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Un jour de printemps, Michaï, vieux musicien ambulant rescapé des camps, se retrouve devant la gare de Bobigny. Un campement de Tziganes vient d’en être expulsé pour les commémorations de la déportation. Le vieil homme y rencontre un petit garçon en quête des siens, Nicolaï…
C’est du point de vue de l’enfance que les nouvelles de Vent printanier (nom de code de la rafle du Vel’ d’hiv’) évoquent l’épouvantable connivence de Vichy avec la « solution finale ».
De retour sur les lieux de l’impensable, Hubert Haddad écrit ces histoires vraies de tout leur poids d’imaginaire, vraies des milliers de fois hier à Drancy ou ailleurs, et aujourd’hui comme en filigrane dans les regards effrayés des exclus sur un monde en lente perte d’humanité.
Il me faut l’avouer, je n’ai plus très envie de lire des récits, romans et autres opus sur la seconde guerre mondiale et en particulier sur la déportation des Juifs, j’ai l’impression d’en avoir lu, vu des images, des films, des textes jusqu’à épuisement. Pourtant, quelques titres (que j’ai quand même envie de lire… je sais, je suis bourrée de contradictions) traînent encore dans ma PAL… et j’ai été jusqu’à emprunter ce (tout) petit livre à la bibliothèque. Il faut dire que Marilyne m’a donné envie de découvrir Hubert Haddad et que j’ai bien envie aussi de remplir mon contrat d’au moins trois titres dans le challenge Nouvelles et novelas chez Lune.
Je dois dire que j’ai été charmée par l’écriture d’Hubert Haddad, ou plutôt j’ai admiré ses phrases travaillées, balancées, les images parfois insolites qu’il fait naître, un certain art de l’ellipse et de la suggestion : c’est de cet art évocateur qu’il provoque interrogation et émotion, car le travail très maîtrisé de sa plume peut aussi tenir l’émotion à distance.
Il est surtout question d’enfance dans ces quatre nouvelles, une enfance brisée par la guerre, la séparation, la perte des proches, le deuil impossible, la recherche toujours éperdue des parents perdus. Des fantômes ressurgissent du passé : des enfants d’aujourd’hui vont à la rencontre d’enfants d’hier soudain découverts dans la nudité des faits liés à la rafle du Vel d’Hiv’, des vieillards jamais guéris de leur enfance volée voient renaître de tristes chasses à l’homme jamais éteintes. Les visages se superposent dans l’atelier d’un vieux photographe, une petite fille à la recherche de son chat se perd dans le passé, un collectionneur de trains miniatures retrouve par hasard le jeune SS qui ne l’a pas dénoncé dans les bois de Mauthausen…
Passé et présent se mêlent dans un fantastique décalé, qui rend d’autant plus vivantes la peur, l’angoisse, la douleur. « Le vieil homme (…) se laissa choir au sol avec le sentiment d’une chute dans le temps. » (p. 44)
Un petit recueil de nouvelles de 62 pages qui se savourent lentement, se lisent et se relisent pour goûter la musique particulière d’Hubert Haddad. Une belle découverte, qui me donne envie de poursuite ma rencontre avec cet auteur !
« Michaï longea à petits pas les grilles et les haies.Adam ou les Abricotiers, étaient des noms de rues qui ne lui évoquaient rien d’autre que cette minute de paix lumineuse, à Drancy. Il savait où sa flânerie allait finalement le conduire, comme chaque année aux beaux jours, mais il voulait goûter aux minutes qui précèdent. Où qu’il allât, il n’aimait rien tant que les instants d’avant, ceux qui peuvent vous sauver. Des grappes de fleurs croulaient par-dessus un muret de pierres ; cette senteur prenait insolemment à la tête. Comment la nature pouvait-elle renaître sans foudroyer chacun de nostalgie ? » (p. 27-28)
Hubert HADDAD, Vent printanier, Zulma, 2010
Marilyne a dit:
Tu vois, je n’avais pas noté celui, pourtant conquise par la plume virtuose et sensible de Hubert Haddad, pour les raisons que tu évoques en introduction de ton billet mais ce que tu écris à propos de ces rencontres d’enfance… alors oui.
anne7500 a dit:
C’est déchirant, ce lien à l’enfance et aux souvenirs perdus, enfuis, volés.
