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Quatrième de couverture :
C’est d’abord l’histoire d’une rencontre, que seule la littérature rend possible, entre un écrivain magnifique, Karen Blixen, et une petite fille de onze ans qui lit La Ferme africaine sous une tente. Le temps passant, la petite fille solitaire est devenue une jeune femme qui entreprend d’écrire la biographie de celle qui l’accompagne depuis toujours. Plus elle s’enfonce dans son récit et plus elle découvre que la Karen de ses rêves — celle qui étouffe dans les salons danois, embarque pour l’Afrique avec Bror, son mari, se consume d’amour pour Denys, puis revient, dix-sept ans plus tard, à la maison familiale de Rungstedlund, seule et brisée — la renvoie à sa propre existence et à ses aspirations enfouies.
Commence alors un long chemin intérieur, où le sentiment d’étrangeté au monde, les souvenirs douloureux et les désirs contenus sous les apparences d’une vie rangée sont autant de liens secrets qui réunissent les deux femmes. Karen et moi, ou comment se sauver par l’écriture.
J’ai envie de vous parler de ce livre mais je ne serai pas à la hauteur, je le crains. Je l’ai ouvert avec un sentiment de déception lié à ma lecture précédente (Pierrot de rien) et il m’a tout de suite happée, charmée, touchée… et je ne crois pas que ces sentiments soient à mettre uniquement sur le compte de la déception d’avant. Je me contenterai sans doute de quelques impressions fortes liées à cette lecture.
D’abord le bonheur de retrouver Karen Blixen et cette célèbre phrase « J’avais une ferme en Afrique, au pied des montagnes du Ngong… » Une phrase évidemment rendue célèbre par le film de Sidney Pollack, Out of Africa, et je l’avoue, ce n’était pas évident d’évacuer complètement les souvenirs de Meryl Streep et Robert Redford : même si Nathalie Skowronek ou plutôt sa narratrice ne peut pas ne pas y faire allusion, elle nous apprend bien plus que la belle histoire de Karen au Kenya, de son amour pour Denys Fynch-Hatton. Grâce à la correspondance de Karen BLixen, à ses visites sur les lieux où elle a vécu, au Danemark et en Afrique, cette narratrice (dont nous ne connaîtrons jamais le nom) nous conte l’enfance, l’adolescence, la personnalité hors-norme de la jeune Karen, marquée à tout jamais par les tourments de son père Wilhelm et toujours soutenue par sa mère Ingeborg.
Ensuite, le secret de ce Karen et moi, ce sont les liens, apparents ou plus secrets, entre la narratrice et Karen : originalité, difficulté à trouver sa place, secrets et douleurs familiaux, désir et apaisement liés à l’écriture, accompagnement inaltéré de la littérature… tant de choses qui relient ces deux personnalités complexes, écorchées, assoiffées d’amour. Et malgré la souffrance si forte qui ressort de l’histoire de la narratrice, malgré toutes les pertes subies par Karen, il y a, avec et envers le passé, une marche en avant, il y a une lumière au bout du tunnel. Pour être pleinement soi-même tout en vivant avec les douleurs à peine apprivoisées de sa propre histoire.
Et puis l’amour des livres, la littérature qui sauve, qui guérit, qui accompagne : le Buck de Jack London devient presque un troisième personnage qui cristallise les aspirations de Karen et de sa biographe improvisée.
Voilà quelques souvenirs forts de cette lecture, avec un sentiment de fluidité dans l’écriture, d’osmose naturelle entre la narratrice (dans quelle mesure Nathalie Skowronek puise-t-elle dans son histoire personnelle, je me le demande) et Karen Blixen qui est finalement encore plus proche de nous, lecteurs. C’était vraiment très fort et très touchant.
« J’ai raconté cette histoire des dizaines de fois à mes filles. Je leur dis les différentes couches qui nous composent et la nécessité, le moment, venu, de s’engager dans la voie qu’on a choisie. Une partie de moi aimerait rester comme Lullu, celle qui vient et qui repart, au gré de ses envies, de son besoin d’espace et de ses peurs de petite fille. L’autre a compris qu’elle ne pourra exister qu’à la condition d’affirmer son identité. C’est une lutte que je mène autant pour moi que pour soutenir le regard des autres. Elle me brise, mais que faire sinon trouver ma place, enfin me situer, même à la marge, même das la forêt. A moi d’y aller, je n’en peux plus de vouloir être partout, et donc nulle part. » (p. 90-91)
Nathalie SKOWRONEK, Karen et moi, Arléa, 2011
Le site de Nathalie Skowronek
Anne de Louvain-la-Neuve a dit:
J’en ai un souvenir si ému de Meryl Streep et de Robert Redford que j’en ai encore les larmes aux yeux. Ensuite, évidemment, j’ai lu Karen Blixen et La ferme africaine tout comme vous et ça donne envie de découvrir le livre dont vous parlez, bien sûr. Merci pour ce partage.
anne7500 a dit:
J’insiste, ce n’est pas Out of Africa. Je l’ai bien précisé dans le billet.
