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Archives de Tag: Zulma

Ce que Frida m’a donné

07 lundi Fév 2022

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots sud-américains, Non Fiction

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Frida Kahlo, Rosa Maria Unda Souki, Zulma

Ce que Frida m’a donné

Présentation de l’éditeur :

Dans la chaleur de l’été 2019, Rosa Maria Unda Souki devrait être plongée dans les préparatifs de son exposition à venir. Recluse au Couvent des Récollets, entre vertiges du doute et farouche détermination, elle tarde à rédiger le texte destiné au catalogue, à penser l’agencement des tableaux – toujours en cours d’acheminement depuis le Brésil. Dans l’attente, elle retrace ce qui l’a menée là. Comment elle a consacré cinq ans à la figure emblématique de Frida Kahlo en peignant sa célèbre Maison bleue, constituant une œuvre picturale d’une richesse saisissante. En quête d’elle-même, Rosa Maria renoue avec une Frida intime, comme si les clés pour se retrouver elle-même étaient aussi celles qui permettent de comprendre Frida. (…)

Bien que nous soyons en 2022, ce titre est le dernier Zulma que j’ai lu le 31 décembre 2021 dans le cadre de « Un Zulma par mois ». Impossible de ne pas être attirée en librairie par ce format inhabituel pour cette maison d’édition.

Dans cet ouvrage, Rosa Maria Unda Souki est donc en résidence d’artiste à Paris, pour monter l’exposition de ses oeuvres inspirées par Frida Kahlo. Mais la chaleur, l’excitation, le dépaysement… allez savoir, toutes sortes de raison empêchent l’artiste de se concentrer sur ses tâches. Alors elle se souvient… elle retisse la fascination, les liens entre elle et la fameuse peintre mexicaine, avec qui elle partage un lien particulier avec le père, avec la maison, l’habitation et avec un pays à l’histoire agitée. Elle tient un journal de sa résidence d’artiste, c’est ce que nous tenons entre les mains avec de nombreux dessins et détails, listes et tableaux inspirés par Frida. Ceux-ci représentent des lieux, des pièces de vie, des jardins où Frida Kahlo a vécu, souffert et créé, souvent vus de haut : ils contiennent rarement des personnages, Rosa Maria appelle ces oeuvres « des présences » où on est censé ressentir la vie et la création de l’artiste mexicaine.

Pour être honnête, ces tableaux « naïfs » de Rosa Maria Unda Souki ne m’ont pas vraiment touchée, je suis désolée d’avoir été hermétique à ces « présences » mais j’ai lu quasi d’une traite le journal de sa résidence d’artiste. Ce qui m’a touchée, ce sont les liens entre le Mexique de Frida Kahlo avec ses révolutions, l’accueil de Trotski, les soubresauts de son histoire et le Venezuela actuel de Rosa Maria Unda Souki, marqu » par la misère, la violence, l’instabilité politique. Et une annexe substantielle à la fin reprend tous les tableaux de Rosa Maria en racontant la biographie de Frida Kahlo, que je ne connaissais pas bien. Bref, il y avait pire manière de terminer 2021 !

Rosa Maria UNDA SOUKI, Ce que Frida m’a donné, traduit de l’espagnol (Venezuela) par Margot Nguyen Béraud et l’auteure, Zulma, 2021

Le Mois latino-américain chez Ingamnic – Venezuela – Lecture commune avec Ingamnic, Marilyne, A girl et…

Petit Bac 2021 – Prénom 2

Grand-père avait un éléphant

28 dimanche Nov 2021

Posted by anne7500 in Des Mots d'Asie

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littérature indienne, Vaikom Muhammad Basheer, Zulma

Grand-père avait un éléphant

Présentation de l’éditeur :

Du monde, la jeune et jolie Kounnioupattoumma ne sait rien, si ce n’est que son grand-père avait un éléphant ! Fille de notables musulmans, elle est en âge d’être mariée. Mais pour sa mère, les prétendants ne sont jamais assez beaux, jeunes, riches, puissants… Surtout quand on songe à la splendeur passée du grand-père à l’éléphant.
Hélas, voilà la famille ruinée. Adieu vaste demeure, domestiques, bijoux en or ! Kounnioupattoumma peut enfin goûter aux délices de la baignade en attendant des jours meilleurs…

Les éditions Zulma me donnent l’occasion de découvrir un roman indien dont l’auteur est- paraît-il, l’un des plus importants de la littérature indienne contemporaine. Il est écrit en malayalam, la langue du Kerala.

Ce conte met en scène Kounnioupattoumma, une jeune fille privilégiée. Sa mère ne cesse de lui répéter : « Pattoumma, mon trésor, tu es la fille chérie de la fille chérie d’Anamakkar, le noble Makkar à l’éléphant. Ton grand-père avait un éléphant, un grand mâle à défenses ! » (p. 10) Elle n’a rien d’autre à faire que de se préparer au mariage, à attendre le prétendant parfait qui correspond à son statut et plus le temps passe, plus Kounnioupattoumma doit se tenir prête : parée d’une riche tenue et de bijoux resplendissants, c’est à peine si elle peut lever le petit doigt. Mais voilà que le père de famille subit un cinglant revers de fortune : adieu veaux, vaches, cochons… La famille habite désormais une petite maison misérable dans un misérable village. Kounnioupattoumma, qui a un bon fonds, apprend tant bien que mal à se débrouiller, à tenir la maison, à cuisiner. Et surtout, pendant que sa mère se lamente indéfiniment sur ses rêves de gloire enfuis et que son père ne ait toujours rien faire de ses dix doigts, la jeune fille peut sortir de chez elle, découvrir la nature, se baigner dans la rivière… Et elle rencontre ainsi un mystérieux jeune homme qui lui fait battre le coeur et sa soeur Aïsha.