Marilyne a dit:
Celui-CI, désolée.
anne7500 a dit:
Rhoo la grosse faute ! 😉
Gwenaëlle a dit:
Je ne connais pas celui là mais j’ai acheté hier le dernier de l’auteur qui se passe au Japon.
anne7500 a dit:
Le peintre d’éventail, c’est ça ? Peut-être qu’il signera une de tes apparitions sur la blogo ? J’aimerais bien 😉
Anis a dit:
C’est une très belle et fine plume …
anne7500 a dit:
Quel titre me conseillerais-tu ?
kathel2 a dit:
J’ai aussi très envie de découvrir cet auteur… Son dernier me tente !
anne7500 a dit:
J’ai déjà craqué pour le dernier… et il y a un livre de haikus assortis !! Argh.
jerome a dit:
La petite musique d’Hubert Haddad m’enchante depuis des années. D’ailleurs je viens de publier mon billet sur son dernier roman^^
anne7500 a dit:
Aaaah je suis curieuse !!
Chaplum (@chaplum) a dit:
J’ai aussi beaucoup lu sur le sujet et j’ai mes périodes. Et pour le moment, je ne suis pas dans une période 😉
anne7500 a dit:
Je ne suis pas encore lassée de la guerre 14-18 par contre 🙂
Philisine Cave a dit:
Ah Zulma (aux premières de couverture géniales), ah des nouvelles (fraîches) … soupirs.
anne7500 a dit:
Ben alors, un p’tit coup de mou ??
Asphodèle a dit:
Pour quelqu’un qui n’avait pas envie, tu nous fait un billet magnifique (comme souvent^^). Je note donc cet auteur que je n’ai pas encore lu, j’aime beaucoup la dernière phrase de l’extrait, elle va me trotter dans mon sommeil…
anne7500 a dit:
Chic, je t’ai encore tentée…
Rose a dit:
Ah, j’ai enfin retrouvé le chemin de ton blog ! Je lis actuellement sur tes conseils »La femme qui court » de Jennifer Johnston. J’ai bien envie de découvrir Hubert Haddad mais ce titre ne me tente pas, un sujet trop lourd que je préfère laisser de côté pour l’instant… Aurais-tu un autre titre à me proposer ? Je suis allée lire la critique de Jérôme sur son dernier qui se passe au Japon et … ça m’a pas l’air bien gai non plus. Bon, sinon je continue ma cure de « petite-maison-dans-la-prairie » j’ai peut-être besoin de ça en ce moment !
anne7500 a dit:
Bienvenue ici, Rose ! J’ai même réussi à te repêcher dans les indésirables, m’enfin pourquoi t’avait-on envoyée là-bas ??) Il te plaît, le Johnston ? Pour Haddad, je suis mauvaise conseillère, je n’ai encore rien lu et je n’ai que Le peintre d’éventail en magasin…
alexmotamots a dit:
Je suis comme toi en ce moment, je sature un peu de la seconde guerre. Mais ce que tu dis de ce recueil pourrait me plaire.
anne7500 a dit:
Si tu as envie de le découvrir… et si tu ne connais pas encore cet auteur…
Sharon a dit:
Merci pour cette présentation. J’ai plusieurs livres d’Hubert Haddad dans ma PAL, je n’en ai toujours pas lu un seul.
anne7500 a dit:
Je ne suis pas la seule intéressée 😉
Nadège a dit:
Après ton billet, peut-être un jour donnerai une seconde chance à cet auteur. Je n’ai lu qu’un livre de lui, que je n’ai pas réussi à terminer (pourtant, j’ai essayé de persévérer) et moi qui ne me débarrasse jamais de mes livres, celui-là je n’hésiterai pas à l’expulser de ma bibliothèque (j’ai commencé une pile de livres à relâcher dans la nature).