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Présentation de l’éditeur :

Une jeune femme tombe enceinte. Un homme s’enfuit. Et une petite fille reste aux prises avec une énigme. À la manière du dessin caché qui apparaît dans les cahiers de jeux des enfants quand on relie entre eux les points numérotés, Martine Delvaux s’applique à réunir dans Blanc dehors le peu qu’elle sait de l’inconnu qui a refusé de devenir son père. Un roman aussi résolu qu’apaisé, où la romancière parvient à rendre lisible à nouveau une histoire pourtant criblée de blancs.

Il est impossible de lire ce livre d’un seul souffle, même s’il ne compte pas 200 pages, tant la douleur y contenue, que l’écriture parvient tout juste à exprimer, à contenir, y est grande. Même s’il est étiqueté « roman », on comprend que Martine Delvaux explore sa propre vie et tente de mettre des mots sur le silence qui a recouvert ses origines, le père inconnu, disparu, la mère enceinte et fille-mère à vingt ans en 1968, à une époque où ces femmes étaient loin d’être reconnues et aidées, l’enfant « bâtarde » marquée au fer rouge et l’impossibilité quasi générale d’obtenir des informations auprès de ses proches. Les grands-parents restent accrochés à leurs certitudes bourgeoises des années 60. C’est comme un linceul de neige qui a tout recouvert et dont émergent, çà et là, des bribes fragiles qu’il faut tenter de relier entre elles. Depuis toujours, le corps mal reconnu de la narratrice souffre du trop-plein de douleur, de non-dit, et le lecteur souffre avec elle, d’autant qu’elle élargit sa propre quête aux 150 000 enfants autochtones arrachés à leurs familles et placés en orphelinats pour « sortir l’indien de l’enfant », aux enfants des disparus argentins élevés par des collaborateurs de la dictature et même à Marilyn Monroe à qui on a aussi menti sur ses origines paternelles.

L’écriture au présent nous place au plus vif du récit, au vif de la douleur et peut à peine permettre à la narratrice (à l’autrice) de pouvoir enfin avancer dans la vie, e se libérer de ce poids, convaincue qu’elle est de trahir même le silence. Malgré le malaise bien réel à cette lecture (et je ne donne pas sens péjoratif à ce mot), je serai curieuse de découvrir d’autres textes de Martine Delvaux, notamment un de ses essais féministes.

« Ce que ma mère a vécu, je ne me suis jamais permis de l’imaginer. Ca m’est tout aussi inaccessible que ce que j’ai moi-même pu ressentir en tant que petit bébé et qui parfois peut-être se réactive malgré moi, la peur de disparaître, d’être oubliée pour de bon.

Ou bien je n’ai jamais su trouver les mots, ou bien j’ai manqué de courage pour le dire parce que dire certaines choses, c’est leur donner le pouvoir d’exister. Très vite, j’ai compris que briser le silence, ce serait trahir, et que même l’écriture ne m’évitait pas de trahir, parce que l’écriture, c’est encore pire. » (p. 74)

« Ce n’est pas un récit sur ma mère. Ce n’est pas non lus un récit sur mon père. C’est un récit qui parle de l’absence de récit. » (p150)

« J’écris parce qu’il n’y a rien d’autre à faire, parce que quand on n’a pas d’histoire la seule chose qui reste c’est d’en inventer une, à la manière des enfants qui tout à coup se mettent à douter et s’imaginent des origines fabuleuses et des parents célèbres. Je ne sais pas pourquoi j’écris sinon pour mettre à la place de rien des mots qui eux aussi ne sont rien, mais qui ont l’avantage de meubler la place laissée vide. » (p180)

Martine DELVAUX, Blanc dehors, Héliotrope, 2015

Québec en novembre se déroule pour la dixième et dernière fois avec Karine et Yueyin.

Héliotrope fête ses quinze ans cette année.

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