Dans ce court roman d’initiation plein d’humour, il est question de religion, de traditions qui enferment mais aussi d’un islam plus ouvert, de l’éducation des filles, de modernité, d’émancipation féminine, de la découverte de l’amour. Est-il nécessaire de préciser que j’ai beaucoup aimé ?

« Il lui semblait que ces événements remontaient à plus de mille ans. D’ailleurs c’était un peu vrai, car le temps de l’enfance était loin et depuis lors beaucoup de choses avaient eu lieu. Kounnioupattoumma ne pouvait se remémorer cet épisode sans sourire. C’était la vie, ni plus ni moins, une chose étonnante de bout en bout, dont on ne pouvait jamais connaître le sens. Ce qui arrive dépasse l’entendement de chacun. Alors que faire ? Eclater en sanglots ou respirer, s’ouvrir, éclater de rire ? De toute évidence, rire vaut cent fois mieux que pleurer, non? Donc, en y repensant, elle souriait. »

« Leur passé, leur présent, leur avenir, étaient détruits, en miettes. Pourtant le monde n’avait subi aucun changement, la rivière et la berge sablonneuse brillaient au clair de lune, des gens se baignaient dans le courant, d’autres se prélassaient en groupes sur le sable, riaient en se racontant les nouvelles du jour. Le monde n’avait pas changé, mais la vie de Vattan Atima, de son épouse et de sa fille était anéantie. »

« – Tu veux dire : « Pourquoi on n’a pas voulu faire de toi une kafir? »
Savoir lire, écrire, étudier, interdisait donc de vivre en bon musulman? « Lisez! », disait pourtant le Coran dès les premiers mots ! »

« Le lendemain, Kounnioupattoumma fit part de ses doutes à Aïsha, qui réagit en riant. C’était le propre de l’ignorance, selon elle, que de mener à toujours plus d’ignorance. La connaissance suivait le même processus de croissance. De plus, en augmentant, elle permettait à l’esprit de retenir ce qui était bon et de rejeter le reste. »

Vaikom Muhammad BASHEER, Grand-père avait un éléphant, traduit du malayalam (Inde) par Dominique Vitalyos, Zulma, 2005

Un Zulma par mois

Petit Bac 2021 – Animal 6

Manger l’autre

19 mardi Oct 2021

Posted by anne7500 in Des Mots africains, Des Mots au féminin

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Ananda Devi, Zulma

Manger l’autre

Présentation de l’éditeur :

Une adolescente, née obèse, vit recluse dans sa chambre. Le regard des autres et le harcèlement dont elle est victime ont eu raison de sa scolarité. Sa mère l’a abandonnée, incapable de faire face à son appétit monstrueux. Son père, convaincu qu’elle a dévoré sa sœur jumelle in utero, cuisine jour et nuit pour « ses filles ». Par le plus grand des hasards, elle rencontre l’amour. Mais la société du paraître et les réseaux sociaux ne sauraient tolérer un tel écart…

Fable rabelaisienne, Manger l’autre décrit sans pitié, mais non sans humour, la tyrannie de la minceur et le retour de la « mise à mort publique ». Un conte cannibale d’une sensualité bouleversante.

Après avoir lu un roman sur Francis Bacon, « le peintre de la chair », voici un roman où la chair de l’héroïne déborde de tous côtés, sa peau, ses plis, ses bourrelets, un corps énorme, hypertrophié, qui vaut à sa « propriétaire » horreur et abandon de sa mère, moqueries et quolibets de ses camarades de classe, adoration et déni de son père. La narratrice est née en pesant déjà dix kilos, sa mère n’a jamais su comment la prendre « à bras le corps » si je puis me permettre le jeu de mots et s’st enfuie, épouvantée, dévorée par ce bébé hors-normes. Le père accrédite la théorie que sa fille a mangé sa soeur jumelle dans le sein maternel et nourrit « ses filles » avec une dévotion épuisante, hors de tout bon sens. Un jour, elle a tellement grossi qu’elle ne peut plus quitter la maison et reste la plupart du temps couchée. Elle sa sait condamnée à mourir jeune, baleine, éléphanteau échoué dans son lit. Mais l’amour va s’inviter chez elle, malgré tout, et lui faire connaître le bonheur puis l’enfer, avant une fin… hallucinée.

Manger l’autre est un conte cruel sur le corps, l’image de soi, le regard des autres, la dictature du paraître, et interpelle notre société de consommation et ses excès (consommation de nourriture et d’images). C’est à la fois cruel et très sensuel, fort et provocant. Implacable. D’Ananda Devi, j’avais déjà apprécié Eve de ses décombres. Voici ici un texte très différent, que j’ai tout autant apprécié.

