excellent repas dans n’importe quelle trattoria ou osteria de la ville, Du risotto . du poisson, une salade et du bon vin. Rien de compliqué, simplement de la bonne nourriture, celle que les propriétaires mangeaient probablement eux-mêmes. L’époque où Venise était encore une ville vivante, où elle possédait encore une industrie, des artisans. Aujourd’hui, nous n’avons plus que les touristes, et les plus riches sont habitués à ce genre de fantaisies, Si bien que pour les séduire, il faut des plats qui soient aussi flatteurs pour l’œil. »

« Avant que la signorina Elettra, que tant d’ignorance laissait pantoise, pût commencer à lui expliquer ce qu’était un modem et comment fonctionnait l’appareil, Brunetti avait fait demi-tour et quitté le bureau. Personne ne vit, dans ce départ précipité, une occasion perdue pour l’avancement du savoir de l’humanité. »

« Il prit alors son exemplaire de Cicéron et, dans l’épître Le Bonheur, tomba sur le passage où il est question des devoirs et de la répartition des biens moraux. « Le premier est la capacité de distinguer le vrai du faux, lut-il, et de comprendre la relation entre un phénomène et un autre, et les causes et les conséquences de chacun. Le deuxième est la capacité de restreindre ses passions. Et le troisième est de se comporter en faisant preuve de considération et de compréhension dans nos relations avec les autres. »

Donna LEON, Noblesse oblige, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par William Olivier Desmond, Editions Points, 2002 (Calmann-Lévy, 2001)

Un roman italien lu pour la semaine italienne avec Eimelle.

Un titre qui fait une parfaite transition avec le mois anglais royal que je me suis concocté 😉

Les notes du jeudi : Rois et reines (4) G.F. Haendel (et le Mois anglais)

01 jeudi Juin 2023

Posted by anne7500 in Des Notes de Musique

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Georg Friedrich Haendel, Hervé Niquet, Le Concert spirituel, Le mois anglais

Aujourd’hui, en l’honneur du Mois anglais qui commence, voici la Musique pour les feux d’artifice royaux de Georg Friedrich Haendel. Et quoi de mieux que d’en entendre une version en public aux BBC Proms de 2012 ! Hervé Niquet dirige Le Concert Spirituel.

Voici le programme concocté par Martine Plaisirs à cultiver et My Lou Books :

-1er juin : A vos pals !

-2 juin : Maison (une maison ayant un rôle important dans le roman, un titre comportant le mot maison ou une maison en couverture)

-4  juin : food n’drinks

-5 juin : kids/YA

-7 juin : couple

-9 juin : essai/document/biographie/autobiographie

-11 juin : food n’drinks

-12 juin : adolescence

-14 juin : gothique

-16 juin : girl power

-18 juin : food n’drinks

-19 juin : roman noir/thriller/policier

-21 juin : Elizabeth (prénom de l’héroïne, de l’autrice ou reines d’Angleterre)

-23 juin : Londres

-25 juin : food n’drinks

-26 juin : nature

-28 juin : romantisme

-30 juin : un classique de la littérature anglaise

Je me calerai peut-être sur l’une ou l’autre date mais pas sûr. Il m’est venu l’idée de collecter des titres « royaux » ou presque en mémoire de la Queen et en l’honneur du nouveau roi Charles III :

Son Espionne royale et le mystère bavarois de Rhys Bowen

Le Château de Cassandra de Dodie Smith (ma lecture jeunesse du mois)

Un mariage royal d’Allison Montclair

Bain de minuit à Buckingham de S.J. Bennett (pour la journée Elizabeth)

Duchesse à l’anglaise de Deborah Devonshire

Les tribulations d’une cuisinière anglaise de Margaret Powell

Mais aussi :

Ce que je ne veux pas savoir de Deborah Levy (pour la journée Bio / Autobiographie)

Rebecca de Daphné du Maurier (pour la journée Classique)

J’ai les yeux plus gros que le ventre d’autant que je dois caser mon Picquier du mois et que juin est aussi consacré aux dernières aventures de l’année scolaire mais je peux toujours continuer en juillet, n’est-ce pas ?

Avant mes lectures anglaises, il y aura encore un billet italien qui fera une belle transition avec les Royals.

