Étiquettes
Présentation de l’éditeur :
Octobre 1936. À l’occasion du décès de son père, dont elle vient d’accompagner la fin, une femme évoque de douloureux souvenirs, vieux de plus de vingt ans. Une affaire terrible et secrète, un fardeau dont elle peut enfin s’alléger, puisque tous ses protagonistes ont disparu.
Janvier 1914. À Guise, dans l’Aisne, la police retrouve le corps d’un ouvrier fondeur assassiné. Puis, quinze jours plus tard, celui d’une veuve, dont tout indique qu’elle a été victime du même assassin. L’enquête d’un journaliste de L’Humanité spécialisé dans les faits divers va être l’occasion de découvrir le contexte fascinant de ces morts violentes : le « familistère », communauté ouvrière fondée par un patron « social » et visionnaire – une expérience de socialisme réel qui aurait anticipé de plusieurs décennies l’émergence du collectivisme soviétique…
Je connaissais cette BD de nom pour l’avoir vue dans la boutique du Familistère de Guise, que j’ai visité il y a un peu plus de deux ans. Je n’ai pas hésité quand je l’ai trouvée à la bibliothèque.
C’est bien le Familistère qui est le véritable héros de cette BD à l’ambiance assez sombre, par sa narration en flash-back suite au décès du père d’Ada, par le climat politique en arrière-plan de l’intrigue principale (la guerre de 14-18 est toute proche) et bien sûr par le genre choisi, le polar.
La série de meurtres qui perturbe le calme et l’organisation bien huilée du lieu permet de parler de l’origine de ce « palais social » : l’utopie (inspirée par Proudhon et Fourier) de Jean-Baptiste Godin, ouvrier devenu patron d’usine, qui ne se contenta pas d’engranger les bénéfices mais voulut les partager avec ses ouvriers et leur offrir un cadre de vie qui leur donne en nature les richesses liées au travail : un logement sain, l’accès à l’éducation, aux loisirs, la gestion communautaire des lieux et de la vie. Godin lui-même vivait au Familistère, construit de 1859 à 1879, parmi les ouvriers. L’utopie a « vécu » une centaine d’années puisque les derniers habitants ont quitté les lieux dans les années 1960. Une des ailes d’habitation ainsi que les magasins, le lavoir, le théâtre ont déjà été restaurés et se visitent tandis que l’autre aile est en cours de travaux pour redevenir un habitat social.
La BD rend bien compte de ce lieu de vie unique en son genre, qui certes procure aux ouvriers qui y habitent et y coopèrent un statut bien plus enviable que celui de leurs semblables à l’époque mais risque aussi d’entraîner une série de dérives communautaires bien réelles. On se promène avec Ada, habitante des lieux et Victor Leblanc, journaliste à L’Humanité, des caves aux greniers du Familistère, des jardins au théâtre en passant par les appartements spacieux, chauffés, aérés, qui ouvrent sur un espace commun couvert par une magnifique verrière (j’avais choisi cette vue pour le logo de Voisins Voisines en 2012 et 2013).
J’ai vraiment beaucoup aimé l’ambiance de cet album, le rendu précis et réaliste, si bien documenté, les gammes de couleurs qui traduisent bien le froid de l’hiver, l’esprit des lieux, j’ai moins apprécié le traitement un peu trop caricatural à mon goût des visages, mais qui correspond aussi au style Belle Epoque, me semble-t-il. Quant à l’intrigue policière, même si elle passe un peu au second plan (mais c’est une opinion toute personnelle, j’étais tellement contente de retrouver le Familistère que c’était lui qui éclatait à chaque planche), elle est bien menée et recèle quelques surprises macabres… Elle se termine sur une note dramatique avec le début de la guerre de 14, où les soldats français croient encore pouvoir stopper l’avancée des Allemands.
Régis HAUTIERE (scénario)et David FRANCOIS (dessin et couleurs), De briques et de sang, Casterman, 2010
(catégorie Matière)
cristie a dit:
Je suis très tentée !
anne7500 a dit:
J’ai beaucoup aimé ! A part les visages et les expressions qui me surprenaient toujours un peu…
lilamango a dit:
C’est très intéressant ce que tu dis sur le familistère lui-même; J’en ai visité un plus ou moins semblable au centre de la Bretagne (je ne sais plus le nom). C’était impressionnant mais les logements m’ont semblé encore très étroits. .
