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« Tout ce que l’on aime devient une fiction. La première des miennes fut le Japon. A l’âge de cinq ans, quand on m’en arracha, je commençai à me le raconter. Très vite, les lacunes de mon récit me gênèrent. Que pouvais-je dire du pays que j’avais cru connaître et qui, au fil des années, s’éloignait de mon corps et de ma tête ?
A aucun moment je n’ai décidé d’inventer. Cela s’est fait de soi-même. Il ne s’est jamais agi de glisser le faux dans le vrai, d’habiller le vrai des parures du faux. Ce que l’on a vécu laisse dans la poitrine une musique : c’est celle qu’on s’efforce d’entendre à travers le récit. Il s’agit d’écrire ce son avec les moyens du langage. Cela suppose des coupes et des approximations. On élague pour mettre à nu le trouble qui nous a gagnés. » (p. 7-8)
C’est ainsi que commence le dernier récit publié d’Amélie Nothomb, récit de son voyage au Japon du 27 mars au 6 avril 2012 avec une équipe de France 5 ; elle retourne au Japon à l’occasion de la parution en japonais de Métaphysique des tubes. Son voyage l’a menée principalement à Kobe et à Tokyo mais elle est également passée par Kyoto et Fukushima, commentant ainsi les traces et ravages des deux grands tremblements de terre qui ont secoué le Japon en 1995 et 2011. Elle va retrouver Nisio-san, la nourrice de sa petite enfance à Kobe, Rinri, un ancien fiancé (dont elle a raconté l’histoire dans Ni d’Eve ni d’Adam) et elle pourra évoquer aussi le souvenir de son stage dans les bureaux tokyoïtes de Stupeur et tremblements.
J’ai vu le reportage sur France 5 en septembre, et je me disais que ça vaudrait peut-être la peine de relire un livre d’Amélie Nothomb qui semblait intéressant. Mouais… Je ne sors vraiment pas convaincue de l’aventure.
La romancière au chapeau balade son lecteur de l’intime au général, d’émotions personnelles en drames collectifs. Ce faisant, elle change aussi de style de manière surprenante : quand elle raconte la préparation du voyage, les retrouvailles avec sa nourrice, le style est factuel, sec, les phrases courtes se succèdent et cassent l’émotion réelle qui a dû se vivre (et qui est bien perceptible dans la vidéo) ; par contre, quand elle décrit les différences de styles de vie entre Tokyo et Kyoto, quand elle évoque le paysage dévasté autour de la centrale de Fukushima et les ravages du tsunami sur l’environnement et les habitants, Amélie Nothomb utilise une richesse de phrasé, d’images qui génèrent une véritable émotion (en tout cas, c’est ce que j’ai ressenti) alors que ce qu’elle décrit là est quand même assez extérieur à elle. Il y a là une contradiction, un paradoxe émotionnel qui m’a gênée. Bien sûr, l’auteure nous prévient dès le début, en nous faisant comprendre que la véritable histoire est devenue fiction, mais cette magnifique première page est traitée de manière bien trop artificielle quand la romancière est profondément impliquée personnellement.
Quant à la fin du récit, elle rejoint – en pire à mon sens – certains moments d’analyse des sentiments et émotions ressentis par Amélie après les différentes rencontres et visites vécues pendant son séjour au Japon : une introspection verbeuse, absconse, une fois de plus artificielle. Me voilà donc à nouveau vaccinée contre Amélie Nothomb pour une bonne série d’années, je le crains…
Amélie NOTHOMB, La nostalgie heureuse, Albin Michel, 2013
Aifelle a dit:
Je suis nettement moins sévère que toi sur ce livre ; il est sans prétention, je l’oublie à toute vitesse, mais sur le coup je l’ai trouvé sympa et il éclaire le documentaire que j’avais vu.
anne7500 a dit:
Ce n’est pas antipathique, mais décevant… J’ai trouvé le documentaire beaucoup plus touchant que le récit.