Bon mois anglais donc ! Et voici le magnifique logo que j’emploierai majoritairement…

Jardin de printemps

29 lundi Mai 2023

Posted by anne7500 in Des Mots japonais

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Editions Philippe Picquier, SHIBASAKI Tomoka

Quatrième de couverture :

Jardin de printemps, c’est d’abord un livre de photographies, celles d’une maison bleue avec son jardin au cœur de Tokyo, instantanés de la vie d’un couple heureux il y a une vingtaine d’années.
Les saisons passent, les locataires aussi. Ils se rencontrent, se croisent. D’un balcon ou sur un chemin, ils sont comme aimantés par cette maison endormie.
Dans ce roman amical et rêveur, tout est en léger décalage, au bord de chavirer, seuls les lieux semblent à même de révéler ce qui flotte à la surface de notre cœur. L’immeuble où habite Tarô, promis à la démolition et qui se vide peu à peu, la vieille demeure de style occidental, paradis perdu qui un jour reprend vie, réactive la possibilité du bonheur.
Qui n’a jamais rêvé de pénétrer dans une belle maison abandonnée pour en percer le secret ?

C’est sûrement la jolie couverture et le fait qu’une maison soit au coeur de l’histoire qui m’ont incitée à acheter ce roman. En général j’aime cette thématique.

Ici elle est traitée à la japonaise, avec lenteur et pudeur. Tarô est un jeune homme (je ne l’imagine pas au-delà de 35 ans) qui aime son confort, il est un peu (beaucoup) paresseux, il tarde à se chercher un nouveau logement alors qu’il sait que l’immeuble où il vit, dans une banlieue de Tokyo, sera détruit. Il observe furtivement les locataires qui y habitent encore et se laisse approcher par une vieille dame et par Nishi, une jeune femme fascinée par la maison bleue dont elle possède un livre de photos. Elle est venue exprès habiter près de cette maison et serait prête à tout pour l’explorer et surtout voir en vrai la salle de bains aux mosaïques jaunes et vertes, qui créent une ambiance très particulière.

En se laissant entraîner par Nishi, Tarô revoit ses souvenirs de jeunesse et d’homme marié, quand il était coiffeur au service de son ex-beau-père. Il retrouve ses rêves de bonheur tranquille et en accomplit certains, tandis que Nishi réussit à réaliser le sien : entrer dans la maison et découvrir ses secrets…

Le roman est assez court (heureusement, sinon on s’ennuierait bien vite, je crois) et permet d’apprécier un certain art de vivre à la japonaise : la décoration intérieure, les règles de courtoisie entre voisins… Dans cette banlieue calme de Tokyo, on aime aussi suivre l’évolution des saisons dans le jardin de la mystérieuse maison bleue.

« Au bout du toit, on voyait le ciel et les nuages. Il faisait si beau ce matin, maintenant des nuages se levaient. Masses de blancheur. Des nuages de plein été, bien qu’on ne fût qu’en mai. Tarô regarda les nuages gonfler et s’envoler. Dire qu’ils sont à des milliers de mètres de hauteur. Le contraste avec le bleu profond du ciel était si puissant qu’il en avait mal au fond des yeux. Tout en regardant les nuages, Tarô s’imagina marcher dessus. Il fait ça tout le temps, d’ailleurs. Il marche loin, très loin, avant d’atteindre le bord. Alors il pose les mains par terre et observe en bas. On voit la ville. Et malgré cet intervalle de milliers de mètres, il distingue avec une netteté parfaite chacune des ruelles enchevêtrées, chaque toit des maisons collées
les unes aux autres. Les voitures, comme de minuscules insectes, glissent le long des voies, un avion petit modèle coupe par le travers l’espace entre lui et la ville. Comme une scène de dessin animé, parfaitement. Il n’y a personne derrière la verrière du cockpit. Aucun bruit. Non seulement en provenance de l’avion, mais de nulle part. Et quand il se remet lentement
debout, il se cogne au plafond du ciel. »

SHIBASAKI Tomoka, Jardin de printemps, traduit du japonais par Patrick Honnoré, Editions Philippe Picquier, 2016