(Je reviendrai lire tes derniers billets avec plus de temps. C’est fou le retard que j’ai et pourtant ce mois belge m’intéresse si du moins je trouve facilement les auteurs, bref, je vais repasser…)
anne7500 a dit:
J’ai visité l’appartement témoin, il y avait au moins deux belles pièces par famille, et plus (double appartement) si la famille était très nombreuse. Bienvenue dans le mois belge si tu trouves les auteurs recherchés !
kathel2 a dit:
Il faut que je la lise à cause du Familistère ça me plairait vraiment ! (je l’ai notée depuis belle lurette, d’ailleurs !)
anne7500 a dit:
Elle en vaut vraiment la peine !
noukette a dit:
Je garde un excellent souvenir de cet album !
anne7500 a dit:
Moi aussi, il m’a beaucoup plu !
Elodie a dit:
Je ne connais pas la notion de familistère et je pense que cette BD est un bon moyen de le découvrir
anne7500 a dit:
Le Familistère Godin s’inspire des phalanstères de Charles Fourier mais je ne sais pas où ils étaient situés.
jerome a dit:
J’adore. Et puis c’est en Picardie, le plat pays qui est le mien 😉
anne7500 a dit:
Eh oui, la brique typique du Nord y est omniprésente 😉
Yvan a dit:
J’ai également beaucoup aime cet album…
anne7500 a dit:
Je retrouverai avec plaisir les auteurs si l’occasion se présente !
evalire a dit:
je suis très intéressée par ce familistère je pars à la recherche de cette bd à la bibliothèque
anne7500 a dit:
Et si jamais tu peux le visiter en vrai, c’est très beau !
ta d loi du cine a dit:
Bonjour
Dasola et moi avons visité le Familistère ce WE (à quelque 200 km de Paris…), et acheté cette BD; et aussi un DVD de témoignages d’anciens « Familistériens » et ouvriers de l’usine Godin (puisque les 2 étaient intimement liés).
Si l’usine Godin a été revendue par la société qui en était propriétaire en 1968 (et qui appartenait à certains de ceux qui y travaillaient tout en vivant au Familistère), certains des habitants du Familistère ont ensuite racheté l’appartement où ils vivaient (et ont donc continué à y habiter pendant parfois des décennies).
Dans la BD que j’ai déjà terminée, j’ai trouvé que le visage « pointu » de l’héroïne détonne un peu au milieu des visages « carrés » qui l’entourent? C’est vrai que, apparemment, les habitants du « tas de brique » semblent avoir eu un un peu trop tendance à vivre « entre eux » au fil des années. Mais, dans l’intrigue de la BD, il y a quand même pas mal la faute à « pas de chance »…
Enfin, je lis dans un commentaire au-dessus qu’il est question d’un « mois belge » (?): occasion en tout cas de signaler (fier de ma science toute neuve!) que Godin avait aussi construit (en dernier) un Familistère à Laeken (Belgique), pour les ouvriers de son établissement local…
anne7500 a dit:
C’est une belle visite, n’est-ce pas ! Merci pour toutes ces précisions historiques que je n’avais plus bien en mémoire quand j’ai rédigé mon billet.
Le mois belge, c’est un mois de lecture entièrement consacré aux auteurs belges (et éditeurs aussi), on peut y participer un jour, deux jours, trente… autant d fois qu’on veut. Et je ne savais pas qu’il y avait un familistère à Laeken, c’est la région de Bruxelles, là où se trouve le « château de Laeken » qui est la résidence « privée » du couple royal. Amusant comme contraste !
somaja1 a dit:
Elle m’a lair sacrément bien cette BD – je ne connais aucun des deux auteurs, ce serait l’occasion de découvrir leur univers. Mais surtout, je me rends compte que je ne connais rien aux familistères. Je note, hstoire de me cultiver un peu !
anne7500 a dit:
Ca devrait te plaire, motoiée comme tu es !