« Alcool, cigarette, bouffe, drogue, sexe, ce sont les excès qui nous excitent, qui nous passionnent. Sans eux, nous sommes de pâles effigies faisant semblant de vivre. Sans eux, nous passerions de la naissance à la mort comme des ombres qui n’auraient jamais connu le bonheur des délices interdits. Nous sommes la contradiction vivante de nos idéaux de sainteté et de santé. Nous ne sommes pas faits pour le jeûne ou l’abstinence, sauf comme forme de punition et d’autoflagellation. »

« Plus que le mal physique, je suis la représentation psychique de notre époque, j’en suis l’immoderé somatisé, la terreur et la spirale autodestructrice (oui, je ne crains pas une telle emphase, parce que la communication passe désormais par une amplification dénuée de sens, par un besoin d’outrance et de redondance — je suis dans l’air du temps, dans la même extension du vide). De nous, du monde dont je fais partie, ne reste que le plus délétère. Prisonniers de nos envies pléthoriques, nous nous sommes enfermés au point qu’il nous est devenu impossible de nous libérer sans éprouver une panique irrationnelle. Ne reste plus que l’assouvissement des envies du corps —gloutonnerie et pornographie, nos deux mamelles. »

« Mais comment effacer l’obésité de la présence humaine sur terre, celle qui engloutit et dévaste et ne cesse de s’épandre ? Pauvres oiseaux, papillons et éléphants ! Tous logés à la même enseigne. Ce qui n’était au départ qu’un élargissement mineur est devenu une expansion accélérée, effrénée, qui ne laissera bientôt plus le moindre espace aux autres espèces. »

Ananda DEVI, Manger l’autre, Zulma, 2021 (Grasset, 2018)

Un Zulma par mois

Le Mois africain chez Jostein (une super initiative pour mettre à l’honneur les littératures africaines dans laquelle je me suis coulée au pied levé)

L’Odeur du café

28 mardi Sep 2021

Posted by anne7500 in Des Mots d'Amérique centrale, Des Mots du Québec

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Dany Laferrière, Haïti, Zulma

L’Odeur du café

Présentation de l’éditeur :

Au cœur de ce récit, il y a l’enfance. Celle d’un petit garçon passant ses vacances à Petit-Goâve, dans le giron de Da, sa grand-mère. Un accès de fièvre, et le voici privé de jeux avec ses camarades. Alors il reste sur la galerie, assis aux pieds de Da qui se balance dans le rocking-chair, une tasse de café toujours à portée de main, pour les passants et les voisins. Le long des lattes de bois, l’enfant observe, rêve, se régale : la lutte inégale des fourmis et des araignées, les gouttes de pluie picorant le sol, les adultes comme ils s’occupent et bavardent, son chien Marquis « à la démarche de vieille dame »… Il respire les odeurs de la vie.Chronique des sensations évanouies et retrouvées, l’Odeur du café est une magnifique échappée – au temps magique d’une enfance singulière.

Autant j’ai été déçue, désarçonnée par ma première lecture de Dany Laferrière (Je suis un écrivain japonais, que j’ai abandonné assez vite), autant j’ai été charmée par L’Odeur du café où l’auteur évoque ses souvenirs d’enfance à Petit-Goâve en Haïti, quand, à cause d’une mystérieuse maladie, il habita l’été de ses dix ans avec sa grand-mère. Da, qui aime particulièrement le café dont faisait commerce son mari, a eu cinq filles et est une sorte de sage dans la petite ville. La vie se passe entre la galerie de la maison, d’où l’on voit évidemment tout ce qui se passe, les courses effrénées à vélo entre copains, les bêtises de gamins, l’école et la mer. Il vaut mieux se concilier les bons esprits et éviter les mauvais fantômes pour mener une bonne vie.

Le récit se déroule à petites touches, tout en observation du quotidien, de la nature, en ouverture des sens, en anecdotes parfois pleines d’humour, premier amour pour Vava et surtout amour immortel pour Da, la délicieuse grand-mère qu’un gamin de dix ans ne peut jamais tromper. C’est plein de tendresse, de naïveté, de douce nostalgie.

« Le toit 

C’est une grosse maison de bois peinte en jaune avec de grandes portes bleues. On peut la repérer de loin. La toiture est en tôle ondulée. Neuve. Elle aveugle les camionneurs qui prennent le tournant près des casernes. Da pense la faire peindre en noir. J’aimerais mieux rouge. Chaque fois que Simon, le gros chauffeur du camion Merci Marie, passe devant notre galerie, il ralentit pour demander à Da quand elle fera peindre le toit. Da dit toujours : « La semaine prochaine, si Dieu le veut. » Mais ce n’est jamais fait. Une fois, Simon a dit : « Je le demanderai à Dieu, la prochaine fois, car c’est lui qui est de mauvaise foi. »

Da a ri, de même que Simon. Moi aussi. » (p. 29)

« Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis. Elle m’a montré sa cafetière. C’est le café des Palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. L’odeur du café des Palmes. Da ferme les yeux. Moi, l’odeur me donne des vertiges. »

« Da m’a toujours dit que si le ciel est bleu, c’est à cause de la mer. J’ai longtemps confondu le ciel avec la mer. La mer a des poissons. Le ciel, des étoiles. Quand il pleut, c’est la preuve que le ciel est liquide. » (p. 137)

« Midi

Le soleil est au zénith. On ne voit pas son ombre sous l’eau. Willy Bony marche avec moi sur le port. Je vois mon ombre juste sous mes pieds.

-Que font les poissons à midi ?

-C’est l’heure de manger.

-Pour les poissons aussi ?

-Pour tout le monde.

-Et qu’est-ce qu’ils mangent ?

 -Du poisson, me dit Willy Bony.

-Mais on n’est pas vendredi.

Willy Bony se met à rire sans s’arrêter. » (p.140)

Dany LAFERRIERE, L’Odeur du café, Zulma, 2016

Un Zulma par mois (ou presque, vu que je n’en ai pas lu en juillet-août)

Petit Bac 2021 – Aliment/boisson 5

Le rouge vif de la rhubarbe

28 lundi Juin 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots islandais

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Audur Ava Olafsdottir, Zulma

Le rouge vif de la rhubarbe

Présentation de l’éditeur :

Souvent aux beaux jours, Ágústína grimpe sur les hauteurs du village pour s’allonger dans le carré de rhubarbe sauvage, à méditer sur Dieu, la beauté des nombres, le chaos du monde et ses jambes de coton. C’est là, dit-on, qu’elle fut conçue, avant d’être confiée aux bons soins de la chère Nína, experte en confiture de rhubarbe, boudin de mouton et autres délices.