Un Picquier par mois

Les Vivants et les Morts suivi de Mamounette / I vivi et i morti seguito da Mammarella

26 vendredi Mai 2023

Posted by anne7500 in Des Mots italiens

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Maurizio De Giovanni, Pocket bilingue

Pour le plaisir de retrouver le commissaire Ricciardi et aussi le plaisir de lire en italien – quelle bonne idée de Pocket bilingue de proposer ces nouvelles ! -, voici ce petit livre qui contient la toute première enquête de Ricciardi, Les Vivants et les Morts. Maurizio De Giovanni a en effet commencé sa carrière d’auteur en remportant un prix de jeunes auteurs de polars grâce à cette nouvelle, en 2005.

Trois personnes sont assassinées dans cette histoire : un vieux prêtre apparemment sans histoire, une tenancière de bordel et un mafieux assassiné dans un restaurant incendié. Ricciardi découvrira assez rapidement la vérité – comme souvent – mais son enquête sera étouffée par sa hiérarchie. Tout est déjà en place dans cette première « aventure » de Ricciardi : son don particulier pour voir et entendre les morts, son caractère sombre, son sixième sens, sa collaboration avec le brigadier Maione et son admiration amoureuse pour une main gauche qui brode le soir à la fenêtre d’en face…

Dans la seconde nouvelle, Mammarella (traduit par Mamounette en français), c’est une prostituée qui est retrouvée poignardée. L’interrogatoire des jeunes pensionnaires du bordel, de sa tenancière « Madame (en français dans le texte), du médecin du casino (le mot qui signifie bordel en italien – ah les faux amis italiens-français…), du client privilégié de Gilda, la victime va rapidement confondre le coupable. Ici, le texte est à la première personne, c’est Luigi Alfredo Ricciardi lui-même qui évoque l’enquête avec gravité, avec humour, un humour assez narquois et avec nostalgie.

Evidemment ces textes ne sont pas aussi riches que les romans mais Maurizio De Giovanni sait créer une ambiance en quelques lignes, tracer des caractères, lancer des soupçons… L’édition bilingue (texte italien à gauche, texte français à droite) m’a permis de me rendre compte de mon mini-niveau d’italien mais les notes de bas de page donnent beaucoup de mots de vocabulaire, de subtilités de la langue et aident à comprendre aussi le contexte de la montée du fascisme en Italie en 1931. Une expérience intéressante !

Maurizio De Giovanni, Les Vivants et les Morts suivi de Mamounette / I vivi et i morti seguito da Mammarella, Traduction et notes de Laurent Scotto d’Ardino, Pocket bilingue, 2021

C’est la semaine italienne avec Eimelle.

Les notes du jeudi : Rois et reines (3) W.A. Mozart

25 jeudi Mai 2023

Posted by anne7500 in Des Notes de Musique

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Academy of Saint-Martin in the Fields, Alfred Brendel, Concerto pour piano, Sir Neville Marriner, Wolfgang Amadeus Mozart

Le Concerto pour piano no 26 en ré majeur dit du Couronnement, K. 537, est un concerto pour piano de Mozart. Composé au début de 1788, il a été joué le 15 octobre 1790 à Francfort à l’occasion du couronnement de Léopold II. 

Le voici interprété par Alfred Brendel et l’Academy of Saint-Martin in the Fields dirigée par Sir Neville Marriner.

Mille Mères

24 mercredi Mai 2023

Posted by anne7500 in Des Mots français

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nouvelles, Quadrature, Véronique Bitouzé

Quatrième de couverture :

Le département maternité d’une clinique, c’est un pêle-mêle de récits de vie. On y rencontre mille mères, des fières-comme-des-paons, des presque-mères, des désirantes, des abimées, des-je-fais-de-mon-mieux, des impatientes, des courageuses, des bébés-mères, des perdues, des éperdues.
Dans une maternité, la gravité et la légèreté se côtoient et nous font mesurer le prix de l’existence.

