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Présentation de l’éditeur :
« Il y a peu de femmes que, de tête au moins, je n’aie déshabillées jusqu’au talon. J’ai travaillé la chair en artiste et je la connais. Quant à l’amour, ç’a été le grand sujet de réflexion de toute ma vie. Ce que je n’ai pas donné à l’art pur, au métier en soi, a été là et le cœur que j’étudiais c’était le mien. » Flaubert défend ainsi son œuvre dans une lettre à sa maîtresse, Louise Collet. L’amour si quotidien de Charles Bovary, les passions tumultueuses de sa femme Emma étaient décrites avec tant de réalisme que l’auteur et l’imprimeur furent traînés en justice pour offense publique à la morale et à la religion. On les acquitta. Flaubert n’avait peint que la réalité, les moisissures de l’âme. Une femme, mal mariée, dans une petite ville normande, rêve d’amour et le trouve.
C’est la couverture de mon vieil exemplaire, qui date de 1980 sans doute, l’année où, en 5è secondaire (l’équivalent de la 1è française), j’ai dû lire ce roman. La 5è était l’année où on étudiait particulièrement le 19è siècle en cours de français. Nous avons donc dû lire La Chartreuse de Parme de Stendhal (premier abandon de ma vie au bout de 50 pages seulement, je m’en souviens encore – ennui mortel, incompréhension totale de Stendhal), Madame Bovary de Flaubert (lu à l’époque sans rechigner, les notes au crayon – très naïves – qui parsèment le livre en témoignent) et L’Assommoir de Zola (beaucoup plus aimé que les deux autres, et j’ai continué à fréquenter Zola avec plaisir). Depuis cette (lointaine) époque, je me suis toujours dit qu’il me fallait relire Madame Bovary, que je n’avais pas tout compris de ce roman et de sa place dans l’oeuvre de Flaubert. Aussi j’ai saisi l’occasion de le faire avec la LC proposée par le challenge « 2023 sera classique » chez Blandine Vivrelivre.
Comment s’est passée cette relecture ? Pour être honnête, j’ai été accrochée par le début du roman, par la précision des descriptions, par l’installation du cadre et des personnages. Puis, entre les pages 80 et 200 environ, je me suis ennuyée au moins autant qu’Emma Bovary… j’ai lu des pages en diagonale, les descriptions me pesaient et j’ai franchement pensé abandonner. En même temps, au fur et à mesure, je me souvenais de ce qui allait arriver, comme l’opération désastreuse du valet d’écurie ou la célèbre scène du tour de Rouen en fiacre (curieusement ces scènes étaient beaucoup plus longues dans mon souvenir et on peut franchement tirer son chapeau à Flaubert pour l’érotisme contenu dans le fiacre). Je me suis donc accrochée et mon intérêt est revenu dans les 150-200 dernières pages.
Que retenir donc de cette relecture ? Les personnages sont tous odieux, à part peut-être le père d’Emma, qui reste honnête, simple et égal à lui-même jusqu’au bout. On a envie (j’ai envie) de frapper Charles tant il est « bête » (Emma, sur ce point, tu gagnes… un point) – Flaubert n’épargne pas le mari trompé. Les amants ne sont pas particulièrement sympathiques, sauf Léon peut-être dans la première partie de sa liaison avec Emma. Rodolphe est un roublard mais il a peut-être raison de lâcher l’affaire (pardon de le dire platement). Quant à l’héroïne qui donne son nom au roman, on a envie (j’ai envie) de la fouetter avec des figues molles jusqu’à ce que raison s’ensuive. On ne peut pas dire qu’elle soit féministe avant l’heure (réflexion gratuite de ma part, on ne parlait pas encore de cela à l’époque) ; aucun problème à ce qu’elle prenne des amants mais elle est tellement évaporée, elle a les pieds tellement loin du sol, elle ne voit pas ce qu’elle a vraiment et elle rêve de qui n’existe pas, elle en néglige sa petite fille qui ne lui sert que de faire-valoir, en un mot elle p… plus haut que son c…, bref elle est assez pathétique et insupportable. Elle en rendrait presque les personnages masculins acceptables. Oui, tous, sauf… Homais, qui est certainement là pour exprimer les idées anticléricales et scientistes de Flaubert et illustrer la force d’inertie de la bourgeoisie de province, Homais, le seul qui ne sort absolument pas meurtri de cette histoire, au contraire, la fin implacable et ramassée le démontre à merveille.