Singulière, arrogante et tendre, Ágústína ignore avec une dignité de chat les contingences de la vie, collectionne les lettres de sa mère partie aux antipodes à la poursuite des oiseaux migrateurs, chante en solo dans un groupe de rock et se découvre ange ou sirène sous le regard amoureux de Salómon. Mais Ágústína fomente elle aussi un grand voyage : l’ascension de la « Montagne », huit cent quarante-quatre mètres dont elle compte bien venir à bout, armée de ses béquilles, pour enfin contempler le monde, vu d’en haut…

D’Audur Ava Olafsdottir, je n’avais encore lu que Rosa candida, il y a plus de dix ans (et bien sûr, j’en ai déjà d’autres dans la PAL) ; Le rouge vif de la rhubarbe est son tout premier roman et il me donne envie de relire Rosa candida. C’est un roman assez court (156 pages) plein de douceur et de fraîcheur. Ce sont ses personnages qui lui donnent ces qualités mais aussi la rudesse du paysage et du climat islandais qui offrent de longues périodes de nuit hivernale et une terre qui ne peut produire grand-chose à manger mais aussi des aurores boréales magiques et de la rhubarbe, de quoi confectionner des confitures réjouissantes et entretenir les liens de bon voisinage. Car il y a aussi de la solidarité dans ce village où vit Agustina, recueillie par la vieille Nina à l’amour indéfectible, pendant que la mère de la jeune fille est absente, occupée à observer les oiseaux dans une jungle tropicale. Autour de Nina et Agustina, il y a aussi Vermundur, toujours prêt à rendre service aux dames, et le jeune Salomon au regard singulier.

Nous suivons l’originale Agustina pendant environ une année, dans sa tour où elle cultive son haut potentiel pour les mots et les nombres, dans le champ de rhubarbe d’où elle observe la Montagne qu’elle veut escalader avec ses béquilles, dans le garage où elle révèle sa voix singulière. Oui, elle est originale, Agustina, et j’ai pris plaisir à cueillir avec elle les petits bonheurs simples du quotidien malgré une nature et une condition physique parfois hostiles.

Plein de citations sur Babelio.

Audur Ava OLAFSDOTTIR, Le rouge vif de la rhubarbe, traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma, 2016

Un Zulma par mois

Petit Bac 2021 – Couleur 3

Comme tous les après-midi

30 dimanche Mai 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots d'Asie

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nouvelles, Zoyâ Pirzâd, Zulma

Quatrième de couverture :

Alieh, Rowshanak ou Raeheleh sont souvent à leur fenêtre. Entre le riz pilaf aux lentilles et les pétunias, le voile et une paire de bas, le mari, les enfants, les aïeuls ou les voisines, elles guettent ce qui va venir conforter ou bousculer leurs habitudes.

Au fil des saisons et des générations, avec un art précieux du détail, Comme tous les après-midi forme en dix-huit courts tableaux un kaléidoscope de prodiges minuscules.

Dix-huit petites histoires de deux à cinq-six pages chacune constituent ce recueil de Zoyâ Pirzâd, Chacune est comme un instantané pris en regardant par la fenêtre vers l’extérieur ou en observant la rue, un carrefour ou encore en goûtant le confort de l’intérieur. Beaucoup mettent en scène des femmes iraniennes, quelques-unes des hommes. Dans plusieurs nouvelles, l’observation de l’extérieur est une ouverture tant physique que figurée, une aspiration vers ailleurs, autre chose, dans d’autres c’est l’occasion de ressentir le temps qui passe, de la jeunesse à la vieillesse, du mariage au veuvage, de la vigueur à la retraite. De petits aperçus de vie tout en finesse, où la nourriture a une grande place et qui nous donnent une idée de la condition féminine en Iran. Un joli petit livre, comme un kaléidoscope.

« Je me dis chaque jour :  » Aujourd’hui, je vais écrire une histoire. » Mais le soir, après la vaisselle du dîner, je me mets à bailler et je me dis: » Demain, je l’écris demain, absolument. (…) Demain, après avoir préparé le déjeuner, avant que les enfants ne rentrent de l’école et mon mari du bureau, j’aurai tout le temps. (…) Demain il faut que je me souvienne que… » (p. 9-11)

« Je ne connais pas la voisine d’en face bien que de ma fenêtre je l’aperçoive chaque jour dans sa cuisine ou dans sa cour. Tous les matins, elle y porte son linge pour l’étendre sur une corde tendue entre deux vieux platanes. Puis, elle retourne à sa cuisine où elle prépare le déjeuner. Moi aussi, au même moment, je suis en train de faire le déjeuner. Je fais exactement les mêmes choses au même moment. Seules une ruelle étroite et une petite cour séparent nos activités identiques. » (p. 15)

Zoyâ PIRZAD, Comme tous les après-midi, traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ, Zulma, 2015

Un Zulma par mois

Mai en nouvelles avec The flying Electra et Hop sous la couette

Belle merveille

23 mardi Mar 2021

Posted by anne7500 in Des Mots d'Amérique centrale

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Haïti, James Noël, Zulma

Présentation de l’éditeur :

12 janvier 2010, jour fatidique du séisme ravageur. Un survivant ténu – autoproclamé Bernard – rencontre Amore, Napolitaine œuvrant comme bénévole dans une ONG. Le coup de foudre sonne comme un regain. Pour sortir du grand chaos de la ville soliloque et disloquée, et aider Bernard à se délivrer de son effondrement, Amore, belle tigresse de Frangipane, lui propose un voyage à Rome.