Chacune des courtes de ce recueil a pour titre le prénom d’un personnage, le plus souvent des femmes, des mamans ou des femmes qui aimeraient le devenir, qui peinent parfois à réaliser leur désir de maternité, et cela vaut aussi pour celles qui ont été jusqu’au bout de leur grossesse et ont du mal à nouer un lien avec leur bébé, pour diverses raisons. On rencontrera aussi des très jeunes femmes, l’une qui ne savait même pas qu’elle était enceinte, l’autre dont les parents vont gérer l’IVG comme si elle n’existait pas. Des femmes, des couples qui veulent des enfants, d’autres dont l’annonce d’une grossesse est presque une catastrophe. Il y a des hommes aussi, Teo le sagefemme, avec d’autres professionnels de la fertilité et de l’obstétrique, qui font de leur mieux – presque – pour accompagner ces femmes, ces couples. Et il y a Elisabeth Trautmann, la psychologue du service, qui écoute, absorbe les histoires, les émotions en mettant de côté les siennes.

Il y a beaucoup d’humanité dans ce service, de la joie et de la souffrance, du désir d’enfant qui peut devenir pathologique, des larmes et de l’espoir, beaucoup d’espoir et de foi en la vie. Véronique Bitouzé, elle-même psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité, s’est inspirée de son expérience pour nous livrer ces récits aux couleurs très variées. Les points de vue, le style d’écriture varient d’une nouvelle à l’autre. Souvent graves, émouvantes, elles peuvent se faire plus légères (une nouvelle à chute m’a fait éclater de rire).

Si le sujet ne vous paraît pas trop sensible, n’hésitez pas à faire connaissance avec Valentine, Jeanne, Mamie Brigitte, Rokia, Héloïse et les autres. Vous serez conquis.

Véronique BITOUZE, Mille Mères, Quadrature, 2023

Jeu blanc

20 samedi Mai 2023

Posted by anne7500 in Des Mots nord-américains

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Editions Zoé, Richard Wagamese

Quatrième de couverture :

Il faut que Saul Indian Horse raconte son histoire, qu’il se remémore son enfance rythmée par les légendes ojibwés, la récolte du riz et la pêche ; son exil l’hiver de ses huit ans et son adolescence, passée dans un internat où des Blancs font tout pour effacer en lui son indianité. C’est pourtant au cœur de cet enfer qu’il trouve son salut, grâce au hockey sur glace. Joueur surdoué, Saul réussit à rejoindre l’élite du sport national, mais c’est sans compter le racisme qui règne dans le Canada des années 1970.

Richard Wagamese (malheureusement décédé assez jeune en 2017, à l’âge de 61 ans) appartient à la nation amérindienne ojibwé, originaire du nord-ouest de l’Ontario. Sa propre expérience l’a sans doute inspiré pour se mettre dans la peau du narrateur de ce roman, Saul Indian Horse, qui, au début, est interné dans un centre de désintoxication pour alcooliques et qui ne parvient pas à verbaliser son expérience et ses émotions : il est donc invité par un soignant à écrire son histoire, celle que nous allons découvrir au cours de ce roman construit sur 250 pages.

Saul raconte son enfance ojibwé jusqu’à ses huit ans, la famille déjà acculée à des marches pénibles par les Blancs mais guidée par la grand-mère qui connaît la vie en forêt, les déplacements bénéfiques suivant les saisons, les plantes à utiliser pour soigner, le contact avec les esprits de la famille et de la nature ; les parents de Saul, déjà déconnectés de cette vie dans la nature, marqués par l’alcool, « la boisson des Zhaunagush » (hommes blancs) et par la perte de deux enfants enlevés et emmenés dans des pensionnats blancs ; le grand frère de Saul, Benjamin, qui parvient à s’en enfuir mais en revient avec une tuberculose mortelle ; la dislocation de la famille suite à cette mort. Saul restera avec sa grand-mère qui le guidera et le protégera tant qu’elle peut, jusqu’à l’épuisement. Le garçon connaîtra à son tour le pensionnat de St Jerome’s et son lot de souffrances physiques et psychologiques, des traitements inhumains, dégradants dans ce qui n’a d’école que le nom.

