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Les liaisons dangereuses, Milos Forman, Roger Vadim, Stephen Frears
Mina, qui adore le libertinage (en littérature), nous propose un rendez-vous autour des Liaisons dangereuses. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque mais je n’avais hélas pas le temps de relire le roman, que j’ai lu après avoir vu le film de Stephen Frears. Je vous conseille donc d’aller lire d’abord l’excellent billet de La petite marchande de prose, qui propose une interprétation très intéressante du roman de Choderlos de Laclos, et les commentaires ne font qu’ajouter des idées passionnantes.
Pour ma part, je me contenterai de parler des trois versions cinématographiques que je connais, dans l’ordre où je les ai découvertes. Je me sens très malhabile por parler de cinéma, mais je ne pouvais pas louper ce rendez-vous !
Les liaisons dangereuses de Stephen Frears date de 1988. Lui-même adapté de la pièce de Christopher Hampton, le film me semble assez fidèle au roman, sauf dans sa finale où il laisse penser (me semble-t-il) que Valmont tombe vraiment amoureux de madame de Tourvel et qu’il se laisse tuer parce qu’il est dégoûté de lui et des menées perverses auxquelles il s’est adonné avec la Marquise de Merteuil. La fin du film est aussi plus clémente pour cette dernière, qui est juste grillée socialement mais n’est pas atteinte de la petite vérole. J’ai trouvé remarquable la scène d’introduction où l’on voit tour à tour Valmont et Merteuil se faire habiller et préparer par leurs domestiques, lui toujours caché, elle bien visible à l’image de leur conduite et de leur réputation dans le monde. La dernière scène répond à la première en montrant la marquise de retour du théâtre où elle s’est fait violemment huer, se démaquillant seule, le visage à nu. Les costumes, les décors, les musiques donnent une réelle valeur à une magnifique adaptation et au jeu d’acteurs à qui leur rôle va comme un gant : inoubliables John Malkovich et Glenn Close, Michelle Pfeiffer, Uma Thurman et Keanu Reeves ! Valmont est sulfureux à souhait, Merteuil retient fermement ses émotions derrière un masque policé, la présidente de Tourvel est parfaite de délicatesse et de chagrin, Cécile de Volanges une excellente élève libertine et Danceny se fait délicieusement manipuler…
Version signée par Milos Forman, Valmont date de 1989, l’adaptation du roman est de Jean-Claude Carrère. Comme son nom l’indique, le film est centré sur le personnage masculin et beaucoup plus léger que le roman et que le film de Stephen Frears, je dirais même que c’est carrément édulcoré, que la Cécile de ce film me paraît trop jeune et pleurnicharde à mon goût. On a voulu alléger le propos en ajoutant des touches d’humour (par exemple Danceny remballant sa harpe avec moult difficultés) et surtout en adoucissant nettement la fin, que ce soit pour madame de Tourvel ou la marquise. Mais bon… Annette Bening est assez convaincante dans son rôle (sa domestique noire est très originale, même cette « invention » est un peu invraisemblable )et Valmont joué par Colin Firth… ma foi, ce n’est pas déplaisant à regarder ! (Vous me pardonnerez ce commentaire partial, j’en suis sûre…) Bref, une version légère mais pas désagréable, au contraire !
Enfin, j’ai découvert récemment la version de Roger Vadim, Les liaisons dangereuses 1960 qui réunit Jeanne Moreau et Gérard Philippe dans les rôles de Merteuil et Valmont. Ils sont un vrai couple dès le début du film et le restent jusqu’à la fin même s’ils se déchirent et se détruisent comme dans le roman d’origine (la réflexion de Lili dans son billet sur le roman et sur l’impossibilité pour les deux libertins de former un vrai couple m’a immédiatement fait penser à ce choix opéré par Roger Vadim). Cette version, où Jean-Louis Trintignant joue Danceny, Annette Stroyberg madame de Tourvel et Jeanne Valérie Cécile Volanges, est très française et se déroule vraiment dans un cadre des années 1960 : Valmont est un haut fonctionnaire en passe d’obtenir une magnifique promotion à l’ONU (grâce à un ami diplomate joué par… Boris Vian himself), le séjour à la campagne de Laclos se transforme en vacances de Noël à Megève et Juliette Merteuil (eh oui, elle possède ici un prénom et son nom n’est même cité qu’au début du film) Juliette donc va conseiller à Danceny, simplement amateur de musique, de poursuivre ses études dans une grande école française (désolée, j’ai oublié laquelle) plutôt que de courtiser Cécile Volanges. J’ai bien aimé cette version, assez classique dans le sens d’une assez grande fidélité au roman, mais c’était assez amusant de découvrir tous ces détails d’adaptation à la mode 1960. Le « duel » entre Valmont et Danceny fait un peu sourire mais la Merteuil est vraiment marquée physiquement à la fin du film…
Je connais aussi une version télévisée avec Rupert Everett et Catherine Deneuve dans les rôles de Valmont et Merteuil, mais je ne l’ai pas retrouvée à la médiathèque et ne l’ai plus bien en mémoire…
J’espère que ce petit billet vous donnera envie de vous re)plonger dans cette oeuvre si attirante de la littérature libertine !