À bord d’Ici-Bas Airlines, Bernard décolle, les yeux fermés. Une étrange mappemonde, entre autres belles merveilles – comme on dit l’extraordinaire dans le parler en Haïti –, se dessine dans la pensée de celui qui rêve de retourner au pays en héros…
Belle merveille est un roman flash. Qui nous dit, avec un humour et une causticité débridés, l’amour, le sexe salutaire, la confusion, la folie, et puis l’absurdité de l’aide internationale quand elle tire à elle la couverture des désastres. Écrit dans une langue syncopée, magnifiquement inventive, Belle merveille est un premier roman qui porte si bien son nom.

Pour cette deuxième étape en Francophonie et pour honorer mon contrat personnel « Un Zulma par mois » (sauf en avril), j’ai sorti de ma pile ce roman haïtien dont j’avais entendu parler par l’auteur lors du dernier Festival America en 2018. Las, il me faut admettre que la littérature haïtienne et moi ne faisons pas bon ménage, du moins jusqu’à présent : j’ai bien apprécié en son temps Les Immortelles de Makenzy Orcel mais j’ai dû m’y reprendre à deux fois et j’ai tout oublié de cette lecture ; j’ai abandonné Je suis un écrivain japonais de Dany Laferrière (peut-être pas le meilleur choix pour découvrir l’auteur, je retenterai avec un autre titre). Quant à Belle merveille… je l’ai abandonné à la moitié, je comptais bien ne jamais y revenir, puis j’ai lu autre chose et j’ai fini par le terminer, un peu en diagonale, je l’avoue.

Comme dans Les Immortelles, le contexte est celui du séisme qui a ravagé Haïti en 2010. Un survivant qui se fait appeler Bernard rencontre une travailleuse humanitaire, Amore et parle de façon totalement décousue de la catastrophe, de ses conséquences et notamment de l’aide humanitaire et de ses dérives (chacun voulant se tailler la part du « gâteau »). La quatrième de couverture nous explique qu’Amore emmène Bernard à Rome, mais est-ce un voyage réel ou imaginaire ? Je n’ai pas compris… Comme je l’ai dit, le récit – quoique j’ai eu vraiment du mal à saisir un fil, une trame – est éclaté et je ne suis pas parvenue à y trouver un sens, une direction : peut-être fallait-il simplement me laisser porter par certaines réflexions bien senties, par la langue rythmée de sons et de mots qui se répondent, par le « pap pap pap papillon » qui revient régulièrement ? La langue a beau être belle, le ton a beau être d’un cynisme désabusé et interpellant, si l’histoire n’y est pas… en tout cas, cela reste nébuleux pour moi. Je vous mets quand même quelques extraits notés, pour que vous puissiez vous faire une idée.

« Selon l’évangile des gens de lettres (ces gens qui lisent le cœur penché afin de parler en italique), la mort d’un homme c’est la mort de tous les hommes. Je ne suis pas calé en maths, mais si la mort d’un seul homme peut rendre si lyriques les amateurs de belles oraisons funèbres, que dire alors de la mort de trois cent mille âmes. » (p. 17)

« Le cœur de la ville est cassé, mais ne s’est pas arrêté de battre. Cassé dans les pierres, cassé dans les briques, cassé dans les plafonds, cassé dans les murs. La ville a le cœur cassé. C’est la première fois que la ville a fait une expérience si crue et si cruel, l’expérience de la mort brute, l’expérience d’une mort coulée dans le béton.

D’un quartier à l’autre se promènent des morts-vivants, des morts pas complètement morts, disons des corps sans âme, des présences tellement désarmées qu’elles se dirigent à pied vers les fosses communes creusées par les plus courageux d’entre nous. Partout, on peut voir marcher des corps qui promènent leur âme en pleine rue comme des ombres flottantes, des présences brumeuses, des êtres-là aux yeux vitreux, marchant de profil comme s’ils flanchaient au Moyen-Âge. Des êtres-là qui marchent de profil, par pudeur, la face couverte de poussière. » (p. 31)

« La misère n’est pas noire au pays de l’empereur, non, elle n’est pas noire, elle est goudron. Dire noir, ce serait mal connaitre les nuances du soir et de la nuit. La misère est goudron par ici, elle te fait éternuer, elle te colle à la peau pour te ronger comme un produit moderne, une arme chimique. Ici la misère court pieds nus, chemise débraillée dans les quartiers populaires, elle prend racine au fond des nombrils, vit dedans et prospère comme un ténia dans les pays en dehors et les sections communales. » (p. 99)

« Comment une aile de papillon peut-elle provoquer un tremblement de terre au Chili, tandis qu’un autre papillon muni d’une paire d’ailes et d’une puissance de vent n’arrive pas à endiguer une onde de choc en plein péril en la demeure ?
Comment un papillon frêle peut-il d’un seul coup d’aile provoquer un séisme dans un pays qui a déjà donné deux prix Nobel de littérature, sans oublier plusieurs de ses petites Copa America ? Un papillon des astres a naturellement pour devoir d’annoncer ce malheur à son collègue, ce malheur beaucoup trop grand pour l’âge d’un homme, beaucoup trop grand pour un seul peuple. Moi, papa, je ne connais pas l’âge du vent, pas plus que je ne connais l’âge impair des loas. » (p. 122-123)

James NOEL, Belle merveille, Zulma, 2017

Semaine Francophonie avec Marilyne qui vous parle du dernier roman d’Andreï Makine, L’ami arménien.