A retenir également, le sens de l’observation, le style, la finesse psychologique de Flaubert (on peut le dire, son génie, même qi au bout du compte, cette héroïne nous ennuie et nous agace au plus haut point) capable de retranscrire les moindres mouvements de la passion, l’évolution intime d’Emma, la vie d’un village normand, l’ascension du pharmacien et j’en passe, comme personne. Bref, un roman agaçant mais intéressant !
Je précise que je n’ai lu aucune analyse du roman (il y avait pourtant une présentation et un appendice (très long) dans mon exemplaire. Ce n’est donc que mon petit avis très lacunaire sur un monument de la littérature française.
De nombreux extraits sur Babelio
Le roman a été publié pour la première fois en 1857.
Gustave FLAUBERT, Madame Bovary, Le Livre de poche, 1972
2023 sera classique chez Blandine Vivrelivre (LC Madame Bovary aujourd’hui)
Le Livre de poche a 70 ans cette année.
keisha41 a dit:
De mémoire, étudié au lycée, et puis relu ensuite, et j’ai plus aimé!!!
anne7500 a dit:
Autant j’ai aimé ma relecture de Thérèse Desqueyroux, autant celle-ci a été fastidieuse. Pas sans intérêt, c’st certain, mais…
Blandine a dit:
C’était ma première lecture et j’en ai le même sentiment que toi! Ta chronique est excellente (tu m’as fait (sou)rire 😉
Merci pour cette LC qui nous a permis d’avoir de riches échanges (aussi avec Nathalie et Isabelle).
A refaire !
anne7500 a dit:
Ton billet est très complet. Je n’ai pas raconté l’histoire, je me suis dit que beaucoup connaissaient. Je serais partante pour lire Rebecca de Daphné du Maurier en juin, mais pas avec une date fixe pour moi, juin est un mois compliqué
Bibliofeel a dit:
Fouetter avec des figues molles… Les pieds loin du sol… Où vas-tu chercher ces belles expressions ? Ah j’ai vraiment aimé ta chronique 😄. Merci pour cette relecture de Flaubert tellement savoureuse et que je partage tout à fait !
anne7500 a dit:
Merci ! Je me suis amusée à écrire ce billet.
dominiqueivredelivres a dit:
je suis en phase relecture donc je relirai Emma Bovary certainement j’aime bien la liberté de ton de ton billet
anne7500 a dit:
On peut flageller un peu les grands classiques, ils le supportent, non ?
coupsdecoeurgeraldine a dit:
J’ai audiolu Mme Bovary il y a quelques années, en détapissant mon séjour. Je ne l’avais jamais lu… Et ne suis pas très armée pour analyser les grands classiques. Mais je me retrouve dans tes lignes, j’ai eu envie de baffer Emma, elle m’a franchement énervée tout à au long du livre. Mais j’ai apprécié l’écriture de Flaubert, son cynisme parfois aussi.
Par contre, en 1ère… Le prof de français avait annoncé qu’on lirait un Stendhal. Comme je suis lente à lire, je me suis mis en avance et j’ai entamé le rouge et le noir… Que j’ai détesté comme tu as détesté sans doute la Chartreuse de Parme. J’ai abandonné le rouge et le noir car à Noël le prof a dit : ce sera la chartreuse de parme !!!! Et celui-là, curieusement, je l’ai adoré !
anne7500 a dit:
Haha ! J’ai lu La Chartreuse de Parme à l’école donc, et plus tard Le Rouge et le Noir, en me disant que ça irait mieux. Tu parles ! Jene comprends rien à Stendhal 😉
kathel a dit:
Je me souviens bien de l’incipit du roman, beaucoup moins du reste, tu évoques des scènes que j’ai oubliées.
Ton avis pétillant me donnerait envie de le relire si je n’étais pas dans une période de lectures résolument contemporaines.
anne7500 a dit:
Crois-tu nécessaire de devoir t’ennuyer avec la Bovary ? 😉
nathaliesci a dit:
Au final, elle agace tout le monde cette Emma ! Comme toi, il n’y a guère que son père que j’ai trouvé sympathique… « Fouetter avec des figues molles ? » L’expression existe ou tu l’as inventée ? En tous cas, elle est drôle ! Merci pour cette participation au challenge classique.
anne7500 a dit:
J’ai un peu adapté l’expression. C’était laborieux mais bien intéressant, cette LC !