Mina a dit:
J’ai repensé à cette différence de style que tu évoques. Peut-être en change-t-elle dans les parties plus personnelles en pensant mieux transmettre ses émotions en utilisant un phrasé moins « littéraire », plus « parlé » et haché ? Cela vient en contradiction avec la déclaration de la première page, mais explique peut-être ce recul qui t’a au contraire moins convaincue.
anne7500 a dit:
C’est cette contradiction qui me gêne en effet.
Sharon a dit:
Il vient d’arriver à ma bibli. J’attends qu’il soit disponible pour le lire.
anne7500 a dit:
Il te plaira sans doute plus qu’à moi.
jerome a dit:
J’ai lu une fois Nothomb et ça m’a suffit. Pas besoin de piqûre de rappel^^
anne7500 a dit:
J’ai essayé… mais je n’ai plus la foi 😉
Syl. a dit:
Bonjour Anne, Je l’ai terminé et je dois écrire ma chronique. Je n’ai pas lu ton billet et je reviendrai… A++
anne7500 a dit:
Es-tu plus positive que moi ?
Syl. a dit:
J’avais oublié le billet dans mes brouillons ! Oui, je suis plus positive… J’aime cette Amélie qu’elle nous dévoile.
anne7500 a dit:
Je n’ai pas été convaincue et je e suis empressée d’oublier…
alexmotamots a dit:
J’avais bien aimé ses premiers romans. Après, je l’ai lâchement abandonné.
anne7500 a dit:
Tout pareil que moi.
argali2 a dit:
Tu es dure Anne. Je suis restée sur ma faim, j’ai été déçue de la brièveté mais n’ayant pas vu l’émission dont elle parle, j’ai apprécié cette descente en nostalgie.
anne7500 a dit:
Mais oui, tu le sais bien, je suis sans pitié ! 😉 Comme je l’ai répondu à Aifelle, j’ai plus apprécié l’émission.
krolfranca a dit:
J’ai aimé ses premiers romans mais je l’ai abandonnée depuis longtemps déjà… donc, suite à ton billet, pas de piqûre de rappel, c’est sûr !
anne7500 a dit:
Je suis bien d’accord avec toi…
manika27 a dit:
oui ces dernières années je trouve qu’elle vit sur ces acquis ! merci pour cet avis je passerai donc mon tour !
anne7500 a dit:
Elle vit sur sa réputation aussi… et ça marche.
Gwenaëlle a dit:
Moi aussi, je suis vaccinée. Depuis Stupeur et tremblements, je crois. Ce qui fait un bail! 😉
anne7500 a dit:
Ca doit être à peu près au même moment pour moi. Dans mon souvenir, j’ai quand même apprécié Stupeur et tremblements.
denis a dit:
je suis réticent à son œuvre et tu me confortes dans mon intention de ne pas me précipiter sur ses livres
anne7500 a dit:
Ce n’est pas indispensable…
clara a dit:
Je le lirai à l’occasion…
anne7500 a dit:
S’il te tombe dans les mains par inadvertance… 😉
lesbavardagesdesophie a dit:
Je passe mon tour…
anne7500 a dit:
Tu peux !
anisdelitterama a dit:
En tout cas, elle déchaîne bien des passions, et il y a parfois même une certaine violence dans les commentaires qui sont faits sur elle. Cela fait longtemps que je ne l’ai pas lue. Elle a un très beau contact avec ses lecteurs en tout cas. Je continuerai à la lire occasionnellement. Je suis d’accord avec toi, la production est parfois inégale.
anne7500 a dit:
Je reconnais et j’admire son lien avec ses lecteurs. On dit beaucoup qu’elle a de l’humour aussi, et je crois qu’elle en a mis dans ce récit. Mais il est trop artificiel pour que je l’apprécie.
Nadael a dit:
J’ai vu également le reportage. J’avais ainsi presque envie de lire son dernier livre mais ton billet me refroidit…
anne7500 a dit:
Je ne suis pas l’avis le plus gentil, comme tu as pu le lire dans les commentaires, pourquoi ne pas le tester grâce à la bibliothèque, comme moi ?
valou a dit:
mouais je ne pense pas que je vais m’y remettre avec elle, je préfère l place à d’autres sur le haut de la PAL !
anne7500 a dit:
C’est sûr, il est dispensable…