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Qu’est-ce que je fais ici ?
J’appelle.
J’appelle.
J’appelle.
Je ne sais qui j’appelle.
Qui j’appelle ne sait pas.
J’appelle quelqu’un de faible,
quelqu’un de brisé,
quelqu’un de fier que rien n’a pu briser.
J’appelle.
J’appelle quelqu’un de là-bas,
quelqu’un au loin perdu,
quelqu’un d’un autre monde.
(C’était donc tout mensonge, ma solidité ?)
J’appelle.
Devant cet instrument si clair,
ce n’est pas comme ce serait avec ma voix sourde.
Devant cet instrument chantant qui ne me juge pas,
qui ne m’observe pas,
perdant toute honte, j’appelle,
j’appelle,
j’appelle du fond de la tombe de mon enfance
qui boude et se contracte encore,
du fond de mon désert présent,
j’appelle,
j’appelle.
L’appel m’étonne moi-même.
Quoique ce soit tard, j’appelle.
Pour crever mon plafond sans doute surtout
j’appelle.
Henri MICHAUX (1899-1984), Passages,L’Imaginaire, Gallimard, 1998
Poème trouvé chez Schabrières
Tania a dit:
Je ne connaissais pas ce poème de Michaux, merci & bon dimanche.
anne7500 a dit:
Il y a toujours à découvrir… Bonne fin de dimanche !
krolfranca a dit:
Ca me parle… c’est étrange la poésie, on ne sait pourquoi on ressent (ou pas) la profondeur de certains textes.
anne7500 a dit:
Il faut dire que Michaux est assez percutant.
aifelle a dit:
Je suis loin d’avoir lu tout Michaux, mais en général j’aime tout ce qu’il fait.
anne7500 a dit:
Il sait être tantôt doux tantôt percutant.