Anne de Louvain-la-Neuve a dit:
J’avais compris !
Marilyne a dit:
Aaah, quel beau billet, quel plaisir cette émotion à le lire. Tu le sais, » Karen et moi » est un livre précieux pour moi. Et tu en sauras un peu plus sur la part personnelle de Nathalie Skorownek pour ce récit en lisant » Max, en apparence » ( toujours le livre dans le livre… )
anne7500 a dit:
Connaissant un peu de quoi il est question dans Max, je me doute qu’il y a des liens. Malgré mon impatience, je vais le laisser un peu au chaud et savourer le souvenir de ce Karen et moi.
Mina a dit:
Pas à la hauteur vraiment ? Il me semble que tu transmets parfaitement tes émotions lors de cette lecture, et c’est encore une des plus belles façons de donner envie de lire, d’après moi. J’en suis en tout cas convaincue, tu viens encore appuyer cette envie. 😉
anne7500 a dit:
Je ne suis pas parfaitement convaincue mais si j’enfonce le clou pour que tu lises ce beau livre, tant mieux ! Ce qui était difficile à exprimer, ce sont toutes les résonances personnelles (vaut mieux les garder pour moi 😉 )
keisha41 a dit:
J’ai découvert que Nathalie Skorownek est belge, et j’ai bien envie de lire ce livre (un prochain mois belge?). Si, tu en parles bien…
anne7500 a dit:
Keisha, tu nous mets la pression 😉 Le prochain mois belge, ce ne sera pas avant 2016, tu sais… 😉
keisha41 a dit:
Je rentre d’un salon du livre, on a parlé de tarte au riz. Tu connais???
anne7500 a dit:
Oui, la tarte au riz, c’est aussi du nord de la France, non ? J’avoue, un peu trop étouffe-chrétien à mon goût…
Aifelle1 a dit:
J’ai déjà noté ce livre ; comme tout le monde j’ai d’abord vu le film avec Robert Redford et Meryl Streep, puis j’ai lu « la ferme africaine ». Sacré personnage cette Karen ..
anne7500 a dit:
C’est un point de vue tout à fait différent pour aborder la vie de Karen Blixen et on y apprend encore des choses !
Nadael a dit:
Je garde un très bon souvenir de ce livre… tiens, tu me donnes envie de le relire!
anne7500 a dit:
J’en connais plusieurs qui ont envie de le relire 😉
Litterama (Les femmes en littérature) a dit:
Il y a beaucoup de livres qui sortent en ce moment sur Karen Blixen, soit en biographie, soit en personnage romanesque. C’est tout à fait étrange. je ne sais pas à quoi cela est dû.
anne7500 a dit:
Celui-ci date de 2011 😉
kathel2 a dit:
Tu le dis très bien : osmose naturelle entre la narratrice et Karen Blixen. Ce genre de démarche peut paraître artificielle, elle en est fort loin ici.
anne7500 a dit:
Exactement ! C’est certain que ce n’est pas une posture littéraire.
Laeti a dit:
Quel roman! j’ai adoré, l’histoire dans l’histoire, le jeu des miroirs, l’influence d’un écrivain sur son lecteur et toute la partie biographie de Karen Blixen. ça m’a donné envie de lire La ferme africaine et d’autres biographies! Cette grande dame et Nathalie Skowronek m’ont charmée…
anne7500 a dit:
J’ai lu La ferme africane après avoir vu le fameux film de Sidney Pollack mais je le relirais bien !
Une ribambelle a dit:
J’ai très envie de le lire ; enfin tu m’as donné envie de le lire.
anne7500 a dit:
Comme d’hab : bonne découverte !
somaja1 a dit:
Un billet plein d’émotions et bien tentant. Encore une Belge que je ne connais pas. Mais vous êtes combien là-haut ??? 😉
anne7500 a dit:
Nous sommes 10 millions et nous avons du talent ! 😉
somaja1 a dit:
🙂
Enna a dit:
De fil en aiguille… Ton commentaire sur La carte postale m’a fait aller sur ton billet sur Max en apparence, qui ensuite m’amène ici ! Et ce titre est à la médiathèque donc je pense que je le lirai pour le mois Belge ! (D’autant que j’ai adoré la bande dessinée « La lionne » de Anne Caroline Pandolfo et Terkel Risjberg !)
anne7500 a dit:
J’ai adoré ce livre ! Et tu verras, Nathalie Skowronek parle de son propre mal être à cause des non-dits autour de la déportation de membres de sa famille. Je me demande si ce n’est pas plutôt celui-ci qui me fait penser à La carte postale 😉