Un Zulma par mois

Challenge Petit Bac 2021 – Aliment (une merveille est un beignet du Sud-Ouest.)

La maîtresse de Carlos Gardel

23 mardi Fév 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots d'Amérique centrale

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Mayra Santos-Febres, Porto Rico, Zulma

Présentation de l’éditeur :

Micaela n’a rien oublié de ces quelques jours avec lui. Elle se revoit jeune fille, élève infirmière silencieuse et appliquée, nourrissant patiemment son rêve d’entrer à l’École de médecine tropicale. Elle se revoit aux côtés de sa chère Mano Santa, sa grand-mère meilleure qu’une mère, la plus grande guérisseuse de l’île. Elle se revoit, passionnée de botanique, en héritière du secret du cœur-de-vent, ce remède aux vertus exceptionnelles. Elle se revoit dans ses bras à lui.

Lui, c’est Carlos Gardel, l’icône du tango au sommet de sa gloire, qui, le temps d’une tournée – ou d’une chanson – a donné à Micaela le goût de saisir la vie à bras-le-corps. De ces quelques jours grisants comme une fugue enchantée, Mayra Santos-Febres a fait le roman superbe, ensorcelant, d’un grand destin de femme. Où l’on passe des bas quartiers aux hôtels de luxe, où les plantes font vivre ou mourir, où le tango prend corps et voix, où le désir est partout.

Nous sommes en 1935, à Porto Rico, une île pauvre parmi les pauvres des Caraïbes, sous administration américaine. A cette époque, les naissances ne sont évidemment pas contrôlées, les femmes pauvres mettent au monde de nombreux enfants qui finissent le ventre gonflé de vers (comme leurs mères) et les médecins formés aux Etats-Unis voient cette population grouillante comme « un nid de mouches ». De retour de New York, Carlos Gardel, qui mourra bientôt en juin 1935 dans un accident d’avion à Medellin en Colombie, a entrepris une grande tournée en Amérique latine et passe par Porto Rico. C’est là que vivent Micaela Thorné et sa grand-mère Mano Santa, une jeune étudiante infirmière et une guérisseuse, la meilleure de l’île, celle qui connaît le secret du coeur-de-vent, une plante « miraculeuse », mais qui a aussi fait de nombreux sacrifices pour que sa petite-fille fasse des études et sorte de son milieu. C’est à Mano Santa que va faire appel l’entourage de Gardel, incapable de chanter à cause de la syphilis qui le ronge.

Et c’est ainsi que Micaela, qui a accompagné sa grand-mère pour soigner Gardel, va être en quelque sorte réquisitionnée par le chanteur pour l’accompagner dans sa tournée portoricaine. Vingt-sept jours d’évasion, de désir brûlant, pendant lesquels Gardel va raconter sa vie à Micaela et où, surtout, la jeune femme va se demander ce qu’est être une femme à Porto Rico en 1935 : doit-elle répondre à l’exigence de procréer de son milieu pauvre, noir ? Peut-elle s’en affranchir et a-t-elle le droit de faire des études, d’intégrer l’univers de l’Ecole de médecine tropicale et de l’Office d’hygiène maternelle et de salubrité publique ? Comment se situer entre le docteur Romeu, forte de son savoir mais attirée par le savoir des plantes médicinales, et Mano Santa, gardienne du secret du coeur-de-vent ? Toutes ces questions, Micaela se les pose encore au soir de sa vie, quand elle est revenue vivre seule dans la maison de sa grand-mère.

Les pages sensuelles de ce roman rempli de plantes, de soleil et de tango se tournent toutes seules. Je ne sais pas si Carlos Gardel, le « Zorzal Criollo » (la grive chanteuse créole), le « Morocho de l’Abasto » (le brun de l’Abasto, le quartier de Buenos Aires où les tangueros se produisaient), si Gardel donc a vraiment eu la syphilis, en tout cas, après avoir triomphé à Paris et à New York, il a vraiment fait une tournée latino-américaine en 1935, qui devait le ramener en Argentine, pays auquel il était si attaché et qu’il ne reverra jamais. Ce prétexte pour une rencontre entre lui et Micaela donne un roman où deux thématiques, celle du tango et celle du féminin, celle de la tradition et celle de la modernité, se croisent et s’entrecroisent, non sans douleur ni trahison. Mayra Santos-Febres, poète et romancière née à Porto Rico en 1966, est l’image de l’émancipation de ces femmes dont elle conte si bien l’histoire.

« Les musiciens ont achevé d’accorder leurs guitares sur scène. Alors Gardel a chanté.

Miel épais. Densité du muscle. Les ondes de sa voix m’ont enveloppée, comme un bain d’onguents, la caresse d’un baume. Ce n’était pas l’égratignure lointaine qui faisait grésiller les disques sur les gramophones de Campo Alegre. Ce n’était pas non plus la voix radiophonique qui nous obligeait à nous concentrer sur les messages et les mélodies. Cette nuit-là au Paramount, la voix de Gardel était vivante. La réverbération de sa voix était robuste, mais claire, armée de dents et de griffes qui ne cherchaient ni à déchirer ni à dévorer, mais invitaient à poser le pied, tout le corps sur l’air, pour voyager très loin au fond de nous. Elle donnait envie de se laisser emporter jusqu’en ce lieu sombre et protégé, d’où on est sorti il y a des années et dont on se souvient à peine. Et cette voix était aussi le regret qui efface tout chemin dans la mémoire. On doit retourner à cet endroit vrai, à soi. On doit en revenir, brisé, en lambeaux, mais être de retour. Tel était le sens de sa voix. » (p. 98)

