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Quatrième de couverture :

Texas, 1895. Un propriétaire terrien voit la seule femme qu’il a jamais aimée mourir en mettant au monde leur quatrième fils, Karel. Vaincu par la douleur, l’homme entraîne ses enfants dans une vie austère et brutale. Pour lui, seuls comptent désormais ses chevaux de course montés par Karel, et les paris qu’il lance contre ses voisins pour gagner toujours plus de terres. Mais l’enjeu est tout autre lorsqu’un propriétaire espagnol lui propose un pari insolite qui engage l’avenir des quatre frères. Karel s’élance dans une course décisive, avec pour adversaire une jeune fille qui déjà l’obsède.

D’abord un très rès grand merci à Mimi Pinson, qui a fait voyager ce livre jusqu’à moi, et m’a offert un moment de lecture inoubliable !

Je ne suis pas du tout familière du « nature writing » mais si quelqu’un a un titre aussi puissant que celui-ci à conseiller, qu’il n’hésite pas à laisser un commentaire !!

D’abord il y a ce début bouleversant : une femme qui meurt en mettant au monde son quatrième fils en 1895, son mari, Vaclav Skala, qui accomplit les gestes pour enlever les traces de cet accouchement sanglant, mais qui ne touchera jamais Karel, son dernier-né. Il se raidira dans une intransigeance vis-à-vis de ses fils, qu’il condamne à s’atteler à la charrue à la place des chevaux qu’il vénère, Il y a cette image folle des quatre garçons au cou tordu par le joug, Et celle d’un homme, Villasenor, encore plus étranger que ces descendants de colons tchèques, qui apparaît un jour avec ses filles au bord du champ des Skala.

Il y a ces images grandioses de courses de chevaux et de nature rude. Pendant ma lecture, j’avais presque l’impression d’assister à un opéra ou du moins une grande fresque symphonique avec ses moments de calme accordé à la nature souveraine et ses montées en tension dramatique, des confrontations entre chevaux, entre père et fils, entre frères. Jusqu’à la scène finale où tout se dénoue…

C’est un roman profondément viril, marqué par une grande violence, un roman sur les blessures de la vie et l’incommunicabilité entre les êtres (alors que le cheval Whiskey et Karel s’entendent à merveille), un roman sur la paternité, où les femmes jouent cependant un rôle crucial : soit en creux, quand des hommes sont privés de tendresse féminine et maternelle, soit dans le concret de la vie, quand elles prennent leur liberté et réclament une place juste.

La construction entremêle habilement trois époques, 1895, 1910 et 1924, de la naissance de Karel au moment où il devient lui-même père d’un fils. Le style est superbe, la trauction est très soignée, on le sent d’instinct !

Un coup de coeur, évidemment, pour un premier roman somptueux !

« Il sent à cette minute, comme lors de ces nuits où il reste allongé, l’estomac réchauffé par la mixture brûlante, le passé qui se met à s frayer un chemin vers le présent, de telle sorte qu’il n’ignore pas, si déstabilisant que cela puisse être, qu’il y a des moments et des jours qu’il n’oubliera jamais, qu’il ne pourra jamais enfouir sous les mottes de gazon soulevés par les sabots de son cheval, même après des semaines, ds mois et des années empilés sur ces souvenirs. » (p. 108-109)

« Alors ce qui venait tout juste de s’épanouir en lui se recroqueville et jaunit sur les bords, et il comprend soudain, en l’espace de quelques secondes éphémères et éternelles, qu’un homme ne saurait oublier l’immense toile de fond de son passé, et que même l’éblouissante blancheur des champs de coton en été ne peut venir totalement à bout de la croûte stérile et dure de la terre qui s’est formée au fil des hivers. Il arrive presque à mettre des mots dessus, mais c’est une impression fugace, elle a déjà disparu : il ne reste que la certitude mordante qu’l est impossible d’avancer sans sentir la bride sur son cou, que le harnais à l’épreuve des intempéries ne se desserrera jamais, que le poids de tout ce qu’on traîne derrière soi ne peut pas s’alléger. » (p. 252)

A écouter en lisant : La mamma morta, extrait de Andrea Chenier, opéra de Giordano (chanté par la Callas, c’est superbe !)

Bruce MACHART, Le sillage de l’oubli, traduit de l’américain par Marc Anfreville, Gallmeister, 2012

Les avis tout aussi enthousiastes de Keisha, Jostein, Krol, Aifelle ; Clara est un peu plus mitigée

Un premier roman qui se déroule, vous l’avez compris, au Texas.

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