Mon cœur ne sait que choisir ! je n’ai pas vu la version avec Colin… je verrai si je peux trouver le dvd. Je l’ai lu il y a longtemps.
Si tu aimes Colin, c’est une lacune 😉
Merci pour ce bel article (et pour la précision entre parenthèses à la première ligne, je tiens à garder une réputation de demoiselle respectable, tout comme celle dont j’ai adopté le nom ;))
J’aime beaucoup le début et le final du film de Frears, où la musique apporte beaucoup comme tu l’as souligné, mais n’avais jamais fait le rapprochement entre le caché/visible et l’attitude des personnages. J’y verrais peut-être plutôt une contradiction d’ailleurs : si Valmont peut s’afficher en tant que libertin et être valorisé pour cette raison, la Marquise doit se cacher de ce point de vue et apparaître sous des dehors respectables. Par contre, il est vrai que le spectateur voit la Marquise sous ses deux visages, dans l’intro et par la suite : telle qu’elle se fait passer en société et telle qu’elle est en privé, tandis que Valmont n’apparaît qu’en tant que libertin. Il laisse bien paraître quelques faiblesses au cours de l’intrigue, mais garde le secret de son intériorité dans le roman de Laclos et le révèle par son suicide dans le film (son apparition sans perruque chez la Marquise serait un signe de ce dévoilement de lui-même qui s’opère). (Je m’emporte à nouveau, désolée…)
Je suis assez curieuse de « Valmont », même s’il n’est pas mon personnage préféré et que j’ai du mal à y associer l’image de Colin Firth (je n’ai rien contre l’acteur, mais si je dois avoir une image du personnage, c’est plutôt John Malkovitch qui me vient à l’esprit… contrairement à la Marquise qui n’a décidément pas les traits de Glenn Close pour moi). « Les Liaisons dangereuses 1960 » me tente moins parmi ces trois films, sans doute par cette ambiance modernisée…
Je vous en prie, Miss ! Je voyais le visage à découvert comme le symbole de la façade de respectabilité bien visible de la marquise et le visage caché comme le symbole de la rouerie du vicomte, que personne ne peut réellement évaluer. Colin Firth, bien sûr, il est trop droit et trop gentil naturellement pour l’imaginer en Valmont, mais il est dans la ligne de l’adaptation… Gérard Philippe c’est pareil, trop beau, trop Fanfan la Tulipe pour être totalement pervers… 😉
Merci pour ce panorama cinématographique des Liaisons Dangereuses ! J’allais justement faire la même remarque Mina à propos de l’introduction du film de Frears sur le paradoxe de la marquise qui apparait à découvert alors qu’elle passe son temps à ourdir dans l’ombre, contrairement à Valmont. Mais du coup, je ne vais pas m’étendre puisque notre dangereuse organisatrice l’a expliqué parfaitement !
L’adaptation de Vadim me tente bien. Je serais curieuse de voir une version 60’s de ce roman ! A propos de l’impossibilité pour deux libertins d’être un couple, c’est justement toi qui en avais parlé en commentaire de mon billet, rebondissant sur le commentaire précédent de Mina, je crois. Je préfère rendre à César ce qui est à César ! Mais comme c’est une question très intéressant, le film de Vadim pourrait être un bon point de départ pour une réflexion sur le sujet !
Merci, Lili ! Je ne te répète pas non plus ma réponse à Mina. Dans le film de Vadim, le couple est officiel, tout le monde (la grande bourgeoisie de l’époque, belle scène d’ouverture aussi dans une soirée chic chez les Valmont) plaint Juliette, la bonne épouse victime des infidélités de son Valmont de mari, mais en réalité, c’est un couple « libertaire », ils s’autorisent les écarts à condition de toujours s’en parler (voire s’entraider dans la tromperie des amants externes) et bien sûr de ne pas s’attacher à son amant ou à sa maîtresse…
J’ai vu les trois premières versions, peut-être la quatrième jadis, mais je ne m’en souviens plus. J’ai préféré de loin Stephen Frears, qui a su rester dans une cruauté certaine et esthétiquement c’est superbe.
C’est mon préféré aussi…
Je n’ai pas vu la version de Roger Vadim mais beaucoup aimé les autres… Merci de les rappeler à mon bon souvenir … il faudrait que je me plonge dans l’oeuvre d’origine. Bon dimanche !
Il faut lire le roman, c’est passionnant !
J’ai lu deux fois le roman (quelle écriture!) et te signale une adaptation (!) qui se passe en Californie je crois, avec une histoire d’étudiants. La trame reste visible. Bien évidemment je ne me souviens plus du titre. ^_^
Oui, « Sexe intentions » sans doute, Mina en parle sur son blog Bavardages et futilités. Mais je ne me sens pas très attirée… 😉