« La tristesse est cette note qui s’étire comme un bandonéon. Elle fait grandir l’appel quand la distance se relâche, grandir la voix quand l’objet du désir est loin. C’est de là que viennent ce soupir et cette cassure dans la voix. C’est vers ce lieu-là qu’il faut tendre, faire battre le cœur, pour que la nostalgie atteigne ce qu’on a perdu et le fasse revive dans la poitrine. » (p. 168)

« C’était bien cela, le repos de moi-même s’était achevé. Ces jours de fête avec Gardel m’avaient permis cela. Cesser d’avoir continuellement à me protéger du monde, de ma grand-mère qui ne comprenait pas ce que signifiait être la petite-fille de la plus célèbre sorcière de l’île, de Mercedes et de ses tentatives de se faire de l’argent a détriment de ma grand-mère, de dona Martha et ses grands ambitions médicales, qui dépendaient du secret de ma grand-mère, de l’Ecole où je n’avais pas ma place, où j’étais une fille, certes avec du potentiel, mais pauvre, noire et donc incapable de vraiment s’intégrer dans le monde de la science, de la médecine, et la vérité, du progrès. Entre les draps des hôtels où il fouillait en moi, Gardel m’avait un moment donné des vacances de ce monde, fait oublier qui était Micaela Thorné et qui elle prétendait devenir. » (p. 256-257)

Mayra SANTOS-FEBRES, La Maîtresse de Carlos Gardel, traduit de l’espagnol (Porto Rico) par François-Michel Durazzo, Zulma, 2019

Un Zulma par mois (petit bémol, j’ai tiqué sur la traduction à au moins trois endroits du roman)

Petit Bac 2021 – Prénom

Un mois en Amérique latine avec Ingammnic et Goran (c’est rare de pouvoir lire de la littérature de Porto Rico)

La Géante

30 samedi Jan 2021

Posted by anne7500 in Des Mots au féminin, Des Mots français

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La Géante, Laurence Vilaine, Zulma

Quatrième de couverture :

Noële a toujours vécu au pied de la Géante, la montagne immuable qui impose son rythme, fournit les fagots pour l’hiver, bleuet, bourrache, gentiane pour les tisanes et les onguents. Elle est un peu sorcière, a appris les plantes et la nature sauvage grâce à la Tante qui les a recueillis, elle et son frère Rimbaud qui ne parle pas mais chante avec le petit-duc. Elle sait qu’on ne peut rien attendre du ciel, et n’a plus levé les yeux vers le soleil depuis longtemps. Repliée dans cet endroit loin de tout, elle mène une existence rugueuse comme un pierrier. 

Soudain surgit dans sa vie l’histoire de deux inconnus. Elle découvre par effraction ce que peut être le désir, le manque, l’amour qui porte ou qui encombre. Elle s’ouvre au pouvoir des mots.

La Géante, c’est une montagne que Laurence Vilaine nous invite à découvrir, à parcourir, de sentier en sentier à travers la forêt ou sur les pentes escarpées, une mère montagne secourable où on peut trouver les fagots de bois, les fruits sauvages et les herbes qui vous nourriront, vous chaufferont, vous guériront, mais aussi une montagne qui peut se montrer rude et peu accueillante si vous ne connaissez pas ses secrets. Une montagne au nom féminin où vont se croiser deux femmes : Noële (oui, avec un seul L), qui y est arrivée enfant, qui y vit depuis longtemps, qui connaît presque tous ses coins et recoins grâce à l’initiation de la Tante, une femme dont l’existence est marquée par l’exil, la mort, l’âpre réalité de cette existence en altitude ; Carmen, « la femme qui monte », l’étrangère, l’inconnue qui vient frapper de ses poings et de pioche le sol glacé du village de Noële. Un lien inconnu de Carmen unit les deux femmes : les lettres que Carmen n’a cessé d’envoyer à Maxim, un journaliste venu se réfugier dans la Maison Froide, en face de chez Noële. Lui qui aime tant les mots, les lettres, lus, écrits, a éveillé quelque chose chez celle qui parle très peu.

Laurence Vilaine, que je découvre enfin avec La Géante, nous conte cette histoire avec poésie et simplicité, avec pureté, oserais-je dire, rien que de nécessaire pour entrer avec délicatesse dans la vie de Noële, dans la nuit de Maxim, dans l’attente de Carmen et dans la douceur de Rimbaud. Un caillou, une fleur têtue, un fagot de bois, un peu d’eau fraîche, vous n’aurez besoin que de l’essentiel pour apprécier ce petit bijou littéraire.

« Jamais la Géante n’a connu de cri de la sorte, jamais dans ses gorges, dans ses bois, dans ses grottes, jamais de ses milliards d’années d’existence ou bien ce cri peut-être venait-il de là, de ces milliards d’années-là jusqu’à cet instant, un long cri de guerre, celui-là même peut-être qui fait trembler les entrailles de la Terre, se dresser les montagnes et rugir les océans – le cri des hommes contre la mort. »

« Ça sent la terre profonde dans le bois, j’ai pensé aux bêtes sauvages, et aux femmes et aux hommes qui un jour sûrement sont passés là, des années, des siècles avant moi, je me suis dit que le bois n’avait pas voulu d’eux, ni de leurs ponts, ni de leurs chapelles, que la nature est plus forte que les humains qui passent leur vie à chercher leur place. »