Fattorius a dit:
Bonjour et merci pour ce partage! Pour ma part, j’ai lâché… précisément aux environs de la page 200 de l’édition de poche. C’était il y a longtemps. A retenter donc, un jour peut-être…
anne7500 a dit:
Peut-être, peut-être… 😉
isabelle (une ribambelledhistoires) a dit:
Merci pour ta chronique qui m’a fait sourire, j’ai participé à cette lecture commune, je n’ai pas ta plume,mais mon ressenti est pratiquement le même que toi et les filles.
anne7500 a dit:
Ton billet est très bien ! Et les grands esprits se rencontrent… (c’est pour rire).
aifelle a dit:
Je l’ai lu jeune et comme toi j’ai voulu tenter une relecture plus récemment (cinq ans à peu près). Verdict : je me suis copieusement ennuyée les deux fois. En effet Emma on a surtout envie de lui filer des baffes, je n’ai pas ressenti la moindre empathie pour elle et son entourage pareil. Tu m’as bien fait rire avec ton billet.
anne7500 a dit:
L’ennui et l’irritation semblent bien partagés face à cette héroïne, sauf pour Athalie juste après ton commentaire.
Athalie a dit:
Comme toi, j’avais Stendhal, La chartreuse à lire en première, et j’ai aussi lâché rapidement, pour revenir à l’auteur avec le Rouge et le noir et je suis tombée amoureuse de Julien ( je crois que je le suis toujours un peu …). Ton portrait d’Emma m’a fait sourire, c’est tellement elle … Hors sol, la pauvre Emma, mais voilà, moi, c’est mon héroïne for ever ! Je l’aime dans sa course idiote et superficielle à l’amour avec le grand A.
anne7500 a dit:
Tu es beaucoup moins hermétique que moi aux héros du 19è siècle, et c’est tant mieux !
Tania a dit:
Je lis ton billet le lendemain de la Grande Librairie où il était question de morale en littérature, des jugements, de la censure d’œuvres ou d’auteurs, de la réécriture prônée par les partisans de la « culture de l’annulation » pour enlever tout ce qui n’est pas politiquement correct, c’était passionnant.
Quand je lis « Mme Bovary » de Flaubert ou « Une vie » de Maupassant – dont l’héroïne malheureuse n’a pas l’audace d’Emma qui ose tout contre l’ennui de sa vie avec Charles -, comme toi, je peux être agacée par des comportements, des personnages, mais le rôle de la littérature n’a jamais été de décrire des personnages sympathiques. Et c’est une autre époque.
Cela m’ennuie que cette anti-héroïne ennuie, que les finesses de la langue, les qualités de la description, bref, l’art de Flaubert ne touche plus.
Merci pour ton billet qui a le mérite de la franchise et me met plein de questions dans la tête, plus l’envie de relire ce roman.
anne7500 a dit:
Je suis désolée si je t’ai choquée, mais comme je l’annonce, je ne me sens absolument pas spécialiste, je ne suis qu’une petite prof de français (régente comme on disait du temps de mon diplôme) et je n’ai pas les armes pour analyser toutes les subtilités du style de Flaubert, que je ne rejette pas du tout. A vrai dire, même si je suis « obligée » de le faire en classe parfois, cela m’enquiquine d’analyser les oeuvres, de les triturer en tous sens pour en tirer le sens. Sur le blog, je ne donne en général que mon petit avis, mon ressenti.
Tania a dit:
Rien n’est « petit » ici, chère Anne, et je n’ai pas été choquée, mais surprise. Ton billet m’a donné envie de réagir, sans vouloir donner de leçon pour autant. Ce n’était pas une critique, mais pour moi aussi, comme tu l’écris, l’expression d’un ressenti.
Bon week-end !
An a dit:
Je l’ai lu en 5ème comme toi… et en garde un souvenir assez conforme à ce que tu décris ici. Je pense n’avoir jamais été autant énervée par un personnage! Juste une grosse envie de secouer Emma comme un prunier en espérant que cela lui remette un minimum les idées en place! Bref… merci pour cette relecture qui ravive des souvenirs en moi! 😊
anne7500 a dit:
Madame Bovary fait toujours réagir (et c’est bien !) 😉
dasola a dit:
Bonjour Anne, le personnage d’Emma est hautement crispant. Je trouve qu’elle ne mérite pas le mari qu’elle a. Elle aurait pu tomber plus mal. C’est une enfant gâtée qui mériterait des coups de pied au tralala. A part ça, le roman est bien. Bonne après-midi.
anne7500 a dit:
Coup de pied au tralala, j’adore, Dasola ! Nous sommes raccord sur le sujet 😉