Un jour, un nouveau religieux, le père Leboutilier, se met à initier les garçons au hockey. Il repère rapidement le talent inouï de Saul qui semble « voir » le jeu et s’y adapter à merveille. Dans les matches entre écoles, l’enfant, encore petit et maigre, est vite repéré ; il s’entraîne durement et progresse rapidement. Il est envoyé par le prêtre dans une famille dont les parents ont eux-mêmes été à St Jerome’s et dont le père est entraîneur et joueur. Saul, de plus en plus repéré, est amené à jouer en dehors des réserves indiennes, jusqu’à une équipe de Blancs où il subira le racisme « ordinaire » envers les Indiens. Et plus il progresse dans les échelons de ce sport, moins il s’y sent heureux, car le racisme et la violence qu’on l’invite à exercer en retour rendent le hockey impur pour lui. Il finira par tout lâcher et partir sur les routes, travaillant au gré des occasions et tombant lui aussi dans l’alcoolisme. Il porte en lui une colère, une rage inexprimables, inguérissables. Jusqu’à ce qu’il trouve le chemin de la rédemption.

Ce roman m’a bouleversée. Je connaissais le fait historique mais je n’avais encore jamais lu de fiction sur ce phénomène des pensionnats de religieux et religieuses blancs faits pour extirper la « sauvagerie » dans les enfants indiens, en faire des gamins sans racines, sans aucun sens à leur vie, de parfaits petits esclaves dans ces soi-disant écoles. Richard Wagamese raconte cela avec une grande simplicité, et c’est implacable. Il raconte aussi le hockey sur glace sans fard mais même si vous ne goûtez pas ce sport, vous ne pouvez pas ne pas vous y intéresser grâce au talent de Saul. Il laisse aussi la place à la nature, celle à laquelle on a arraché le jeune Ojibwé, mais avec laquelle il parviendra à renouer, au lac de ses ancêtres.

Après la lecture de Les étoiles s’éteignent à l’aube, voilà – s’il en fallait une – la confirmation que Richard Wagamese est un immense auteur, incontournable.

« On dit que nos pommettes ont été taillées dans ces chaînes granitiques qui s’élèvent au-dessus de notre patrie. On dit que le brun profond de nos yeux a suinté de la terre féconde autour des lacs et des marécages. Les Anciens disent que nos longs cheveux raides viennent des herbes ondulantes qui tapissent les rives des baies. Nos pieds et nos mains sont larges, plats et forts comme les pattes d’un ours. »

« Quand on t’arrache ton innocence, quand on dénigre ton peuple, quand la famille d’où tu viens est méprisée et que ton mode de vie et tes rituels tribaux sont décrétés comme arriérés, primitifs, sauvages, tu en arrives à te voir comme un être inférieur. C’est l’enfer sur terre, cette impression d’être indigne. C’était ce qu’ils nous infligeaient. »

« Nous étions comme du bétail. C’est ainsi que nous étions traités. Nourris, abreuvés, contraints de porter notre fardeau quotidien et rentrés à l’abri pour la nuit. Quiconque s’esquivait ou se plaignait était battu devant tous les autres. C’était peut-être cela le plus grand crime : nous rendre complices en faisant de nous des témoins silencieux et impuissants. »

« C’est à l’intérieur que j’avais mal. M’enlever à la forêt et à mon peuple, c’était comme d’avoir déchiré la peau du ventre. Chaque fois que je bougeais ou qu’on m’obligeait à parler, il rugissait son inconcevable douleur . C’est ainsi que j’en vins à m’isoler… Je compris que je pouvais aspirer en moi les limites de mon être physique , réduire l’espace que j’occupais pour devenir un grain , une poussière , un atome indifférent sur sa propre orbite. »

« Ce sport si bien ordonné et à la vitesse explosive, que j’apprenais à pratiquer, m’enthousiasmait. Je voulais atteindre de nouveaux sommets, être l’une des rares étoiles. Mais ils ne voulaient pas me laisser être tout simplement un hockeyeur. Il fallait toujours que je sois un indien. »

Richard WAGAMESE, Jeu blanc, traduit de l’anglais par Christine Raguet, Editions Zoé, 2017

C’est une lecture commune avec Ingamnic qui nous propose de lire cette année sur les minorités ethniques. Son avis est ici.

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"Un seul soupir du chat défait tous les noeuds invisibles de l'air. Ce soupir plus léger que la pensée est tout ce que j'attends des livres."

Christian BOBIN, Un assassin blanc comme neige, Gallimard

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