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Quatrième de couverture :

Université de Princeton, 1980. Anna Roth, jeune documentaliste sans ambition, se voit confier la tâche de récupérer les archives de Kurt Gödel, le plus fascinant et hermétique mathématicien du xxesiècle.

Sa mission consiste à apprivoiser la veuve du grand homme, une mégère notoire qui semble exercer une vengeance tardive contre l’establishment en refusant de céder les documents d’une incommensurable valeur scientifique.

Dès la première rencontre, Adèle voit clair dans le jeu d’Anna. Contre toute attente, elle ne la rejette pas mais impose ses règles. La vieille femme sait qu’elle va bientôt mourir, et il lui reste une histoire à raconter, une histoire que personne n’a jamais voulu entendre. De la Vienne flamboyante des années 1930 au Princeton de l’après-guerre ; de l’Anschluss au maccarthysme ; de la fin de l’idéal positiviste à l’avènement de l’arme nucléaire, Anna découvre l’épopée d’une femme confrontée toute sa vie à une équation impossible entre le génie, l’amour et la folie.

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Voilà un roman que j’ai dévoré en quelques soirées, pas seulement parce que je devais boucler le premier cycle de lectures du Prix Première, mais aussi parce que l’histoire d’Adèle et Kurt Gödel, la rencontre d’Anna et Adèle m’ont passionnée, voilà, c’est dit !

Je pourrais m’amuser à filer la métaphore mathématique sur ce triangle romanesque très réussi, mais je n’ai pas grand goût pour les maths… Lors de mes études secondaires, j’en étais arrivée à ne plus avoir que le minimum de maths possible (quant à la physique, n’en parlons même pas…), j’étais (et suis toujours) plutôt littéraire ! Mais cela ne m’a pas vraiment gênée dans ma lecture : certaines explications me sont certes passées au-dessus de la tête mais elles ne m’ont pas semblé nécessaires à la compréhension du livre. D’ailleurs les maths cèdent la place à la philosophie, car à la fin de sa vie, Gödel s’est beaucoup intéressé à la phénoménologie de Husserl et… cela m’a paru tout aussi complexe que les considérations matheuses.

Ce premier roman est de facture plutôt classique, rien de neuf dans cette alternance entre la rencontre d’Anna et Adèle et le récit de ses souvenirs par Adèle. Mais cette « formule » d’écriture (ah ben tiens, je réussis à en placer quand même, des termes mathématiques), cette formule, donc, maintient l’intérêt, nous permet de respirer un peu après quelques exposés du grand homme ou quelques discussions scientifiques entre gens de bonne compagnie. Pour ma part, je ne connaissais que très vaguement le nom de Kurt Gödel, j’ai donc appris quelque chose (je n’en demande pas moins aux livres) et puis, quel plaisir de voir mis en scène dans la vie quotidienne Albert Einstein, Robert Oppenheimer et d’autres savants de Princeton : Einstein disait, paraît-il, « Je ne vais à mon bureau que pour avoir le privilège de rentrer à pied avec Kurt Gödel. » On le découvre ici entouré des femmes qui veillaient sur lui, ou dans l’intimité des Gödel, toujours préoccupé de science et d’éthique par rapport aux conséquences de ses découvertes. Si ces discussions scientifiques sont un peu longues parfois, elles n’ont pas entamé mon capital sympathie pour Adèle, mon « attrait-répulsion » pour Kurt Gödel et pour leur traversée du siècle, de Vienne à Princeton.

Etonnante, émouvante, cette rencontre entre une jeune femme pleine de vie et de réalisme qui a tout sacrifié à un jeune étudiant devenu un savant dont le génie l’a à la fois sauvé et empêché de vivre. Etonnant, émouvant comme les histoires d’Adèle et Anna se font écho. J’ai souvent eu envie de saisir celle-ci par les bretelles, de la secouer pour qu’elle se décide à vivre enfin. Elle a réussi à me surprendre jusqu’à la fin, très touchante.

Ce bon gros premier roman ne manque pas d’audace derrière sa couverture pleine d’humour !

« (Adèle parle à Einstein, qui lui répond) : – J’ai entendu une drôle d’histoire. Un automobiliste serait rentré contre un arbre parce qu’il était trop occupé à vous regarder !

– Seules deux choses sont infinies, Adèle. L’univers et la stupidité de l’homme. Et encore, je ne suis pas certain de l’infinité de l’univers ! » (p. 231)

Yannick GRANNEC, La Déesse des petites victoires, Editions Anne Carrière, 2012

L’avis de Keisha et celui, plus mitigé, d’Aifelle