« Je ne sais pas le cœur qui s’affole quand il espère ou combien le désespoir le resserre, je n’ai jamais perdu l’appétit à cause de la joie ou de la tristesse, je mange parce que la pendule dit que c’est l’heure, j’obéis à des aiguilles qui me rappellent le coucher et au jour qui, par la fente des volets, me somme de me lever. Quand mes jambes flageolent, c’est à cause des kilomètres et de la fatigue, mais jamais elles n’ont tremblé d’impatience ou de plaisir. Elles ne savent pas ce qu’est courir vers le bonheur, elles ignorent même ce qu’est l’attendre – ce sont les lettres, soir après soir, qui m’ont appris la voix qui tremble. »

Laurence VILAINE, La Géante, Zulma, 2020

Un Zulma par mois

Défi Un hiver au chalet, catégorie Promenade en raquettes (un roman où la nature tient une grande place)

Le Berger de l’Avent

21 lundi Déc 2020

Posted by anne7500 in Des Mots islandais

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Avent, Gunnar Gunnarson, Zulma

Quatrième de couverture :

Comme chaque année début décembre, Benedikt se met en chemin avec ses deux fidèles compagnons, son chien Leó et son bélier Roc, avant que l’hiver ne s’abatte pour de bon sur les terres d’Islande. Ce qui compte avant tout pour ces trois arpenteurs au cœur simple, ce sont les moutons égarés qu’il faut ramener au bercail.
Ils avancent, toujours plus loin, de refuge en abri de fortune, dans ce royaume de neige où la terre et le ciel se confondent, avec pour seuls guides quelques rochers et les étoiles. En égaux ils partagent la couche et les vivres. Mais cette année, le blizzard furieux les prend en embuscade…

Comme tous les premiers dimanches de l’Avent, Benedikt se met en route avec le joyeux chien Leo et le paisible bélier Roc, le bien nommé. Cela fait vingt-sept ans que Benedikt part à la recherche des moutons égarés sur les hautes terres d’Islande, et lui-même a deux fois vingt-sept ans, tout un symbole. Symbole, au sens de « quelque chose qui relie, qui rassemble » tout comme cette amitié qui relie l’homme et ses animaux, qu’il considère comme ses égaux, comme ce souci de ramener les moutons perdus dans leurs troupeaux. Rien, à chaque fois, ne se passe jamais comme prévu, mais cette année, le goût pour la solitude de Benedikt est mis à rude épreuve par des fermiers qui l’accompagnent pendant un temps et son expédition enfin solitaire est soumise aux rigueurs d’un blizzard particulièrement fort. L’homme va devoir puiser dans ses ressources intérieures, sa connaissance de la montagne, ses refuges solides et la fidélité de ses animaux pour pouvoir revenir dans sa ferme.

C’est un tout petit texte (69 pages) paru en 1936, d’une grande richesse, empreint de simplicité, de dépouillement consenti, témoin d’une unité possible entre l’homme et la nature. La traduction participe au calme souverain qui émane de ces pages. A lire et à relire pour en goûter toute la beauté.

« Comme née de toute cette blancheur, sur laquelle se dessinaient les cercles noirs des cratères, et des piliers de lave grise comme des fantômes ça et là, une bénédiction semblait baigner ce dimanche dans les montagnes, étreignant presque le cœur; un grand calme solennel, aussi blanc que l’innocence, se levait des petites fermes éparpillées au loin, en contrebas, dont le feu des cheminées s’évanouissait dans une poussière de neige -une paix inconcevable, pleine d’une promesse insoupçonnée – l’Avent, l’Avent ! »

« Depuis des années, tous les trois étaient inséparables. Et cette connaissance profonde qui ne s’établit qu’entre espèces éloignées, ils l’avaient acquise les uns des autres. Jamais ils ne se portaient ombrage. Aucune envie, aucun désir ne venait s’immiscer entre eux. »

« Chaque homme vit sa vie de façon différente. Les uns parlent sans discontinuer. Les autres sont familiers du silence. Certains ont besoin d’être entourés d’autres hommes pour se sentir bien. D’autres ne sont eux-mêmes qu’en se retrouvant seuls, au moins de temps en temps. Benedikt n’était pas ennemi du genre humain. Mais il l’évitait pendant ses randonnées de l’Avent. Quand il était dans la montagne, il en faisait partie, d’une certaine façon. »

« Des rafales de vent, surgies de la nuit sombre, se précipitaient sur eux en tourbillons menaçants. Les gens qui marchent dans la nuit sont étrangement perdus l’un pour l’autre. Mais dans la montagne, le sentiment d’isolement prend un tour différent. Tant qu’on entend d’autres voix que la sienne, tant qu’on sent, près de soi, une respiration, le vide profond de l’univers, au ciel et sur la terre, ne vous étreint pas tout à fait de ce froid glacial, à la racine des cheveux. »

« Quand un homme se trouve dehors, par une telle nuit, loin de toute présence humaine, à des lieues de tout abri, entièrement abandonné à son propre jugement, il lui faut garder la tête froide. ne pas offrir la moindre fissure aux esprits de la tempête pas la moindre fente où la peur et l’hésitation puissent s’insinuer. C’est une question de vie et de mort. Du courage et un esprit indomptable. Ignorer le danger. Continuer. C’est aussi simple que ça. Du moins pour un homme comme Benedikt. « 

Gunnar GUNNARSON, Le Berger de l’Avent, traduit de l’islandais par Gérard Lemarquis et Maria S. Gunnarsdottir, Zulma poche, 2019

C’est chez Aifelle que j’avais découvert ce livre avec lequel je commence le défi Un hiver au chalet catégorie La chasse-galerie (conte) et le Cold Winter Challenge menu Magie de Noël catégorie Under the mistletoe (ce n’est pas du tout de la romance ni du feel good mais ça se passe en Avent et ça fait beaucoup de bien !)

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